La Collectivité territoriale de Corse.
C’est le premier travail d’évaluation des politiques publiques réalisé par la CTC. Dans la perspective de l’élaboration d’un plan de lutte contre la précarité, le Président de l’Exécutif a commandé à la Direction du contrôle de gestion et de l’évaluation des politiques publiques un travail d’évaluation des règlements des aides des secteurs logement et santé, social et solidarités. « Ces aides constituent des politiques sectorielles majeures indispensables pour l’élaboration d’un plan de lutte contre la précarité. 13 aides concernent le logement et 21 le social dans un corpus de règles très denses et complexes », précise Gilles Simeoni. Deux questions principales ont été posées : quel a été le niveau de réalisation et de répartition territoriale des actions des règlements des aides logement et santé-social depuis 2011 ? Les règlements fixés sous l’ancienne mandature ont-ils atteints les objectifs initialement fixés ? Sont-ils perfectibles ?
Des objectifs pas atteints
Le moins qu’on puisse est que le résultat n’est pas à la hauteur des espérances. Pour l’illustrer, Gilles Simeoni ne prend qu’un exemple dans le domaine du logement : l’aide aux primo-accédant à la propriété, mesure phare de la précédente mandature et la plus connue des populations. La CTC avait voté, en 2011, le principe d’une aide directe de 10 000 € par bénéficiaire. Le dispositif avait été modifié en juillet 2014. De 2009 à 2011, 19,9 millions € ont été affectés au logement, 41 millions de 2011 à 2015. « L’aide aux primo-accédant a doublé. Nous avions espéré que cette aide bénéficierait aux personnes désireuses de s’installer dans le rural. Force est de constater que 76% des bénéficiaires sont en zone urbaine et péri-urbaine. L’objectif n’est pas atteint ! », déclare Gilles Simeoni. Sur le reste, 25 % ont choisi des communes de moins de 3 000 habitants et 20%, des communes de moins de 2 000 habitants. Autre carence : l’objectif d’aide aux jeunes ménages. Plus de 56 % des bénéficiaires sont des célibataires jeunes qui revendent souvent le bien ainsi acquis. Troisième carence : une aide directe doit toujours pouvoir être contrôlée. Or, la CTC n’a pas les moyens de contrôler la non-revente du bien acquis dans un délai de 10 ans. Quatrième critique et plus fondamentale : les promoteurs immobiliers majorent leur prix en fonction de la prime de 10 000 € pour renforcer leur marge. « Le principe doit être maintenu, mais nous devons réfléchir à une très sérieuse réévaluation et à d’autres dispositifs. Celui-ci ne marche pas assez au regard de nos objectifs ».
Des aides pas sollicitées
L’audit n’est pas plus tendre dans le domaine de la santé. Il constate l’absence de réalisation de financement des Maisons d’adolescents sur la période 2013-2016. Les deux seules existantes, à Portivechju et à Bastia, ont été financées par la CTC en 2011 et 2012, avant l’adoption du règlement des aides. De la même manière, les fonds disponibles pour la prise en charge des coûts des transports non médicalisés de personnes handicapées, âgées ou isolées, dans l’impossibilité de se rendre à une consultation dans une maison de santé, n’ont pas été sollicités. En 2015, une demande de 50 000 €, déposée par la Casa di a Salute di San’Niculaiu, pour le transport des usagers, a été rejetée, car non éligible au guide des aides. Les subventions à la réhabilitation de structures d’accueil de jour des populations précaires sont, également, peu consommées alors que le besoin est grand. Une seule demande a été déposée en 2013 pour la restructuration des locaux des Restos du cœur. Dans la même veine, le dispositif dédié aux enfants soignés sur le continent, qui répond à un besoin très réel, a été faiblement utilisé. Il n’a permis la prise en charge que de 55 interventions. A l’inverse, les demandes de financement d’équipements nécessaires au fonctionnement des structures pour personnes âgées ou handicapées sont nombreuses et supérieures aux moyens dédiés. L’audit préconise de revoir le plafond de la dotation ou le taux de financement.
