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En Corse, 52 médecins sautent le pas du déconventionnement


MV le Samedi 4 Mai 2024 à 19:54

C'est une action coup de poing que 52 médecins corses ont mené ce samedi 4 mai. En postant leur lettre de d'intention de déconventionnement à partir d'octobre, ces praticiens ont adressé à l'Assurance maladie une dernière mise en garde pour que la spécificité "île montagne" de la Corse soit reconnue dans la convention médicale



33 praticiens du grand Bastia devant La Poste centrale en attende de poster leur lettre de déconventionnement
33 praticiens du grand Bastia devant La Poste centrale en attende de poster leur lettre de déconventionnement
Ils sont prêts à franchir le pas du déconventionnement et ont tenu à le faire savoir. A l'appel du collectif ML Corsica, 33 médecins libéraux de Bastia et 19 de Porto-Vecchio, soit la moitié des praticiens en activité régulière dans les deux villes, se sont réunis ce samedi 4 mai devant les bureaux de la poste pour envoyer une demande de déconventionnement à la Caisse nationale d’assurance maladie et montrer ainsi leur mécontentement face à la dégradation de leurs conditions d'exercice.  

Une décision difficile mais nécessaire pour ces professionnels de santé qui aspirent à consacrer davantage de temps à leurs patients. "La Sécurité sociale nous contraint à un rythme effréné en facturant les consultations à 26,50 euros. Après avoir couvert les charges, il ne reste que 8 euros dans notre poche. Pour maintenir l'équilibre financier du cabinet, nous sommes contraints de multiplier les actes, ce qui réduit la durée des consultations. Cependant, traiter un patient souffrant de pathologies complexes en seulement 10 minutes est nettement insuffisant", déplore le Dr Antoine Dolovici, médecin généraliste à Bastia en soulignant les pressions exercées par le système actuel. "Cette situation constitue une forme de maltraitance envers les médecins, qui se retrouvent en état d'épuisement professionnel, mais aussi envers les patients, dont la qualité des soins se détériore progressivement. Personnellement, je travaille 50 semaines par an afin de maintenir l'équilibre financier du cabinet et d'éviter de perdre de l'argent d'un mois à l'autre. Mes vacances se limitent à 15 jours par an. Je pense que de nombreux confrères se trouvent dans la même situation, travaillant bien au-delà de la normale pour préserver notre niveau de vie." explique-t-il.

 

Un médecin bastiaise poste sa lettre
Un médecin bastiaise poste sa lettre
Ces médecins aspirent avant tout à récupérer du temps pour leurs patients. Pour eux, la seule solution viable est le déconventionnement, c'est-à-dire sortir du cadre de la convention médicale, comme l'explique le Dr Cyrille Brunel, porte-parole du collectif : "Aujourd'hui, nous nous tournons vers un autre système, car celui-ci ne nous satisfait plus." Cette décision découle en grande partie de l'absence de reconnaissance des spécificités insulaires dans la convention médicale. Les généralistes insulaires ont pourtant tenté de faire valoir les particularités de leur exercice : nombreuses visites à domicile, patientèle âgée, route de montagne. "Nous demandons des mesures similaires à celles accordées aux DOM-TOM, comme une majoration des actes médicaux ou un accès généralisé au secteur 2", martèle le Dr Brunel. Pour lui, l'attrait de l'exercice libéral en Corse dépend de ces ajustements qui garantissent l'accès équitable aux soins pour tous les patients insulaires. "L'objectif n'est pas de créer un secteur deconventionné en Corse, l'objectif, c'est d'avoir une convention qui est adaptée à la Corse." nuance le Dr Brunel. "Tant que la Corse ne sera pas reconnue dans la convention médicale, les médecins corses ne reconnaîtront pas la convention, c'est tout."

"Semer le germe de révolution des praticiens libéraux en ville"
Cependant, cette démarche n'est pas sans conséquences, comme le souligne le Dr Hélène Max Trichard, qui exerce sur la place d'Armes à Bastia et qui se dit prête à aller jusqu'au bout de cette initiative. "Si nos demandes demeurent sans réponse d'ici septembre, nous enverrons notre demande de déconventionnement de manière irrévocable."
Dans la pratique, bien que les patients ne soient pas impactés jusqu'au premier octobre, "ceux consultant après cette date devront assumer les frais médicaux sans possibilité de remboursement."

"C'est un peu le mouvement de la dernière chance et on espère semer une espèce de germe de révolution des praticiens libéraux en ville,"
 conclut le docteur Dolovici. Comme beaucoup de ses confrères, il espère que ce mouvement se répercute sur le continent et provoque un véritable changement, répondant ainsi à leurs revendications de longue date.