Le centre de Ponte-Leccia, lors des inondations d'octobre 2015.
Depuis 2015, quatre personnes ont perdu la vie en Corse, emportées par des inondations. 98 communes sont sinistrées avec des dégâts estimés à 43 millions €, auxquels s’ajoutent 10 millions €, coût des dévastations des exploitations agricoles. Près de six épisodes pluvieux, considérés comme exceptionnels par leur intensité, se sont succédés dans une récurrence qui oblige les autorités locales à renforcer les efforts pour protéger, tout à la fois, les populations et le patrimoine naturel et matériel. D’où l’adhésion de la Corse au projet de coopération européenne PROTERINA de protection du territoire contre les risques naturels, inclus dans le programme transfrontalier Interreg Maritime 2014-2020 Corse-Sardaigne-Ligurie-Toscane, auxquelles se sont ajoutées deux départements français : les Alpes Maritimes et le Var. La troisième étape de ce projet, qui a été lancée, mercredi à Corte, s’axe plus particulièrement sur la gestion participative du risque inondation. « Ce projet, d’une durée de trois ans, vise à améliorer la gestion des situations de crise, particulièrement des inondations, telles que nous les connaissons depuis quelques années, de façon récurrente et de plus en plus répétitive, en partageant toutes les expériences des régions partenaires autour de la Mer Tyrrhénienne : la Sardaigne, la Ligurie, la Toscane et la région PACA. L’idée est aussi d’améliorer la prévention en amont, c’est-à-dire la sensibilisation de la population, et, en aval, la gestion des suites des inondations », indique Agnès Simonpietri, conseillère exécutive et présidente de l’OEC.
Gagner du temps
L’objectif majeur est d’atténuer les risques, de réduire la vulnérabilité des citoyens et des territoires par l’amélioration des systèmes d’alerte précoce et de la communication avant et pendant la crise. Ceci, en créant une chaîne de prévention, de protection et de préparation intégré à travers des plans d’actions communs, le renforcement des réseaux de surveillance et d’alerte, la mise en place de cartographies et d’opérations pilotes… « C’est un programme, à la fois, humain et technique parce qu’il parle aussi bien de mise en place de radars, de caméras de surveillance des cours d’eau, de plans de prévention partagés avec la population, de circulation de l’information par mail ou Facebook pour mieux avertir les gens... Il tente de répondre aux problématiques : Comment ne plus se trouver sans portable dans une situation de crise, comme c’est encore arrivé aux derniers épisodes pluvieux ? Comment rétablir les systèmes de communication ? Comment apprendre aux enfants et aux parents à faire face à cette situation au quotidien ? Comment gérer les systèmes d’alerte ? Va-t-on déconcentrer l’information ou se limiter à une simple alerte orange pour tout le monde ? Comment choisir les priorités ? L’idée est de permettre à chacun de s’approprier les meilleures méthodes de gestion de la crise pour éviter les difficultés que nous avons connues, et gagner du temps », poursuit Agnès Simonpietri.
Le Plan ajaccien
Si la problématique est commune entre les régions partenaires qui sont confrontées aux mêmes phénomènes météorologiques et subissent les mêmes dégâts, notamment sur les zones côtières, les moyens d’y répondre divergent. En Toscane, par exemple, une commune a élaboré son propre plan d’intervention de crise. En Corse, Ajaccio a défini un Plan communal de sauvegarde de la ville, qui organise l’alerte, l’information, la protection et le soutien des populations en cas de risques majeurs. Une démarche permise par la Loi de modernisation de la sécurité civile, mais inédite dans l’île. « Ce plan a été adopté en juillet 2015 et révisé en 2016 concernant les inondations. Il est doté d’un poste de commandement communal qui est mis en route en cas d’alerte et d’incidents au niveau des services techniques de la ville. Nous voulons renforcer sa qualité en assurant, par exemple, son autonomie au niveau des communications par l’achat de radios, de téléphones et d’une antenne satellites afin de ne pas être coupé de la population et des autres partenaires éventuels, tels que la Préfecture et les services de secours, en cas de crise », explique Nicole Ottavy, adjointe à l’urbanisme, au logement et à l’aménagement urbain, chargée également du risque au niveau de la ville d’Ajaccio. « Un autre volet est de modéliser et de renforcer la surveillance des cours d’eau en achetant un drone professionnel. Nous travaillons en partenariat avec le SDIS de Haute-Corse qui, ayant d’autres projets, peut nous faire bénéficier de ses retours d’expérience ».
