Agnès Simonpietri, conseillère exécutive et présidente de l’Office de l’environnement.
- Aujourd’hui, la Corse croule sous les déchets. Quel est le point de la situation ?
- En tant qu’Exécutif de l’Assemblée de Corse, bien que nous n’ayons pas la compétence sur les problèmes de traitement des déchets qui relève du Syvadec, nous avons essayé de remettre de la confiance partout où il n’y en avait plus. Il y a eu tellement de malentendus, tellement de disfonctionnements dans les centres d’enfouissement, tellement de nuisances que plus personne ne peut ni discuter, ni se parler. Nous avons écouté tout le monde, que ce soit les collectifs des riverains qui entourent les centres d’enfouissement, les comités de suivi et les collectivités locales, afin de trouver une solution. Ce n’est pas directement de notre ressort, mais nous avons mesuré l’exaspération de nos concitoyens. Nous ne pouvons pas rester indifférents à ce problème tel qu’il se présente aujourd’hui et qui est majeur.
- Comment la gestion des déchets a-t-elle pu aboutir à une telle impasse ?
- Elle a abouti à une telle impasse parce que l’Assemblée de Corse, par le biais de l’Office de l’environnement, ne s’est pas emparée de cette compétence. Ce sont les collectivités locales qui ont la compétence de la collecte, le Syvadec a la compétence du traitement. Mais, la collecte du tout venant, telle que nous la connaissons aujourd’hui, et la collecte sélective, avec les points d’apports volontaires, forment un système qui ne fonctionne pas bien. Les containers de tri pour le verre, le papier et les emballages sont parfois situés très loin des habitations, ils sont plus ou moins ramassés. Ce système limite les structures et ne permet pas d’aller au-delà de 20% de tri sélectif. Surtout, le vrai problème a été oublié, celui des bio-déchets qui fermentent dans les décharges et que l’on peut transformer en terreau et en compost, mais qui pourrissent et deviennent même, au contact du métal et d’autres emballages, très nocifs.
- Que se passe-t-il au niveau des sites d’enfouissement ?
- Deux sites, Prunelli et Vighjaneddu, sont ouverts, mais fonctionnent un peu au ralenti dans la mesure où ils limitent le tonnage entrant. La Corse produit 500 tonnes de déchets par jour. Les deux sites en absorbent environ 150 tonnes chacun, il reste 200 tonnes qui s’accumulent au fil des jours. Vico reste toujours fermé. Nous avons fait une proposition de sortie de crise aux parties en présence : aussi bien aux 33 communes, au Syvadec qui est propriétaire du site, qu’au Collectif des riverains. Nous discutons sur cette base.
- Comprenez-vous le blocage de Vico ?
- Nous comprenons très bien la colère des riverains qui ne veulent plus assumer le rôle de poubelles des villes, ce qu’ils sont malheureusement actuellement. A certaines époques, certaines villes, comme Ajaccio, avaient leur propre décharge. Les riverains des centres actuels ont des exigences. Ils n’acceptent que des déchets inertes et ne veulent plus de déchets fermentescibles qui pourrissent et sentent horriblement mauvais, des déchets que l’on peut recycler par ailleurs ! Ce qui est tout à fait compréhensible.
- Qu’avez-vous proposé pour débloquer le site ?
- Nous avons proposé de rouvrir Vico, d’utiliser le casier actuel qui a une capacité d’environ 25 000 tonnes et d’établir un moratoire sur la réalisation d’un nouveau casier dont les riverains ne veulent absolument pas. Ils estiment, et c’est une position que nous défendons depuis très longtemps, que l’on ne peut plus continuer à enfouir en vrac, que l’on ne peut plus éternellement faire du tout transport et du tout enfouissement. Il est absurde d’enfouir des déchets que l’on peut recycler et traiter en amont. 80% des déchets de nos poubelles peuvent être recyclés, il faut absolument le faire au plus près des gisements à la source. Ces déchets n’ont rien à faire dans les centres d’enfouissement ! Il faut très vite, à court terme, écarter de l’enfouissement tous les déchets qui peuvent être valorisés.
- Quand le Collectif de Vico doit-il donner sa réponse ?
