Nul ne sait quelle mouche a piqué le groupe de droite, Le Rassemblement (LR), en déposant trois motions qu’il savait explosives et irrecevables par la majorité territoriale ! Qu’espérait-il en jetant de l’huile sur un feu prompt à s’enflammer ? Difficile à dire, mais ce fut un triste spectacle qui s’est joué, jeudi soir, à l’Assemblée de Corse sous le regard choqué d’une partie des élus impuissants. L’affrontement idéologique et politique a viré à la querelle byzantine, pour ne pas dire à une absurde querelle de clocher, sous couvert de stratégie électorale et de buzz médiatique.
Une attaque en règle
La première motion attaque de front le mouvement indépendantiste Corsica Libera dans son action contre la spéculation foncière et surtout le statut de résident que la droite honnit. Elle dénonce « les propos d’intimidation proférés lors de la réunion organisée à Corte le 28 janvier dernier, à l’encontre des personnes étrangères à la Corse, qui se porteraient acquéreurs de biens immobiliers sis en Corse, ainsi qu’à l’encontre des professionnels du secteur ». Considérant que « cet avertissement en forme de pression inacceptable porte atteinte au droit de propriété, un des droits fondamentaux reconnus depuis la Révolution française… un droit inviolable et sacré », considérant, exemples à l’appui, que « le statut de résident n’a aucune base légale et est en tout état de cause contraire à la Constitution et à la Convention européenne », considérant, notamment, que Corsica Libera « qui a obtenu 7,73% des voix au 1er tour des élections territoriales de 2015, s’arroge des prérogatives qu’il n’a pas, en formulant des menaces par voie de presse ou sur les réseaux sociaux », considérant, enfin, que la majorité territoriale « cautionne » cet acte « aussi inacceptable qu’irresponsable qui compromet les principes de liberté de notre démocratie républicaine, ainsi que le développement économique et social dont la Corse a tant besoin »… la droite demande à l’Assemblée de Corse de condamner ces déclarations.
Une contrattaque brutale
Sur les bancs de Corsica Libera, comme au perchoir de l’Assemblée, personne n’apprécie ! Le président du groupe, Petr’Anto Tomasi, contrattaque durement en démontant, jurisprudence administrative à l’appui, point par point la démonstration contenue dans le libelle libéral. « Cette motion est erronée d’un point de vue du droit et d’un point de vue de la forme. Je comprends qu’elle n’agrée pas le groupe LR dont un des représentants a dit que la spéculation foncière n’était pas un fléau et qu’elle contribuait à l'économie de notre île. Ces propos sont absolument dommageables ! ». Et conclut par un tacle sur la liberté d’expression que revendique la droite dans une autre motion et « qu’elle veut interdire à Corsica Libera. Il est fort malvenu de vouloir faire condamner par une Assemblée les propos d’un groupe politique qui a toujours affirmé la même chose depuis des années, de s’aventurer sur le terrain du droit qui vient à l’encontre de votre argumentaire ». La droite répond qu’elle n’entend interdire l’expression de quoi que ce soit, mais n’entend pas non plus se laisser interdire sa liberté d'expression. L’ambiance, déjà tendue, s’envenime brusquement avec l’apostrophe du président Jean-Guy Talamoni : « La liberté d’expression, dans l’esprit de votre groupe, s’adresse mieux à Marine le Pen qu’à Corsica Libera ! Peut-être que la proximité des élections législatives y est pour quelque chose ». Riposte immédiate de Marie-Antoinette Santoni-Brunelli : « Ces propos sont inadmissibles ! Vous devriez revoir votre attitude et la façon dont vous présidez l’Assemblée de Corse ! ». La réplique du président Talamoni fuse : « C’est un constat et je n’ai pas de leçon à recevoir particulièrement de votre part ! ».
