Quelle est la cause de la mort de Mickaël Tchepitchian ? Est-elle liée à l'irruption des deux frères Pini à son domicile, au stress ou aux violences qui ont pu en résulter ? Peut-on établir avec certitude un lien de cause à effet ? Les deux sapeurs-pompiers sont-ils responsables ? C'est ce que devait tenter de déterminer cette deuxième journée d'audience consacrée, en grande partie, à l'audition des experts médico-légaux. Au final, beaucoup d’hypothèses et toujours peu de certitudes.
Pas de coups
Les deux médecins légistes qui ont pratiqué l’autopsie, les Dr Jean-Baptiste Rovere et Antoine Damotte, sont formels : l'examen externe ne révèle aucune trace de lutte et l'examen interne ne montre aucun hématome profond, ni aucune lésion. « Sur cette personne qui a une pathologie cardiaque évoluée, la mort résulte d'une insuffisance cardiaque qui n'est pas due à des coups visibles à l'autopsie. Rien ne permet de mettre en évidence des lésions d'ordre traumatique. La mort est attribuée à un trouble du rythme, par exemple une tachycardie ventriculaire qui a dégénéré en fibrillation », commente Le Dr Rovere. Mêmes conclusions du Dr Damotte : « La victime n'a pas reçu de coups violents et n'a pas été brutalisée. La violence laisse inévitablement des traces. Il n'y a pas de traces sous la peau ». Il indique que la victime, du fait de sa pathologie grave, vivait avec « un risque de décompensation » permanent, qui peut également être à l'origine du décès. Comme il n'exclut pas que le massage cardiaque, pratiqué par l'épouse et le beau-fils, ait pu entraîner des complications.
Pas de certitudes
Deux autres experts, les Dr Abdelkader Bensalah et Yves Frances, émettent trois hypothèses pour expliquer le décès, sans en retenir aucune. La plus vraisemblable serait un choc émotionnel du au stress, pouvant provoquer une arythmie grave. Le risque d’un commotio-cordis, c'est-à-dire un coup porté au thorax à un moment-clé du rythme cardiaque, « est faible, mais réel. Il est rare. Il faut que le coup soit porté avec une grosse énergie ». La mort subite, sans lien avec le contexte, n’est pas exclue car, « vu l’état du patient, un trouble du rythme paroxystique peut intervenir à n’importe quel moment. A 30 ans, on note déjà 20 % de décès et, à 40 ans, la plupart attendent la transplantation ». Même si les experts semblent lier le malaise de la victime au contexte, « Il est impossible de dire avec certitude la cause du décès », reconnaît le Dr Bensalah. Il conclut : « La malchance était au rendez-vous pour les deux parties. La victime portait une véritable bombe à retardement sur elle. Il suffisait d'appuyer sur la gâchette pour l'activer ».
Des secours trop tardifs
Néanmoins, le cardiologue bastiais incrimine le temps, écoulé entre le début du malaise et l’arrivée des secours, trop long pour permettre la réanimation. « L’arythmie provoque la tremblotte du cœur, c’est-à-dire des contractions anarchiques, désorganisées et inefficaces qui conduisent à l’arrêt du rythme cardiaque. Le seul traitement possible pour rétablir ce rythme est une défibrillation, c’est-à-dire un choc énergique, dans les 3 minutes suivant le malaise. L’étape cruciale de la défibrillation a été trop tardive. Les chances de survie diminuent de 10% par minute pour arriver nulles au bout de 10 minutes ».
Ce sera également l’avis du Dr Paul Marcaggi, expert judiciaire près de la Cour d’appel, cité par la défense pour étayer l’hypothèse de la mort subite. Il va se révéler encore plus prudent sur les causes du décès. Son audition donnera lieu à une polémique entre le président Macouin et Me Gilles Simeoni, l’avocat des prévenus. Le premier refusant de prendre en compte les conclusions d’une expertise non ordonnée lors de l’instruction, le second argumente, à l’appui du dernier procès d’Yvan Colonna, sur le principe fondamental du contradictoire.