- Nous lançons un appel à la raison pour qu’il donne sa réponse dans les meilleurs délais. Le site de Vico est sous le coup d’une réquisition qui devait être faite par le Préfet. Le président du Syvadec a demandé la réouverture du site par la force. Nous pensons que le recours à la force serait préjudiciable à tout le monde, nous essayons, donc, de dénouer cette crise, mais il faut en sortir. Chacun doit prendre ses responsabilités.
- Vous présentez dans 15 jours votre feuille de route complète pour une nouvelle politique de tri. Combien de temps faudra-t-il pour la mettre en place ?
- Elle peut être mise en place dans un délai de deux ans. Le mode de collecte des déchets doit changer radicalement. Au lieu d’attendre que les gens apportent leurs déchets à un endroit, il faut prévoir les poubelles de tri au pied des habitations et venir les ramasser au porte-à-porte, comme cela personne n’aura plus d’excuses pour ne pas trier. L’habitant paiera en fonction de la quantité des déchets qu’il produit, exactement comme il paye l’eau en fonction de la quantité qu’il consomme. Il faut instaurer une incitation fiscale conséquente. Plus on trie, moins on paie !
- Il y a urgence. Que peut-on faire tout de suite ?
- On peut commencer tout de suite à trier ! A l’Office de l’environnement, nous sommes en train de mettre en place une cellule d’ingénieurs qui proposera des solutions clés en mains aux collectivités locales. Leur dire, par exemple, quel type de containers et de poubelles choisir, quel type de sacs à distribuer à la population pour trier les déchets. Le but est de faciliter le geste de tri. Ce mode d’emploi, aujourd’hui, manque. Nous voulons trouver le meilleur système de collecte possible, le plus rationnel et le plus facile à installer, et l’harmoniser à l’échelle de la Corse, même s’il peut être un peu différent dans les villes anciennes, dans les lotissements ou dans les villages. Ces solutions peuvent se mettre en place très vite.
- Cette solution implique-t-elle la multiplication des petites décharges près des sites de production ?
- Pas forcément ! Ce sont les unités de traitement, c’est-à-dire de compostage et de recyclage, qui doivent être au plus près des sites. Si nous parvenons à supprimer de nos poubelles au moins 60% de déchets valorisables, il en restera peu. Ces déchets inertes sont peu dangereux et peuvent être enfouis sans difficulté. On prolongera, ainsi, la durée de vie des centres d’enfouissement existants.
- Des voix, comme celles du Front National, s’élèvent pour réclamer un incinérateur. Est-ce une solution envisageable à l’heure actuelle ?
- C’est, quand même, extraordinaire qu’on oublie de dire que l’incinération génère, en bout de course, 30% à 40% de déchets de combustion très toxiques ! Brûler du plastique émet des dioxines. Les déchets restants sont envoyés dans les décharges, on retourne, donc, à la case départ ! De plus, faire fonctionner un incinérateur exige un tonnage minimum, ce qui signifie qu’il n’y aura qu’un seul incinérateur pour toute la Corse et qu’il faudra transporter les déchets. Ce qui coûte cher et est totalement inutile ! Les déchets doivent être traités au plus près du lieu où ils sont produits. D’un point de vue économique, un incinérateur suppose des investissements colossaux, le retour sur investissements est très avantageux pour les opérateurs, mais certainement pas pour les contribuables ! Enfin, la pollution de l’air est très importante. Il n’y a pas de baguette magique pour éliminer les déchets, ce mot d’ailleurs n’existe pas ! On peut traiter des déchets, les valoriser, mais pas les éliminer selon le principe bien connu que « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».
- La gestion des déchets par le Syvadec est très critiquée par nombre de collectivités locales. Envisagez-vous de récupérer cette compétence à la CTC ?
