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Disparition de Christian Ruspini : la Corse pleure un grand artiste


Philippe Jammes le Mardi 30 Mai 2023 à 13:57

Stupeur, tristesse, émotion à l’annonce hier de la disparition du comédien, metteur en scène, auteur Christian Ruspini, à l’âge de 53 ans.



Crédit photo Orlando Forioso
Crédit photo Orlando Forioso
La nouvelle a consterné non seulement le monde artistique insulaire mais bien au-delà. Christian Ruspini, est décédé dimanche 29 mai à l’âge de 53 ans. Comédien "intense, lumineux, vibrant, généreux" metteur en scène et auteur, il  s’était formé à Nice avec Henri Legendre à la fin des années 80, puis avec Mireille Baudon à Porto-Vecchio. Il a ensuite poursuivi sa formation aux côtés des Robin Renucci, Anne Cornu, Vincent Rouche, Noël Casale, René Jauneau.

Collaborateur et formateur à l'Aria, Christian Ruspini a travaillé avec Noël Casale en 2006, dans la pièce "Antoine et Cléopâtre" au Théâtre de la Tempête à Paris. En 2007, il s'est consacré à l'adaptation et à l'interprétation du premier roman de Marc Biancarelli : "51 Pegasi astre virtuel", traduit du corse par Jérôme Ferrari.

La même année, sous la direction d'Alain Batis, il a joué le rôle de Shwartz dans "Popper" de Hanokh Levin. En juin, avec l'Aria, Christian Ruspini a participé au Festival international de Naples avec "Nuits de pleine lune", dirigé par Patrick Palmero, où des textes d'Edgar Poe, Maupassant et Pirandello ont été présentés en corse, français, italien et napolitain.

En 2011, dans une mise en scène de Charlotte Arrighi de Casanova, il a joué dans "Pas à Pas" à l'auditorium de Pigna, inspiré du traité sur le funambulisme de Philippe Petit. En 2012 et 2013, dirigé par Francis Aïqui, il a joué à Ajaccio dans la pièce de l'auteur anglais Denis Kelly, "Love and Money", qui a ensuite été en tournée nationale. En 2013, sous la direction d'Orlando Forioso, il a interprété le rôle d'Hamlet, d'après Laforgue et Shakespeare.


Au cinéma, Christian Ruspini a joué dans le court-métrage de Frédéric Farrucci, "Suis-je le gardien de mon frère", co-écrit par Jérôme Ferrari. On a également pu le voir sur grand écran dans des films tels que "Pension complète" de Florent Emilio Siri et "La Papesse Jeanne" de Jean Breschand, ainsi que dans la série télévisée "Duel au soleil".

En 2016, il a écrit son premier texte intitulé "Bastia à l'ouest, j'ai rêvé une île", composé de fragments et de poésies accompagnés d'un travail sur l'image photographique et poétique. En 2018, aux côtés de Marie Murcia, il a joué sur la scène de l'Alb'Oru à Bastia dans la pièce "Un domaine où" de Clément Camar-Mercier (L'Aria). Plus récemment, en 2020 il a joué en Sentinelle. Puis en janvier 2022, il a participé à la première édition de Lektos, un événement initié par Jacky Le Menn et porté par l'association "Mouvement Artistique". Il a lu "La longue route", un texte sur le navigateur Bernard Moitessier. La lecture à haute voix était un exercice qu'il affectionnait particulièrement et qu'il proposait lors de ses différentes formations. En février 2023, il a interprété le rôle de Créon dans une version d'"Antigone" de Natacha Conti et de sa compagnie I Sussuri di a Maghja.

De nombreux hommages 

La disparition de Christian Ruspini a déclenché une série d’hommages. « Humble, discret et hors normes, artiste lumineux dans la vie comme à la scène, Christian était un ange qui a offert son cœur sans retenue à son art, à son public, à nous tous » témoigne la chanteuse et comédienne Patrizia Gattaceca. « Amoureux des mots, il n’a cessé d’explorer la prose et les vers, il savait s’en emparer avec force pour les faire vibrer et les offrir en partage. Son regard et son sourire gardaient une part d’enfance. Nous l’aimions,  nous l’aimerons à jamais. Il nous laisse tant ».


