Comme beaucoup de nos concitoyens, c’est avec beaucoup d’intérêt que nous avons pris connaissance de votre analyse de cet arrêt de la Cour qui a confirmé le refus de faire démolir ces deux villas construites sans permis par M. Ferracci, sur un Espace Remarquable et Caractéristique et en violation du PLU de la Commune de Bonifacio. Si cet arrêt devait faire jurisprudence, alors la porte serait grande ouverte pour la reproduction de ce type d’affaire : la construction sur un site remarquable et sans permis, sanctionnée par une simple amende ! Quelle aubaine pour les spéculateurs, quelle voie royale pour les groupes mafieux !
Vous procédez, pour la dénoncer avec force, à une longue et minutieuse analyse de l’attitude inacceptable de l’État et de ses services (la DDTM). Vous avez bien raison d’être très critiques à leur égard car l’État s’est montré particulièrement « laxiste », le mot est faible, dans le traitement de cette affaire et semble avoir, de fait, démissionné face à des intérêts strictement privés.
En revanche, nous avons beaucoup de mal à comprendre votre absence totale de réaction vis-à-vis du maire de Bonifacio : vous ne dites pas un seul mot sur sa responsabilité. À vous lire on pourrait légitimement croire que l’arrêt ne le met pas en cause !
Pourtant la Cour pointe, en des termes dépourvus de toute ambiguïté, la responsabilité personnelle de M. Orsucci dans cette affaire et le préjudice environnemental subi par sa commune à cause de lui : « La mairie ne s’est pas constituée partie civile devant le tribunal correctionnel, alors qu’elle est la première victime de cette atteinte environnementale » (page 6).
L’arrêt dénonce aussi le fait que « l’avis du maire de Bonifacio, Jean-Charles Orsucci s’est avéré particulièrement évolutif » (page 5) mais au détriment de la protection de ce site :
La Cour rappelle que l’ancien maire, le 7/03/97, refusait le permis de construire car les travaux entrepris en violation du PLU « étaient de nature à provoquer un dommage irréparable au regard de la protection des sites et espaces naturels fragiles identifiés comme remarquables ».
- Orsucci, lui, en 2015, changeait radicalement l’analyse, en volant au secours de son ami M. Ferracci, sous prétexte que celui-ci avait décidé, tout seul, sans permis modificatif, sans permis tout court, de construire deux villas, sur une autre zone mais toujours en plein site remarquable !
Pour ce faire M. Orsucci, comme le rappelle l’arrêt, n’a pas hésité à écrire personnellement pour soutenir la position, pourtant totalement illégale, de son cher ami ! : « Si les dispositions de la loi littoral ne s’y opposaient pas, la régularisation de ces constructions pourrait se faire au bénéfice de l’intérêt public et de l’intérêt général » (page 5)
La Cour résume, en quelques lignes, la responsabilité personnelle de M. Orsucci dans la destruction de ce site remarquable : « Du 7/11/2008, date de déclaration d’ouverture du chantier dans sa mairie, qui portait pourtant sur la construction de bâtiments différents de ceux visés par le permis tacitement obtenu, jusqu’au 15/02/2013, date de la déclaration d’achèvement des mêmes travaux en mairie, il n’a fait diligenter aucun contrôle alors que le tracé d’une piste de deux kilomètres sur sa commune, le nécessaire raccordement du chantier aux réseaux d’eau et d’électricité, et l’importance, par leur situation, leur durée, mais aussi l’ampleur des travaux et l’incessant manège d’engins de chantier et entreprises de construction sur cette partie inconstructible de la commune, n’ont pu lui échapper»
Aujourd’hui, nouvelle volte-face : M. Orsucci se réjouit de la position de la CTC*
Si nous apprécions beaucoup que vous vous engagiez « au respect des règles d’urbanisme et particulièrement de celles protégeant les espaces sensibles ou remarquables, au premier rang desquels la loi Littoral et le Padduc », pourquoi ne dénoncez-vous pas l’attitude scandaleuse de M. Orsucci ? Par votre silence, vous semblez cautionner une telle attitude, si contraire à la défense des intérêts de cette commune, de notre bien commun et qui ouvre la voie à toutes les dérives ?
Votre constat ne débouche sur aucune critique vis-à-vis de ce maire qui, sciemment et volontairement, a laissé détruire un site remarquable sous prétexte qu’il est « fidèle en amitié ». Nous étions naïfs en pensant qu’un maire avait le devoir d’être au service du Bien commun, jamais au service d’intérêts privés au détriment, notamment, de l’intérêt environnemental de sa commune !
Quelle splendide résultat pour ce maire qui se targue de mener une « politique exemplaire en matière d’environnement » alors qu’il est directement concerné par plusieurs dossiers d’urbanisme condamnés par la justice (PLU de Cavallo, villa Martinolle, lotissement Lefèvre …) ! Pour les Corses et pour notre jeunesse, cette affaire est le pire exemple des dérives qui affectent la Corse : les relations amicales permettent désormais de justifier, publiquement, la construction sans permis sur un site remarquable et le maire de la commune s’en vante alors que tant de jeunes sont morts ou ont été emprisonnés pour avoir voulu s’opposer à l’accaparement de notre terre !
Vous avez voté le Padduc, proclamé lutter contre la spéculation immobilière et la dérive mafieuse « et en même temps » vous semblez cautionner, par votre silence, des pratiques très clientélistes. Nous ne comprenons pas et nous déplorons l’absence de toute critique contre ce maire qui s’est vanté d’avoir demandé et obtenu la non-démolition des deux villas illégales de son ami!
Le cas Ferracci n’est pas hélas un cas isolé et les associations de défense de l’environnement mènent ce combat de la défense de la terre, souvent seules, contre certains maires et l’État associés dans l’illégalité. Nous voulons croire encore que vous prendrez position publiquement de manière systématique sur les PLU, les cartes communales et les documents d’urbanisme, et que l’Exécutif de la CTC se constituera partie civile contre tout dossier d’urbanisme de ce type et ce quels que soient la commune et/ou le bénéficiaire. Nous vous l’avons déjà demandé à deux reprises
Nous vous prions de croire, Messieurs, à l’assurance de nos respectueuses salutations.
La Direction collégiale de U Levante et
Pour l’association ABCDE, Vincente Cucchi