C'est de la sorte que débute la lettre ouverte adressée par le collectif Aïtone 2013 aux élus de l'assemblée de Corse. "Le 19 septembre dernier, l’entreprise de travaux publics AITONE TP, était victime d’un incendie criminel : trois engins de chantier étaient brûlés dans la cour du hangar, avec pour seuls témoins des caméras que l’entrepreneur, Jean-Jacques Ceccaldi avait lui-même dû faire installer"
"Si Jean-Jacques Ceccaldi a eu recours à ce système de surveillance, c’est que, depuis bientôt deux ans, il est en butte à des menaces de mort et à des tentatives d’extorsion de fonds auxquelles il n’a pas voulu obtempérer.
L’affaire a commencé en 2011, par l’incendie criminel des engins de chantier appartenant à une entreprise sous-traitante, sur un chantier de travaux publics dont l’entreprise AITONE TP avait obtenu la maîtrise d’ouvrage.
Cet attentat était suivi d’une demande de fonds à hauteur de 50 000 euros directement adressée à Jean-Jacques Ceccaldi par téléphone accompagnée de l’injonction de ne plus faire travailler de portugais.
Plainte était déposée pour ces faits.
Quelques jours à peine après le dépôt de cette plainte Jean-Jacques Ceccaldi `I était directement appelé sur son téléphone portable : une voix anonyme l’informait "que puisqu’il avait déposé plainte ce serait désormais pour lui comme pour les portugais" !
Ces menaces furent effectivement mises à exécution : coups de téléphone anonymes, menaces de mort, tentatives de plasticage en 2012 d’un engin, demande ensuite à nouveau de 100 000 euros de fonds, le tout subi pendant de longs mois dans l’isolement et le silence, la plus grande discrétion lui ayant été demandée afin de ne pas gêner l’enquête et les enquêteurs.
….jusqu’à cette nuit du 9 mars, où son hangar et tout le matériel qu’il contenait, furent complètement détruits !
Depuis le début de cette affaire, Jean-Jacques Ceccaldi et son épouse, qui assure la partie administrative de l’entreprise, ont fait le choix de la légalité et de la Justice.
Rien n’y a fait puisque les malfaiteurs sont arrivés à leurs fins, détruisant ainsi le 9 mars dernier toute une vie de travail !
Ils ont alors rompu leur silence et crié leur indignation et leur colère devant un système jusque là demeuré impuni et destiné à les réduire à l’impuissance.
Un collectif, sous le nom d’AITONE 2013, saluant leur courage et leur volonté de vouloir reconstruire malgré tout, s’est constitué, mais malgré les soutiens manifestés publiquement et la dénonciation du système d’oppression économique et individuelle qui gangrène la Corse jusqu’au plus petit village de l’intérieur, les malfaiteurs continuent d’agir en toute impunité sous le nez et à la barbe des enquêteurs !
Cette affaire est symptomatique d’une Corse qui se meurt, d’une Corse qui disparaît, celle où les valeurs positives du travail, du courage et de la solidarité, étaient la règle, surtout en milieu rural. Une Corse à identité suffisamment forte pour se rebeller contre toute injustice ou toute oppression, pour défendre la Liberté, à commencer par celle de tout homme de vivre et de travailler chez lui.
Aujourd’hui, à quoi bon lutter contre le désert rural et défendre la terre, si l’homme qui en fait le sel a disparu ? A quoi bon parler la langue, si ceux qui la pratiquent ne véhiculent pas les valeurs morales qui la transcendent ?
« Core in fronte è strada diritta, o ghjuventù ! » s’exclamait PAOLI en s’adressant à la jeunesse Corse.
Ùn ci hè piu, oramai, nè core nè fronte, ancu menu strada diritta !
Aurons-nous encore en nous la capacité de nous indigner, de nous rebeller contre l’oppression, même si l’oppresseur, comme ici, est surtout intérieur ?
Aurons-nous la dignité de nous dresser contre cette intolérable injustice, qui oblige ceux qui vivent de leur travail, au paiement de la dîme et au silence ?
Aurons- nous encore le courage de dénoncer haut et fort des pratiques qui gangrènent le lien social, et s’érigent en système, dans une économie exsangue, où les travaux publics deviennent source d’enjeu, et les procédures d’appel d’offres, le terrain d’une guerre larvée, qui justifie les pires moyens pour éliminer la concurrence ?