Le feu aux poudres
L’algarade assez brutale fige l’Assemblée. Droit dans ses bottes, l’élu LR, Camille de Rocca-Serra, persiste et signe : « Nous respectons au moins autant que vous la liberté d’expression, mais ce que j’entends est loin de la vérité. Ce n’est pas parce que le statut de résident a été voté, ici, que c’est le droit. Le statut n’étant pas fondé, on ne peut pas exiger d’appliquer un droit qui n’existe pas. Ni l’Europe, ni la révision de la Constitution ne permettra pas de revenir dessus. Vous utilisez une grosse artillerie qui n’est juridiquement pas viable. Vous cherchez le moyen du clivage absolu alors qu’on pourrait ensemble trouver des solutions à la spéculation foncière. Nous nous opposons à ce qu’on exerce la menace sur un droit qui n’existe pas ! ». Les passes d’armes se multiplient. Femu a Corsica, incriminée par la droite pour sa complicité passive, monte à l’offensive : « Il y a échec des moyens ordinaires utilisés contre la spéculation. C’est l’évidence ! Comment pouvez-vous réagir ainsi quand un patrimoine communal, géré par le maire de passage, mais qui appartient à la population, est bradé ? Les Corses sont dépossédés. Il n’y a pas de solution. Vous considérez que le débat est clos, c’est votre droit, respectez que l’on continue », lance Jean Biancucci. Jean-Martin Mondoloni renvoie la balle : « La question, pour nous, est de dénoncer le ton comminatoire. On ne peut pas dresser, dans cet hémicycle et en dehors, deux camps : un contre la spéculation et un autre d’affreux spéculateurs. Mr le Président, vous avez dérapé ! ».
Un malaise général
Le malaise est patent sur les bancs de la gauche. Comme l’avoue sans détour Marie-France Bartoli : « Je m’interroge. Chacun sait l’importance à accorder à la liberté d’expression. Il n’a pas été facile pour la majorité à laquelle j’appartenais de débattre du statut de résident. Mais face à la dépossession des Corses, je regrette certaines prises de position et les violences verbales, je comprends mal. Je suis aussi gênée par les termes employés. Mon malaise est immense, je ne vais pas participer au vote ». Maria Guidicelli tente de couper la poire en deux : « Avoir ce type d’injonction, qui ne repose pas sur une base juridique et démocratique, n’est pas acceptable ! Notre volonté commune de trouve des solutions risque d’être mise à mal par cette approche brutale. Je vais voter pour la motion LR et Je m’abstiens pour celle de François Tatti. Il faut dépassionner le débat. Je veux être neutre dans cette affaire-là ». Le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, en appelle à la raison : « Je comprends tout à fait que l’on puisse être en désaccord avec les propos de Corsica Libera, mais cette motion est en total décalage avec la réalité de ce qui se passe en Corse. On crée ex-nihilo un incident ! On se sert d’un prétexte pareil pour souffler sur les braises alors que le problème n’est pas résolu ! Il ne faut laisser aucun espace à la spéculation ». La motion est rejetée de justesse par 24 voix contre, 23 pour, 1 abstention, 2 non-participations et 1 absent.
Le vice d’une motion
Dans la foulée, l’examen d’une deuxième motion, déposée par François Tatti et demandant le réexamen de la délibération sur le statut de résident adoptée le 24 avril 2014, fait chou blanc. « L’affaire de Balagne, c’est de la communication politique, pas du droit positif, or le droit suffisait, il n’y avait pas besoin d’aller sur place chasser le notaire manu militari. Il est choquant que des ordres comminatoires aient été donnés à des notaires pour appliquer le statut de résident. Cela ne fait qu’ajouter de la confusion à un sujet déjà difficile. Je demande que ce débat revienne devant l’assemblée pour savoir si le statut de résident est applicable ou pas, si on peut mettre en œuvre la délibération », argumente-t-il. Jean Biancucci opte pour la raillerie : « Je voudrais souligner l’intelligence, je ne dis pas le vice, de la motion de François Tatti. On peut revisiter toutes les décisions de l’assemblée, c’est un exercice qu’on peut mettre en œuvre, mais qui pose problème. On pourrait revenir sur le PADDUC, on pourrait revenir sur tout ! C’est n’importe quoi ! On va se prononcer contre à quatre mains ». La gauche, peu désireuse de rouvrir la boite de Pandore, lui emboîte le pas. La motion est rejetée sans appel par 29 voix contre, 16 pour, 2 non participation, 3 abstentions, et 1 absent.
