Photo d'illustration
"Vingt millions d'euros sur cinq ans... Ca fait quatre millions par an", soupèse Paul-Félix Benedetti, pas franchement convaincu par les moyens alloués au bois et à la forêt par la majorité. "Au niveau structurel, économique et stratégique, c'est un programme d'indigent", cingle le chef de file de Core in Fronte. L'exécutif avait-il senti la sentence tomber ? A croire que oui : "Ce que je peux vous annoncer pour ne pas être trop indigent, c'est que le budget déployé pour la forêt et le bois soit doublé par rapport à ce qui a été mobilisé en 2023", lui a répondu Julien Paolini, qui a présenté le rapport. "De 4 millions, on va passer à 8 millions d'euros par an pour la mise en oeuvre de ce plan. Je pense que c'est un geste politique fort." L'espace de quelques secondes, on a cru voir blêmir Gilles Simeoni : "Sous le coup de l'émotion et de la fatigue, Julien Paolini double les crédits !", feint-il de s'alarmer. Le président de l'exécutif laisse un blanc, puis reprend : "Non, je taquine Julien, on en a parlé avant..." Redevenu sérieux, Gilles Simeoni nuance néanmoins : "Aujourd'hui, oui, nous sommes sur 4 millions d'euros et nous ferons le choix de renforcer en termes budgétaires le soutien à la filière bois. Cet objectif de principe, il est à confronter, bien sûr, à ce que seront nos résultats en fin d'année, notre compte administratif et nos marges."
Pas sûr que l'annonce du doublement des moyens financiers a convaincu Paul-Félix Benedetti, qui s'est abstenu au moment de voter (tout comme le groupe Avanzemu). Cette annonce rassurera-t-elle au moins U Cullettivu per a furesta corsa ? La veille du vote, U Cullettivu n'avait pas caché son scepticisme quant au contenu d'un rapport pour lequel il avait pourtant été force de propositions. "Dans ce rapport, nous ne trouvons pas d'engagements politiques et financiers concrets, taclait-il. Il ne permettra ni la construction d'une filière bois, ni un renouveau pour la forêt corse dans toute sa multifonctionnalité."
"Et pourtant, cette filière elle patine"
Ce rapport, "il est le fruit d'un travail de concertation large avec les professionnels qui a duré deux ans", a défendu Julien Paolini au cours de sa présentation. A l'origine, en 2021, c'est le plan forêt élaboré par les services de l'Etat qui était censé faire foi. "Mais il avait été jugé hors-sol, inadapté aux difficultés de la filière qui est en très mauvaise posture et déconnecté des spécificités de la Corse", a rappelé le conseiller exécutif, qui énumère les contraintes spécifiques à la forêt corse : "La difficulté d'accéder à la ressource, les temps de parcours, le désordre foncier plus marqué dans les forêts privées que publiques".
Pour contraignantes qu'elles soient, ces spécificités ne sont pas l'arbre qui cachera la forêt corse, abondante et de qualité. L'île s'étend sur une superficie totale de 872 000 hectares, dont 499 000 de forêts et le bois représente, de loin, sa ressource principale. "Notre bois a une texture et une qualité qui font sa réputation. Et pourtant, cette filière elle patine", constate Paul-Félix Benedetti. En 2016, la Collectivité de Corse dénombrait 280 entreprises consacrées entièrement à la filière, soit 472 emplois. "Ca fait 0,5 % de la main d'oeuvre salariée aujourd'hui en Corse..." fait remarquer Saveriu Luciani (Avanzemu), en tenant compte d'emplois supplémentaires partiellement consacrés à la filière. "La construction de bois représente environ 2% des parts de marché du bâtiment dans l'île alors qu'elle avoisine les 11% sur le continent", ajoute Georges Mela, pour Un Soffiu Novu. On assiste à un phénomène de sous-exploitation de la forêt corse et de sous-valorisation de ses produits."
Pour Paul-Félix Benedetti, la Collectivité de Corse se doit de montrer la voie en imposant du bois corse dans les chantiers : "La magnifique salle de l'ODARC (*), elle est en bois du monde entier mais il n'y a pas un seul morceau de lambris qui vient de Corse !" s'insurge-t-il. "Qu'est-ce qui nous empêchait de faire un cahier des charges sélectifs ? Dorénavant, il faudra l'imposer aux architectes : votre projet doit intégrer du bois corse." Julien Paolini en a convenu : "On est en train de rattraper le coup puisque le chalet de Pietrapola intègrera du bois local, on accompagne aussi la ville de Porto-Vecchio pour une crèche utilisant du pin laricio de la forêt de l'Ospedale."