Un discernement altéré
Nonobstant, la défense marque des points. Très habilement, Me Gilles Simeoni fait valider les affirmations de ses clients par les experts qui admettent que la victime, sous le coup d’une tachycardie, a pu se relever et donner l’impression d’aller bien.
Les expertises psychologique et psychiatrique s’avèrent également très favorables aux prévenus. Elles vont mettre l’accent sur « leur double souffrance et leur empathie avec la famille de la victime » et justifier leur geste par les traumatismes affectifs qui ont jalonné leur vie et leurs liens très forts avec leur mère. « La détresse de leur mère, suite au vol, a réactivé toute leur souffrance et l’angoisse d’une perte. Ils ont réagi de façon immédiate, réactionnelle, sans aucune intentionnalité de faire du mal à qui que ce soit », estime l’expert psychiatre. Elle diagnostique « une légère altération du discernement ». Cette circonstance atténuante, rarement soulevée en expertise, va faire réagir le Président Macouin et bondir la partie civile qui crie à la complaisance, mais l’expert tient bon.
Une famille accablante
La journée a été également marquée par l’audition des témoins de la partie civile, dont la plupart vont être accablants pour le couple Tchepitchian. Déjà, l’assistante sociale, qui lui apportait son aide, le décrivait, la veille, sans ménagement, comme : « un couple très complémentaire dans leurs exigences, fréquemment agressif, tentant d’abuser du système, vivant aux crochets de la société. Leurs demandes étaient fréquentes et rarement justifiées ». La famille de Mme Jimenez-Tchepitchian n’est pas plus tendre. Sa tante taxe la victime de « malhonnête, profiteur et arrogant, avec des réactions assez violentes ». Sa cousine et voisine décrit un couple sans argent, toujours en dispute, et la victime comme : « violent, très agressif, sans aucun respect, qui criait beaucoup ». Elle avoue : « J’avais honte ! ».
La souffrance d’un père
Des propos mal reçus par le père de Mickael Tchepitchian qui, d’une voix très émue, va exprimer sa douleur : « J’ai beaucoup entendu de choses que je n’avais jamais imaginées. Mon fils, je ne le retrouve pas du tout ! J’ai appris à mes fils beaucoup de valeurs, en particulier de rejeter de leur propre vie tout acte de violence et d’agressivité. Mon fils n’a pas utilisé la violence quand il a été agressé. Il l’a subie. C’est de cette violence que Mickaël nous a quittés ». Affirmant n’avoir ni haine, ni volonté de vengeance, il s’adresse aux jurés : « Que votre décision soit une contribution exemplaire contre la violence, source de douleur, ici comme ailleurs ! ».
Au préalable, le président Macouin avait pris soin de l’avertir : « Une audience d’assises ne satisfait pas les parties civiles qui attendent la vérité avec un grand V et de voir désigner un responsable. Il est rare que cette vérité sorte d’une audience. Il arrive, parfois, qu’il n’y ait pas de responsable ! ».
L’honneur d’un pompier
A la fin des débats, résumant les faits, il demande aux prévenus : « Personne ne veut vous accabler. Mais, êtes-vous sûrs que, dans l’énervement, vous ne vous êtes pas laissés un peu déborder par la situation ? ». Les deux frères répondent, sans hésiter, d’un ton ferme : « Oui. On ne s’est pas laissés déborder ». Yann Pini ajoute : « On est rentrés dans cette maison pour récupérer ce qu’on devait récupérer. Quand on a vu qu’on ne pouvait pas discuter, on a récupéré les éléments et on est parti. La leçon est marquée à l’encre. Elle sera ineffaçable. Mais, ce n’est pas un mea culpa ». Si ce pompier exemplaire est « conscient de la situation », il ne peut supporter d’être suspecté de non-assistance à personne en danger. Ses derniers mots sont un cri du cœur : « Il est hors de question qu’on puisse penser que je peux m’en aller en laissant un homme à terre ! ».