- Nous sommes très pragmatiques. Actuellement, le Syvadec existe. S’il a des problèmes de gouvernance interne, ceux-ci doivent être réglés en son sein. Si les élus, qui lui ont transféré la compétence déchets, ne sont pas satisfaits de la manière dont il fonctionne, c’est à eux de régler cette question en interne. Nous travaillons avec tous les partenaires existants et donc, pour l’instant, avec le Syvadec. Il y a une urgence à gérer, nous devons la gérer avec les outils dont nous disposons.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- En tant qu’Exécutif de l’Assemblée de Corse, bien que nous n’ayons pas la compétence sur les problèmes de traitement des déchets qui relève du Syvadec, nous avons essayé de remettre de la confiance partout où il n’y en avait plus. Il y a eu tellement de malentendus, tellement de disfonctionnements dans les centres d’enfouissement, tellement de nuisances que plus personne ne peut ni discuter, ni se parler. Nous avons écouté tout le monde, que ce soit les collectifs des riverains qui entourent les centres d’enfouissement, les comités de suivi et les collectivités locales, afin de trouver une solution. Ce n’est pas directement de notre ressort, mais nous avons mesuré l’exaspération de nos concitoyens. Nous ne pouvons pas rester indifférents à ce problème tel qu’il se présente aujourd’hui et qui est majeur.
- Comment la gestion des déchets a-t-elle pu aboutir à une telle impasse ?
- Elle a abouti à une telle impasse parce que l’Assemblée de Corse, par le biais de l’Office de l’environnement, ne s’est pas emparée de cette compétence. Ce sont les collectivités locales qui ont la compétence de la collecte, le Syvadec a la compétence du traitement. Mais, la collecte du tout venant, telle que nous la connaissons aujourd’hui, et la collecte sélective, avec les points d’apports volontaires, forment un système qui ne fonctionne pas bien. Les containers de tri pour le verre, le papier et les emballages sont parfois situés très loin des habitations, ils sont plus ou moins ramassés. Ce système limite les structures et ne permet pas d’aller au-delà de 20% de tri sélectif. Surtout, le vrai problème a été oublié, celui des bio-déchets qui fermentent dans les décharges et que l’on peut transformer en terreau et en compost, mais qui pourrissent et deviennent même, au contact du métal et d’autres emballages, très nocifs.
- Que se passe-t-il au niveau des sites d’enfouissement ?
- Deux sites, Prunelli et Vighjaneddu, sont ouverts, mais fonctionnent un peu au ralenti dans la mesure où ils limitent le tonnage entrant. La Corse produit 500 tonnes de déchets par jour. Les deux sites en absorbent environ 150 tonnes chacun, il reste 200 tonnes qui s’accumulent au fil des jours. Vico reste toujours fermé. Nous avons fait une proposition de sortie de crise aux parties en présence : aussi bien aux 33 communes, au Syvadec qui est propriétaire du site, qu’au Collectif des riverains. Nous discutons sur cette base.
- Comprenez-vous le blocage de Vico ?
- Nous comprenons très bien la colère des riverains qui ne veulent plus assumer le rôle de poubelles des villes, ce qu’ils sont malheureusement actuellement. A certaines époques, certaines villes, comme Ajaccio, avaient leur propre décharge. Les riverains des centres actuels ont des exigences. Ils n’acceptent que des déchets inertes et ne veulent plus de déchets fermentescibles qui pourrissent et sentent horriblement mauvais, des déchets que l’on peut recycler par ailleurs ! Ce qui est tout à fait compréhensible.
- Qu’avez-vous proposé pour débloquer le site ?
- Nous avons proposé de rouvrir Vico, d’utiliser le casier actuel qui a une capacité d’environ 25 000 tonnes et d’établir un moratoire sur la réalisation d’un nouveau casier dont les riverains ne veulent absolument pas. Ils estiment, et c’est une position que nous défendons depuis très longtemps, que l’on ne peut plus continuer à enfouir en vrac, que l’on ne peut plus éternellement faire du tout transport et du tout enfouissement. Il est absurde d’enfouir des déchets que l’on peut recycler et traiter en amont. 80% des déchets de nos poubelles peuvent être recyclés, il faut absolument le faire au plus près des gisements à la source. Ces déchets n’ont rien à faire dans les centres d’enfouissement ! Il faut très vite, à court terme, écarter de l’enfouissement tous les déchets qui peuvent être valorisés.
- Quand le Collectif de Vico doit-il donner sa réponse ?