Cinq grands principes
Le plan d'action élaboré pour les cinq prochaines années s'articule autour de cinq grands principes : assurer la disponibilité de la ressource en bois en améliorant la desserte forestière ; prendre en compte la richesse de la forêt, via une gestion par massif ; renforcer l'offre de formation, de recherche et d'innovation, en ouvrant notamment une formation au bûcheronnage au lycée de Sartène ; installer de nouvelles instances forestières (commission pastorale...) ; développer l'économie de la filière bois par des actions de labellisation.
Pas sûr que l'annonce du doublement des moyens financiers a convaincu Paul-Félix Benedetti, qui s'est abstenu au moment de voter (tout comme le groupe Avanzemu). Cette annonce rassurera-t-elle au moins U Cullettivu per a furesta corsa ? La veille du vote, U Cullettivu n'avait pas caché son scepticisme quant au contenu d'un rapport pour lequel il avait pourtant été force de propositions. "Dans ce rapport, nous ne trouvons pas d'engagements politiques et financiers concrets, taclait-il. Il ne permettra ni la construction d'une filière bois, ni un renouveau pour la forêt corse dans toute sa multifonctionnalité."
"Et pourtant, cette filière elle patine"
Ce rapport, "il est le fruit d'un travail de concertation large avec les professionnels qui a duré deux ans", a défendu Julien Paolini au cours de sa présentation. A l'origine, en 2021, c'est le plan forêt élaboré par les services de l'Etat qui était censé faire foi. "Mais il avait été jugé hors-sol, inadapté aux difficultés de la filière qui est en très mauvaise posture et déconnecté des spécificités de la Corse", a rappelé le conseiller exécutif, qui énumère les contraintes spécifiques à la forêt corse : "La difficulté d'accéder à la ressource, les temps de parcours, le désordre foncier plus marqué dans les forêts privées que publiques".
Pour contraignantes qu'elles soient, ces spécificités ne sont pas l'arbre qui cachera la forêt corse, abondante et de qualité. L'île s'étend sur une superficie totale de 872 000 hectares, dont 499 000 de forêts et le bois représente, de loin, sa ressource principale. "Notre bois a une texture et une qualité qui font sa réputation. Et pourtant, cette filière elle patine", constate Paul-Félix Benedetti. En 2016, la Collectivité de Corse dénombrait 280 entreprises consacrées entièrement à la filière, soit 472 emplois. "Ca fait 0,5 % de la main d'oeuvre salariée aujourd'hui en Corse..." fait remarquer Saveriu Luciani (Avanzemu), en tenant compte d'emplois supplémentaires partiellement consacrés à la filière. "La construction de bois représente environ 2% des parts de marché du bâtiment dans l'île alors qu'elle avoisine les 11% sur le continent", ajoute Georges Mela, pour Un Soffiu Novu. On assiste à un phénomène de sous-exploitation de la forêt corse et de sous-valorisation de ses produits."
Pour Paul-Félix Benedetti, la Collectivité de Corse se doit de montrer la voie en imposant du bois corse dans les chantiers : "La magnifique salle de l'ODARC (*), elle est en bois du monde entier mais il n'y a pas un seul morceau de lambris qui vient de Corse !" s'insurge-t-il. "Qu'est-ce qui nous empêchait de faire un cahier des charges sélectifs ? Dorénavant, il faudra l'imposer aux architectes : votre projet doit intégrer du bois corse." Julien Paolini en a convenu : "On est en train de rattraper le coup puisque le chalet de Pietrapola intègrera du bois local, on accompagne aussi la ville de Porto-Vecchio pour une crèche utilisant du pin laricio de la forêt de l'Ospedale."
Cinq grands principes
Le plan d'action élaboré pour les cinq prochaines années s'articule autour de cinq grands principes : assurer la disponibilité de la ressource en bois en améliorant la desserte forestière ; prendre en compte la richesse de la forêt, via une gestion par massif ; renforcer l'offre de formation, de recherche et d'innovation, en ouvrant notamment une formation au bûcheronnage au lycée de Sartène ; installer de nouvelles instances forestières (commission pastorale...) ; développer l'économie de la filière bois par des actions de labellisation.
