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CTC : Quasi-unanimité pour une résolution demandant une solution politique globale !


Nicole Mari le Vendredi 29 Mai 2015 à 00:13

C’est une résolution inattendue qui a été adoptée, à l’unanimité des votants, jeudi, à l’Assemblée de Corse (CTC). La quasi-totalité des groupes politiques, à l’exception de la Gauche républicaine, ont réécrit une déclaration solennelle de l’Exécutif demandant au gouvernement d’ouvrir un vrai dialogue pour une sortie globale de crise, incluant la question de l’amnistie des prisonniers politiques. Explications, en vidéo, de Paul Giacobbi, président de l’Exécutif.



CTC : Quasi-unanimité pour une résolution demandant une solution politique globale !
C’est indiscutablement un coup politique qu’a réussi, jeudi matin, le président de l’Exécutif, Paul Giacobbi ! Après les questions orales et le traditionnel discours d’ouverture du président Bucchini, il lit une déclaration solennelle adressée au Président de la République et au gouvernement. Cette déclaration, qu’il demande à l'Assemblée d’approuver et d’adopter sous forme de résolution, appelle à « l’ouverture d’un dialogue démocratique ouvert, sans tabou et sans surenchère ». Cette requête fait suite à la réunion qui s’est tenue, la semaine dernière à Paris, avec la ministre de la justice, Christiane Taubira sur la question du rapprochement des prisonniers politiques et de l’amnistie. Si la ministre a fait preuve, selon les participants, « de bonne volonté », elle a renvoyé la balle dans le camp présidentiel. Une délicate et épineuse délibération sur cette loi d’amnistie devait être proposée lors de cette session. Fort habilement, l’Exécutif a contourné les épines potentielles et les a enrobées dans un texte générique, actant « un processus politique global ».
 
Une résolution de compromis
Tous les groupes politiques acceptent de débattre du texte, dans le cadre de la Commission des compétences législatives et règlementaires, présidée par Pierre Chaubon. La discussion, qui dure près de deux heures et demi, aboutit à l’écriture d’une déclaration de « compromis », que tous, à l’exception de la Gauche Républicaine, adoubent (cf déclaration ci-après). Prenant acte « des délibérations unanimes ou majoritaires » dans nombre de domaines et du dépôt des armes par le FLNC, la déclaration estime que « Il faut transformer cette situation en paix durable. Il faut créer les conditions du développement économique, social et culturel. Il faut créer les conditions d’une véritable démocratisation de la vie politique insulaire ». Dans cet esprit, la CTC demande solennellement à Paris d’engager un dialogue « pour que toutes les avancées réalisées trouvent une traduction réelle dans un temps acceptable. Ce processus global doit inclure la mise en œuvre du rapprochement des détenus et la question de l’amnistie, à laquelle la CTC est favorable sur le principe ». Le texte renvoie, à une session ultérieure, la délibération sur le sujet, ainsi que la définition « des modalités et du périmètre de cette amnistie ».
 
Un seul objet
Le débat ayant eu lieu à huis-clos, les élus, de retour dans l’hémicycle, se contentent de donner de courtes explications de vote dans des discours qui se veulent consensuels.
Pierre Chaubon pose l’enjeu du vote : « Y-a-t-il une obligation de voter pour cette assemblée ? Y-a-t-il une obligation morale de nous répondre ? Je le crois ! Comment pouvons-nous refuser de voter cette déclaration ? Je ne vois pas ! ».
Pourtant, la première intervention, celle d’Aline Castellani, au nom de la Gauche Républicaine, est résolument contre : « Ce projet de résolution n’a qu’un seul objet : la loi d’amnistie. Nous sommes, aussi, soucieux de la paix publique, mais nous interpellons nos collègues : un vote, qui n’aurait pas de suite, n’est-il pas de nature à empêcher l’apaisement ? Pour cette raison, nous ne participerons pas au vote ».
 
Un appel politique fort
C’est le seul bémol qui vient gâcher une belle unanimité.
« Le FLNC a commencé un processus de démilitarisation. Est-ce important ? Oui ! Nous l’avons dit clairement et nous le dirons encore plus fort : il ne peut pas y avoir de gagnants, ni de perdants. Il y a déjà eu trois amnisties, il y en aura, peut-être, un jour une quatrième. Serons-nous capables, serons-nous courageux pour réfléchir avec la société corse toute entière sur ce qui s’est passé pour éviter les mêmes dérives ? Nous devons ensemble reconstruire ce qui peut l’être », indique Etienne Bastelica, président du groupe Communistes-Front de gauche.
Antoine Orsini, président du groupe Corse Social Democrate, lui emboîte le pas : « Nous devons travailler les uns et les autres à enraciner la paix. La double vertu de ce texte est de ramasser l’ensemble des propositions votées pour dire à l’Etat qu’il n’en fasse pas une cueillette parcellaire, mais qu’il s’agit d’une démarche d’ensemble. La deuxième vertu est qu’il constitue un signal, un appel politique fort pour leur dire non seulement : « Ecoutez-nous ! », mais « Entendez-nous ! ».
 
