Un peu d’histoire nous rappellera les scrutins du passé, ceux qui engendraient la bonne humeur et les rires. Le contraire de ce qui règne actuellement sur les urnes. Bien plus qu’un esprit de clocher, la pression, la médisance et les méchancetés qui vont avec. Question de détendre un tantinet cette atmosphère lourde qui pèse autour de la Maison Carrée et que l’on aimerait voir disparaître. Voici une évocation d’un passé pas si lointain que bon nombre de mes concitoyens n’ont pas oublié…
Il est vrai que cela ne nous empêche pas de revenir sur ce passé qui donnait un air de fête pas comme les autres à notre bonne vieille cité impériale. Bien sûr, souvent durant les campagnes, la dérision était de mise et les moqueries légion. Sans méchanceté certes, même si l’on assistait de temps à autre à des prises de bec assez redoutables.
Satanée politique ajaccienne qui, au fil des générations, a mobilisé tant d’hommes. Car la politique autrefois était une affaire d’hommes. Les femmes furent longtemps tenues à l’écart. Il en va autrement (fort heureusement) aujourd’hui. Dès lors qu’une élection se profilait, plus rien ne comptait. L’intérêt des Ajacciens devenait toutes affaires cessantes lorsqu’une confrontation municipale (re) commençait.
Le place des Palmiers, terrain de batailles mémorables, était régulièrement prise d’assaut par les affûtés de la politique qui s’affrontaient verbalement, avançaient des calculs de probabilité et misaient sur les chances de tel ou tel candidat. De temps à autres, certaines femmes plus émancipées que d’autres, osaient venir troubler les « affaires d’hommes » et l’on pouvait entendre ci et là dans les quartiers, cette chanson interprétée sur l’air religieux : « C’est le mois de Marie, c’est le mois le plus beau, noi t’avemi à merria, voi t’aveti à Jojo (Vous, vous avez la mairie, nous, nous avons Jojo, prénom d’un candidat de l’époque un peu dandy sur les bords…).
Il va sans dire que de temps en temps, quelques disputes éclataient entre supporteurs, mais cela finissait généralement en bousculade, sans plus. Et la même scène se reproduisait régulièrement à travers les quartiers pour aboutir chaque fois place des Palmiers, jusqu’au jour J de l’élection. Le calme revenait ainsi jusqu’à la proclamation des résultats.
Ajaccio-Vizzavona sur la Gravona…
Dans la foulée, le maire actuel, démissionne et crie au complot contre lui et les siens. L’ancien, même s’il ne le montre pas, jubile. Une fois de plus on est en face d’une situation qui n’est pas sans rappeler les joutes du passé, quand bien même y aurait-il beaucoup plus de sérieux (et le reste) dans la lutte aujourd’hui. Pourtant, des « manœuvres frauduleuses » ont souvent marqué les élections municipales. Aussi, lorsque celles-ci étaient entachées de fraude, les vieux ajacciens qualifiaient le scrutin de pulitichella, celle dont Ajaccio est si friande et qui s’est solidement installée il y a quelques décennies dans la citée impériale. Mais aujourd’hui, les nouveaux candidats n’en connaissent que quelques bribes. Avant et après les années cinquante, les duels ont été particulièrement riches en événements de la sorte et les anciens en savent quelque chose. « Oh les amis, crions très haut, vive le maire d’Ajaccio » chantaient les supporteurs des candidats dans une ambiance très folklorique qui rendait enthousiastes les ajacciens de la rue - montasega compris - ceux qui suivaient de près cette pulitichella. Cela a engendré bien des histoires et des situations souvent burlesques, mais une fois les élections revues et corrigées, tout rentrait dans l’ordre avec le sérieux que l’on sait.
Rappelons les élections des années 1953-1954 avec une campagne des plus passionnées et passionnantes. Aux trois listes officiellement déposées, s’était ajoutée celle d’une équipe de « montasega » (ils étaient 124) dénommée Comité Ajaccien Contre les Abus (CACA) qui avait édité un manifeste intitulé : « Les jeux du cirque » et dans lequel on pouvait lire : « Dans notre petite ville de 33 000 habitants (y compris les recensés pour les besoins de la cause), 124 citoyens réclament vos suffrages. Plus on est de fous, plus on rit. En vertu de ce vieil adage, le CACA présente lui aussi ses 31 candidats, jeunes, dynamiques, au printemps de leur vie, qui mettront leur ardeur et leur virilité au service du bien public. Depuis un demi-siècle, des hommes stériles qui ont occupé l’hôtel de ville ont promis la stérilisation de la Gravona, la démolition du Vieux Séminaire,…Nous pouvons vous promettre beaucoup mieux, à savoir la Gravona, comme la Seine, devenant un fleuve navigable à condition d’élargir le canal et le l’additionner d’eau. Grâce à nous, vous pourrez, dans un avenir prochain, aller d’Ajacco à Vizzavona en bateau-mouche ! Etc…Etc… »
Sainte des votes, priez pour eux…
Nous sommes en 1955, pour les habitués des terrasses des cafés et autres chroniqueurs locaux, lieux où se développent les débats les plus passionnés, l’automne et l’hiver sont des périodes mortes. Les sujets de conversation et les animations sont rares. On s’ennuie ferme. Et si quelque élection venait à nous changer des premiers frimas ? Fort heureusement il y a « Sainte des votes » qui prie pense à tout ce beau monde politique. Chaque automne, comme par le passé, apporte son lot de surprise et de dissolution (Assemblée Nationale) et bien entendu élections municipales comme cet hiver. Un changement si brutal pourrait, qui sait, provoquer la mort de « Sainte des votes. » Depuis les élections municipales de 1953, le maire d’Ajaccio et son conseil ont été dissous à deux reprises par le gouvernement. Les citoyens de la cité impériale ont dû retourner aux urnes le 10 mars 1957. Le parti Bonapartiste avait été élu.