Julien Paolini a défendu le rapport qui fixe les orientations pour la forêt corse ces cinq prochaines années.
Un plan d'action qui découle d'un constat que Julien Paolini rappelle : "On est passé de 40 000 m3 de bois vendu à 10 000 m3 aujourd'hui". Pour y remédier, "on a décidé en concertation avec les professionnels de mettre en place une nouvelle approche, via des contrats d'approvisionnement qui garantiront aux entreprises l'accès à une ressource tout en ayant l'accompagnement des banques pour réaliser les investissements dont ils ont besoin. Cela leur permettra d'investir, notamment pour la transformation de bois de moindre qualité."
Le bois, en tant que producteur d'énergie renouvelable, c'est d'ailleurs un virage que ne veut pas manquer la Collectivité de Corse : "Aujourd'hui, le bois de chauffage est l'énergie la moins chère pour se chauffer, souligne Julien Paolini. Et dans le cadre des programmations pluriannuelles de l'énergie, il est prévu la sortie du gaz de ville, autant sur Bastia que sur Aiacciu, et son remplacement par des réseaux de chaleur biomasse."
"Un projet audacieux, innovant"
Derrière Julien Paolini, la majorité Fà Populu Inseme a fait bloc pour défendre ce rapport : "C'est un projet audacieux, innovant, mobilisant tous les acteurs", a notamment salué Anne-Laure Santucci. Et Gilles Simeoni de mettre en avant le travail amorcé : "La contractualisation avec les communes forestières pour permettre l'accès à la ressource, la volonté d'avoir un traitement par massif, la dimension de lutte contre le réchauffement climatique pour protéger les communes aux risques incendie. Tout cela montre que nous commençons à avancer de façon très opérationnelle, même si beaucoup reste à faire." Le plan a finalement été adopté à la majorité, en tenant compte d'un amendement déposé par Un Soffiu Novu, qui demandait à ce qu'une étude soit réalisée sur les moyens humains et financiers qui seront supportés par la Collectivité de Corse, dans le cadre du transfert de compétence souhaité par la majorité, une compétence actuellement partagée entre diverses instances placées sous la coupe de l'Etat.
Le bois, en tant que producteur d'énergie renouvelable, c'est d'ailleurs un virage que ne veut pas manquer la Collectivité de Corse : "Aujourd'hui, le bois de chauffage est l'énergie la moins chère pour se chauffer, souligne Julien Paolini. Et dans le cadre des programmations pluriannuelles de l'énergie, il est prévu la sortie du gaz de ville, autant sur Bastia que sur Aiacciu, et son remplacement par des réseaux de chaleur biomasse."
"Un projet audacieux, innovant"
Derrière Julien Paolini, la majorité Fà Populu Inseme a fait bloc pour défendre ce rapport : "C'est un projet audacieux, innovant, mobilisant tous les acteurs", a notamment salué Anne-Laure Santucci. Et Gilles Simeoni de mettre en avant le travail amorcé : "La contractualisation avec les communes forestières pour permettre l'accès à la ressource, la volonté d'avoir un traitement par massif, la dimension de lutte contre le réchauffement climatique pour protéger les communes aux risques incendie. Tout cela montre que nous commençons à avancer de façon très opérationnelle, même si beaucoup reste à faire." Le plan a finalement été adopté à la majorité, en tenant compte d'un amendement déposé par Un Soffiu Novu, qui demandait à ce qu'une étude soit réalisée sur les moyens humains et financiers qui seront supportés par la Collectivité de Corse, dans le cadre du transfert de compétence souhaité par la majorité, une compétence actuellement partagée entre diverses instances placées sous la coupe de l'Etat.
"Quand un arbre tombe, on l'entend, mais ce n'est pas toujours très constructif, a conclu Julien Paolini. En revanche, quand la forêt pousse, elle ne fait pas de bruit et permet de construire l'avenir. Et c'est ce que nous avons essayé de faire." La veille, dans son communiqué, U Culletivu per a furesta corsa avait filé différemment la métaphore : "Ce rapport, prétendument feuille de route, ira sans nul doute rejoindre d'autres rapports qui, comme les feuilles des arbres, finissent par se ramasser à la pelle..."
(*) L'Office du développement agricole de la Corse.
(*) L'Office du développement agricole de la Corse.