
(Photo d'illustration - Archives CNI)
En début de semaine, l’histoire d’une statuette présentée comme « une stèle mégalithique de l’âge du bronze corse », vendue aux enchères à Londres pour près de 22 500 euros et rapidement identifiée comme un faux artefact archéologique défrayait la chronique. Mais loin d’être un cas unique, cette affaire est au contraire symptomatique de pratiques problématiques qui touche le monde de l’archéologie.
« Il y a eu plusieurs cas de faux artefacts archéologiques qui ont été créés et mis en circulation par des faussaires », déplore ainsi Laetitia Deudon, conservatrice régionale de l’archéologie à la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) de Corse en évoquant par exemple l’affaire des « grotesques d’Amiens » durant laquelle, à la fin des années 1980, des faussaires avaient simulé la découverte de centaines de figurines dans une décharge. Des statuettes bientôt revendues à un antiquaire amiénois qui les avait alors datées du IIIème siècle, avant que les pseudo-archéologues ne soient confondus à la faveur de circonstances rocombolesques. Même si le caractéristiques grotesques de ces prétendus ex-votos auraient rapidement permis de constater que ces derniers n’étaient pas authentiques, comme cela a été le cas pour l’objet vendu à Londres le 13 mars dernier.
Une absence de traçabilité qui pose problème
« Quand on a étudié les statues-menhirs, cela saute aux yeux que cette statuette n’est pas une vraie. Elle ne respecte aucun code, aucune échelle », explique Kewin Pêche-Quilichini, archéologue et directeur du musée de l’Alta Rocca. « J’ai vraiment l’impression que c’est une copie réalisée d’après une photo dans le sens où il n’y a que la face principale qui est à peu près ressemblante aux vraies statues-menhir. Pour tout le reste, c’est n’importe quoi ». « J’ai l’impression qu’on est face à l’œuvre d’un artiste qui a voulu faire une évocation. Peut-être que cet objet est ensuite passé de mains en mains et a été présenté comme une copie, puis un artefact authentique », se questionne-t-il en reprenant : « Pour moi, le plus étonnant dans cette histoire c’est que de grandes institutions comme Lyon & Turnbull ou l’Hôtel Drouot n’ont pas été plus loin dans leurs investigations. Même l’annonce de mise aux enchères est pleine d’imprécisions ».
Dans ce droit fil, Laetitia Deudon dénonce également l’absence de vérifications lors de la mise aux enchères de l’objet par la maison de ventes britannique Lyon & Turnbull. « Il semble qu’aucun archéologue n’ait été associé à l’authentification de cet objet. Cela interroge sur l’importance d’associer plus les scientifiques dans ces ventes. De plus, pn a perdu la traçabilité de cet objet, on ne sait plus d’où il vient et de facto on ne sait plus déceler le vrai du faux. Cela est vraiment problématique pour les archéologues et la communauté scientifique », souffle-t-elle tandis que Kewin Pêche-Quilichini dévoile : « Je travaille actuellement avec un confrère anglais qui est en train d’identifier l’acquéreur de cet objet. Nous allons essayer d’entrer en contact avec lui pour proposer une expertise réelle ».
Mais loin de s’arrêter là, l’affaire mobilise aussi le service des douanes et l’Office Central de lutte contre le trafic des Biens Culturels (OCBC) qui devraient ouvrir une information judiciaire qui pourra conduire à une annulation de la vente. « Dans de pareils cas, l’OCBC, les douanes mais également Interpol diligentent des enquêtes sur les faussaires qui mettent sur le marché de l’art de faux objets archéologiques. Car outre être une forme d’arnaque, cela encourage en même temps la marchandisation du patrimoine culturel et rentre dans la problématique du trafic de biens culturels », explique la conservatrice régionale de l’archéologie.