Des interventions pas appropriées
Sur la sellette également, le soutien aux opérations de distribution d’aides alimentaires, principalement concentré sur Ajaccio et Bastia. Les mesures en faveur de la cohésion sociale, censées encourager les collectivités locales situées en milieu rural à développer des projets visant à renforcer le lien social, n’ont bénéficié qu’à cinq communes et ont majoritairement concerné l’achat de défibrillateurs. Dans la ligne de mire, également, les conditions d’attribution de la prime de Noël, accordée depuis 1999 aux chômeurs et aux personnes percevant des revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Son montant, compris entre 150 € et 350 €, dépend de la situation du foyer. Sur les 150 000 € affectés, dont la moitié par département, l’audit critique les différences de montants et de critères d’intervention au Nord et au Sud, le manque de lisibilité de cette aide et l’absence d’évaluation de la pertinence des montants octroyés. Enfin, l’audit tacle le fonds d’urgence destiné à financer les conséquences sociales d’événements exceptionnels. « Ces aides exceptionnelles étaient destinées à pérenniser l’activité d’associations en difficulté financière remplissant des missions de service public. Sur les 7 financements effectifs, seuls 2 correspondent aux objectifs initiaux, 3 ont été attribués hors règlement et ont entraîné une délibération de l’Assemblée de Corse. L’aide exceptionnelle attribuée à la Région autonome de Sardaigne en 2013, qui a aussi fait l’objet d’une délibération, s’avère illégale, les bénéficiaires des subventions devant se trouver en Corse ».
De nouveaux dispositifs
Le rapport préconise de rectifier le tir, de supprimer certaines aides et d'en modifier d'autres. Notamment, de mieux définir les cibles des dispositifs et les indicateurs de suivi d’activité, de contexte et de réalisation, de systématiser l’évaluation des financements, de plafonner les enveloppes annuelles, de revoir certains critères d’éligibilité, d’éviter les aides directes aux personnes sans moyens de contrôle appropriés, d’améliorer la communication sur les différents dispositifs et de développer un véritable accompagnement des porteurs de projets… « C’est un rapport scientifique, très précis qui sera une aide précieuse à la décision, et aux choix que nous avons à faire. L’objectif est de faire voter les nouveaux dispositifs avant la fin de cette mandature », annonce Gilles Simeoni. Le rapport a été voté à l’unanimité malgré le bémol de l’opposition, réticente à, selon les mots de la droite, « engager la Collectivité unique sur un bilan uniquement basé sur la CTC. On est dans une période charnière où nous prenons des décisions pour demain sans le bilan des départements qui ont pleine compétence en matière sociale ». Affaire à suivre…
N.M.
Le moins qu’on puisse est que le résultat n’est pas à la hauteur des espérances. Pour l’illustrer, Gilles Simeoni ne prend qu’un exemple dans le domaine du logement : l’aide aux primo-accédant à la propriété, mesure phare de la précédente mandature et la plus connue des populations. La CTC avait voté, en 2011, le principe d’une aide directe de 10 000 € par bénéficiaire. Le dispositif avait été modifié en juillet 2014. De 2009 à 2011, 19,9 millions € ont été affectés au logement, 41 millions de 2011 à 2015. « L’aide aux primo-accédant a doublé. Nous avions espéré que cette aide bénéficierait aux personnes désireuses de s’installer dans le rural. Force est de constater que 76% des bénéficiaires sont en zone urbaine et péri-urbaine. L’objectif n’est pas atteint ! », déclare Gilles Simeoni. Sur le reste, 25 % ont choisi des communes de moins de 3 000 habitants et 20%, des communes de moins de 2 000 habitants. Autre carence : l’objectif d’aide aux jeunes ménages. Plus de 56 % des bénéficiaires sont des célibataires jeunes qui revendent souvent le bien ainsi acquis. Troisième carence : une aide directe doit toujours pouvoir être contrôlée. Or, la CTC n’a pas les moyens de contrôler la non-revente du bien acquis dans un délai de 10 ans. Quatrième critique et plus fondamentale : les promoteurs immobiliers majorent leur prix en fonction de la prime de 10 000 € pour renforcer leur marge. « Le principe doit être maintenu, mais nous devons réfléchir à une très sérieuse réévaluation et à d’autres dispositifs. Celui-ci ne marche pas assez au regard de nos objectifs ».
