Camille de Rocca Serra, président du groupe Rassembler pour la Corse, député UMP et conseiller municipal de Porto-Vecchio.
- Que retenez-vous du discours ministériel ?
- Les relations entre l’Exécutif régional et le gouvernement doivent s’établir sur d’autres bases, celles d’aujourd’hui ne sont pas saines. Nous ne sommes pas là pour céder à la facilité. Le discours doit être constructif et le partenariat, éclairé. Arrêtons de tourner en rond sur des questions qui sont tranchées ! Offrons à la Corse de l’effectivité et non de l’idéologie ! Les Indépendantistes, qui veulent le statut de résident, sont dans leur ligne. Je les comprends ! Ils sont pour l’indépendance, la République française et la Constitution sont des obstacles. Je fais partie de ceux qui veulent vivre en bons républicains et faire en sorte que la Corse soit mieux reconnue, aidée, renforcée et qu’elle ait l’autonomie de décisions la plus large possible et les moyens financiers de son développement.
- Vous appelez la CTC à travailler sur du concret. Le vote des 46 élus en faveur de la réforme institutionnelle est-il réaliste ?
- Oui ! Le vote des 46 élus est réaliste. J’y ai participé. Je ne suis pas fou ! Je sais ce que je fais ! Ce qui n’est pas réaliste, c’est la coofficialité. On le savait, les constitutionnalistes l’avaient dit. Au mieux, on peut obtenir la ratification de la Charte des langues régionales ou minoritaires. Le statut de résident n’est pas réaliste au niveau non pas de la Constitution, mais des fondamentaux du bloc constitutionnel, c’est-à-dire de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, et au niveau de l’Union européenne. On va droit dans le mur !
- Ce n’est pas l’avis du président de l’Exécutif et de nombreux autres élus ?
- J’ai dit à Paul Giacobbi qu’en agitant des chiffons rouges, on retarde les avancées que le gouvernement peut accorder et le travail que nous devons faire ensemble. Il faut se débarrasser de ces scories. Faire croire que la délibération s’impose à tous alors qu’elle est contraire à tous les principes, ça ne va pas ! Par contre l’inscription de la Corse dans l’article 72-5 de la Constitution est possible ! Le texte reste à écrire. On peut très vite s’entendre sur une rédaction, certains éléments sont déjà prêts. Soumettons-le ensemble au 1er ministre et demandons-lui un calendrier. Je suis prêt à aller très loin, mais si les choses sont claires.
- Vous avez accusé le gouvernement d’entretenir l’ambiguïté. Est-elle, aujourd’hui, levée ?
- Non ! Mme Lebranchu m’a répondu directement, mais je suis réservé par rapport à sa réponse. Il reste l’ambiguïté du calendrier pour la révision constitutionnelle. Que le gouvernement promette que cette révision aura lieu avant 2017, car après ce ne sera plus la gauche qui pourra le promettre. Il ne peut pas se réfugier derrière le fait qu’il a du mal à avoir une majorité des 3/5ème alors qu’il ne la cherche pas et que je la lui apporte.
- L’UMP jouerait-il vraiment le jeu ?
- Une partie non négligeable de l’UMP a déjà voté la demande de révision de la Constitution pour ratifier la Charte des langues régionales ou minoritaires. Les mêmes élus, assez nombreux, et il pourrait même y en avoir d’autres, ne s’opposeront pas à ce que, dans cette même révision, la Corse soit inscrite dans l’article 72-5. Je le dis depuis 6 mois à Mme Lebranchu ! En même temps, pourquoi le gouvernement ne soumettrait-il pas une révision spécifique à la Corse ? C’est simplement une question de volonté politique. Si ce n’est pas possible, il en tirera les conséquences, mais, sans essayer, on n’obtient rien !
- L’impossibilité brandie de réunir les 3/5ème du Congrès n'est-elle, pour vous, qu’un alibi masquant le blocage gouvernemental sur la question ?
- Nicolas Sarkozy a pris le risque d’engager une révision de la Constitution avec seulement 2 ou 3 voix de majorité. Un mois auparavant, il n’avait même pas la majorité ! Mais, il est allé jusqu’au bout et a fait des avancées remarquables. La Question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qu’il a défendue, donne de nombreux droits au citoyen qui peut soumettre une loi au Conseil constitutionnel quand il pense que le droit n’est pas respecté. On ne peut plus jouer la montre. Je serai intransigeant sur cette question. Si ma famille politique n’apporte pas la majorité, à ce moment-là, on le vérifiera. Mais, pas à priori, à postériori !