La nature de la violence
La deuxième motion, déposée par la droite sur le respect de la liberté d’expression lors des élections présidentielles, ravive les tensions. Faisant allusion, sans jamais les mentionner, aux incidents qui ont perturbé, le 8 avril dernier, le meeting de Marine Le Pen à Ajaccio, la droite regrette que « dans notre île, des personnes, certes isolées, mais néanmoins déterminées, ont bafoué les règles du jeu à plusieurs occasions depuis le début de la campagne en faisant œuvre de sectarisme, d’intolérance, voire de violence ». Elle demande que l’Assemblée de Corse « réaffirme avec force son attachement au pluralisme politique, garantie démocratique, ainsi qu’aux libertés qui y sont associées, et condamne avec force toute tentative ou action attentatoire à la liberté d’expression ou de réunion ». Et conclut : « Notre position de principe de défense des libertés s’applique à tous les candidats de l’élection présidentielle. Toute atteinte à la liberté d’expression est inacceptable ».
Cette mise en cause des jeunes Nationalistes, qui ont perturbé ledit meeting, déclenche la colère de Hyacinthe Vanni, élu de Femu a Corsica : « Ce qui vous a choqué, c’est qu’on perturbe un meeting, mais des jeunes agressés, ça ne vous a pas choqué ! Des jeunes filles giflées, ça ne vous choque pas ! Je suis père de famille, ces images m’ont choquées. Ces jeunes étaient en train d’être raccompagnés dehors par les services de sécurité et sont agressés, giflés, alors qu’ils ne présentaient aucun danger, c’est inacceptable ! »
Les masques tombent
Le président du groupe Front National, le Dr Cordoleani, remercie la droite pour sa motion avant de s’enflammer à son tour : « Je veux rétablir la vérité des faits, parce que, contrairement à vous, j’y étais. Des jeunes sont sortis calmement, d’autres ne l’ont pas fait, … des coups de poings ont été portés à des personnes âgées qui ont réagi… cette violence bafoue les valeurs du peuple corse. Les masques sont tombés, on nous propose un modèle de société qui menace les trois libertés fondamentales, d’expression, de circulation et de réunion ». Expliquant que sa famille a été victime du fascisme et de la Gestapo, il s’écrie : « Vous osez me parler à moi de fascisme et de nazisme ! Qui êtes-vous pour me traiter ainsi ! J’ai mon honneur, je ne le permets pas ! ». A l’inverse, Christophe Canioni, en rupture de ban avec le Front national (FN), raille ce soutien inattendu de LR : « Par le passé, le FN a subi exactement tout ce qui s’est passé à Ajaccio, et même pire. Partout en France, c’était très violent. On n’a jamais entendu le RPR apporter un soutien ou condamner ces violences. C’était le silence total ! Est-ce à cause du score du FN en Corse qui fait qu’aujourd’hui vous prenez la parole ? ».
La confusion des genres
Cette troisième motion ne fait qu’aviver le malaise dans les rangs de la gauche qui s’interroge sur son opportunité en pleine campagne présidentielle « dans un contexte qui prête à confusion ». Craignant qu’on l’associe à un soutien déguisé au FN, Maria Guidicelli se montre très critique : « Cette motion arrive dans un entre-deux tours et interfère d’une manière très forte dans une campagne électorale en faisant référence à un parti, le FN. On devrait être, à minima, dans une certaine neutralité. Demain, les Corses vont parler de ce débat et des prises de position éminemment politiques de certains qui sont très loin de la condamnation de la violence. Je ne participerai pas à ce vote. J’aimerai qu’on est un débat serein hors du cadre politique pour prendre en compte les réactions violentes d’où qu’elles viennent ». Le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, ne cache pas sa consternation : « On n’est pas, dans cet hémicycle, depuis plusieurs minutes, à la hauteur des enjeux globaux que les Corses sont en droit d’attendre de nous ! ».
La motion est largement rejetée.
Une motion retirée
L’atmosphère est si tendue que la droite décide de retirer la quatrième motion dénonçant « les débordements » et « les comportements intolérables » lors du match Bastia-Lyon. Avec sagesse ! L’élue Christelle Combette tient néanmoins à la lire pour « faire passer le message ». Elle lance à la majorité territoriale et à Jean-Guy Talamoni qui avait fustigé la motion dans son allocution d’ouverture : « Notre position est partagée par la plupart des Corses. Je regrette que vous ne participiez pas à cette vision des choses. Tout en vous prévalant de l’impartialité des débats, votre discours est partisan ! ». La réplique de ce dernier est incisive : « Je fais partie d’un groupe politique, je ne me prévaux d’aucune neutralité. Cette motion pouvait aggraver la situation de jeunes Corses qui pourront être amenés à comparaitre devant le tribunal correctionnel et les faire sanctionner plus lourdement. Il me semble que la vocation de l’Assemblée de Corse soit de protéger les Corses, en particulier les plus jeunes, de chercher à aplanir les problèmes, plutôt que d’accabler les nôtres ».