Des aides pas sollicitées
L’audit n’est pas plus tendre dans le domaine de la santé. Il constate l’absence de réalisation de financement des Maisons d’adolescents sur la période 2013-2016. Les deux seules existantes, à Portivechju et à Bastia, ont été financées par la CTC en 2011 et 2012, avant l’adoption du règlement des aides. De la même manière, les fonds disponibles pour la prise en charge des coûts des transports non médicalisés de personnes handicapées, âgées ou isolées, dans l’impossibilité de se rendre à une consultation dans une maison de santé, n’ont pas été sollicités. En 2015, une demande de 50 000 €, déposée par la Casa di a Salute di San’Niculaiu, pour le transport des usagers, a été rejetée, car non éligible au guide des aides. Les subventions à la réhabilitation de structures d’accueil de jour des populations précaires sont, également, peu consommées alors que le besoin est grand. Une seule demande a été déposée en 2013 pour la restructuration des locaux des Restos du cœur. Dans la même veine, le dispositif dédié aux enfants soignés sur le continent, qui répond à un besoin très réel, a été faiblement utilisé. Il n’a permis la prise en charge que de 55 interventions. A l’inverse, les demandes de financement d’équipements nécessaires au fonctionnement des structures pour personnes âgées ou handicapées sont nombreuses et supérieures aux moyens dédiés. L’audit préconise de revoir le plafond de la dotation ou le taux de financement.
Des interventions pas appropriées
Sur la sellette également, le soutien aux opérations de distribution d’aides alimentaires, principalement concentré sur Ajaccio et Bastia. Les mesures en faveur de la cohésion sociale, censées encourager les collectivités locales situées en milieu rural à développer des projets visant à renforcer le lien social, n’ont bénéficié qu’à cinq communes et ont majoritairement concerné l’achat de défibrillateurs. Dans la ligne de mire, également, les conditions d’attribution de la prime de Noël, accordée depuis 1999 aux chômeurs et aux personnes percevant des revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Son montant, compris entre 150 € et 350 €, dépend de la situation du foyer. Sur les 150 000 € affectés, dont la moitié par département, l’audit critique les différences de montants et de critères d’intervention au Nord et au Sud, le manque de lisibilité de cette aide et l’absence d’évaluation de la pertinence des montants octroyés. Enfin, l’audit tacle le fonds d’urgence destiné à financer les conséquences sociales d’événements exceptionnels. « Ces aides exceptionnelles étaient destinées à pérenniser l’activité d’associations en difficulté financière remplissant des missions de service public. Sur les 7 financements effectifs, seuls 2 correspondent aux objectifs initiaux, 3 ont été attribués hors règlement et ont entraîné une délibération de l’Assemblée de Corse. L’aide exceptionnelle attribuée à la Région autonome de Sardaigne en 2013, qui a aussi fait l’objet d’une délibération, s’avère illégale, les bénéficiaires des subventions devant se trouver en Corse ».
De nouveaux dispositifs
Le rapport préconise de rectifier le tir, de supprimer certaines aides et d'en modifier d'autres. Notamment, de mieux définir les cibles des dispositifs et les indicateurs de suivi d’activité, de contexte et de réalisation, de systématiser l’évaluation des financements, de plafonner les enveloppes annuelles, de revoir certains critères d’éligibilité, d’éviter les aides directes aux personnes sans moyens de contrôle appropriés, d’améliorer la communication sur les différents dispositifs et de développer un véritable accompagnement des porteurs de projets… « C’est un rapport scientifique, très précis qui sera une aide précieuse à la décision, et aux choix que nous avons à faire. L’objectif est de faire voter les nouveaux dispositifs avant la fin de cette mandature », annonce Gilles Simeoni. Le rapport a été voté à l’unanimité malgré le bémol de l’opposition, réticente à, selon les mots de la droite, « engager la Collectivité unique sur un bilan uniquement basé sur la CTC. On est dans une période charnière où nous prenons des décisions pour demain sans le bilan des départements qui ont pleine compétence en matière sociale ». Affaire à suivre…
N.M.