Après Santu Pietru di Tenda, Merusaglia, Isola Rossa…, c’est au tour des communes de Centuri et de Morsiglia de se mobiliser contre la fermeture d’une classe. Classée en zone d’éducation prioritaire REP (Réseau d’établissement prioritaire), l’école primaire de Centuri dispose, actuellement, dans le cadre d’un RPI (Regroupement pédagogique intercommunal) avec Morsiglia, de deux classes pour 18 élèves. Le 23 mars dernier, le Conseil départemental de l'Éducation nationale (CDEN) a confirmé la fermeture d’une classe et le regroupement des élèves en une classe unique à la rentrée de septembre 2016. Une décision que la municipalité et les parents d’élèves refusent pour un certain nombre de raisons qui relèvent, à la fois, de problématiques éducatives et de maintien des familles en secteur rural, mais également, à Centuri, de lourds enjeux financiers sur fond de gabegie et de gaspillage d’argent public.
Pas de classe passerelle
Le combat est, d’abord, éducatif. L’effectif des élèves des deux classes cumulées, qui était de 23 en 2012, 19 en 2013 et de 17 en 2014, devrait se stabiliser à 19 en 2016 et 2017. Le chiffre ne tient pas compte des enfants de moins de 3 ans qui sont scolarisés dans une classe passerelle, ouverte en 2015 dans le cadre de la refonte de l’éducation prioritaire. « Nous ne pouvons rester dans l’immobilisme d’un désœuvrement éducatif de nos villages. La décision du CDEN, pour la rentrée 2016, nous conduirait à accueillir les élèves dans une classe unique à 19 élèves de la petite section de maternelle au CM2 en supprimant également la classe passerelle, refusant ainsi la scolarisation de 3 enfants de moins de 3 ans. Centuri avait été choisie pour être la commune pilote de la classe passerelle dans tout le département de Haute-Corse. Nous avons, donc, effectué des investissements financiers, notamment en achats de matériels, pour que cette classe passerelle puisse fonctionner », explique David Brugioni, maire de Centuri. La classe passerelle, prévue pour trois ans, ne dépassera, donc, pas cette première année d’existence, faute d’effectif et de remplaçant suffisants. Son maintien aurait porté l’effectif d’élèves scolarisés à 22.
Pas d’éducation prioritaire
Dans un courrier adressé fin mars au Préfet de Haute-Corse, les maires de Centuri et de Morsiglia et les parents d’élèves s’indignent de voir leurs enfants « considérés comme de simples chiffres » et souhaitent que les services en charge de la carte scolaire prennent en compte les critères particuliers des communes situées en zone rurale ou de montagne. Ils rappellent que leur école est censée bénéficier des mesures mises en place par le gouvernement en 2014 dans le cadre de la refondation de l’éducation prioritaire. Cette refonte met, particulièrement, l’accent sur l’importance de l’école maternelle : « L’école maternelle est concernée, au premier chef, par cette perspective de la réussite de tous : les premiers apprentissages sont essentiels », peut-on lire dans les directives des REP. Celles-ci préconisent la prise en charge de la petite enfance : « Plus de maitres que de classes et l’accueil des moins de trois ans ».
Pas d’activités
Forts de ce constat, élus et parents d’élèves s’interrogent : « Comment, dans une classe unique dépourvue d’une classe passerelle, ou les moins de 5 ans sont inscrits uniquement sur dérogation, pourrons-nous apporter à nos enfants un apprentissage réussi au plus tôt ? ». Ils se demandent, également, comment un seul enseignant, au lieu des deux actuels, pourra assumer, à lui tout seul, la charge d’un enseignement diversifié : « Actuellement, les élèves de cycle 3 ont un apprentissage pour des sports nautiques Voile et Natation. Comment pourrons-nous conserver ces apprentissages en classe unique puisque l’enseignante sera en charge également des cycles 1 et 2 ? Deux élèves sont suivis par un PAI (Projet d'accueil individualisé) en élémentaire. Comment les services de l’Education Nationale peuvent laisser une enseignante prendre en charge, seule, un enseignement spécifique pour des élèves en difficulté tout en favorisant les apprentissages des tous petits ? Les temps d’activités périscolaires, propices à l’épanouissement de nos enfants, pris en charge par l’enseignante le vendredi après-midi, seront amenés à disparaître et transformés en garderie. En effet, par notre forte ruralité, les animateurs ne souhaitent pas s'investir dans nos communes ».