La séquence se clôt là ! C’est avec un soulagement évident que les élus quittent l’hémicycle pour aller diner.
N.M.
Une attaque en règle
La première motion attaque de front le mouvement indépendantiste Corsica Libera dans son action contre la spéculation foncière et surtout le statut de résident que la droite honnit. Elle dénonce « les propos d’intimidation proférés lors de la réunion organisée à Corte le 28 janvier dernier, à l’encontre des personnes étrangères à la Corse, qui se porteraient acquéreurs de biens immobiliers sis en Corse, ainsi qu’à l’encontre des professionnels du secteur ». Considérant que « cet avertissement en forme de pression inacceptable porte atteinte au droit de propriété, un des droits fondamentaux reconnus depuis la Révolution française… un droit inviolable et sacré », considérant, exemples à l’appui, que « le statut de résident n’a aucune base légale et est en tout état de cause contraire à la Constitution et à la Convention européenne », considérant, notamment, que Corsica Libera « qui a obtenu 7,73% des voix au 1er tour des élections territoriales de 2015, s’arroge des prérogatives qu’il n’a pas, en formulant des menaces par voie de presse ou sur les réseaux sociaux », considérant, enfin, que la majorité territoriale « cautionne » cet acte « aussi inacceptable qu’irresponsable qui compromet les principes de liberté de notre démocratie républicaine, ainsi que le développement économique et social dont la Corse a tant besoin »… la droite demande à l’Assemblée de Corse de condamner ces déclarations.
Une contrattaque brutale
Sur les bancs de Corsica Libera, comme au perchoir de l’Assemblée, personne n’apprécie ! Le président du groupe, Petr’Anto Tomasi, contrattaque durement en démontant, jurisprudence administrative à l’appui, point par point la démonstration contenue dans le libelle libéral. « Cette motion est erronée d’un point de vue du droit et d’un point de vue de la forme. Je comprends qu’elle n’agrée pas le groupe LR dont un des représentants a dit que la spéculation foncière n’était pas un fléau et qu’elle contribuait à l'économie de notre île. Ces propos sont absolument dommageables ! ». Et conclut par un tacle sur la liberté d’expression que revendique la droite dans une autre motion et « qu’elle veut interdire à Corsica Libera. Il est fort malvenu de vouloir faire condamner par une Assemblée les propos d’un groupe politique qui a toujours affirmé la même chose depuis des années, de s’aventurer sur le terrain du droit qui vient à l’encontre de votre argumentaire ». La droite répond qu’elle n’entend interdire l’expression de quoi que ce soit, mais n’entend pas non plus se laisser interdire sa liberté d'expression. L’ambiance, déjà tendue, s’envenime brusquement avec l’apostrophe du président Jean-Guy Talamoni : « La liberté d’expression, dans l’esprit de votre groupe, s’adresse mieux à Marine le Pen qu’à Corsica Libera ! Peut-être que la proximité des élections législatives y est pour quelque chose ». Riposte immédiate de Marie-Antoinette Santoni-Brunelli : « Ces propos sont inadmissibles ! Vous devriez revoir votre attitude et la façon dont vous présidez l’Assemblée de Corse ! ». La réplique du président Talamoni fuse : « C’est un constat et je n’ai pas de leçon à recevoir particulièrement de votre part ! ».
Le feu aux poudres
L’algarade assez brutale fige l’Assemblée. Droit dans ses bottes, l’élu LR, Camille de Rocca-Serra, persiste et signe : « Nous respectons au moins autant que vous la liberté d’expression, mais ce que j’entends est loin de la vérité. Ce n’est pas parce que le statut de résident a été voté, ici, que c’est le droit. Le statut n’étant pas fondé, on ne peut pas exiger d’appliquer un droit qui n’existe pas. Ni l’Europe, ni la révision de la Constitution ne permettra pas de revenir dessus. Vous utilisez une grosse artillerie qui n’est juridiquement pas viable. Vous cherchez le moyen du clivage absolu alors qu’on pourrait ensemble trouver des solutions à la spéculation foncière. Nous nous opposons à ce qu’on exerce la menace sur un droit qui n’existe pas ! ». Les passes d’armes se multiplient. Femu a Corsica, incriminée par la droite pour sa complicité passive, monte à l’offensive : « Il y a échec des moyens ordinaires utilisés contre la spéculation. C’est l’évidence ! Comment pouvez-vous réagir ainsi quand un patrimoine communal, géré par le maire de passage, mais qui appartient à la population, est bradé ? Les Corses sont dépossédés. Il n’y a pas de solution. Vous considérez que le débat est clos, c’est votre droit, respectez que l’on continue », lance Jean Biancucci. Jean-Martin Mondoloni renvoie la balle : « La question, pour nous, est de dénoncer le ton comminatoire. On ne peut pas dresser, dans cet hémicycle et en dehors, deux camps : un contre la spéculation et un autre d’affreux spéculateurs. Mr le Président, vous avez dérapé ! ».
