Stareso, (station de recherche océanographiques et sous-marines) de Calvi
En février dernier, le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) publiait son sixième rapport sur le changement climatique. Un document d’ampleur où un chapitre spécifique avait été dédié à la région méditerranéenne, soulignant ainsi sa biodiversité exceptionnelle mais aussi sa grande vulnérabilité. Il était révélé à cette occasion que dans le pire scénario envisagé par les scientifiques, le niveau de la Méditerranée pourrait s’élever de plus d’un mètre à horizon 2100. Un phénomène irréversible dont les prémices se font déjà sentir. « Nous avons mesuré une augmentation de près 3mm par an du niveau marin au cours des dix dernières années. Ceci est dû à deux phénomènes : la fonte des glaciers, mais aussi au fait que lorsque l’eau est chaude elle se dilate, ce qui cause une augmentation du niveau marin », expose Michel Marengo, directeur scientifique de la Station de Recherches Sous-marines et Océanographiques de Calvi (Stareso).
Installée sur la presqu’île de la Revellata, cette plateforme scientifique travaille depuis plus de 50 ans sur l’étude du milieu marin en Méditerranée et constate au quotidien les effets du réchauffement climatique. À commencer par une augmentation de la température de l’eau qu’elle a pu observer grâce à des mesures effectuées dans la baie balanine depuis plus de 30 ans, représentatives de la situation des eaux corses et méditerranéennes. « Cet été, on a eu ce que l’on appelle des canicules thermiques avec des anomalies de plus de 4°C par rapport à la moyenne des dernières années. On est arrivé à près de 30°C dans le port de Stareso ! Et la température est actuellement malheureusement encore haute avec 21°C en surface et plus de 25°C à 20 mètres de profondeur. Normalement, il devrait y avoir du vent qui brasse cette colonne d’eau et qui permette de l’homogénéiser, elle devrait être beaucoup plus froide. Ce n’est pas normal que l’eau soit encore aussi chaude au mois de novembre », indique le scientifique.
Cette eau de plus en plus chaude a déjà des conséquences désastreuses sur les écosystèmes, à l’instar d’évènements de mortalité constatés sur le coralligène et les éponges. « Des organismes qui sont fixés comme les coraux ne peuvent partir et échapper à ces vagues de chaleur, donc cela les stresse », explique Michel Marengo. « Nous avons plongé encore cette semaine et constaté qu’il y avait des phénomènes de mortalité massive de ces coraux », déplore-t-il. Il dévoile par ailleurs que ce phénomène a aussi d’autres conséquences comme l’émergence de nouvelles maladies. « Par exemple, de plus en plus de mérous sont touchés par le nodavirus. On voit aussi que de nouveaux parasites prolifèrent avec cette augmentation de la température de l’eau, et nous constatons des mortalités de nacres, grands mollusques endémiques de Méditerranée », détaille-t-il. Ces températures anormales attirent aussi de nouvelles espèces venues de Mer Rouge ou de Méditerranée Orientale. « Il y a des espèces dites invasives qui sont de plus en plus présentes, comme le crabe bleu sur la côte Est de la Corse. Il rentre dans les étangs et va vraiment perturber les écosystèmes et les espèces autochtones. Il y a donc une compétition entre les espèces qui sont là depuis des générations et les nouvelles espèces qui vont déséquilibrer les écosystèmes », souligne le directeur scientifique de la Stareso.
Et puis, météorologiquement, ces eaux chaudes sont aussi responsables de l’augmentation des phénomènes extrêmes. « Le meilleur exemple qui a été tragique a été celui du 18 août dernier, qui a touché fortement la Corse. C’est clairement lié à l’impact direct du changement climatique. Les températures chaudes de l’eau vont alimenter les tempêtes, leur force et leur intensité. On voit que les évènements méditerranéens, les « Medicane » se multiplient. Avant, nous avions une tempête forte tous les cinq ans en Méditerranée. Depuis près de dix ans, on voit que nous en avons une tous les ans en Méditerranée », remarque Michel Marengo en soulignant : « Le changement climatique touche la Corse tous les jours dans différents compartiments de notre vie : avec des tempêtes, des sécheresses, des incendies, mais aussi avec la diminution des ressources halieutiques qui va toucher les pêcheurs. Des espèces d’intérêt ne vont en effet pas pouvoir se reproduire et impliquer une diminution des stocks. Je pense à la langouste rouge, au denti, au corb ou au mérou ».