La survie du rural
Ce combat est, ensuite, une question de survie pour les communes rurales. Dans ces petits villages du Cap Corse qui se battent pour conserver et attirer des familles, la déscolarisation des enfants de moins de cinq ans est dramatique. « Les enfants de moins de 5 ans sont scolarisables par demande de dérogation et pourront, donc, être refusés par les services de l’Education Nationale. II y aura, donc, une délocalisation des familles de nos communes. Notre commune est en plein développement. Nous sommes en train d’essayer de faire revivre le village. Nous avons réussi à attirer une famille avec deux enfants. Deux autres familles vont s’installer. Mais l’Education nationale n’en tient pas compte. Elle ne nous laisse pas de chance ! », déplore David Brugioni.
Si ces deux problématiques agitent d’autres communes du rural, la fermeture d’une classe prend à Centuri une dimension quasi-ubuesque eu égard à son coût financier. Elle vire carrément à l’absurde en intervenant un an après l’inauguration du nouveau groupe scolaire qui a coûté la bagatelle de 800 000 € !
Des dépenses inutiles !
La nouvelle municipalité a réceptionné en février 2015 deux nouveaux bâtiments, un dédié aux sections de maternelles et l’autre aux cours élémentaires et moyens. Leur construction, décidée par la municipalité précédente, a été subventionnée à 400 000 € par l’Etat et 175 000 € par la CTC (Collectivité territoriale). La commune de Centuri est impactée à hauteur de 180 000 €. « Mon prédécesseur a fait construire cette école, deux bâtiments pouvant accueillir 60 élèves, alors qu’il y a toujours eu en moyenne qu’une vingtaine d’élèves. Comment a-t-on pu réaliser un investissement aussi important sachant la faiblesse des effectifs ? », s’étonne le maire. Une question qu’avec son collègue de Morsiglia, ils aimeraient bien poser à l’Etat et à la CTC : « Avant la construction des nouveaux bâtiments, nous avions une école élémentaire à Centuri et une école maternelle à Morsiglia. Nous avions juste besoin d’un financement de 50 000 € par école pour effectuer des travaux. Nous nous en serions tirés avec 100 000 € et pas avec 800 000 ! ».
La construction de ces nouveaux bâtiments intéresse, aussi, la justice qui a diligenté une enquête à ce sujet et procédé, en janvier dernier, à des interpellations. L’enquête est toujours en cours.
Une dette inquiétante
Le combat devient, dans ces conditions, d’ordre financier. Cet investissement hasardeux et peu justifié oblige la commune de Centuri, déjà lourdement endettée, à rembourser 180 000 € pour une structure « qui ne servira à rien et qui ne fonctionnera qu’à moitié ». Des bâtiments qu’elle va, de plus, devoir entretenir !
Un autre coup dur pour la nouvelle municipalité qui a hérité d’une dette de plus d’un million d’euros et de passifs qu’elle n’en finit pas de découvrir. Le dernier en date concerne une suppression d’un poste de Cadre A effectué par l’ancienne municipalité. Le fonctionnaire, mis au placard n’a pas été payé pendant 8 ans. L’ardoise s’élève à 154 000 € ! « Le Centre de gestion veut faire des mandatements d’office. Nous essayons, avec l’aide du secrétaire général de la Préfecture, Mr Schuffenecker, de négocier un étalement sur dix ans. Nous sommes de plus en plus inquiets devant l’accumulation de tout ce que la commune doit payer », avoue David Brugioni.
Un bâtiment vide
Outre le gaspillage ahurissant d’argent public à une époque de forte restriction budgétaire, le maire de Centuri pointe l’inadaptation des nouveaux bâtiments à une utilisation en classe unique. « Les deux bâtiments ont été conçus, un pour recevoir les petites sections et l’autre pour les grandes sections. Aucun n’est adapté pour recevoir une classe unique. Les sanitaires des grandes sections, par exemple, ne sont pas adaptés pour les petits qui seront obligés de se déplacer dans les autres bâtiments ». Il pose une autre question à laquelle il n’a, pour l’heure, obtenu aucune réponse : que faire du bâtiment restant inemployé ? Va-t-il rester vide ? Lorsque l’Etat subventionne la construction d’un bâtiment scolaire, ce bâtiment ne peut normalement pas être affecté à un autre usage pendant une durée de dix ans. « Va-t-on m’autoriser à transformer ce bâtiment de 120 mètres carrés en autre chose ? Par exemple, en salle des fêtes ? Nous n’en avons pas à Centuri. Ou en bureau de poste ? Ou en bâtiment administratif pour le futur parc marin ?». Le maire espère obtenir, si besoin, une dérogation pour éviter que l’école ne soit, purement et simplement, désaffectée.