- Nous lançons un appel à la raison pour qu’il donne sa réponse dans les meilleurs délais. Le site de Vico est sous le coup d’une réquisition qui devait être faite par le Préfet. Le président du Syvadec a demandé la réouverture du site par la force. Nous pensons que le recours à la force serait préjudiciable à tout le monde, nous essayons, donc, de dénouer cette crise, mais il faut en sortir. Chacun doit prendre ses responsabilités.
- Vous présentez dans 15 jours votre feuille de route complète pour une nouvelle politique de tri. Combien de temps faudra-t-il pour la mettre en place ?
- Elle peut être mise en place dans un délai de deux ans. Le mode de collecte des déchets doit changer radicalement. Au lieu d’attendre que les gens apportent leurs déchets à un endroit, il faut prévoir les poubelles de tri au pied des habitations et venir les ramasser au porte-à-porte, comme cela personne n’aura plus d’excuses pour ne pas trier. L’habitant paiera en fonction de la quantité des déchets qu’il produit, exactement comme il paye l’eau en fonction de la quantité qu’il consomme. Il faut instaurer une incitation fiscale conséquente. Plus on trie, moins on paie !
- Il y a urgence. Que peut-on faire tout de suite ?
- On peut commencer tout de suite à trier ! A l’Office de l’environnement, nous sommes en train de mettre en place une cellule d’ingénieurs qui proposera des solutions clés en mains aux collectivités locales. Leur dire, par exemple, quel type de containers et de poubelles choisir, quel type de sacs à distribuer à la population pour trier les déchets. Le but est de faciliter le geste de tri. Ce mode d’emploi, aujourd’hui, manque. Nous voulons trouver le meilleur système de collecte possible, le plus rationnel et le plus facile à installer, et l’harmoniser à l’échelle de la Corse, même s’il peut être un peu différent dans les villes anciennes, dans les lotissements ou dans les villages. Ces solutions peuvent se mettre en place très vite.
- Cette solution implique-t-elle la multiplication des petites décharges près des sites de production ?
- Pas forcément ! Ce sont les unités de traitement, c’est-à-dire de compostage et de recyclage, qui doivent être au plus près des sites. Si nous parvenons à supprimer de nos poubelles au moins 60% de déchets valorisables, il en restera peu. Ces déchets inertes sont peu dangereux et peuvent être enfouis sans difficulté. On prolongera, ainsi, la durée de vie des centres d’enfouissement existants.
- Des voix, comme celles du Front National, s’élèvent pour réclamer un incinérateur. Est-ce une solution envisageable à l’heure actuelle ?
- C’est, quand même, extraordinaire qu’on oublie de dire que l’incinération génère, en bout de course, 30% à 40% de déchets de combustion très toxiques ! Brûler du plastique émet des dioxines. Les déchets restants sont envoyés dans les décharges, on retourne, donc, à la case départ ! De plus, faire fonctionner un incinérateur exige un tonnage minimum, ce qui signifie qu’il n’y aura qu’un seul incinérateur pour toute la Corse et qu’il faudra transporter les déchets. Ce qui coûte cher et est totalement inutile ! Les déchets doivent être traités au plus près du lieu où ils sont produits. D’un point de vue économique, un incinérateur suppose des investissements colossaux, le retour sur investissements est très avantageux pour les opérateurs, mais certainement pas pour les contribuables ! Enfin, la pollution de l’air est très importante. Il n’y a pas de baguette magique pour éliminer les déchets, ce mot d’ailleurs n’existe pas ! On peut traiter des déchets, les valoriser, mais pas les éliminer selon le principe bien connu que « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».
- La gestion des déchets par le Syvadec est très critiquée par nombre de collectivités locales. Envisagez-vous de récupérer cette compétence à la CTC ?
- Nous sommes très pragmatiques. Actuellement, le Syvadec existe. S’il a des problèmes de gouvernance interne, ceux-ci doivent être réglés en son sein. Si les élus, qui lui ont transféré la compétence déchets, ne sont pas satisfaits de la manière dont il fonctionne, c’est à eux de régler cette question en interne. Nous travaillons avec tous les partenaires existants et donc, pour l’instant, avec le Syvadec. Il y a une urgence à gérer, nous devons la gérer avec les outils dont nous disposons.
Propos recueillis par Nicole MARI.