Titin Cassemac et les autres…
Dans un passé plus proche, on se rappelle bien entendu des cantonales du début des années soixante-dix et du dernier candidat inscrit qui avait pour nom Lucien Lorenzi, plus connu sous le sobriquet de Titin Cassemac. Il avait d’ailleurs créé son propre parti : le P.O.U.R. (Parti Optimiste Unifié Républicain) et sur la grande banderole on pouvait lire « Le P.O.U.R. est contre. . »
Derrière ce « parti », deux Ajacciens comme on n’en fait plus : Etienne Parodin (qui vient de nous quitter), et Noël Rocchiccioli, le dentiste de la place Abbatucci, lesquels ont longuement préparé cet authentique Montasega qui a sévi sur la ville des années durant. On ne va pas revenir sur les élections, mais rappelons que le candidat Cassemac avait bien failli perturber l’élection et mettre en ballotage le futur conseiller général.
Quelques années plus tard, autre parti « politique » improvisé, le Cricu, l’Union Sacrée qui nous avait valu de bien agréables moments durant les élections municipales.
C’était avant, Ajaccio savait s’amuser, Ajaccio vivait dehors, Ajaccio était un théâtre à ciel ouvert et les Ajacciens de fabuleux comédiens. Le sérieux a repris le dessus au fil des années et c’est bien sûr mieux ainsi. Même si l’on regrette parfois les vieilles querelles d’Ajacciens durant les heures chaudes d’une élection.
Comme dirait ce vieil Ajaccien de mes amis, lorsque des problèmes surgissent lors d’élections : « Comment veux-tu que ça tourne rond à la Maison Carrée ? »
J. F.
Il est vrai que cela ne nous empêche pas de revenir sur ce passé qui donnait un air de fête pas comme les autres à notre bonne vieille cité impériale. Bien sûr, souvent durant les campagnes, la dérision était de mise et les moqueries légion. Sans méchanceté certes, même si l’on assistait de temps à autre à des prises de bec assez redoutables.
Satanée politique ajaccienne qui, au fil des générations, a mobilisé tant d’hommes. Car la politique autrefois était une affaire d’hommes. Les femmes furent longtemps tenues à l’écart. Il en va autrement (fort heureusement) aujourd’hui. Dès lors qu’une élection se profilait, plus rien ne comptait. L’intérêt des Ajacciens devenait toutes affaires cessantes lorsqu’une confrontation municipale (re) commençait.
Le place des Palmiers, terrain de batailles mémorables, était régulièrement prise d’assaut par les affûtés de la politique qui s’affrontaient verbalement, avançaient des calculs de probabilité et misaient sur les chances de tel ou tel candidat. De temps à autres, certaines femmes plus émancipées que d’autres, osaient venir troubler les « affaires d’hommes » et l’on pouvait entendre ci et là dans les quartiers, cette chanson interprétée sur l’air religieux : « C’est le mois de Marie, c’est le mois le plus beau, noi t’avemi à merria, voi t’aveti à Jojo (Vous, vous avez la mairie, nous, nous avons Jojo, prénom d’un candidat de l’époque un peu dandy sur les bords…).
Il va sans dire que de temps en temps, quelques disputes éclataient entre supporteurs, mais cela finissait généralement en bousculade, sans plus. Et la même scène se reproduisait régulièrement à travers les quartiers pour aboutir chaque fois place des Palmiers, jusqu’au jour J de l’élection. Le calme revenait ainsi jusqu’à la proclamation des résultats.