- Vous saluez la création de l’Office foncier. Va-t-il fonctionner ?
- J’ai été à son initiative avec Dominique Bucchini, il devenait, au départ, s’appeler : établissement public foncier régional ou d’Etat. Je suis heureux qu’on soit arrivé au bout, même si on a perdu un peu de temps. J’ai dit, lors du débat, que je ne comprenais pas pourquoi l’Exécutif n’avait pas sollicité le soutien de la Caisse des dépôts et consignations. La ministre a répondu qu’il faudra, effectivement, joué dans ce sens. D’autant que l’on peut travailler avec des gens sérieux : le directeur, Pierre-René Lemas, qui connaît la Corse, et le président Henri Emmanuelli. Je dis : Allons-y ! Travaillons ensemble ! On peut avancer avec méthode et pragmatisme et aller loin.
- Quelle est exactement la proposition de la ministre sur les Arrêtés Miot ?
- Elle est très simple. Il s’agit de reprendre l’amendement, que j’ai déposé récemment avec François Pupponi. Il prévoit que l’on peut déroger à la règle de droit commun à partir du moment où la titrisation des biens se ferait d’ici à la fin 2017. Les donations, qui auraient lieu postérieurement, bénéficieraient de l’abattement de 30%. Les droits de succession ne sont pas une taxe, mais un impôt personnel.
- N’y-a-t-il plus de retour en arrière possible ?
- Non ! La spécificité des Arrêtés Miot corses, c’est fini ! La décision du Conseil constitutionnel ne permet plus d’identifier la Corse dans sa spécificité. Pour que le Conseil constitutionnel puisse valider, il faut trouver une réponse qui ne soit pas spécifique à la Corse. Or, l’Outremer et d’autres régions continentales connaissent les mêmes problèmes. On peut, donc, apporter des réponses par cet artifice, même si ce sera surtout la Corse qui en bénéficiera.
- Concrètement, à quoi les Corses peuvent-ils s’attendre ?
- Concrètement, c’est un travail en devenir. Nous avons, avec le gouvernement, deux mois pour apporter des réponses sûres. Rien ne serait pire que la censure du Conseil constitutionnel ! On peut juger comme on veut sa décision, on peut la juger politique, lui mettre tous les qualificatifs, mais elle s’impose à nous. A partir de là, comme je suis pragmatique, je cherche la porte, la voie d’accès. Quelles sont les différenciations de la Corse avec le continent ? Primo, l’absence de titres de propriété, donc la titrisation à mettre en œuvre. Deuxio, les successions collatérales y sont plus importantes qu’ailleurs. Ces deux éléments de leviers sont, avec les donations, à prendre en compte.
- Que proposez-vous concernant les donations ?
- Les donations sont le meilleur moyen d’accéder à la terre et à des biens à 25 ou 30 ans plutôt que d’attendre le décès des parents à 60 ou 65 ans. C’est plus sain de léguer les biens du vivant pour éviter les déchirures familiales du futur ! Cela permettra de changer le logiciel de la Corse dans son comportement patrimonial et familial et d’éviter certains drames ! La Corse n’a pas utilisé le principe des donations puisqu’elle bénéficiait d’une exonération par décès. Il faut justifier qu’il y a une forme de rupture d’égalité au détriment de la Corse.
- Pourquoi critiquez-vous la demande de Paul Giacobbi de déspécialiser l’enveloppe de la continuité territoriale ?
- Je l’ai souhaité il y a déjà plusieurs années. La gauche n’en voulait pas à l’époque. Si on ne fait pas des économies sur les DSP (Délégation de service public) dont certaines explosent, la déspécialisation ne sert à rien. Déspécialiser une enveloppe dont le montant est zéro €, donne zéro € à répartir ! Si nous sommes capables de diminuer le coût du transport des DSP, aériennes ou maritimes, et d’avoir un reliquat permettant de déspécialiser pour financer notamment des infrastructures routières, aéroportuaires et maritimes, je suis d’accord. Mais, soyons sérieux ! Il y a de moins en moins d’argent. Aujourd’hui, il faut presque que la CTC abonde la dotation de continuité territoriale pour financer le service public. Je ne lâche rien sur les dotations que l’Etat a rognées alors qu’il y a un passif qui s’imposait dans le cadre du comité des finances locales, qui a été appliqué à l’Outremer et ne l’a pas été à la Corse alors qu’il le doit.