Matignon II
Jean-Charles Orsucci, président du groupe Démocrates, Socialistes et Radicaux, enfonce le clou : « L’essentiel est que Paris nous entende. Un dialogue est indispensable. Il l’est d’autant plus que c’est nous qui proposons aujourd’hui. Nous demandons, à Paris, un Matignon II plus efficace pour la Corse ! ». Cet appel au dialogue est relayé par Marie-Hélène Padovani-Valentini, en dissidence de la majorité territoriale : « Cette assemblée a eu l’intelligence de s’attaquer à des dossiers qui, depuis des années, étaient des dossiers tabous. Nous pensons que le gouvernement peut nous aider à sortir de cette période de crise, même si le chemin sera long et difficile ». Elle admet que la collectivité unique, obtenue par amendement, est loin des désirs de la Corse, mais ajoute : « Il n’est pas déraisonnable, insensé, utopique de penser qu’une loi d’amnistie pourrait être proposée par le gouvernement. Nous resterons vigilant sur la réponse de l’Etat ».
 
Une urgence
Ce défaut d’écoute du gouvernement justifie, pour les groupes nationalistes, une telle résolution. « Depuis un an, tous les voyants sont au vert, mais Paris ne semble pas s’en rendre compte. Par son désintérêt, le gouvernement français risque de mettre à mal tout le travail qui a été fait. Il fallait donc rappeler cette urgence et faire en sorte que ceux qui ont payé, par le passé, le prix fort, ne soient pas oubliés… C’est le terme d’un parcours où nous disons ce que nous voulons. Nous n’avons pas les moyens de décider tout et tout seul, mais nous avons les moyens d’être unis. C’est avec un grand sens des responsabilités que nous avons décidé de tourner la page par une loi d’amnistie. Faisons cette belle chose d’entrouvrir les portes des prisons ! », enchaîne Jean-Guy Talamoni, président du groupe Corsica Libera.
 
Une unanimité nécessaire
Paul-Félix Benedetti, leader d’U Rinnovu, plaide pour un vote unanime et demande aux réfractaires de revoir leur position : « Ce document est la traduction de la volonté du peuple corse d’en finir avec les mauvaises années. Il faut chercher à obtenir l’unanimité pour qu’elle génère des terres nouvelles. Les grandes avancées démocratiques se sont faites sur des concessions réciproques. L’important est la réconciliation des Corses avec les Corses. C’est, plus que la réponse du gouvernement français, l’unanimité des Corses pour trouver une solution politique juste et pour que les éléments, qui ont généré tous ces drames, ne puissent plus se reproduire. Cette résolution est porteuse d’espoir ».
 
Une double vertu
Un espoir partagé par Jean-Christophe Angelini, président du groupe Femu a Corsica : « Cette résolution a un double avantage : elle vient donner un sens global à tout le travail que nous avons fait depuis quelques années. En même temps, en parlant d’amnistie, nous élevons le niveau d’exigence concernant le rapprochement des prisonniers politiques. Malgré les motions votées à l’unanimité et les engagements pris par l’Etat depuis 2002, nous sommes restés au milieu du gué ». Pour lui, ce vote intervient dans un contexte global très porteur :  « Nous sommes dans un processus de dialogue que l’Etat se refuse à baptiser comme tel. Depuis l’annonce du FLNC en juin dernier, il n’y a pas eu d’actions à caractère politique, pas de création de mouvement clandestin, pas d’initiative grave ou de surenchère. Au contraire, le processus se déroule tel qu’annoncé. Cette déclaration vient parachever les initiatives des uns et des autres et ouvre une perspective ». Enfin, il salue « le sens du compromis » dont « les groupes politiques ont fait preuve, sans renier leurs fondamentaux. Ce qui a donné un texte d’équilibre et posé un acte qui devrait permettre de traiter un certain nombre de situations individuelles judiciaires et carcérales. C’est, pour nous, très important ».
 
D’accord sur le principe !
Même la droite semble d’accord et « accepte totalement » la déclaration. « Le sens de cette déclaration solennelle démontre la volonté d’aller vers une démarche globale. Nous avons voulu participer à réécrire ce texte. Nous pensons que c’est un signal fort de consensus envoyé à l’Etat et au gouvernement. Nous espérons que le processus de démilitarisation du FLNC sera pérenne, engagera une réflexion sur une loi d’amnistie, et, qu’en cas de concrétisation, l’arrêt de la violence sera définitif. Ce qui n’a pas été le cas dans le passé. Nous posons le principe d’un accord sur une réflexion globale », explique Stéphanie Grimaldi, élue du groupe Rassembler pour la Corse.
 
Une autonomie de la volonté
Paul Giacobbi peut, donc, en toute logique, afficher sa satisfaction. « Je suis heureux que l’assemblée est fait sienne cette délibération ». Pour lui, ce vote prouve la maturité politique de la CTC : « Nous avons attendu, non plus qu’on nous octroie un statut édicté ailleurs ou qu’on nous fasse accoucher de notre propre statut. Nous avons atteint le stade, sinon de l’autonomie réelle, au moins de l’autonomie de la volonté… Nous demandons la concrétisation légale de l’apaisement. Aujourd’hui, c’est un point d’orgue qui nous permet de prendre acte de l’ensemble de tout ce que nous avons fait ». Rappelant les « deux échecs successifs humiliants auprès du Conseil constitutionnel sur les Arrêtés Miot », il tacle la difficulté d’engager un dialogue avec l’Etat. « Sur la réforme institutionnelle, la réponse a été « Chiche ! ». C’est pingre, vulgaire, insuffisant ! ». Il répond à Jean-Charles Orsucci : « Je ne souhaite pas un nouveau Matignon ! Nous avons quitté cet âge ! Il n’y a plus de violence politique en Corse ! Nous avons, nous tous, à égalité, fait œuvre de paix ! ».
Le rapport a été adopté par 48 voix sur 51, les trois élus de la Gauche Républicaine n’ont pas participé au vote.
 
N.M.
 

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