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Comment le crabe bleu est-il devenu un danger pour la biodiversité corse ?


Naël Makhzoum le Mardi 20 Septembre 2022 à 17:19

Le crabe bleu, espèce invasive et prédateur menaçant la biodiversité et le travail des pêcheurs, submerge les cotes corses avec une vitesse déconcertante. Son expansion nécessite impérativement de prendre des mesures.



(Photos Stéphan Le Gallais)
(Photos Stéphan Le Gallais)
En quelques mois, c'est devenu une urgence. Le Callinectes sapidus envahit le littoral corse et particulièrement la façade est de l'île, du moins de ce que l'on sait pour le moment. "Du nord-Bastia jusqu'à l'extrême sud de la région, il y en a partout, regrette Marie Garrido, cheffe de projet à l'office de l'environnement de la Corse. On sait qu'il y en a aussi à l'ouest de Bonifacio jusqu'à Figari mais après, plus rien. Aucune information et on se pose plein de questions."

La prolifération du crabe bleu n'est pas, à la différence de son cousin en Tunisie, une occasion idéale pour un commerce à outrance. C'est un nid à problèmes, un prédateur redoutable menaçant la biodiversité des milieux aquatiques et détruisant le matériel des pêcheurs des lagunes touchées. "C'est une espèce envahissante adaptative toujours en progression, qui s'adapte très facilement et rapidement aux conditions du milieu, détaille Marie Garrido. On connaît 70 espèces de ce type en mer corse, mais lui est agressif, omnivore et hyper tolérant aux variations de température, d'oxygène..."

Un vrai poison totalement inconnu il y a encore quelques années. Si la première signalisation de crabe bleu remonte à 1990, ce n'est qu'en 2014, dans la réserve de Biguglia, qu'a réellement été donnée l'alerte de sa présence. "Jusqu'à l'année dernière, on pensait que c'était la première fois qu'on en voyait en Corse, explique la membre de l'office de l'environnement. Mais en faisant des recherches, on s'est aperçu qu'on en péchait déjà avant et que ça n'avait juste pas fait l'objet de remontées auprès des instances scientifiques."


Une réunion d'ampleur ce lundi à Bastia
Pour autant, même en 2018, les recensements étaient encore trop éparses dans le temps et en quantité pour que l'Université de Corse se penche sur le sujet. Les inquiétudes ont commencé à croître en regardant la situation de l'Espagne, où le nombre d'individus dans le delta de l'Èbre devenait très critique. "Il fallait prendre les devants pour limiter l'impact sur la biodiversité ou le fonctionnement des lagunes, raconte Marie Garrido. Un groupe de travail a rédigé un plan d'action stratégique début 2021 pour détecter de manière précoce, sur les sites lagunaires, la présence du crabe."
Une obligation de se mettre en ordre de marche, pour ne pas se retrouver dans une situation dramatique comme l'a récemment connue l'Occitanie. "A Canet-en-Roussillon, ils n'ont rien vu venir, retrace la cheffe de projet. Ils n'avaient que quelques individus, et puis leur population a triplé en trois ans." Passant de 5 à 15 tonnes, le nombre de crabes bleus a suscité la crainte d'un envahissement de toutes les lagunes alentours.
Alors pour apprivoiser le phénomène en Corse, il a fallu passer à la vitesse supérieure. Une réunion d'ampleur, réunissant organismes et acteurs de terrains, s'est tenue ce lundi 19 septembre au Comité Régional des Pêches Maritimes et des Élevages Marins (CRPMEM) de Bastia. Initialement, elle était programmée pour prendre les devants et réfléchir à mieux équiper les pêcheurs professionnels des milieux lagunaires. Mais avec les récents chiffrages de la période estivale, la donne a changé.

Agir tout en cherchant
Pour faire face à l'envahissement de cette espèce originaire des côtes atlantiques, il est ressorti de cette rencontre qu'il y avait urgence à agir. "On doit vraiment être prêts, pour juin 2023, à mettre en place des actions de pêche ciblées sur Callinectes sapidus tout en menant encore des actions scientifiques en parallèle, affirme Marie Garrido. La difficulté est de, par exemple, mettre en place le bon nombre de filets pour être efficace sans impacter la biodiversité."
Tous admettent qu'aider la filière, notamment à l'aide d'engins plus robustes, est impératif. L'implication de l'Université de Corse est, elle, indispensable sur le volet scientifique grâce aux préconisations et avis qu'elle peut délivrer. "On ne veut pas précipiter les choses tout en étant conscients de l'urgence", assure la cheffe de projet à l'office de l'environnement de la Corse.
Les zones de Biguglia et de Palu ont été définies comme les endroits prioritaires d'intervention. "On doit vraiment essayer de contrôler cette population au niveau de ces lagunes qui sont les plus touchées par la reproduction, justifie Marie Garrido. Pour l'instant, priorité à ces deux zones et aux pêcheurs qui y œuvrent." 

Dans l'attente de nouveaux chiffrages, une prochaine réunion se tiendra courant octobre pour continuer les discussions.

(Photos Stéphan Le Gallais)
(Photos Stéphan Le Gallais)