Propos recueillis par Nicole MARI
- Les relations entre l’Exécutif régional et le gouvernement doivent s’établir sur d’autres bases, celles d’aujourd’hui ne sont pas saines. Nous ne sommes pas là pour céder à la facilité. Le discours doit être constructif et le partenariat, éclairé. Arrêtons de tourner en rond sur des questions qui sont tranchées ! Offrons à la Corse de l’effectivité et non de l’idéologie ! Les Indépendantistes, qui veulent le statut de résident, sont dans leur ligne. Je les comprends ! Ils sont pour l’indépendance, la République française et la Constitution sont des obstacles. Je fais partie de ceux qui veulent vivre en bons républicains et faire en sorte que la Corse soit mieux reconnue, aidée, renforcée et qu’elle ait l’autonomie de décisions la plus large possible et les moyens financiers de son développement.
- Vous appelez la CTC à travailler sur du concret. Le vote des 46 élus en faveur de la réforme institutionnelle est-il réaliste ?
- Oui ! Le vote des 46 élus est réaliste. J’y ai participé. Je ne suis pas fou ! Je sais ce que je fais ! Ce qui n’est pas réaliste, c’est la coofficialité. On le savait, les constitutionnalistes l’avaient dit. Au mieux, on peut obtenir la ratification de la Charte des langues régionales ou minoritaires. Le statut de résident n’est pas réaliste au niveau non pas de la Constitution, mais des fondamentaux du bloc constitutionnel, c’est-à-dire de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, et au niveau de l’Union européenne. On va droit dans le mur !
- Ce n’est pas l’avis du président de l’Exécutif et de nombreux autres élus ?
- J’ai dit à Paul Giacobbi qu’en agitant des chiffons rouges, on retarde les avancées que le gouvernement peut accorder et le travail que nous devons faire ensemble. Il faut se débarrasser de ces scories. Faire croire que la délibération s’impose à tous alors qu’elle est contraire à tous les principes, ça ne va pas ! Par contre l’inscription de la Corse dans l’article 72-5 de la Constitution est possible ! Le texte reste à écrire. On peut très vite s’entendre sur une rédaction, certains éléments sont déjà prêts. Soumettons-le ensemble au 1er ministre et demandons-lui un calendrier. Je suis prêt à aller très loin, mais si les choses sont claires.
- Vous avez accusé le gouvernement d’entretenir l’ambiguïté. Est-elle, aujourd’hui, levée ?
- Non ! Mme Lebranchu m’a répondu directement, mais je suis réservé par rapport à sa réponse. Il reste l’ambiguïté du calendrier pour la révision constitutionnelle. Que le gouvernement promette que cette révision aura lieu avant 2017, car après ce ne sera plus la gauche qui pourra le promettre. Il ne peut pas se réfugier derrière le fait qu’il a du mal à avoir une majorité des 3/5ème alors qu’il ne la cherche pas et que je la lui apporte.
- L’UMP jouerait-il vraiment le jeu ?
- Une partie non négligeable de l’UMP a déjà voté la demande de révision de la Constitution pour ratifier la Charte des langues régionales ou minoritaires. Les mêmes élus, assez nombreux, et il pourrait même y en avoir d’autres, ne s’opposeront pas à ce que, dans cette même révision, la Corse soit inscrite dans l’article 72-5. Je le dis depuis 6 mois à Mme Lebranchu ! En même temps, pourquoi le gouvernement ne soumettrait-il pas une révision spécifique à la Corse ? C’est simplement une question de volonté politique. Si ce n’est pas possible, il en tirera les conséquences, mais, sans essayer, on n’obtient rien !
- L’impossibilité brandie de réunir les 3/5ème du Congrès n'est-elle, pour vous, qu’un alibi masquant le blocage gouvernemental sur la question ?
- Nicolas Sarkozy a pris le risque d’engager une révision de la Constitution avec seulement 2 ou 3 voix de majorité. Un mois auparavant, il n’avait même pas la majorité ! Mais, il est allé jusqu’au bout et a fait des avancées remarquables. La Question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qu’il a défendue, donne de nombreux droits au citoyen qui peut soumettre une loi au Conseil constitutionnel quand il pense que le droit n’est pas respecté. On ne peut plus jouer la montre. Je serai intransigeant sur cette question. Si ma famille politique n’apporte pas la majorité, à ce moment-là, on le vérifiera. Mais, pas à priori, à postériori !