Le scientifique insiste aussi sur un autre point important soulevé dans le rapport du GIEC : l’acidification des océans. « En gros, les activités humaines augmentent les gaz à effet de serre dans l’atmosphère, notamment en brûlant des énergies fossiles. Ce carbone qui va être présent dans l’atmosphère va être stocké dans l’océan. L’océan, en stockant ce dioxyde de carbone, va s’acidifier, et cela va impacter certains organismes. Par exemple, plus cela va être acide, plus certains organismes à coques calcaires comme les moules, les huitres, les exosquelettes de langoustes, de homards, ou encore les phytoplanctons vont être touchés, en ce que cela va provoquer la dissolution de leurs carapaces. Et donc, cette acidification va complètement perturber les équilibres qui sont en place », précise-t-il. Au vu importance du phytoplancton, base de la chaîne alimentaire, on peut de facto craindre les hécatombes qui résulteraient de ce phénomène. « Beaucoup de scientifiques se posent la question de savoir si nous sommes à l’aube d’une 6ème extinction de masse », avertit Michel Marengo, « C’est l’une des questions que l’on se pose. Nous ne voulons pas être alarmistes nous à Stareso, mais bien sûr ce sont des thématiques sur lesquelles nous travaillons avec des chercheurs du monde entier ».
Loin de sombrer dans la désespérance, la Stareso veut pour sa part rester optimiste et travailler sur des réponses concrètes à cette machine infernale. « Nous essayons de voir toujours le verre à moitié plein. Nous sommes tous les jours sur le terrain et nous voyons cette extraordinaire biodiversité qui est toujours présente. Nous nous émerveillons en l’observant. On dit que la Méditerranée est une des mers les plus polluées du monde, mais nous préférons dire qu’elle est un haut lieu de biodiversité », affirme le directeur scientifique de la plateforme avant de conclure : « Nous allons devoir nous adapter à ce changement climatique. Nous espérons que l’innovation et le génie humain permettront de trouver des solutions, des énergies plus propres et que l’on arrivera à redresser la courbe ».
Installée sur la presqu’île de la Revellata, cette plateforme scientifique travaille depuis plus de 50 ans sur l’étude du milieu marin en Méditerranée et constate au quotidien les effets du réchauffement climatique. À commencer par une augmentation de la température de l’eau qu’elle a pu observer grâce à des mesures effectuées dans la baie balanine depuis plus de 30 ans, représentatives de la situation des eaux corses et méditerranéennes. « Cet été, on a eu ce que l’on appelle des canicules thermiques avec des anomalies de plus de 4°C par rapport à la moyenne des dernières années. On est arrivé à près de 30°C dans le port de Stareso ! Et la température est actuellement malheureusement encore haute avec 21°C en surface et plus de 25°C à 20 mètres de profondeur. Normalement, il devrait y avoir du vent qui brasse cette colonne d’eau et qui permette de l’homogénéiser, elle devrait être beaucoup plus froide. Ce n’est pas normal que l’eau soit encore aussi chaude au mois de novembre », indique le scientifique.