Les plaidoiries débuteront vendredi matin. Le verdict est attendu dans la soirée.
N.M.
Pas de coups
Les deux médecins légistes qui ont pratiqué l’autopsie, les Dr Jean-Baptiste Rovere et Antoine Damotte, sont formels : l'examen externe ne révèle aucune trace de lutte et l'examen interne ne montre aucun hématome profond, ni aucune lésion. « Sur cette personne qui a une pathologie cardiaque évoluée, la mort résulte d'une insuffisance cardiaque qui n'est pas due à des coups visibles à l'autopsie. Rien ne permet de mettre en évidence des lésions d'ordre traumatique. La mort est attribuée à un trouble du rythme, par exemple une tachycardie ventriculaire qui a dégénéré en fibrillation », commente Le Dr Rovere. Mêmes conclusions du Dr Damotte : « La victime n'a pas reçu de coups violents et n'a pas été brutalisée. La violence laisse inévitablement des traces. Il n'y a pas de traces sous la peau ». Il indique que la victime, du fait de sa pathologie grave, vivait avec « un risque de décompensation » permanent, qui peut également être à l'origine du décès. Comme il n'exclut pas que le massage cardiaque, pratiqué par l'épouse et le beau-fils, ait pu entraîner des complications.
Pas de certitudes
Deux autres experts, les Dr Abdelkader Bensalah et Yves Frances, émettent trois hypothèses pour expliquer le décès, sans en retenir aucune. La plus vraisemblable serait un choc émotionnel du au stress, pouvant provoquer une arythmie grave. Le risque d’un commotio-cordis, c'est-à-dire un coup porté au thorax à un moment-clé du rythme cardiaque, « est faible, mais réel. Il est rare. Il faut que le coup soit porté avec une grosse énergie ». La mort subite, sans lien avec le contexte, n’est pas exclue car, « vu l’état du patient, un trouble du rythme paroxystique peut intervenir à n’importe quel moment. A 30 ans, on note déjà 20 % de décès et, à 40 ans, la plupart attendent la transplantation ». Même si les experts semblent lier le malaise de la victime au contexte, « Il est impossible de dire avec certitude la cause du décès », reconnaît le Dr Bensalah. Il conclut : « La malchance était au rendez-vous pour les deux parties. La victime portait une véritable bombe à retardement sur elle. Il suffisait d'appuyer sur la gâchette pour l'activer ».
Des secours trop tardifs
Néanmoins, le cardiologue bastiais incrimine le temps, écoulé entre le début du malaise et l’arrivée des secours, trop long pour permettre la réanimation. « L’arythmie provoque la tremblotte du cœur, c’est-à-dire des contractions anarchiques, désorganisées et inefficaces qui conduisent à l’arrêt du rythme cardiaque. Le seul traitement possible pour rétablir ce rythme est une défibrillation, c’est-à-dire un choc énergique, dans les 3 minutes suivant le malaise. L’étape cruciale de la défibrillation a été trop tardive. Les chances de survie diminuent de 10% par minute pour arriver nulles au bout de 10 minutes ».
Ce sera également l’avis du Dr Paul Marcaggi, expert judiciaire près de la Cour d’appel, cité par la défense pour étayer l’hypothèse de la mort subite. Il va se révéler encore plus prudent sur les causes du décès. Son audition donnera lieu à une polémique entre le président Macouin et Me Gilles Simeoni, l’avocat des prévenus. Le premier refusant de prendre en compte les conclusions d’une expertise non ordonnée lors de l’instruction, le second argumente, à l’appui du dernier procès d’Yvan Colonna, sur le principe fondamental du contradictoire.
