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CTC : Un schéma économique adopté dans l’amertume !


Nicole Mari le Mercredi 14 Décembre 2016 à 20:24

Acte final du Schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDE2I), en débat à l’Assemblée de Corse depuis mardi matin. Même si le rapport final a intégré la totalité des amendements proposés par la majorité et l’opposition, cette dernière, à l’exception du Front national, n’a pas validé le texte. Les explications de vote ont donné lieu à des règlements de comptes et des mises au point assez sévères. Le schéma a, finalement été adopté par 30 voix pour, 17 abstentions et 3 contre, celles du Front de Gauche.



CTC : Un schéma économique adopté dans l’amertume !
Après des heures de débat et l’intégration, dans le texte final, de la totalité des 42 amendements déposés par la majorité et l’opposition, l’Exécutif s’attendait à un vote consensuel autour du Schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDE2I). Une attente déçue qui a viré, d’emblée, de part et d’autre, lors des explications de vote, à des règlements de comptes politiques souvent fort éloignés du sujet du jour. Le premier à dégainer fut José Rossi, président du groupe Le Rassemblement, qui n’apprécie pas du tout le procès qu’on lui fait et se livre à une brutale mise au point : « Je suis un peu attristé de la manière dont a été traitée en séance la motion de renvoi en commission, alors qu’en commission permanente, ce principe avait été accepté. Du côté de l’Exécutif, il y a eu des réticences, et la majorité territoriale s’y est ralliée. S’en sont suivies des railleries et l’évocation du passé. Si on doit se tourner vers le passé, il y a beaucoup de choses à dire sur tous les bancs. Et puisqu’on parle du développement, son principal obstacle a longtemps été la violence. Ce temps est passé, et tant mieux ! Malgré tout, pendant 30 ans, la Corse a progressé ».
 
Abstention de la droite
L’élu de droite prévient que son groupe ne votera pas un schéma dont il ne partage pas la philosophie générale : « Nous allons nous abstenir. Le lien fait avec le PADDUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse) ne nous convient pas puisque nous nous y sommes opposés, c’est pour nous un plan de non-développement qui tourne le dos à l’économie. Les amendements, portés par Marie-Antoinette Santoni-Brunelli, ont été acceptés et ont amélioré le texte. Ceci dit, au sein du schéma, la multiplication des cibles et la dilution des moyens sont prégnantes ». Il tacle un risque « de saupoudrage » envers les acteurs économiques et de dérives sur les aides, des « évaluations financières aléatoires », et des « hypothèses de croissance irréalistes avec des conditions qui le sont tout autant ». José Rossi dénonce « une vision interventionniste, dans le droit fil de la loi NOTRe pour laquelle notre famille politique a exprimé de vives réserves. La puissance publique ne peut pas tout faire, les fonds publics vont s’épuiser rapidement. On ne pourra pas réussir le développement économique de la Corse sans initiative privée, sans attractivité et sans liberté d’entreprendre ».
 
Abstention à gauche
Abstention également de Prima a Corsica qui, tout en souscrivant « aux orientations co-construites dans le PADDUC », et malgré « des améliorations notables dues aux amendements », considère « qu’il y a encore une marge de progrès importante ». Maria Guidicelli pointe particulièrement « un problème de gouvernance : la régulation publique ne doit pas se faire au détriment de la liberté d’action des territoires. Le compte n’y est pas ! ». Elle déplore que l’Exécutif ait respecté les délais imposés par la loi et qu’il n’ait pas pris « plus de temps » pour construire le schéma, quitte à déborder sur 2017, même si la loi exige qu’il soit voté avant le 31 décembre 2016. Prenant acte que 2017 sera une année de transition, elle regrette que « l’opérationnalité et la mise en œuvre de ce schéma ne soient pas garanties ».
 
Du pour et du contre
A l’inverse, le Front national, satisfait de l’intégration de ces deux amendements, et du dispositif d’aides aux TPE (Très petites entreprises), « malgré quelques réserves », annonce son intention de voter le rapport. « Nous prenons acte du retrait de « la transition du vieillissement qui maintenait un flux migratoire. Compte tenu du taux élevé de chômage et de l’ampleur de la précarité, cette solution est inenvisageable ». La prise en compte de cet amendement est rédhibitoire pour le Front de Gauche qui blâme « l’approche xénophobe stigmatisant les travailleurs étrangers alors qu’ils sont eux-mêmes des victimes, c’est en contradiction avec nos valeurs essentielles ». Michel Stefani considère que le texte ne promeut pas la justice sociale : « les mesures, qu’il propose, seront contrariées par le cadre fiscal actuel et le futur statut fiscal, notamment la future zone franche qui pourrait couvrir 80% de nos territoires… L’aide aux entreprises est maintenue en l’état sans contrepartie sociale. Nous voterons, donc, contre ».
 