Peut on rester insensible devant cette escalade programmée, alors qu’ une entreprise corse lutte pour sa survie, qu’ un homme et sa famille vivent dans une angoisse permanente, dans un canton où la suspicion délite un peu plus chaque jour le lien social!
Que doit-on faire quand on est un honnête citoyen et que l’on se refuse de se soumettre à "la loi de la jungle" ? Quel recours individuel a - t’on lorsque le non droit prime la Loi, et que l’on est condamné à l’impuissance ?
Il semble plus facile en Corse d’user des services de l’Etat pour surveiller les propriétés privée de quelques notabilités bien en cour, que d’assurer la protection d’un petit entrepreneur menacé de mort.
Le deuxième attentat, survenu dans la nuit du 19 septembre, a marqué la détermination implacable de ceux qui veulent enterrer la Corse, celle que nous aimons et voulons continuer à défendre, dans un silence mortifère.
L’Etat, après avoir dénoncé l’omerta et fustigé le recours à la vendetta, invoquera certainement l’insuffisance de moyens et la difficulté des enquêtes en milieu rural : « on ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque arbre ».
Or il est seul garant de notre sécurité. Et si l’Etat n’est pas protecteur de nos Droits et Libertés Fondamentales, c’est qu’il faillit une fois de plus ici, à une de ses missions essentielles !
En bon donneur de leçons, on nous renverra encore à nous-mêmes, nous jetant, ainsi, par défaut de justice, dans les bras tentateurs de l’auto défense, pour mieux nous condamner ensuite.
Un cycle pervers et une logique qui, depuis des décennies, ne se démentent ni ne se remettent en cause, et qui continuent ainsi à alimenter le mal en le laissant impuni.
Mais, il faut à un moment s’interroger : à qui profite le Crime ? Et que fait- on pour engager notre Ile sur la voie d’un véritable redressement, celui avant tout des consciences ?
Le domaine de prédilection de ces pratiques, souvent tues et parfois malheureusement mortelles, est le domaine des marchés de travaux publics, et au cœur de ces marchés et de leur attribution, l’élu lui-même devient une cible potentielle.
La condamnation claire par ceux qui nous représentent, de ces comportements crapuleux, qui polluent notre société et portent atteinte à la démocratie, et l’isolement de ceux qui les perpétuent, pourront seuls inverser la donne, et faire changer la peur de camp.
Jean-Jacques Ceccaldi et son épouse ont voulu eux même donner l’exemple de ce redressement, retroussant les manches pour reconstruire, et ainsi, montrer qu’ils avaient choisi le camp de la Vie et de la Dignité dans le Travail.
Ils ont reconstruit leur hangar, racheté et emprunté du matériel, voulu montrer que leur entreprise serait opérationnelle dès la saison hivernale.
Mais en dehors du courant de sympathie qu’ils ont suscité et du soutien des amis regroupés en collectif, et malgré la gravité des faits et leur répétition, aucune surveillance ou protection n’a été mise en place ni même proposée.
Seuls, ils ont dû faire face à la nécessité de se défendre, en s’équipant d’un nouveau système de vidéo surveillance pour tenter d’empêcher un renouvellement des faits pourtant prévisible.
Cette volonté de redressement et leur courage ne pouvaient être tolérés par ceux qui veulent les anéantir.
Et c’est ainsi que, dans la nuit du 19 au 20 septembre, date anniversaire de la Libération de la Corse, un nouvel incendie détruisait une pelle et la déneigeuse volontairement prêtée par un entrepreneur solidaire pour affronter les rigueurs de l’hiver à venir.
Une fois de plus tout était mis en œuvre pour empêcher l’entreprise d’honorer son marché, sans crainte de pénaliser ainsi toute l’activité d’une micro-région.
Sur le territoire d’une Corse hier libérée par le courage et le sacrifice d’hommes valeureux, faut-il laisser prospérer les sombres canailles et malfaiteurs associés qui ne visent qu’à opprimer l’autre pour satisfaire leurs intérêts personnels ?
Pour ce genre de crapules, le silence des élites vaut caution."
Nous vous remercions de votre attention.
Jean-Claude Acquaviva, compositeur, Marie – José Bellagamba, avocat, Dominique Bianconi, enseignante, membre du Svegliu Calvese, Jean-Baptiste Calendini, universitaire, Thierry Casanova, directeur du CER, Bianca Fazi, médecin, Marcel Torracinta, directeur général d’établissements médico-sociaux, Jean-Pierre Orliac, enseignant , Antoine Versini, agriculteur.