Un discernement altéré
Nonobstant, la défense marque des points. Très habilement, Me Gilles Simeoni fait valider les affirmations de ses clients par les experts qui admettent que la victime, sous le coup d’une tachycardie, a pu se relever et donner l’impression d’aller bien.
Les expertises psychologique et psychiatrique s’avèrent également très favorables aux prévenus. Elles vont mettre l’accent sur « leur double souffrance et leur empathie avec la famille de la victime » et justifier leur geste par les traumatismes affectifs qui ont jalonné leur vie et leurs liens très forts avec leur mère. « La détresse de leur mère, suite au vol, a réactivé toute leur souffrance et l’angoisse d’une perte. Ils ont réagi de façon immédiate, réactionnelle, sans aucune intentionnalité de faire du mal à qui que ce soit », estime l’expert psychiatre. Elle diagnostique « une légère altération du discernement ». Cette circonstance atténuante, rarement soulevée en expertise, va faire réagir le Président Macouin et bondir la partie civile qui crie à la complaisance, mais l’expert tient bon.
Une famille accablante
La journée a été également marquée par l’audition des témoins de la partie civile, dont la plupart vont être accablants pour le couple Tchepitchian. Déjà, l’assistante sociale, qui lui apportait son aide, le décrivait, la veille, sans ménagement, comme : « un couple très complémentaire dans leurs exigences, fréquemment agressif, tentant d’abuser du système, vivant aux crochets de la société. Leurs demandes étaient fréquentes et rarement justifiées ». La famille de Mme Jimenez-Tchepitchian n’est pas plus tendre. Sa tante taxe la victime de « malhonnête, profiteur et arrogant, avec des réactions assez violentes ». Sa cousine et voisine décrit un couple sans argent, toujours en dispute, et la victime comme : « violent, très agressif, sans aucun respect, qui criait beaucoup ». Elle avoue : « J’avais honte ! ».
La souffrance d’un père
Des propos mal reçus par le père de Mickael Tchepitchian qui, d’une voix très émue, va exprimer sa douleur : « J’ai beaucoup entendu de choses que je n’avais jamais imaginées. Mon fils, je ne le retrouve pas du tout ! J’ai appris à mes fils beaucoup de valeurs, en particulier de rejeter de leur propre vie tout acte de violence et d’agressivité. Mon fils n’a pas utilisé la violence quand il a été agressé. Il l’a subie. C’est de cette violence que Mickaël nous a quittés ». Affirmant n’avoir ni haine, ni volonté de vengeance, il s’adresse aux jurés : « Que votre décision soit une contribution exemplaire contre la violence, source de douleur, ici comme ailleurs ! ».
Au préalable, le président Macouin avait pris soin de l’avertir : « Une audience d’assises ne satisfait pas les parties civiles qui attendent la vérité avec un grand V et de voir désigner un responsable. Il est rare que cette vérité sorte d’une audience. Il arrive, parfois, qu’il n’y ait pas de responsable ! ».
L’honneur d’un pompier
A la fin des débats, résumant les faits, il demande aux prévenus : « Personne ne veut vous accabler. Mais, êtes-vous sûrs que, dans l’énervement, vous ne vous êtes pas laissés un peu déborder par la situation ? ». Les deux frères répondent, sans hésiter, d’un ton ferme : « Oui. On ne s’est pas laissés déborder ». Yann Pini ajoute : « On est rentrés dans cette maison pour récupérer ce qu’on devait récupérer. Quand on a vu qu’on ne pouvait pas discuter, on a récupéré les éléments et on est parti. La leçon est marquée à l’encre. Elle sera ineffaçable. Mais, ce n’est pas un mea culpa ». Si ce pompier exemplaire est « conscient de la situation », il ne peut supporter d’être suspecté de non-assistance à personne en danger. Ses derniers mots sont un cri du cœur : « Il est hors de question qu’on puisse penser que je peux m’en aller en laissant un homme à terre ! ».
Les plaidoiries débuteront vendredi matin. Le verdict est attendu dans la soirée.
N.M.