Un malaise général
Le malaise est patent sur les bancs de la gauche. Comme l’avoue sans détour Marie-France Bartoli : « Je m’interroge. Chacun sait l’importance à accorder à la liberté d’expression. Il n’a pas été facile pour la majorité à laquelle j’appartenais de débattre du statut de résident. Mais face à la dépossession des Corses, je regrette certaines prises de position et les violences verbales, je comprends mal. Je suis aussi gênée par les termes employés. Mon malaise est immense, je ne vais pas participer au vote ». Maria Guidicelli tente de couper la poire en deux : « Avoir ce type d’injonction, qui ne repose pas sur une base juridique et démocratique, n’est pas acceptable ! Notre volonté commune de trouve des solutions risque d’être mise à mal par cette approche brutale. Je vais voter pour la motion LR et Je m’abstiens pour celle de François Tatti. Il faut dépassionner le débat. Je veux être neutre dans cette affaire-là ». Le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, en appelle à la raison : « Je comprends tout à fait que l’on puisse être en désaccord avec les propos de Corsica Libera, mais cette motion est en total décalage avec la réalité de ce qui se passe en Corse. On crée ex-nihilo un incident ! On se sert d’un prétexte pareil pour souffler sur les braises alors que le problème n’est pas résolu ! Il ne faut laisser aucun espace à la spéculation ». La motion est rejetée de justesse par 24 voix contre, 23 pour, 1 abstention, 2 non-participations et 1 absent.
Le vice d’une motion
Dans la foulée, l’examen d’une deuxième motion, déposée par François Tatti et demandant le réexamen de la délibération sur le statut de résident adoptée le 24 avril 2014, fait chou blanc. « L’affaire de Balagne, c’est de la communication politique, pas du droit positif, or le droit suffisait, il n’y avait pas besoin d’aller sur place chasser le notaire manu militari. Il est choquant que des ordres comminatoires aient été donnés à des notaires pour appliquer le statut de résident. Cela ne fait qu’ajouter de la confusion à un sujet déjà difficile. Je demande que ce débat revienne devant l’assemblée pour savoir si le statut de résident est applicable ou pas, si on peut mettre en œuvre la délibération », argumente-t-il. Jean Biancucci opte pour la raillerie : « Je voudrais souligner l’intelligence, je ne dis pas le vice, de la motion de François Tatti. On peut revisiter toutes les décisions de l’assemblée, c’est un exercice qu’on peut mettre en œuvre, mais qui pose problème. On pourrait revenir sur le PADDUC, on pourrait revenir sur tout ! C’est n’importe quoi ! On va se prononcer contre à quatre mains ». La gauche, peu désireuse de rouvrir la boite de Pandore, lui emboîte le pas. La motion est rejetée sans appel par 29 voix contre, 16 pour, 2 non participation, 3 abstentions, et 1 absent.
La nature de la violence
La deuxième motion, déposée par la droite sur le respect de la liberté d’expression lors des élections présidentielles, ravive les tensions. Faisant allusion, sans jamais les mentionner, aux incidents qui ont perturbé, le 8 avril dernier, le meeting de Marine Le Pen à Ajaccio, la droite regrette que « dans notre île, des personnes, certes isolées, mais néanmoins déterminées, ont bafoué les règles du jeu à plusieurs occasions depuis le début de la campagne en faisant œuvre de sectarisme, d’intolérance, voire de violence ». Elle demande que l’Assemblée de Corse « réaffirme avec force son attachement au pluralisme politique, garantie démocratique, ainsi qu’aux libertés qui y sont associées, et condamne avec force toute tentative ou action attentatoire à la liberté d’expression ou de réunion ». Et conclut : « Notre position de principe de défense des libertés s’applique à tous les candidats de l’élection présidentielle. Toute atteinte à la liberté d’expression est inacceptable ».