Ajaccio-Vizzavona sur la Gravona…
Dans la foulée, le maire actuel, démissionne et crie au complot contre lui et les siens. L’ancien, même s’il ne le montre pas, jubile. Une fois de plus on est en face d’une situation qui n’est pas sans rappeler les joutes du passé, quand bien même y aurait-il beaucoup plus de sérieux (et le reste) dans la lutte aujourd’hui. Pourtant, des « manœuvres frauduleuses » ont souvent marqué les élections municipales. Aussi, lorsque celles-ci étaient entachées de fraude, les vieux ajacciens qualifiaient le scrutin de pulitichella, celle dont Ajaccio est si friande et qui s’est solidement installée il y a quelques décennies dans la citée impériale. Mais aujourd’hui, les nouveaux candidats n’en connaissent que quelques bribes. Avant et après les années cinquante, les duels ont été particulièrement riches en événements de la sorte et les anciens en savent quelque chose. « Oh les amis, crions très haut, vive le maire d’Ajaccio » chantaient les supporteurs des candidats dans une ambiance très folklorique qui rendait enthousiastes les ajacciens de la rue - montasega compris - ceux qui suivaient de près cette pulitichella. Cela a engendré bien des histoires et des situations souvent burlesques, mais une fois les élections revues et corrigées, tout rentrait dans l’ordre avec le sérieux que l’on sait.
Rappelons les élections des années 1953-1954 avec une campagne des plus passionnées et passionnantes. Aux trois listes officiellement déposées, s’était ajoutée celle d’une équipe de « montasega » (ils étaient 124) dénommée Comité Ajaccien Contre les Abus (CACA) qui avait édité un manifeste intitulé : « Les jeux du cirque » et dans lequel on pouvait lire : « Dans notre petite ville de 33 000 habitants (y compris les recensés pour les besoins de la cause), 124 citoyens réclament vos suffrages. Plus on est de fous, plus on rit. En vertu de ce vieil adage, le CACA présente lui aussi ses 31 candidats, jeunes, dynamiques, au printemps de leur vie, qui mettront leur ardeur et leur virilité au service du bien public. Depuis un demi-siècle, des hommes stériles qui ont occupé l’hôtel de ville ont promis la stérilisation de la Gravona, la démolition du Vieux Séminaire,…Nous pouvons vous promettre beaucoup mieux, à savoir la Gravona, comme la Seine, devenant un fleuve navigable à condition d’élargir le canal et le l’additionner d’eau. Grâce à nous, vous pourrez, dans un avenir prochain, aller d’Ajacco à Vizzavona en bateau-mouche ! Etc…Etc… »
Sainte des votes, priez pour eux…
Nous sommes en 1955, pour les habitués des terrasses des cafés et autres chroniqueurs locaux, lieux où se développent les débats les plus passionnés, l’automne et l’hiver sont des périodes mortes. Les sujets de conversation et les animations sont rares. On s’ennuie ferme. Et si quelque élection venait à nous changer des premiers frimas ? Fort heureusement il y a « Sainte des votes » qui prie pense à tout ce beau monde politique. Chaque automne, comme par le passé, apporte son lot de surprise et de dissolution (Assemblée Nationale) et bien entendu élections municipales comme cet hiver. Un changement si brutal pourrait, qui sait, provoquer la mort de « Sainte des votes. » Depuis les élections municipales de 1953, le maire d’Ajaccio et son conseil ont été dissous à deux reprises par le gouvernement. Les citoyens de la cité impériale ont dû retourner aux urnes le 10 mars 1957. Le parti Bonapartiste avait été élu.
Titin Cassemac et les autres…
Dans un passé plus proche, on se rappelle bien entendu des cantonales du début des années soixante-dix et du dernier candidat inscrit qui avait pour nom Lucien Lorenzi, plus connu sous le sobriquet de Titin Cassemac. Il avait d’ailleurs créé son propre parti : le P.O.U.R. (Parti Optimiste Unifié Républicain) et sur la grande banderole on pouvait lire « Le P.O.U.R. est contre. . »
Derrière ce « parti », deux Ajacciens comme on n’en fait plus : Etienne Parodin (qui vient de nous quitter), et Noël Rocchiccioli, le dentiste de la place Abbatucci, lesquels ont longuement préparé cet authentique Montasega qui a sévi sur la ville des années durant. On ne va pas revenir sur les élections, mais rappelons que le candidat Cassemac avait bien failli perturber l’élection et mettre en ballotage le futur conseiller général.
Quelques années plus tard, autre parti « politique » improvisé, le Cricu, l’Union Sacrée qui nous avait valu de bien agréables moments durant les élections municipales.
C’était avant, Ajaccio savait s’amuser, Ajaccio vivait dehors, Ajaccio était un théâtre à ciel ouvert et les Ajacciens de fabuleux comédiens. Le sérieux a repris le dessus au fil des années et c’est bien sûr mieux ainsi. Même si l’on regrette parfois les vieilles querelles d’Ajacciens durant les heures chaudes d’une élection.
Comme dirait ce vieil Ajaccien de mes amis, lorsque des problèmes surgissent lors d’élections : « Comment veux-tu que ça tourne rond à la Maison Carrée ? »
J. F.