En attendant, lundi matin, à 8h15, les élus et les parents d’élèves des deux communes bloqueront symboliquement l’école et demandent à rencontrer l’Inspectrice académique. Les deux maires ont cosigné un courrier qu’ils ont envoyé au Préfet à qui ils demandent audience, en espérant que les représentants de l’Etat et du rectorat entendront leur appel.
Affaire à suivre…
N.M.
Pas de classe passerelle
Le combat est, d’abord, éducatif. L’effectif des élèves des deux classes cumulées, qui était de 23 en 2012, 19 en 2013 et de 17 en 2014, devrait se stabiliser à 19 en 2016 et 2017. Le chiffre ne tient pas compte des enfants de moins de 3 ans qui sont scolarisés dans une classe passerelle, ouverte en 2015 dans le cadre de la refonte de l’éducation prioritaire. « Nous ne pouvons rester dans l’immobilisme d’un désœuvrement éducatif de nos villages. La décision du CDEN, pour la rentrée 2016, nous conduirait à accueillir les élèves dans une classe unique à 19 élèves de la petite section de maternelle au CM2 en supprimant également la classe passerelle, refusant ainsi la scolarisation de 3 enfants de moins de 3 ans. Centuri avait été choisie pour être la commune pilote de la classe passerelle dans tout le département de Haute-Corse. Nous avons, donc, effectué des investissements financiers, notamment en achats de matériels, pour que cette classe passerelle puisse fonctionner », explique David Brugioni, maire de Centuri. La classe passerelle, prévue pour trois ans, ne dépassera, donc, pas cette première année d’existence, faute d’effectif et de remplaçant suffisants. Son maintien aurait porté l’effectif d’élèves scolarisés à 22.
Pas d’éducation prioritaire
Dans un courrier adressé fin mars au Préfet de Haute-Corse, les maires de Centuri et de Morsiglia et les parents d’élèves s’indignent de voir leurs enfants « considérés comme de simples chiffres » et souhaitent que les services en charge de la carte scolaire prennent en compte les critères particuliers des communes situées en zone rurale ou de montagne. Ils rappellent que leur école est censée bénéficier des mesures mises en place par le gouvernement en 2014 dans le cadre de la refondation de l’éducation prioritaire. Cette refonte met, particulièrement, l’accent sur l’importance de l’école maternelle : « L’école maternelle est concernée, au premier chef, par cette perspective de la réussite de tous : les premiers apprentissages sont essentiels », peut-on lire dans les directives des REP. Celles-ci préconisent la prise en charge de la petite enfance : « Plus de maitres que de classes et l’accueil des moins de trois ans ».
Pas d’activités
Forts de ce constat, élus et parents d’élèves s’interrogent : « Comment, dans une classe unique dépourvue d’une classe passerelle, ou les moins de 5 ans sont inscrits uniquement sur dérogation, pourrons-nous apporter à nos enfants un apprentissage réussi au plus tôt ? ». Ils se demandent, également, comment un seul enseignant, au lieu des deux actuels, pourra assumer, à lui tout seul, la charge d’un enseignement diversifié : « Actuellement, les élèves de cycle 3 ont un apprentissage pour des sports nautiques Voile et Natation. Comment pourrons-nous conserver ces apprentissages en classe unique puisque l’enseignante sera en charge également des cycles 1 et 2 ? Deux élèves sont suivis par un PAI (Projet d'accueil individualisé) en élémentaire. Comment les services de l’Education Nationale peuvent laisser une enseignante prendre en charge, seule, un enseignement spécifique pour des élèves en difficulté tout en favorisant les apprentissages des tous petits ? Les temps d’activités périscolaires, propices à l’épanouissement de nos enfants, pris en charge par l’enseignante le vendredi après-midi, seront amenés à disparaître et transformés en garderie. En effet, par notre forte ruralité, les animateurs ne souhaitent pas s'investir dans nos communes ».
La survie du rural
Ce combat est, ensuite, une question de survie pour les communes rurales. Dans ces petits villages du Cap Corse qui se battent pour conserver et attirer des familles, la déscolarisation des enfants de moins de cinq ans est dramatique. « Les enfants de moins de 5 ans sont scolarisables par demande de dérogation et pourront, donc, être refusés par les services de l’Education Nationale. II y aura, donc, une délocalisation des familles de nos communes. Notre commune est en plein développement. Nous sommes en train d’essayer de faire revivre le village. Nous avons réussi à attirer une famille avec deux enfants. Deux autres familles vont s’installer. Mais l’Education nationale n’en tient pas compte. Elle ne nous laisse pas de chance ! », déplore David Brugioni.