Cette mise en cause des jeunes Nationalistes, qui ont perturbé ledit meeting, déclenche la colère de Hyacinthe Vanni, élu de Femu a Corsica : « Ce qui vous a choqué, c’est qu’on perturbe un meeting, mais des jeunes agressés, ça ne vous a pas choqué ! Des jeunes filles giflées, ça ne vous choque pas ! Je suis père de famille, ces images m’ont choquées. Ces jeunes étaient en train d’être raccompagnés dehors par les services de sécurité et sont agressés, giflés, alors qu’ils ne présentaient aucun danger, c’est inacceptable ! »
Les masques tombent
Le président du groupe Front National, le Dr Cordoleani, remercie la droite pour sa motion avant de s’enflammer à son tour : « Je veux rétablir la vérité des faits, parce que, contrairement à vous, j’y étais. Des jeunes sont sortis calmement, d’autres ne l’ont pas fait, … des coups de poings ont été portés à des personnes âgées qui ont réagi… cette violence bafoue les valeurs du peuple corse. Les masques sont tombés, on nous propose un modèle de société qui menace les trois libertés fondamentales, d’expression, de circulation et de réunion ». Expliquant que sa famille a été victime du fascisme et de la Gestapo, il s’écrie : « Vous osez me parler à moi de fascisme et de nazisme ! Qui êtes-vous pour me traiter ainsi ! J’ai mon honneur, je ne le permets pas ! ». A l’inverse, Christophe Canioni, en rupture de ban avec le Front national (FN), raille ce soutien inattendu de LR : « Par le passé, le FN a subi exactement tout ce qui s’est passé à Ajaccio, et même pire. Partout en France, c’était très violent. On n’a jamais entendu le RPR apporter un soutien ou condamner ces violences. C’était le silence total ! Est-ce à cause du score du FN en Corse qui fait qu’aujourd’hui vous prenez la parole ? ».
La confusion des genres
Cette troisième motion ne fait qu’aviver le malaise dans les rangs de la gauche qui s’interroge sur son opportunité en pleine campagne présidentielle « dans un contexte qui prête à confusion ». Craignant qu’on l’associe à un soutien déguisé au FN, Maria Guidicelli se montre très critique : « Cette motion arrive dans un entre-deux tours et interfère d’une manière très forte dans une campagne électorale en faisant référence à un parti, le FN. On devrait être, à minima, dans une certaine neutralité. Demain, les Corses vont parler de ce débat et des prises de position éminemment politiques de certains qui sont très loin de la condamnation de la violence. Je ne participerai pas à ce vote. J’aimerai qu’on est un débat serein hors du cadre politique pour prendre en compte les réactions violentes d’où qu’elles viennent ». Le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, ne cache pas sa consternation : « On n’est pas, dans cet hémicycle, depuis plusieurs minutes, à la hauteur des enjeux globaux que les Corses sont en droit d’attendre de nous ! ».
La motion est largement rejetée.
Une motion retirée
L’atmosphère est si tendue que la droite décide de retirer la quatrième motion dénonçant « les débordements » et « les comportements intolérables » lors du match Bastia-Lyon. Avec sagesse ! L’élue Christelle Combette tient néanmoins à la lire pour « faire passer le message ». Elle lance à la majorité territoriale et à Jean-Guy Talamoni qui avait fustigé la motion dans son allocution d’ouverture : « Notre position est partagée par la plupart des Corses. Je regrette que vous ne participiez pas à cette vision des choses. Tout en vous prévalant de l’impartialité des débats, votre discours est partisan ! ». La réplique de ce dernier est incisive : « Je fais partie d’un groupe politique, je ne me prévaux d’aucune neutralité. Cette motion pouvait aggraver la situation de jeunes Corses qui pourront être amenés à comparaitre devant le tribunal correctionnel et les faire sanctionner plus lourdement. Il me semble que la vocation de l’Assemblée de Corse soit de protéger les Corses, en particulier les plus jeunes, de chercher à aplanir les problèmes, plutôt que d’accabler les nôtres ».
La séquence se clôt là ! C’est avec un soulagement évident que les élus quittent l’hémicycle pour aller diner.
N.M.