La pression urbaine
Des retours d’expériences et des projets rendus possibles par PROTERINA3 dont se félicite l’adjointe au maire, tant le risque Inondations est aigu dans la cité impériale. « Le risque est très important dans plusieurs zones, dont trois principales définies comme zones de grand danger : la route des Sanguinaires, le centre-ville et la région de l’aéroport ». L’une des raisons de cette vulnérabilité est la trop forte pression de l’urbanisation, notamment en centre-ville : « Deux quartiers, les Cannes et les Salines, ont été construits sur des marais. Ils ont fait l’objet d’une urbanisation un peu incohérente qui a commencé dans les années 70 et a imperméabilisé le sol, sans que rien ne soit prévu pour le drainage fluvial. Aujourd’hui, la ville engage la rénovation de ces deux quartiers grâce à l’ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine) qui va s’occuper d’aménagements de surface. Elle participe également à un programme PAPI (Programme d’actions de prévention contre les Inondations), un programme national qui nous permettra d’organiser la distribution et l’écoulement de ces eaux. Nous avons déjà réalisé les trois exutoires principaux sur la mer. De gros travaux sont en cours pour assurer le drainage et la qualité de l’évacuation des eaux pluviales ». Autre risque qu’encourt la ville : la submersion marine. « Le plan n’est pas encore achevé. Nous sommes en train de l’étudier de manière très pointue en partenariat avec l’Etat », précise Nicole Ottavy.
Ajaccio est la seule ville de Corse à avoir pris une telle initiative. Au regard des inondations à répétition dans les zones urbaines de l'île, il serait judicieux qu'elle fasse des émules...
N.M.
Gagner du temps
L’objectif majeur est d’atténuer les risques, de réduire la vulnérabilité des citoyens et des territoires par l’amélioration des systèmes d’alerte précoce et de la communication avant et pendant la crise. Ceci, en créant une chaîne de prévention, de protection et de préparation intégré à travers des plans d’actions communs, le renforcement des réseaux de surveillance et d’alerte, la mise en place de cartographies et d’opérations pilotes… « C’est un programme, à la fois, humain et technique parce qu’il parle aussi bien de mise en place de radars, de caméras de surveillance des cours d’eau, de plans de prévention partagés avec la population, de circulation de l’information par mail ou Facebook pour mieux avertir les gens... Il tente de répondre aux problématiques : Comment ne plus se trouver sans portable dans une situation de crise, comme c’est encore arrivé aux derniers épisodes pluvieux ? Comment rétablir les systèmes de communication ? Comment apprendre aux enfants et aux parents à faire face à cette situation au quotidien ? Comment gérer les systèmes d’alerte ? Va-t-on déconcentrer l’information ou se limiter à une simple alerte orange pour tout le monde ? Comment choisir les priorités ? L’idée est de permettre à chacun de s’approprier les meilleures méthodes de gestion de la crise pour éviter les difficultés que nous avons connues, et gagner du temps », poursuit Agnès Simonpietri.
Le Plan ajaccien
Si la problématique est commune entre les régions partenaires qui sont confrontées aux mêmes phénomènes météorologiques et subissent les mêmes dégâts, notamment sur les zones côtières, les moyens d’y répondre divergent. En Toscane, par exemple, une commune a élaboré son propre plan d’intervention de crise. En Corse, Ajaccio a défini un Plan communal de sauvegarde de la ville, qui organise l’alerte, l’information, la protection et le soutien des populations en cas de risques majeurs. Une démarche permise par la Loi de modernisation de la sécurité civile, mais inédite dans l’île. « Ce plan a été adopté en juillet 2015 et révisé en 2016 concernant les inondations. Il est doté d’un poste de commandement communal qui est mis en route en cas d’alerte et d’incidents au niveau des services techniques de la ville. Nous voulons renforcer sa qualité en assurant, par exemple, son autonomie au niveau des communications par l’achat de radios, de téléphones et d’une antenne satellites afin de ne pas être coupé de la population et des autres partenaires éventuels, tels que la Préfecture et les services de secours, en cas de crise », explique Nicole Ottavy, adjointe à l’urbanisme, au logement et à l’aménagement urbain, chargée également du risque au niveau de la ville d’Ajaccio. « Un autre volet est de modéliser et de renforcer la surveillance des cours d’eau en achetant un drone professionnel. Nous travaillons en partenariat avec le SDIS de Haute-Corse qui, ayant d’autres projets, peut nous faire bénéficier de ses retours d’expérience ».
