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Alain Thirion : « Etre neutre et impartial, c’est le rôle de l’Etat ! »


Nicole Mari le Mardi 5 Mai 2015 à 21:09

C’est son premier poste de préfet. Il ne connaît pas grand chose de la Corse, à peine fugacement la vallée de la Restonica où il a séjourné lors de courtes vacances, il y a quelques années. Pour autant, ni la spécificité de l’île qui la rend souvent indésirable aux représentants de l’Etat, ni le contexte social chargé, ne semble impressionner le nouveau préfet de Haute-Corse, Alain Thirion. Ce haut fonctionnaire de 53 ans, qui a effectué ses dernières années de carrière à la Préfecture de police de Paris, explique, à Corse Net Infos, qu’il aborde ses nouvelles fonctions dans un esprit d’ouverture et de dialogue constructif et impartial. Il s’est rendu, ce mardi, au stade de Furiani, pour commémorer la catastrophe du 5 mai et rendre hommage aux victimes.



Alain Thirion, nouveau préfet de Haute-Corse.
Alain Thirion, nouveau préfet de Haute-Corse.
- Appréhendez-vous cette nouvelle fonction dans un département, la Haute-Corse, qui n’est pas de tout repos ?
- C’est une mission importante que d’arriver en Haute-Corse. Je n’ai pas d’appréhension, ni de préjugés. Je viens, ici, dans un vrai souci d’ouverture et de volonté d’aller sur le terrain pour rencontrer les uns et les autres. Je veillerai, avec l’ensemble de mes interlocuteurs, à avoir un dialogue constructif et toujours dans une logique de résolution de problèmes. Etre neutre et impartial, c’est le rôle de l’Etat ! On doit toujours venir dans cette belle île avec beaucoup de plaisir, je n’en manque pas !
 
- Comment avez-vous préparé votre arrivée dans une île que vous ne connaissez pas ?
- Comme toujours, de manière assez classique, quand on change de fonction. Des documents et des fiches de renseignement nous permettent de prendre un peu connaissance de la situation. Ensuite, viennent le travail de terrain et la rencontre avec les acteurs. Progressivement, on se fait une idée de l’ensemble des différents dossiers et d’une multitude de situations un peu particulières. On sent bien qu’il y a des questions assez urgentes qui, très rapidement, vont arriver sur le bureau du Préfet. L’objectif est d’être opérationnel assez rapidement.
 
- Quelles sont, pour vous, les urgences ?
- La Xylella est un sujet très sensible. Plusieurs sujets en matière d’environnement méritent attention. Les problématiques de sécurité restent en permanence une priorité très forte. Toutes ces questions-là mobilisent le Préfet dès son arrivée, peut-être même un peu avant.
 
- Concernant la xylella, comment envisagez-vous de faire appliquer l’arrêté d’interdiction alors que les moyens de contrôle manquent cruellement ?
- L’arrêté entrera en application à partir du 11 mai pour permettre, justement, aux différents services de pouvoir s’organiser et mettre en place les dispositifs qui le rendent opératoire. C’est précisément sur les contrôles et les modalités de ce contrôle que les questions seront posées. Les possibilités de dérogation sont très limitées, uniquement sur deux ports où l’ensemble des services seront très vigilants à contrôler l’ensemble des documents pour s’assurer que le principe de la non-importation est respecté.
 
- Les agriculteurs sont très inquiets et doutent de l’efficacité des contrôles à l’approche des flux estivaux. Pouvez-vous les rassurer ?
- Des services seront mobilisés, pas seulement les services spécialisés, mais aussi le service des douanes. Les contrôles seront effectués avec une très grande rigueur. La mesure, qui a été prise, montre l’attention et la mobilisation de l’Etat sur cette question sensible.
 
- Le printemps corse a débuté avec, aussi, d’autres dossiers sociaux très chauds, comme celui des agriculteurs ou de la SNCM. Comment les percevez-vous ?
- Ce sont des dossiers très lourds et très compliqués qui vont, sans doute, nous mobiliser au cours des semaines à-venir et même dès maintenant. Les services montrent beaucoup d’attention et une forte mobilisation sur ces questions. Les agriculteurs ont été reçus par le chef de cabinet du ministre et des réponses ont été apportées. Nous veillerons à ce que la mise en œuvre des mesures, dans le cadre de la PAC (Politique agricole commune), se fasse dans les meilleures conditions.
 