Le metteur en scène Orlando Forioso l’a connu enfant avant de le diriger dans ses spectacles : «Petit il venait chez son oncle à Pigna lors des répétitions des spectacles. Il avait cette curiosité pour l’artistique. On s’est perdu de vue ensuite puis beaucoup d’années plus tard je l’ai vu dans la trilogie de Pagnol en Corse. On s’est revu et il a joué dans mes pièces « Don Quichotte é Sancciu Pansa » et « Hamlet ». Christian c’était l’incarnation même de l’acteur. Quand on le rencontrait, on voyait l’acteur. Il proposait, il vivait dans ses rôles. Il avait un grand talent, la grâce de la scène ».

"Manca dighjà a so presenza luminosa" 
À l’annonce de sa mort, les hommages se sont multipliés sur les réseaux où des nombreuses personnalités n’ont pas tardé à partager leur peine.




"Les mots nous manquent ce matin pour dire notre désarroi et notre infinie tristesse." Enfant de Porto Vecchio, son maire Jean-Christophe Angelini lui a rendu hommage





Un homme profond

 « C’était un excellent comédien. Un homme profond dans ce qu’il faisait. Il était toujours dans la recherche. C’était un anxieux du bien-faire. Il traitait l’art comme quelque chose de précieux. Je l’ai dirigé notamment dans ma trilogie de Pagnol en Corse : « 51 Pegasi astre virtuel » ou encore dans Lorenzaccio où il jouait le Duc. On avait plusieurs projets ensemble ». témoigne Jean-Pierre Lanfranchi d’Unita Teatrale.

La Comédienne et metteure en scène Marie Murcia était sur scène avec lui en 2018 dans « Un domaine où »  : « Christian était un gentil. Un passionné, un artiste dans l’âme. Il écrivait, jouait, mettait en scène. C’était aussi un passionné de la lecture à voix haute. C’est sa voix qu’on entendait en premier. C’était quelqu’un de très généreux dans sa façon de travailler. Il se donnait, s’ouvrait, en laissant des plumes parfois. C’était un écorché vif de la vie. On perd un compagnon de route, un poète»
 

"C’est déjà vivre un rêve que vivre sa passion"

Crédit photo Orlando Forioso
Crédit photo Orlando Forioso

Sa vie, c’était aussi le Giussani, haut-lieu du théâtre avec l’Aria. « C’était un intervenant très pédagogue, il lui était arrivé de s’exprimer devant des jeunes en grande difficulté » indique Marie-Laure Poveda, directrice de l’Aria. « Il a tout de suite adhéré à notre projet, il a contribué à l’aventure. C’est quelqu’un sur qui on pouvait compter, pouvant remplacer à la volée un autre intervenant. C’est une perte immense, un manque. On perd à l’Aria un artiste, un talent mais c’est en fait un ami que perd toute la vallée du Giussani».

Dans un texte que Christian Ruspini a écrit pour les 25 ans de l’ARIA qui seront fêtés cet été, le comédien soulignait d'ailleurs l’attachement à ce lieu « Sans cette collaboration depuis plus de quinze ans, mon métier d’artiste aurait été plus fragile et certainement moins enrichissant…C’est déjà vivre un rêve que vivre sa passion, Et c’est encore plus beau de pouvoir le faire aux endroits où l’on aime rêver ». 
     


Les obsèques de Christian Ruspini auront lieu ce mercredi à 15 heures  en la chapelle de Tenda à Porto Vecchio.

Christian Ruspini, artiste-pédagogue, ici avec des collégiens de Saint Joseph (Bastia) en résidence à L’Aria.
Christian Ruspini, artiste-pédagogue, ici avec des collégiens de Saint Joseph (Bastia) en résidence à L’Aria.