La pression urbaine
Des retours d’expériences et des projets rendus possibles par PROTERINA3 dont se félicite l’adjointe au maire, tant le risque Inondations est aigu dans la cité impériale. « Le risque est très important dans plusieurs zones, dont trois principales définies comme zones de grand danger : la route des Sanguinaires, le centre-ville et la région de l’aéroport ». L’une des raisons de cette vulnérabilité est la trop forte pression de l’urbanisation, notamment en centre-ville : « Deux quartiers, les Cannes et les Salines, ont été construits sur des marais. Ils ont fait l’objet d’une urbanisation un peu incohérente qui a commencé dans les années 70 et a imperméabilisé le sol, sans que rien ne soit prévu pour le drainage fluvial. Aujourd’hui, la ville engage la rénovation de ces deux quartiers grâce à l’ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine) qui va s’occuper d’aménagements de surface. Elle participe également à un programme PAPI (Programme d’actions de prévention contre les Inondations), un programme national qui nous permettra d’organiser la distribution et l’écoulement de ces eaux. Nous avons déjà réalisé les trois exutoires principaux sur la mer. De gros travaux sont en cours pour assurer le drainage et la qualité de l’évacuation des eaux pluviales ». Autre risque qu’encourt la ville : la submersion marine. « Le plan n’est pas encore achevé. Nous sommes en train de l’étudier de manière très pointue en partenariat avec l’Etat », précise Nicole Ottavy.
Ajaccio est la seule ville de Corse à avoir pris une telle initiative. Au regard des inondations à répétition dans les zones urbaines de l'île, il serait judicieux qu'elle fasse des émules...
N.M.
Une maison, située dans un lotissement construit sur la rive du Fium'Alto sur la commune de Penta-di-Casinca, à moitié emportée par la crue du fleuve en octobre 2015.
Colonel Charles Baldassari, patron du SDIS 2B : « Un jour ou l’autre, il y aura une très grande catastrophe ! Il faut prendre des mesures radicales, avoir le courage d’interdire les constructions ».
- Ce projet vous semble-t-il répondre aux problématiques que vous affrontez sur le terrain ?
- Oui ! Il s’inscrit dans la continuité des formations que nous avons effectuées avec le Haut Comité français de défense civile sur le territoire. L’idée était de former les services publics, les élus et, plus tard, les citoyens dans le cadre de la mise en résilience territoriale. C’était un premier pas. Avec Interreg et surtout le programme Marittimo, nous passons à un développement concret des choses sur la partie Inondation. La Corse est représentée à travers trois institutions : l’Office de l’environnement, la ville d’Ajaccio et le SDIS. Cette association d’intelligence collective permettra de travailler en profondeur un certain nombre de risques, notamment le principal, celui de l’inondation, que ce soit sur la ville d’Ajaccio ou le Grand Bastia.
- De quelle façon ?
- Il s’agit de mieux analyser le risque, de remonter les informations grâce à une informatique de haute technologie, et de prévoir, à travers un bloc de modélisation, comment les cours peuvent se comporter ou se comporteront lors de grands débits. C’est ce qui nous manque aujourd’hui. Cela permettra aussi de prévoir, une information rapide, quasiment en temps réel, par anticipation des populations pour essayer d’éviter un certain nombre de phénomènes que l’on connaît depuis nombre d’années.
- Quel est, pour vous, le principal problème à régler ?
- C’est l’urbanisation ! Il faut, quand même, se poser un certain nombre de questions à ce sujet. Si on fait un état des lieux des inondations sur les trente dernières années, on se rend compte que des secteurs étaient inondés, mais n’avaient pas de bâti. Aujourd’hui, certaines communes sont en expansion totale dans le Grand Bastia, surtout dans sa partie Sud. Face à ce phénomène d’urbanisation galopante, l’analyse de fond des bassins versants n’a pas été faite jusqu’au bout. Ce qui conduit, sur des effets conjugués de ruissellement, à avoir des torrents d’eau et de boue qui sortent des lits des rivières et produisent ce que l’on a connu sur les communes au Sud de Bastia.
- Ce projet vous semble-t-il répondre aux problématiques que vous affrontez sur le terrain ?
