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Évènements d’Aleria : 49 ans après, le souvenir de l’acte fondateur du nationalisme corse toujours aussi fort


le Mercredi 21 Août 2024 à 18:34

Comme chaque année, l’associu Aleria 75 organise une commémoration des évènements des 21 et 22 août 1975 ce jeudi à partir de 18 heures autour de la stèle commémorative. Sur le site qui abritait autrefois la cave Depeille, l’association entend continuer à transmettre la mémoire de ce moment charnière de l’histoire corse aux jeunes générations.



C’est un tournant dans l’histoire contemporaine de la Corse. Alors que la situation économique de la Corse est très mauvaise et que la colère couve dans la société insulaire depuis des années, le 21 août 1975 une douzaine de militants de l’Action Régionaliste Corse (ARC), emmenés par le Dr Edmond Simeoni, décident d’occuper la cave Depeille à Aleria afin de dénoncer le scandale de la chaptalisation des vins, mais aussi la spoliation des terres agricoles par des propriétaires pieds-noirs de retour d’Algérie. « Il y avait un sentiment de dépossession et en parallèle un sentiment de réappropriation de l’identité corse », se souvient Bernard Pantalacci de l’associu Aleria 75. « Aleria était l’endroit où l’ARC faisait généralement ses assemblées générales et il y avait une sorte d’attente de l’action. Les jeunes souhaitaient un peu plus de radicalité par rapport à la fois de la francisation et à cette injustice que tout le monde avait vue déjà avec la SOMIVAC »
 
Décision est donc prise d’occuper pacifiquement l’un des symboles du colonialisme agricole. Mais les choses vont tourner au drame. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Michel Poniatowski, décide d’apporter une réponse très forte à ce qui devait à la base rester une simple opération de communication politique et envoie sur place 1 200 gendarmes, des CRS, des blindés et des hélicoptères pour assiéger la cave. Et le 22 août à l’aube, cette réaction disproportionnée de l’État donne lieu un assaut désorganisé des forces de l’ordre qui cause la mort de deux gendarmes mobiles et blesse gravement un militant de l’ARC. « C’est une espèce de mécanique qui fait partie de l’État profond. Le corsisme remettait en cause dans leur tête la notion d’union nationale », commente Bernard Pantalacci, « La France sortait aussi de deux guerres coloniales, donc elle avait besoin de réaffirmer son autorité car elle avait perdu l’Indochine et l’Algérie. À l’époque, le parallèle avec l’Algérie était d’ailleurs fréquent ». 

La stèle érigée près du lieu où était érigée la cave Depeille (Photo : Archives CNI)
La stèle érigée près du lieu où était érigée la cave Depeille (Photo : Archives CNI)
Le Dr Edmond Simeoni se rendra immédiatement et endossera seul la responsabilité de ces évènements qui, outre crisper irrémédiablement les rapports entre Paris et la Corse, deviendront au fil des années l’acte fondateur du nationalisme corse moderne, marquant en effet un véritable « soulèvement » du peuple, selon Bernard Pantalacci. « Ce sont des évènements que les gens ont ressenti comme une marque de résistance à l’injustice », explique-t-il en pointant la « quasi-unanimité » qu’ils ont suscité dans la société corse. « Quelque chose de très particulier a recouvert les évènements d’Aleria », insiste-t-il. 
 
Comme chaque année, autour de la stèle implantée à quelques pas de là où s’élevait autrefois la Cave Depeille, rasée depuis, une commémoration sera organisée ce jeudi 22 août à partir de 18 heures. Afin de ne jamais oublier ce qui s’est passé et de transmettre ce morceau d’histoire aux jeunes générations pour qu’elles comprennent mieux la situation actuelle. « On souhaite juste une chose aux jeunes : qu’ils aient la capacité à s’indigner », glisse Bernard Pantalacci. Deux oliviers ont récemment été plantés sur le site. Un symbole de paix, comme un ultime gage d’apaisement pour l’avenir. 
 
À l’aube de ce 49ème anniversaire, les hommages sont également déjà nombreux sur les réseaux sociaux.