- Le Rassemblement National, et plus largement l’extrême droite, réalise un score historique pour ces élections européennes. Et la tendance est encore plus marquée en Corse. Comment analysez-vous ce résultat ?
- En considérant les exprimés, on est proches de l’écart remarqué lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2022. Marine Le Pen et Éric Zemmour rassemblaient 41,38% des voix, contre 30,22% au niveau national. Pour ces européennes de 2024, Jordan Bardella et Marion Maréchal cumulent 49,13% contre 36,84% au niveau national. En revanche, en considérant le pourcentage des inscrits, l’écart avec le niveau national n’est plus que de 2,3%. En nombre de voix, Jordan Bardella et Marion Maréchal font même sensiblement moins bien que Marine Le Pen et Éric Zemmour en 2022 (51752 voix contre 60993, et 77721 pour Marine Le Pen au 2nd tour). Ce pourcentage de 49% est donc, bien sûr, exceptionnel, mais il reflète aussi les faiblesses des autres acteurs politiques pour cette élection. Au regard des élections nationales depuis 1958, il ne fait pas de doute que les électeurs corses votent plus facilement conservateur que libéral. Si on rajoute le profil socio-économique de la Corse – avec un fort taux de pauvreté, des salaires plus faibles, le coût très élevé du logement, etc. – ainsi que la somme des déceptions et des rancœurs politiques vis-à-vis d’Emmanuel Macron, la différence avec le continent n’est pas si étonnante.
- Ces dernières années, les Corses ont soutenu les listes nationalistes lors de l’ensemble des scrutins locaux. Ce vote massif pour un autre nationalisme, celui porté par l’extrême droite, dans le cadre de ces élections européennes n’est-il pas un peu antithétique ?
- Il l’est effectivement en partie. Ce sont deux nationalismes fondamentalement opposés en de nombreux points, tout particulièrement celui du statut de la Corse et de la langue corse, mais qui formulent tous deux – même en des termes différents – des inquiétudes liées à l’identité. À partir de là, des électeurs peuvent voter nationaliste corse aux scrutins locaux et nationaliste français aux scrutins nationaux. Vouloir estimer leur nombre est plus complexe, d’autant qu’il n’y a que 40 à 60% de votes exprimés. Hublet et Battestini ont proposé une bonne étude à ce sujet. Il est aussi bon de rappeler que lorsque les enjeux et candidats sont différents, il n’est pas surprenant que beaucoup d’électeurs adoptent des positionnements différents. D’ailleurs, la clef des résultats réside généralement dans ces électeurs mobiles.
- Après l’annonce des résultats, hier soir, le Président Macron a annoncé la dissolution de l’Assemblée Nationale. Un coup de tonnerre qui a surpris tout le monde. Quels scénarios peut-on désormais imaginer ?
- Il est d’abord important de dire qu’il y a plusieurs scénarios. Les jeux ne sont pas faits d’avance, d’autant que la campagne va être courte. Le Rassemblement National a aujourd’hui 88 députés, et il ne sera probablement pas facile d’en gagner presque 200 autres. Une majorité bloc macroniste/LR était arithmétiquement possible en 2022, on ne sait pas si elle le sera demain. Quant à la gauche, les appels à l’union se conjuguent souvent à des récriminations peu amicales. Il faudra bien une bonne semaine pour en savoir plus sur les stratégies, mais l’hypothèse d’une majorité centriste, modérée, n’est pas encore à exclure. En revanche, l’actuelle domination présidentielle sur les institutions pourra difficilement survivre.
- La campagne des législatives qui va s’ouvrir sera très courte. Est-ce un danger pour les quatre députés corses ?
- Oui et non. Lorsqu’on est sortant, on s’expose forcément à un phénomène de vote-sanction. Inversement, une campagne courte laisse moins de temps aux opposants pour s’organiser et se coaliser.
- Du fait de la dissolution de l’Assemblée Nationale, tous les dossiers parlementaires en cours d’étude s’arrêtent. Est-ce de facto une menace pour le processus d’autonomie de la Corse ?
- Effectivement, l’Assemblée nationale étant dissoute, elle ne peut plus adopter de textes. Il faudra attendre le résultat des élections législatives et même la déclaration de politique générale du prochain gouvernement pour en savoir un peu plus. On peut y voir un côté cruel pour ceux qui se sont le plus investis, mais je ne crois pas que tout disparaisse d’un coup avec la dissolution. Le travail qui a déjà été accompli est un acquis. Il pourra être repris tel quel, transformé ou abandonné, mais la revendication d’autonomie restera certainement au centre des débats relatifs à la Corse.