- Oui ! Il s’inscrit dans la continuité des formations que nous avons effectuées avec le Haut Comité français de défense civile sur le territoire. L’idée était de former les services publics, les élus et, plus tard, les citoyens dans le cadre de la mise en résilience territoriale. C’était un premier pas. Avec Interreg et surtout le programme Marittimo, nous passons à un développement concret des choses sur la partie Inondation. La Corse est représentée à travers trois institutions : l’Office de l’environnement, la ville d’Ajaccio et le SDIS. Cette association d’intelligence collective permettra de travailler en profondeur un certain nombre de risques, notamment le principal, celui de l’inondation, que ce soit sur la ville d’Ajaccio ou le Grand Bastia.
- De quelle façon ?
- Il s’agit de mieux analyser le risque, de remonter les informations grâce à une informatique de haute technologie, et de prévoir, à travers un bloc de modélisation, comment les cours peuvent se comporter ou se comporteront lors de grands débits. C’est ce qui nous manque aujourd’hui. Cela permettra aussi de prévoir, une information rapide, quasiment en temps réel, par anticipation des populations pour essayer d’éviter un certain nombre de phénomènes que l’on connaît depuis nombre d’années.
- Quel est, pour vous, le principal problème à régler ?
- C’est l’urbanisation ! Il faut, quand même, se poser un certain nombre de questions à ce sujet. Si on fait un état des lieux des inondations sur les trente dernières années, on se rend compte que des secteurs étaient inondés, mais n’avaient pas de bâti. Aujourd’hui, certaines communes sont en expansion totale dans le Grand Bastia, surtout dans sa partie Sud. Face à ce phénomène d’urbanisation galopante, l’analyse de fond des bassins versants n’a pas été faite jusqu’au bout. Ce qui conduit, sur des effets conjugués de ruissellement, à avoir des torrents d’eau et de boue qui sortent des lits des rivières et produisent ce que l’on a connu sur les communes au Sud de Bastia.
Le Colonel Charles Baldassari en compagnie de Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’intérieur, vendu décorer le SDIS 2B pour son action lors des inondations.
- Comment expliquez-vous que les gens s’entêtent à construire là où il ne faut pas, sans se poser de questions ?
- Quand on discute avec les gens qui ont été sinistrés, ils vous disent : « Jamais, on n’aurait pensé que notre maison serait inondée ! ». Il faut les entendre ! On ne construit pas à proximité d’un danger avec le risque de perdre l’investissement d’une vie. Le premier point à mieux réfléchir, c’est l’urbanisation. Il faut prendre des mesures radicales, avoir le courage de refuser la construction sur des secteurs où le danger est prégnant. C’est toute une chaine d’acculturation du risque. Eviter de construire va limiter l’effet sur la population, notamment la nuit.
- La crue du Fium’Alto en 2015 était due à l’encombrement du fleuve, à son manque d’entretien. Est-ce aussi un problème prégnant ?
- Oui ! Lorsque les cours d’eau domaniaux, que l’on connaît depuis des centaines d’années, débordent en certains endroits, cela pose une problématique récurrente de curetage et d’entretien des lits. On s’est rendu compte qu’un certain nombre d’embâcles se sont constitués, puis ont lâché sous la pression de l’eau, créant des mini-digues qui ont inondé les berges des fleuves principaux. Mais c’est un problème technique ! Il suffit pour y remédier de procéder au nettoyage périodique des cours d’eau. Il faut, sur les lits majeurs, avoir une modélisation, ou du moins une métrologie très scientifique, qui, grâce à des capteurs ou de la vidéosurveillance, surveille les cours d’eau, s’ils débordent ou non. Ce genre d’installations, absent en Corse, existe sur le continent avec des services spécifiques qui éditent des bulletins de vigie-crue. C’est tout un système à construire ! On ne peut plus rester sur la fatalité et constater les dégâts. Il faut, aussi, éduquer la population.
- A chaque inondation, tout le monde est soulagé d’avoir, de justesse, évité le pire, notamment au niveau humain. Le risque est-il en augmentation ?
- Au début des années 90, il y a eu entre 10 et 15 morts sur la Plaine orientale : des véhicules emportés à Ghisonaccia, Folelli… Tous les évènements, qui sont survenus sur les trois dernières années, ont bénéficié d’une conjonction positive d’actions qui, heureusement, a limité le nombre de personnes décédées. Si ce n’est les personnes emportées sur le fameux pont submersible du Bevincu… Le reste du territoire a été inondé et, pour autant, les choses se sont passées correctement grâce à un système anticipatif de distribution des secours. Mais ce système n’est pas une garantie ! On est en mode curatif, en mode de crise. Il faut éviter la crise ! Dans une crise, tout peut bien se passer pendant deux ans, et puis, la troisième année, il peut y avoir, malheureusement, de nombreuses victimes.
