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La vendetta entre héritiers de la "Brise de mer" devant les assises à partir de lundi


CNI avec AFP le Samedi 4 Mai 2024 à 11:31

Derrière l'assassinat de deux membres du grand banditisme corse, en décembre 2017, sur l'aéroport de Bastia-Poretta, c'est la vendetta entre héritiers du gang de la "Brise de Mer" qui va être jugée, à partir de lundi, pendant deux mois, devant la Cour d'assises des Bouches-du-Rhône.



La fusillade de Poretta en 2017
La fusillade de Poretta en 2017
Le 5 décembre 2017, vers 11h20, Jean-Luc Codaccioni et Antoine Quilichini étaient les cibles de tirs sur le parking de l'aéroport de Bastia-Poretta. Sorti de prison 15 jours plus tôt, Antoine Quilichini, dit "Tony le boucher", était tué sur le coup. Jean-Luc Codaccioni, détenu de la prison de Borgo, de retour d'une permission à Paris, décédait de ses blessures sept jours plus tard.

Une minute avant les tirs, Cathy Sénéchal, gardienne de prison de Borgo, était vue sur les caméras de surveillance "arriver en courant" pour embrasser Codaccioni: un +baiser de la mort+ qui était le signal pour le tireur. Présente parmi les 16 accusés à Aix-en-Provence, la quadragénaire a reconnu avoir renseigné les assassins sur les dates de sortie des deux victimes et avoir proposé de se rendre à l'aéroport pour décrire au tueur la tenue de Jean-Luc Codaccioni. "Un boulot" réalisé en échange de la promesse d'"une somme à six chiffres", selon l'enquête.

"La Parisienne comme moi qui arrive en Corse (..) et qui rentre dans un truc comme ça, c'est fort quand même", avait-elle lâché lors de son interrogatoire. Au coeur de ce procès figurera la prouesse des enquêteurs, parvenus à "décrypter pour la première fois des téléphones réputés inviolables" et les messages "cruciaux" qu'ils contenaient, éclairant ainsi le rôle de chacun dans ce projet criminel.


"Venger nos pères" 
Selon l'accusation, l'objectif des principaux accusés était de "venger les morts" de leurs pères, fondateurs de la "Brise de Mer", et de "faire renaître" cette bande criminelle historique. Ce gang corse, du nom d'un café du Vieux-Port de Bastia où ses membres se retrouvaient depuis la fin des années 1970, a dominé pendant 25 ans le crime français, avec plusieurs dizaines d'attaques à main armée contre des banques ou des fourgons blindés, en France et en Suisse. La bande contrôlait également des établissements de nuit et de jeux clandestins sur l'île ainsi que dans la région d'Aix-en-Provence.
A la fin des années 2000, deux membres fondateurs du groupe se sont affrontés, Richard Casanova et Francis Mariani. Une amitié devenue haine qui a dérivé en guerre fratricide avec les assassinats de Richard Casanova en avril 2008, de Francis Guazzelli -- un autre membre fondateur -- en novembre 2009 et la disparition dans l'explosion d'un hangar de Francis Mariani en janvier 2009. S'ajoute à cela, en juillet 2008, l'assassinat d'Ange-Marie Michelosi, membre du banditisme de Corse-du-Sud.

"Tu es mon idole"
Cette guerre se poursuivra via les héritiers de ces parrains. Les deux victimes du double meurtre de Bastia-Poretta sont ainsi rattachées par l'accusation au "clan Germani", autour de Jean-Luc Germani, beau-frère et ami de Richard Casanova.
Sur le banc des accusés, les descendants des familles Guazzelli, Michelosi et Mariani, qui tiennent le "clan Germani" pour responsable de la mort de leurs pères: Christophe et Richard Guazzelli, fils de Francis Guazzelli, Ange-Marie Michelosi, fils de Ange-Marie père, et Jacques Mariani, fils de Francis. "On a vengé nos pères", écrit ainsi Christophe Guazzelli, considéré comme le chef de cette équipe criminelle, à Ange-Marie Michelosi, dans un message décrypté par les enquêteurs. Dans un autre échange crypté avec Jacques Mariani, le même accusé explique avoir tiré "dans la tête" d'une de ses cibles, avant d'affirmer: "J'ai rendu tt sa puissance à la brise...", "prend les chose en main, je t rendu la force".
"Tu es mon idole", "ta venger tt le monde d'un coup", répond Jacques Mariani, assurant dans un autre message: "on est en guerre et on la gagnera".

Contacté par l'AFP, Me Frank Berton, qui assure la défense de Christophe Guazzelli, a indiqué n'avoir "rien à dire avant l'audience".
Et cette vendetta ne semble pas terminée. Depuis ce double assassinat, au moins cinq proches des accusés sont décédés de mort violente.