- En considérant les exprimés, on est proches de l’écart remarqué lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2022. Marine Le Pen et Éric Zemmour rassemblaient 41,38% des voix, contre 30,22% au niveau national. Pour ces européennes de 2024, Jordan Bardella et Marion Maréchal cumulent 49,13% contre 36,84% au niveau national. En revanche, en considérant le pourcentage des inscrits, l’écart avec le niveau national n’est plus que de 2,3%. En nombre de voix, Jordan Bardella et Marion Maréchal font même sensiblement moins bien que Marine Le Pen et Éric Zemmour en 2022 (51752 voix contre 60993, et 77721 pour Marine Le Pen au 2nd tour). Ce pourcentage de 49% est donc, bien sûr, exceptionnel, mais il reflète aussi les faiblesses des autres acteurs politiques pour cette élection. Au regard des élections nationales depuis 1958, il ne fait pas de doute que les électeurs corses votent plus facilement conservateur que libéral. Si on rajoute le profil socio-économique de la Corse – avec un fort taux de pauvreté, des salaires plus faibles, le coût très élevé du logement, etc. – ainsi que la somme des déceptions et des rancœurs politiques vis-à-vis d’Emmanuel Macron, la différence avec le continent n’est pas si étonnante.
- Ces dernières années, les Corses ont soutenu les listes nationalistes lors de l’ensemble des scrutins locaux. Ce vote massif pour un autre nationalisme, celui porté par l’extrême droite, dans le cadre de ces élections européennes n’est-il pas un peu antithétique ?
- Il l’est effectivement en partie. Ce sont deux nationalismes fondamentalement opposés en de nombreux points, tout particulièrement celui du statut de la Corse et de la langue corse, mais qui formulent tous deux – même en des termes différents – des inquiétudes liées à l’identité. À partir de là, des électeurs peuvent voter nationaliste corse aux scrutins locaux et nationaliste français aux scrutins nationaux. Vouloir estimer leur nombre est plus complexe, d’autant qu’il n’y a que 40 à 60% de votes exprimés. Hublet et Battestini ont proposé une bonne étude à ce sujet. Il est aussi bon de rappeler que lorsque les enjeux et candidats sont différents, il n’est pas surprenant que beaucoup d’électeurs adoptent des positionnements différents. D’ailleurs, la clef des résultats réside généralement dans ces électeurs mobiles.
- Après l’annonce des résultats, hier soir, le Président Macron a annoncé la dissolution de l’Assemblée Nationale. Un coup de tonnerre qui a surpris tout le monde. Quels scénarios peut-on désormais imaginer ?
- Il est d’abord important de dire qu’il y a plusieurs scénarios. Les jeux ne sont pas faits d’avance, d’autant que la campagne va être courte. Le Rassemblement National a aujourd’hui 88 députés, et il ne sera probablement pas facile d’en gagner presque 200 autres. Une majorité bloc macroniste/LR était arithmétiquement possible en 2022, on ne sait pas si elle le sera demain. Quant à la gauche, les appels à l’union se conjuguent souvent à des récriminations peu amicales. Il faudra bien une bonne semaine pour en savoir plus sur les stratégies, mais l’hypothèse d’une majorité centriste, modérée, n’est pas encore à exclure. En revanche, l’actuelle domination présidentielle sur les institutions pourra difficilement survivre.
- La campagne des législatives qui va s’ouvrir sera très courte. Est-ce un danger pour les quatre députés corses ?
- Oui et non. Lorsqu’on est sortant, on s’expose forcément à un phénomène de vote-sanction. Inversement, une campagne courte laisse moins de temps aux opposants pour s’organiser et se coaliser.
- Du fait de la dissolution de l’Assemblée Nationale, tous les dossiers parlementaires en cours d’étude s’arrêtent. Est-ce de facto une menace pour le processus d’autonomie de la Corse ?
- Effectivement, l’Assemblée nationale étant dissoute, elle ne peut plus adopter de textes. Il faudra attendre le résultat des élections législatives et même la déclaration de politique générale du prochain gouvernement pour en savoir un peu plus. On peut y voir un côté cruel pour ceux qui se sont le plus investis, mais je ne crois pas que tout disparaisse d’un coup avec la dissolution. Le travail qui a déjà été accompli est un acquis. Il pourra être repris tel quel, transformé ou abandonné, mais la revendication d’autonomie restera certainement au centre des débats relatifs à la Corse.