- Les services seront-ils mieux préparés aux possibles troubles et blocages que risque de générer la disparition programmée de la SNCM ?
- Nous sommes dans l’attente de la décision du Tribunal de commerce qui interviendra dans les prochains jours. Nous verrons ce qu’il aura décidé, si la période d’observation sera prolongée ou pas, ensuite, quel opérateur sera choisi et selon quelles modalités. Tous les services de l’Etat, qui sont concernés, seront mobilisés, pas seulement le préfet de Haute-Corse, mais également celui de Corse et les services à Marseille. La mobilisation sera complète pour faire en sorte que nous ne soyons pas dépourvus face à toutes les situations qui pourraient se présenter.
 
- Comment comptez-vous aborder le problème spécifique de la criminalité organisée que connaît le département ?
- Les questions de sécurité sont très importantes ici. La mobilisation de l’ensemble des services doit être continue, très forte et ne doit pas être relâchée. C’est, à la fois, la lutte permanente menée contre la criminalité organisée, mais aussi les autres formes d’insécurité qui peuvent exister, comme l’insécurité routière avec des cas parfois tragiques, comme celui de lundi à Bastia. Il y a, également, la petite délinquance et les actes relevés. Les chiffres recensés sur les deux dernières années ont montré une amélioration. Il faut persévérer et rester mobilisé.
 
- La sécurité routière, avec un taux de mortalité élevé sur les routes, et civile, avec la multiplication des incendies, seront au cœur de l’actualité estivale. Comment les traiterez-vous ?
- Forte mobilisation des services en ce qui concerne la sécurité routière qui est une priorité. Il y a trop d’accidents qui touchent, malheureusement, des personnes dans la force de l’âge. Concernant la sécurité civile, un travail de préparation est régulièrement effectué pour que, pendant la période toujours sensible de l’été, nous puissions répondre au mieux et dans les meilleures conditions. Des moyens importants existent et sont régulièrement mobilisés. Il faut faire en sorte qu’en matière opérationnelle, il n’y ait pas de doute et que l’on réponde présent dès que la situation l’exige.
 
- Quelle sera votre attitude, dans d’autres dossiers délicats, comme celui de l’urbanisme, où l’inaction de l’Etat est souvent mise en cause ?
- On verra à ce que les attentes en ce qui concerne l’Etat donne lieu aux réponses appropriées. Dans ce cadre-là, les services seront très attentifs, très mobilisés, et feront en sorte qu’il n’y ait pas d’interrogation sur leur efficacité.
 
- La quasi-totalité des PLU (Plan local d’urbanisme) de l’île sont annulés par le Tribunal administratif alors qu’ils ont reçu l’aval de la Préfecture. Que pensez-vous des carences des services de l’Etat ?
- Il ne faut pas généraliser, mais voir l’ensemble des actes qui sont déférés. Les services de la Préfecture réalisent leurs contrôles dans le cadre du contrôle de légalité. Ils relèvent un certain nombre de choses. Par ailleurs, des tiers peuvent solliciter le Tribunal administratif qui est juge. Il peut y avoir des divergences d’interprétation. Il faut faire en sorte que les choses soient les plus claires possibles et qu’il n’y ait ni interrogation, ni surprise vis-à-vis de ces actes qui sont importants pour la suite.
 
- Nous sommes le 5 mai, jour anniversaire de la catastrophe de Furiani. Quel regard portez-vous sur la demande très sensible, ici, de sacralisation du 5 mai ?
- La catastrophe de Furiani est une tragédie qui a fait 18 morts et 2357 blessés dont certains sont restés paralysés. C’est un moment très fort et légitime de recueillement vis-à-vis des victimes. C’est la raison pour laquelle je me rendrai à Furiani pour me recueillir et rendre hommage à l’ensemble des victimes. Pour le reste, un groupe de travail sera installé au cours du mois prochain. L’ensemble des questions seront évoquées et mises sur la table à cette occasion.
 
Propos recueillis par Nicole MARI