Cette eau de plus en plus chaude a déjà des conséquences désastreuses sur les écosystèmes, à l’instar d’évènements de mortalité constatés sur le coralligène et les éponges. « Des organismes qui sont fixés comme les coraux ne peuvent partir et échapper à ces vagues de chaleur, donc cela les stresse », explique Michel Marengo. « Nous avons plongé encore cette semaine et constaté qu’il y avait des phénomènes de mortalité massive de ces coraux », déplore-t-il. Il dévoile par ailleurs que ce phénomène a aussi d’autres conséquences comme l’émergence de nouvelles maladies. « Par exemple, de plus en plus de mérous sont touchés par le nodavirus. On voit aussi que de nouveaux parasites prolifèrent avec cette augmentation de la température de l’eau, et nous constatons des mortalités de nacres, grands mollusques endémiques de Méditerranée », détaille-t-il. Ces températures anormales attirent aussi de nouvelles espèces venues de Mer Rouge ou de Méditerranée Orientale. « Il y a des espèces dites invasives qui sont de plus en plus présentes, comme le crabe bleu sur la côte Est de la Corse. Il rentre dans les étangs et va vraiment perturber les écosystèmes et les espèces autochtones. Il y a donc une compétition entre les espèces qui sont là depuis des générations et les nouvelles espèces qui vont déséquilibrer les écosystèmes », souligne le directeur scientifique de la Stareso.
Et puis, météorologiquement, ces eaux chaudes sont aussi responsables de l’augmentation des phénomènes extrêmes. « Le meilleur exemple qui a été tragique a été celui du 18 août dernier, qui a touché fortement la Corse. C’est clairement lié à l’impact direct du changement climatique. Les températures chaudes de l’eau vont alimenter les tempêtes, leur force et leur intensité. On voit que les évènements méditerranéens, les « Medicane » se multiplient. Avant, nous avions une tempête forte tous les cinq ans en Méditerranée. Depuis près de dix ans, on voit que nous en avons une tous les ans en Méditerranée », remarque Michel Marengo en soulignant : « Le changement climatique touche la Corse tous les jours dans différents compartiments de notre vie : avec des tempêtes, des sécheresses, des incendies, mais aussi avec la diminution des ressources halieutiques qui va toucher les pêcheurs. Des espèces d’intérêt ne vont en effet pas pouvoir se reproduire et impliquer une diminution des stocks. Je pense à la langouste rouge, au denti, au corb ou au mérou ».
Le scientifique insiste aussi sur un autre point important soulevé dans le rapport du GIEC : l’acidification des océans. « En gros, les activités humaines augmentent les gaz à effet de serre dans l’atmosphère, notamment en brûlant des énergies fossiles. Ce carbone qui va être présent dans l’atmosphère va être stocké dans l’océan. L’océan, en stockant ce dioxyde de carbone, va s’acidifier, et cela va impacter certains organismes. Par exemple, plus cela va être acide, plus certains organismes à coques calcaires comme les moules, les huitres, les exosquelettes de langoustes, de homards, ou encore les phytoplanctons vont être touchés, en ce que cela va provoquer la dissolution de leurs carapaces. Et donc, cette acidification va complètement perturber les équilibres qui sont en place », précise-t-il. Au vu importance du phytoplancton, base de la chaîne alimentaire, on peut de facto craindre les hécatombes qui résulteraient de ce phénomène. « Beaucoup de scientifiques se posent la question de savoir si nous sommes à l’aube d’une 6ème extinction de masse », avertit Michel Marengo, « C’est l’une des questions que l’on se pose. Nous ne voulons pas être alarmistes nous à Stareso, mais bien sûr ce sont des thématiques sur lesquelles nous travaillons avec des chercheurs du monde entier ».
Loin de sombrer dans la désespérance, la Stareso veut pour sa part rester optimiste et travailler sur des réponses concrètes à cette machine infernale. « Nous essayons de voir toujours le verre à moitié plein. Nous sommes tous les jours sur le terrain et nous voyons cette extraordinaire biodiversité qui est toujours présente. Nous nous émerveillons en l’observant. On dit que la Méditerranée est une des mers les plus polluées du monde, mais nous préférons dire qu’elle est un haut lieu de biodiversité », affirme le directeur scientifique de la plateforme avant de conclure : « Nous allons devoir nous adapter à ce changement climatique. Nous espérons que l’innovation et le génie humain permettront de trouver des solutions, des énergies plus propres et que l’on arrivera à redresser la courbe ».