Ajaccio : À l’EHPAD le Ciste, les résidents invitent le public à venir partager leurs souvenirs

« C’est une histoire d’amour comme il n’en existe presque pas ». Antoinette, 89 ans, coupe au carré, tenue impeccable et petit sac à main sous le bras, est intarissable quand il s’agit de raconter sa rencontre avec son mari, un soir sous le ciel niçois, alors qu’elle était sortie danser avec une amie. « Nous ne nous sommes plus quittés pendant 38 ans », se souvient-elle des étoiles plein les yeux. C’est ce personnage souriant et volubile, ainsi que trois autres résidents de l’EHPAD le Ciste à Ajaccio que le public est invité à venir rencontrer le 8 mars prochain, de 14h à 16h. À l’occasion de l’opération Bibliothèque vivante- « La couverture ne fait pas le livre », organisée avec l’Association Nationale pour le Déploiement du Service Civique Solidarité Seniors (AND SC2S), cet établissement, situé boulevard Sylvestre Marcaggi, ouvrira en effet ses portes aux visiteurs qui pourront venir y écouter des personnes âgées souhaitant partager des moments forts de leurs histoires. 
 
Imaginé à Copenhague au début des années 2000, ce concept de bibliothèque vivante vise à ce que des amoureux des belles histoires ne viennent pas emprunter un livre, mais consacrer du temps à des personnes désireuses de raconter des passages de leur vie durant une trentaine de minutes. « C’est un évènement qui fait complètement sens à notre mission », relève Camille Pliskal, chargée de développement sur la région corse du service civique Solidarité Seniors, en pointant le lien intergénérationnel qu’il amène grâce aux volontaires Service Civique Solidarité Senior. « Nous souhaitons vraiment mettre les personnes âgées au cœur d’un projet. Souvent, on se rend compte qu’elles sont un peu passives dans ce qu’on peut leur proposer et nous voulions, avec ce projet, les remettre vraiment en position d’action, et opérer une mise en lumière de toutes ces histoires qui sont tellement riches et intéressantes », reprend-elle. 

Très actif dans le partenariat avec l’AND SC2S, l’EHPAD le Ciste très s’est montré rapidement intéressé par cette opération. « D’abord parce que c’est bien de mettre en avant le travail des services civiques, et puis aussi parce que des résidents peuvent ainsi s’exprimer sur leur histoire devant des personnes, raconter une partie de leur vie et échanger avec le public. C’est hyper intéressant pour nous car nous sommes actuellement dans une dynamique où nous allons créer un tiers-lieu, c’est-à-dire que nous allons ouvrir l’EHPAD vers l’extérieur par le biais d’activités. La bibliothèque c’est donc un début. Mais nous avons toujours fait des activités avec l’extérieur », explique la directrice, Dominique Bianchini. « Nous avons en plus une service civique très motivée et proche des résidents », ajoute Vanina Champion, animatrice au sein de l’EHPAD ajaccien en saluant l’engagement de Nolwenn Morin.
 
Âgée de 22 ans, cette douce jeune femme est arrivée dans l’établissement en octobre dernier, alors qu’elle effectue une année de césure dans ses études de neuropsychologie. C’est elle qui depuis un mois a patiemment travaillé avec les participants à l’opération, pour les préparer au jour J. « Ils ont été surpris de la proposition mais ont bien aimé l’idée de pouvoir raconter aux autres personnes ce qu’ils ont vécu. Cela permet aussi de garder le lien même entre les personnes âgées au sein de l’établissement, car elles n’ont pas forcément l’occasion de discuter toutes entre elles », indique-t-elle. « Certains vont parler de leur métier, d’autres des souvenirs de leur vie, notamment amoureuse. J’ai essayé d’avoir des choses assez variées pour ne pas que ce soit redondant », dévoile-t-elle encore, « Cela leur tenait à cœur de transmettre ces souvenirs dont ils n’ont pas parlé depuis longtemps. Ils m’ont dit que cela leur permet de leur faire revivre ces moments ». 
 
Lancé en mars 2021, le Service Civique Solidarité Senior lutte tout au long de l’année contre l’isolement des personnes âgées en mobilisant des jeunes de 16 à 25 ans, qui, par le biais de cette mission d’intérêt général, sont indemnisés par l’État. « Nous nous rendons compte que les personnes âgées, même en EHPAD, se retrouvent parfois très isolées et qu’il y a plein de jeunes qui souhaitent s’orienter vers ces métiers. Cette expérience de service civique peut susciter des vocations, elle peut aussi donner des compétences à des jeunes qui s’intéressent au secteur du médico-social, mais aussi aux métiers de l’animation ou du soin »,souligne Camille Pliskal. D’ailleurs, Nolwenn Morin confie que cette expérience l’encourage à continuer verse le médico-social : « J’adore le contact avec les personnes et me sentir utile. Je veux faire un métier qui puissent servir », glisse-t-elle.