- Est-il urgent d’agir ?
- Oui ! Pour avoir vécu ce qui s’est passé dans un lotissement à proximité du Bevincu sur la commune de Borgo lors des dernières inondations, je peux vous dire qu’on est passé près d’une catastrophe humaine ! L’eau a débordé, les enfants et les parents étaient sortis des maisons. On montrera, jeudi matin, à travers des films-vidéo, exactement ce qu’il s’est passé. On ne peut plus rester comme ça ! Un jour ou l’autre, il y aura une très grande catastrophe ! Il faut prendre une décision et construire l’avenir par l’acculturation, la modification de l’urbanisation, le respect des règles urbanistiques… Je le répète : il faut l’interdiction des constructions, du sens et de la cohérence pour maîtriser le risque. Si ce travail est fait en amont, si les cours d’eau sont nettoyés, on limite le risque et, forcément, les conséquences du risque !
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Quand on discute avec les gens qui ont été sinistrés, ils vous disent : « Jamais, on n’aurait pensé que notre maison serait inondée ! ». Il faut les entendre ! On ne construit pas à proximité d’un danger avec le risque de perdre l’investissement d’une vie. Le premier point à mieux réfléchir, c’est l’urbanisation. Il faut prendre des mesures radicales, avoir le courage de refuser la construction sur des secteurs où le danger est prégnant. C’est toute une chaine d’acculturation du risque. Eviter de construire va limiter l’effet sur la population, notamment la nuit.
- La crue du Fium’Alto en 2015 était due à l’encombrement du fleuve, à son manque d’entretien. Est-ce aussi un problème prégnant ?
- Oui ! Lorsque les cours d’eau domaniaux, que l’on connaît depuis des centaines d’années, débordent en certains endroits, cela pose une problématique récurrente de curetage et d’entretien des lits. On s’est rendu compte qu’un certain nombre d’embâcles se sont constitués, puis ont lâché sous la pression de l’eau, créant des mini-digues qui ont inondé les berges des fleuves principaux. Mais c’est un problème technique ! Il suffit pour y remédier de procéder au nettoyage périodique des cours d’eau. Il faut, sur les lits majeurs, avoir une modélisation, ou du moins une métrologie très scientifique, qui, grâce à des capteurs ou de la vidéosurveillance, surveille les cours d’eau, s’ils débordent ou non. Ce genre d’installations, absent en Corse, existe sur le continent avec des services spécifiques qui éditent des bulletins de vigie-crue. C’est tout un système à construire ! On ne peut plus rester sur la fatalité et constater les dégâts. Il faut, aussi, éduquer la population.
- A chaque inondation, tout le monde est soulagé d’avoir, de justesse, évité le pire, notamment au niveau humain. Le risque est-il en augmentation ?
- Au début des années 90, il y a eu entre 10 et 15 morts sur la Plaine orientale : des véhicules emportés à Ghisonaccia, Folelli… Tous les évènements, qui sont survenus sur les trois dernières années, ont bénéficié d’une conjonction positive d’actions qui, heureusement, a limité le nombre de personnes décédées. Si ce n’est les personnes emportées sur le fameux pont submersible du Bevincu… Le reste du territoire a été inondé et, pour autant, les choses se sont passées correctement grâce à un système anticipatif de distribution des secours. Mais ce système n’est pas une garantie ! On est en mode curatif, en mode de crise. Il faut éviter la crise ! Dans une crise, tout peut bien se passer pendant deux ans, et puis, la troisième année, il peut y avoir, malheureusement, de nombreuses victimes.
- Est-il urgent d’agir ?
- Oui ! Pour avoir vécu ce qui s’est passé dans un lotissement à proximité du Bevincu sur la commune de Borgo lors des dernières inondations, je peux vous dire qu’on est passé près d’une catastrophe humaine ! L’eau a débordé, les enfants et les parents étaient sortis des maisons. On montrera, jeudi matin, à travers des films-vidéo, exactement ce qu’il s’est passé. On ne peut plus rester comme ça ! Un jour ou l’autre, il y aura une très grande catastrophe ! Il faut prendre une décision et construire l’avenir par l’acculturation, la modification de l’urbanisation, le respect des règles urbanistiques… Je le répète : il faut l’interdiction des constructions, du sens et de la cohérence pour maîtriser le risque. Si ce travail est fait en amont, si les cours d’eau sont nettoyés, on limite le risque et, forcément, les conséquences du risque !
Propos recueillis par Nicole MARI.