C’est un rapport commun que vous présentez aujourd’hui ?
Oui c’est une démarche très importante que nous avons élaborée avec le Président de l’exécutif. Il s’agit de faire en sorte que ceux qui ont payé le prix fort, c’est-à-dire les prisonniers et recherchés, soient parties prenantes de la solution politique. C’est une question très concrète puisqu’il s’agit de trouver un emploi aux prisonniers qui seraient libérés ou demanderaient leur libération conditionnelle, car l’emploi est un facteur souvent déterminant dans les dossiers. Mais c’est aussi une question très politique, puisque notre majorité vient de ces quarante années de lutte. Pour nous ce n’est pas seulement un dossier mais une part de nous-même. C’est une démarche très symbolique que nous présentons de manière très solennelle, et qui a pour nous une importance fondamentale.
Ce rapport maintenant rédigé, quelles sont les étapes à venir ?
Nous allons demander demain à l’Assemblée de Corse de mandater le Président du Conseil exécutif, le Président du Conseil économique social et culturel (CESC) et moi-même, pour prendre tous les contacts avec les entreprises et les collectivités qui seraient intéressées, de manière à ce que ce soit l’ensemble de la société corse qui réponde aux besoins à cet égard. Ainsi nous montrerons que c’est la société corse qui prend en charge ses enfants, qui aujourd’hui sont en difficulté après avoir sacrifié leur liberté et une partie de la vie pour cette île.
C’est aussi une manière de montrer à Paris qui ne fait pas la part du chemin qui lui incombe pour aller vers la paix, que la Corse est déterminée et avance d’un même pas vers une solution politique et vers l’apaisement. Au moment où la France va se doter d’un nouveau gouvernement, c’est aussi selon nous un message très fort que donne la Corse en s’organisant, pour faire ce qui est en son pouvoir afin de faire en sorte que ces quarante années de lutte soient un chapitre définitivement clos de notre Histoire.
Avec ce dossier, on parle donc de choses très concrètes, comme un nombre d’emplois à fournir par exemple ?
En effet, ce sont des emplois qu’il faudra faire correspondre à des compétences et des besoins particuliers. Effectivement, c’est quelque chose qui sur le plan matériel va devoir faire l’objet d’un travail extrêmement précis. Il y a aussi les dossiers de libération conditionnelle pour lesquels l’emploi est un élément essentiel, donc il faut que l’on puisse avoir un réservoir d’emplois. Ce réservoir sera constitué par les différentes entités qui vont participer à la démarche sur la base du volontariat. Nous allons prendre des contacts de manière formelle dès que nous serons mandatés par l’Assemblée de Corse, mais dès à présent je peux vous dire que les premières réactions des entreprises et municipalités contactées sont très positives et enthousiastes. Nous avons également souhaité que le Président du CESC soit mandaté à nos côtés, évidemment pour faire le lien avec ce monde de l’Economie. J’insiste : c’est véritablement la société corse qui prend en charge ce problème particulier, dans la perspective d’une réelle réinsertion sociale.
Une telle démarche est-elle légale au niveau du Droit ?
Oui c’est tout à fait légal. En réalité cette démarche vise à fédérer pour centraliser les possibilités d’emplois, pour que ceux-ci soient ensuite proposés aux prisonniers. Non seulement c’est légal, mais nécessaire en cas de demande de liberté conditionnelle. Vous pensez bien que s’il y avait un problème de légalité, on ne présenterait pas le rapport puisque de toute façon il serait censuré ensuite par la tutelle.
Entendons-nous bien, vous allez constituer et destiner ce vivier d’emplois aux prisonniers et recherchés, face à tous les Corses qui sont au chômage aujourd’hui. Un reproche « facile » serait « pourquoi ces prisonniers peuvent-ils postuler et pas un chômeur lambda ? »…
Sincèrement, nous faisons le choix de faire une démarche aux profits de ceux qui ont sacrifié une partie de leur vie pour la Corse. C’est une décision clairement politique et nous l’assumons très facilement. Au contraire, on ne pourrait se justifier de ne rien faire, et de laisser des gens sortir de prison sans possibilité de trouver un emploi. Sur le plan moral comme légal, c’est quelque chose qui est tout à fait non seulement possible, mais souhaitable.
La présentation de ce rapport aux élus territoriaux est prévue pour demain ?
En effet, l’Assemblée de Corse devra nous mandater ou non demain, afin de mettre en pratique cette démarche. Encore une fois, cette démarche n’est pas uniquement une démarche que notre majorité se devait de faire pour des raisons politiques. Elle correspond aussi à des besoins concrets et extrêmement forts. Les avocats le savent : pouvoir proposer un emploi dont le caractère sérieux ne peut être mis en doute est quelque chose de très important dans une demande de libération conditionnelle par exemple. Cet exemple illustre bien la nécessité absolue de mettre en place une telle démarche aujourd’hui.
Pensez-vous que ce rapport recevra l’aval de la totalité des élus demain et pas uniquement celui de votre majorité ?
On ne peut qu’espérer que l’ensemble des élus participera à cette démarche par un vote positif. Ce serait un comble si les élus de la Corse s’opposaient par leur vote à une telle initiative qui devrait être tout à fait consensuelle, puisque c’est une démarche de paix. Nous sommes confiants, et nous verrons demain si l’unanimité est au rendez-vous.
Ci-dessous, le rapport "Pace, ritornu è Libertà", qui sera soumis au vote des élus ce jeudi :