Une posture politicienne
L’abstention d’une partie de l’opposition et ses critiques acérées déclenchent l’ire des groupes de la majorité. Le président du groupe Femu a Corsica, Jean Biancucci, s’en prend vivement à la posture « politicienne » de la droite qui « vient en contrepoint » du travail effectué dans les réunions et en commission : « On ne peut pas prendre en compte les remarques qui dérivent sur des considérations qui n’ont rien à voir avec le débat qui nous préoccupe. Doit-on être dans un marché décideur de tout ? Non ! Mais, le politique doit pouvoir influencer sur le secteur économique. On ne peut pas faire l’impasse, comme la droite le fait trop souvent, sur la dimension sociale qui a, en Corse, une dimension culturelle ». Il s’enflamme : « Oui ! Nous allons redresser ce pays parce que beaucoup nous accompagnent et qu’il est nécessaire de le faire. Vous vous inscrivez à contre-courant. Vous ne voulez pas que les choses changent, c’est votre droit. Mais, nous les changerons quand même, sans vous ! ». La droite n’apprécie ni le ton, ni les propos.
 
Le redressement de la nation
Piqué par l’allusion de José Rossi à la violence nationaliste, le président du groupe Corsica Libera, Petr’Anto Tomasi, enfonce le clou et « assume parfaitement ces 40 années ». Tout en distribuant équitablement les critiques : « La gauche demande du temps pour enrichir et participer, alors qu’elle a brillé par son absence dans les réunions et qu’elle a disparu, hier, en Commission économique ». Pour lui, « ce schéma permet de libérer les énergies, d’accompagner un développement équilibré sans dirigisme », de mettre un terme à « la politique du lascia corre. C’est le début d’un chemin que nous continuerons de porter ensemble et qui permettra le redressement de cette nation ».
 
Amnésie ou révisionisme
Pas plus que sa majorité, l’Exécutif n’accepte l’attitude de l’opposition et « l’incohérence » de ses « états d’âme ». Le président de l’ADEC (Agence de développement économique de la Corse), Jean-Christophe Angelini, renvoie férocement la balle : « La question économique et sociale, sous la gauche comme sous la droite, n’a jamais rencontré de réponses adaptées. Jamais, la Corse ne s’est donnée les moyens d’afficher aussi clairement qu’aujourd’hui, une colonne vertébrale et une doctrine de développement économique. Nous avons eu quatre délibérations relatives au SRDE2I, en février, en mai, en octobre et aujourd’hui. Nous avons rencontré des centaines de gens. Malgré cela, l’opposition fait toujours mine de découvrir le document, des groupes ont validé le schéma en Commission et votent en sens contraire dans l’hémicycle. Ce sont des postures de révisionisme de mauvais aloi ou d’amnésie généralisée ! Vous nous imputez des choses dont nous ne sommes pas responsables. Que pouvons-nous contre l’âge légal de la retraite ? Sommes-nous rédacteurs de la loi NOTRe ? Sommes-nous responsables de la dérégulation de l’économie mondiale ? Non ! Le groupe communiste est le seul à conserver sa vision de principe que nous ne partageons pas, mais que nous respectons ».
 
Un pas de plus
Le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, estime qu’il faut ramener le débat à ses enjeux véritables : « La nécessité de construire un véritable Riacquistu economicu è suciale, d’avoir un véritable document de référence du constat des difficultés et des moyens pour y remédier. L’émancipation est un processus, elle est un refus de la dépendance ». Il fait part de son incompréhension et affirme aux abstentionnistes que leur vote « laissera, dans certains groupes de l’opposition, une forme d’amertume. Ce choix n’a pas du être évident pour vous ! Vos argumentaires sont habiles. Mais, comment pouvez-vous vous contenter d’une abstention dans une île où le chômage frappe si durement, où la précarité frappe de plein fouet, ou un Corse sur cinq vit en situation de précarité… Vous venez nous dire, vous qui avez participé, enrichi et amélioré le schéma, que si nous réussissons, vous applaudirez ! Si vous aviez été là, nous aurions eu plus de chances, mais nous réussirons sans vous ! ». Et de conclure : « Nous avons fait un pas de plus, posé un jalon supplémentaire qui en appelle d’autres : un statut fiscal et social. Même si la loi ne le permet pas, nous nous battrons. Nous savons que, même si le chemin est long, nous atteindrons les objectifs que nous nous sommes fixés ».
 
Le SRDE2I a été adopté par 30 voix pour, celle de la majorité, du Front National et des deux élus de la gauche dissidente, dorénavant non-inscrits, 3 contre, celles du Front de Gauche, et 17 abstentions, celles des élus du Rassemblement et de Prima a Corsica.
 
N.M.