Si ces deux problématiques agitent d’autres communes du rural, la fermeture d’une classe prend à Centuri une dimension quasi-ubuesque eu égard à son coût financier. Elle vire carrément à l’absurde en intervenant un an après l’inauguration du nouveau groupe scolaire qui a coûté la bagatelle de 800 000 € !
Des dépenses inutiles !
La nouvelle municipalité a réceptionné en février 2015 deux nouveaux bâtiments, un dédié aux sections de maternelles et l’autre aux cours élémentaires et moyens. Leur construction, décidée par la municipalité précédente, a été subventionnée à 400 000 € par l’Etat et 175 000 € par la CTC (Collectivité territoriale). La commune de Centuri est impactée à hauteur de 180 000 €. « Mon prédécesseur a fait construire cette école, deux bâtiments pouvant accueillir 60 élèves, alors qu’il y a toujours eu en moyenne qu’une vingtaine d’élèves. Comment a-t-on pu réaliser un investissement aussi important sachant la faiblesse des effectifs ? », s’étonne le maire. Une question qu’avec son collègue de Morsiglia, ils aimeraient bien poser à l’Etat et à la CTC : « Avant la construction des nouveaux bâtiments, nous avions une école élémentaire à Centuri et une école maternelle à Morsiglia. Nous avions juste besoin d’un financement de 50 000 € par école pour effectuer des travaux. Nous nous en serions tirés avec 100 000 € et pas avec 800 000 ! ».
La construction de ces nouveaux bâtiments intéresse, aussi, la justice qui a diligenté une enquête à ce sujet et procédé, en janvier dernier, à des interpellations. L’enquête est toujours en cours.
Une dette inquiétante
Le combat devient, dans ces conditions, d’ordre financier. Cet investissement hasardeux et peu justifié oblige la commune de Centuri, déjà lourdement endettée, à rembourser 180 000 € pour une structure « qui ne servira à rien et qui ne fonctionnera qu’à moitié ». Des bâtiments qu’elle va, de plus, devoir entretenir !
Un autre coup dur pour la nouvelle municipalité qui a hérité d’une dette de plus d’un million d’euros et de passifs qu’elle n’en finit pas de découvrir. Le dernier en date concerne une suppression d’un poste de Cadre A effectué par l’ancienne municipalité. Le fonctionnaire, mis au placard n’a pas été payé pendant 8 ans. L’ardoise s’élève à 154 000 € ! « Le Centre de gestion veut faire des mandatements d’office. Nous essayons, avec l’aide du secrétaire général de la Préfecture, Mr Schuffenecker, de négocier un étalement sur dix ans. Nous sommes de plus en plus inquiets devant l’accumulation de tout ce que la commune doit payer », avoue David Brugioni.
Un bâtiment vide
Outre le gaspillage ahurissant d’argent public à une époque de forte restriction budgétaire, le maire de Centuri pointe l’inadaptation des nouveaux bâtiments à une utilisation en classe unique. « Les deux bâtiments ont été conçus, un pour recevoir les petites sections et l’autre pour les grandes sections. Aucun n’est adapté pour recevoir une classe unique. Les sanitaires des grandes sections, par exemple, ne sont pas adaptés pour les petits qui seront obligés de se déplacer dans les autres bâtiments ». Il pose une autre question à laquelle il n’a, pour l’heure, obtenu aucune réponse : que faire du bâtiment restant inemployé ? Va-t-il rester vide ? Lorsque l’Etat subventionne la construction d’un bâtiment scolaire, ce bâtiment ne peut normalement pas être affecté à un autre usage pendant une durée de dix ans. « Va-t-on m’autoriser à transformer ce bâtiment de 120 mètres carrés en autre chose ? Par exemple, en salle des fêtes ? Nous n’en avons pas à Centuri. Ou en bureau de poste ? Ou en bâtiment administratif pour le futur parc marin ?». Le maire espère obtenir, si besoin, une dérogation pour éviter que l’école ne soit, purement et simplement, désaffectée.
En attendant, lundi matin, à 8h15, les élus et les parents d’élèves des deux communes bloqueront symboliquement l’école et demandent à rencontrer l’Inspectrice académique. Les deux maires ont cosigné un courrier qu’ils ont envoyé au Préfet à qui ils demandent audience, en espérant que les représentants de l’Etat et du rectorat entendront leur appel.
Affaire à suivre…
N.M.