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Corsica Pulita et Ecologia Sulidaria vent debout contre le plan régional de gestion des déchets


le Mercredi 24 Juillet 2024 à 20:52

L’Assemblée de Corse doit se pencher ce jeudi sur le Plan Territorial de Prévention et de Gestion des Déchets. Un document inacceptable pour les associations, qui fustige le fait qu’il prévoit un recours à la valorisation énergétique pour traiter les déchets résiduels. Le collectif Corsica Pulita, notamment, affirme être prêt à attaquer le plan en justice s’il venait à être adopté.



(Photo : Archives Michel Luccioni)
(Photo : Archives Michel Luccioni)
C’est un dossier brulant qui provoque régulièrement des crises aigues depuis plusieurs décennies. L’épineuse question de la gestion des déchets en Corse est-elle sur le point d’être en partie réglée ? Ce jeudi, à l’occasion de la dernière session de l’Assemblée de Corse avant la coupure estivale, l’hémicycle devra se prononcer sur le Plan Territorial de Prévention et de Gestion des Déchets (PTPGD). Depuis la loi NOTRe de 2015, la compétence de planification des déchets a en effet été dévolue aux régions, et la Corse était jusqu’à aujourd’hui le seul territoire à ne pas disposer d’un tel plan. Le document qui sera présenté par l’Exécutif veut avant tout miser sur le tri, mais prévoit également un recours à la valorisation énergétique. Un point qui n’a pas manqué de susciter l’ire des associations. 
 
Dans un courrier adressé aux élus le 21 juillet, Corsica Pulita - composé de 17 associations corses de défense de l’environnement et des deux collectifs anti-mafia et créé en 2023 à l’occasion de l’enquête publique préalable à la présentation du PTPGD - rappelle s’être « très largement exprimé contre ce plan en relevant ses contradictions, ses insuffisances et ses inconnues ». « La nombreuse participation à l’enquête publique (plus de 500 contributions) et la qualité des interventions écrites ont révélé que les Corses, dès lors qu’ils sont informés correctement, refusent la « solution » qu’impose ce plan : tri à minima et incinération de la majorité des déchets », fustige le collectif. Il déplore notamment que la validation de la filière Combustibles Solides de Récupération (CSR)/ incinération soit actée « sans études de faisabilité pour en mesurer l’impact en aval (pollution de l’air et de la terre) ». « Les élus ont à se prononcer sur une filière au coût exorbitant avec l’excuse de l’urgence. L’urgence, depuis 20 ans, n’étant jamais d’organiser le tri à la source », écrit encore Corsica Pulita en pointant en outre : « Un ou deux incinérateurs sont simplement évoqués sans étude financière, ni étude d’implantation alors qu’ils constituent le cœur du dispositif de traitement des déchets. Aucune solution étayée ni même d’étude d’impact n’est fournie pour le recyclage des 35 000 tonnes par an des résidus toxiques et hautement toxiques produits par l’incinération. Aucune information n’est disponible pour évaluer le coût d’exportation des CSR et des REFIOM. Aucune orientation précise et aucune prescription ne sont données sur l’utilisation de la prétendue énergie verte qui serait produite par l’incinération des CSR, aucune donné précise sur le coût de sa production et son acheminement ». 
 
Corsica Pulita menace d’attaquer le PTPGD en justice
 
Dans ce droit fil, le collectif s’interroge : « Comment la majorité à l’Assemblée de Corse, pourtant résolument anti-incinération avant son élection, peut-elle aujourd’hui porter « une solution » aussi aberrante et dangereuse au coût démesuré ? ». « Cette voie amène la Corse dans le mur pour la rendre entièrement dépendante d’intérêts privés et mafieux », estime-t-il en lançant un avertissement aux élus : « Vous devez aujourd’hui prendre vos responsabilité et le choix qui est le vôtre est très simple : soit continuer d’entraîner les Corses vers des solutions pour leur santé et insoutenables pour leurs finances, avec la certitude de renforcer les intérêts mafieux ; soit revenir à la raison et élaborer, sans attendre, le contenu d’un nouveau Plan Territorial des déchets basé sur la prévention, le tri et le compostage avec la société civile et les élus des intercommunalités ». Et le collectif d’avertir : « Si nous ne sommes pas entendus dans notre volonté de préserver les intérêts et la santé des Corses, nous serons contraints à un contentieux juridique dont l’issue sera l’annulation du plan ».
 
De son côté, dans une communication en début de semaine, le mouvement Ecologia Sulidaria taxe le PTPGD de « plan du reniement » et regrette également qu’il ne « tienne pas compte de l’enquête publique ». « Affirmer d’un côté la priorité aux biodéchets et au tri à la source et construire des tris industriels c’est une contradiction majeure au vu des tonnages entrants considérables qui sont annoncés dans ces centres. Laisser croire que le brûlage des plastiques fournit une énergie « renouvelable » alors qu’il s’agit de pétrole transformer, c’est encore nier la réalité ! Faire l’impasse sur les graves dangers de l’incinération pour la santé et l’environnement, alors que nous subissons déjà des pollutions continues (centrales, transports, bateaux) c’est impensable », fustige le parti en avançant que le brûlage de CSR « produit, en plus des fumées, des rejets particulièrement toxiques : mâchefers, Refiom, qu’on ne sait pas traiter et qu’il faudra stocker, ou pire, disperser sur les routes ». « Et ce n’est pas en y ajoutant du bois, comme annoncé dans le Plan, qu’on supprimera leur toxicité ! », abonde-t-il.
 
« Mettre les déchets sous le tapis »

Par ailleurs, alors que l’Exécutif réaffirme dans ce plan sa volonté de mettre en place une gestion publique des déchets, Ecologia Sulidaria affirme pour sa part que « la réalité est exactement inverse ». Et de détailler : « Le transport des déchets en vrac des quais de transfert vers les sites de stockage est déjà aux mains du privé. L’enfouissement des déchets est aussi privé : Fium’orbu et Vighjaneddu. Pour la construction et la gestion des centres de surtri dits multifonctions en réalité du tri mécano biologique avec incinération, les marchés ont déjà été attribués à des privés, avant même la promulgation du plan ».
 
« Ce plan est à l’inverse des fondamentaux portés par les nationalistes depuis 2007. Il entérine l’échec de l’Exécutif à imposer à certains EPCI et au Syvadec la vision qui était la sienne et qui réussit pourtant de façon remarquable si près de nous, en Toscane et en Sardaigne (et même dans la communauté de communes Calvi Balagna déjà à 62%) avec des taux de tri supérieurs à 70% qui rendent inutiles d’énormes installations industrielles et diminuent tout autant la quantité de déchets à enfouir », regrette encore le mouvement en martelant : « Ce retournement de l’Exécutif qui affirme régulièrement s’inscrire dans le combat environnemental porté depuis 50 ans par les nationalistes est inacceptable ». Pour le parti, ce PTPGD revient de facto à conforter « mettre les déchets « sous le tapis » pour pouvoir poursuivre sans entrave le développement du tourisme et la consommation tous azimuts ». Si la charge des associations envers ce plan est déjà virulente, les débats qui s’ouvriront ce jeudi après-midi dans l’hémicycle pourraient bien être tout aussi corsés.