- Vous saluez la création de l’Office foncier. Va-t-il fonctionner ?
- J’ai été à son initiative avec Dominique Bucchini, il devenait, au départ, s’appeler : établissement public foncier régional ou d’Etat. Je suis heureux qu’on soit arrivé au bout, même si on a perdu un peu de temps. J’ai dit, lors du débat, que je ne comprenais pas pourquoi l’Exécutif n’avait pas sollicité le soutien de la Caisse des dépôts et consignations. La ministre a répondu qu’il faudra, effectivement, joué dans ce sens. D’autant que l’on peut travailler avec des gens sérieux : le directeur, Pierre-René Lemas, qui connaît la Corse, et le président Henri Emmanuelli. Je dis : Allons-y ! Travaillons ensemble ! On peut avancer avec méthode et pragmatisme et aller loin.
- Quelle est exactement la proposition de la ministre sur les Arrêtés Miot ?
- Elle est très simple. Il s’agit de reprendre l’amendement, que j’ai déposé récemment avec François Pupponi. Il prévoit que l’on peut déroger à la règle de droit commun à partir du moment où la titrisation des biens se ferait d’ici à la fin 2017. Les donations, qui auraient lieu postérieurement, bénéficieraient de l’abattement de 30%. Les droits de succession ne sont pas une taxe, mais un impôt personnel.
- N’y-a-t-il plus de retour en arrière possible ?
- Non ! La spécificité des Arrêtés Miot corses, c’est fini ! La décision du Conseil constitutionnel ne permet plus d’identifier la Corse dans sa spécificité. Pour que le Conseil constitutionnel puisse valider, il faut trouver une réponse qui ne soit pas spécifique à la Corse. Or, l’Outremer et d’autres régions continentales connaissent les mêmes problèmes. On peut, donc, apporter des réponses par cet artifice, même si ce sera surtout la Corse qui en bénéficiera.
- Concrètement, à quoi les Corses peuvent-ils s’attendre ?
- Concrètement, c’est un travail en devenir. Nous avons, avec le gouvernement, deux mois pour apporter des réponses sûres. Rien ne serait pire que la censure du Conseil constitutionnel ! On peut juger comme on veut sa décision, on peut la juger politique, lui mettre tous les qualificatifs, mais elle s’impose à nous. A partir de là, comme je suis pragmatique, je cherche la porte, la voie d’accès. Quelles sont les différenciations de la Corse avec le continent ? Primo, l’absence de titres de propriété, donc la titrisation à mettre en œuvre. Deuxio, les successions collatérales y sont plus importantes qu’ailleurs. Ces deux éléments de leviers sont, avec les donations, à prendre en compte.
- Que proposez-vous concernant les donations ?
- Les donations sont le meilleur moyen d’accéder à la terre et à des biens à 25 ou 30 ans plutôt que d’attendre le décès des parents à 60 ou 65 ans. C’est plus sain de léguer les biens du vivant pour éviter les déchirures familiales du futur ! Cela permettra de changer le logiciel de la Corse dans son comportement patrimonial et familial et d’éviter certains drames ! La Corse n’a pas utilisé le principe des donations puisqu’elle bénéficiait d’une exonération par décès. Il faut justifier qu’il y a une forme de rupture d’égalité au détriment de la Corse.
- Pourquoi critiquez-vous la demande de Paul Giacobbi de déspécialiser l’enveloppe de la continuité territoriale ?
- Je l’ai souhaité il y a déjà plusieurs années. La gauche n’en voulait pas à l’époque. Si on ne fait pas des économies sur les DSP (Délégation de service public) dont certaines explosent, la déspécialisation ne sert à rien. Déspécialiser une enveloppe dont le montant est zéro €, donne zéro € à répartir ! Si nous sommes capables de diminuer le coût du transport des DSP, aériennes ou maritimes, et d’avoir un reliquat permettant de déspécialiser pour financer notamment des infrastructures routières, aéroportuaires et maritimes, je suis d’accord. Mais, soyons sérieux ! Il y a de moins en moins d’argent. Aujourd’hui, il faut presque que la CTC abonde la dotation de continuité territoriale pour financer le service public. Je ne lâche rien sur les dotations que l’Etat a rognées alors qu’il y a un passif qui s’imposait dans le cadre du comité des finances locales, qui a été appliqué à l’Outremer et ne l’a pas été à la Corse alors qu’il le doit.
Propos recueillis par Nicole MARI