La DRAC a d’ailleurs profité des journées régionales de l’archéologie organisées début mars à Ajaccio pour sensibiliser les autorités à cette problématique, ainsi qu’à celle des pillages. « Sur de vrais sites archéologiques, notamment sur le territoire corse, il y a une recrudescence des pillages depuis quelques années, notamment à cause de l’effet des réseaux sociaux », dévoile Laetitia Deudon en développant : « Il y a des chaines Youtube, comptes TikTok et groupes Facebook se prévalant de la détection de loisir. Leurs membres partent à la chasse aux trésors, alors que le Code du patrimoine précise bien que toute recherche à l’effet de trouver des objets intéressant l’art, l’Histoire et l’archéologie doit faire l’objet d’une autorisation préfectorale de la DRAC ». Plusieurs affaires récentes, comme la mise au jour de fouilles illégales du site archéologique d’Aleria par des légionnaires en 2023, illustrent d’ailleurs cette tendance à la hausse des pillages.
Une convention avec la gendarmerie pour mieux lutter contre les pillages
« Tout cela nous encourage à renforcer le travail d’enquête, de sensibilisation et de répression envers ceux qui porteraient atteinte aux biens culturels de la Corse », appuie la conservatrice régionale de l’archéologie. Dans cette optique, la semaine dernière plusieurs opérations de sensibilisation ont été organisées auprès des brigades de gendarmerie en Corse avec qui la DRAC vient de signer une convention. « Nous avons notamment été à Sartène pour sensibiliser les gendarmes à la protection des sites mégalithiques et des statues menhirs », indique-t-elle en rappelant que l’un de ces trésors du mégalithiques avait été dérobé à Portigliolo. « Il faut valoriser le patrimoine comme bien commun inaliénable et cette marchandisation amène une perte de qualité scientifique », appuie-t-elle encore en avertissant : « La détection de loisir est un jeu de dupe. Il y a une vigilance accrue des services de cyber criminalité qui scrutent notamment les réseaux sociaux afin de faire un travail d’enquête sur la traçabilité des objets ».
Difficile donc de passer à travers les filets pour les Indiana Jones en herbe qui rêveraient de revendre leurs trouvailles. Au contraire, la conservatrice régionale de l’archéologie encourage les amateurs de fouilles qui ramasseraient par hasard des artefacts, « à déclarer leurs découvertes avec un outil qui s’appelle la déclaration de découverte fortuite ». « Cela nous permet de pouvoir enrichir la carte archéologique et ne pas perde d’informations essentiels sur notre patrimoine insulaire », glisse-t-elle. À bon entendeur.
« Il y a eu plusieurs cas de faux artefacts archéologiques qui ont été créés et mis en circulation par des faussaires », déplore ainsi Laetitia Deudon, conservatrice régionale de l’archéologie à la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) de Corse en évoquant par exemple l’affaire des « grotesques d’Amiens » durant laquelle, à la fin des années 1980, des faussaires avaient simulé la découverte de centaines de figurines dans une décharge. Des statuettes bientôt revendues à un antiquaire amiénois qui les avait alors datées du IIIème siècle, avant que les pseudo-archéologues ne soient confondus à la faveur de circonstances rocombolesques. Même si le caractéristiques grotesques de ces prétendus ex-votos auraient rapidement permis de constater que ces derniers n’étaient pas authentiques, comme cela a été le cas pour l’objet vendu à Londres le 13 mars dernier.
Une absence de traçabilité qui pose problème
« Quand on a étudié les statues-menhirs, cela saute aux yeux que cette statuette n’est pas une vraie. Elle ne respecte aucun code, aucune échelle », explique Kewin Pêche-Quilichini, archéologue et directeur du musée de l’Alta Rocca. « J’ai vraiment l’impression que c’est une copie réalisée d’après une photo dans le sens où il n’y a que la face principale qui est à peu près ressemblante aux vraies statues-menhir. Pour tout le reste, c’est n’importe quoi ». « J’ai l’impression qu’on est face à l’œuvre d’un artiste qui a voulu faire une évocation. Peut-être que cet objet est ensuite passé de mains en mains et a été présenté comme une copie, puis un artefact authentique », se questionne-t-il en reprenant : « Pour moi, le plus étonnant dans cette histoire c’est que de grandes institutions comme Lyon & Turnbull ou l’Hôtel Drouot n’ont pas été plus loin dans leurs investigations. Même l’annonce de mise aux enchères est pleine d’imprécisions ».
Dans ce droit fil, Laetitia Deudon dénonce également l’absence de vérifications lors de la mise aux enchères de l’objet par la maison de ventes britannique Lyon & Turnbull. « Il semble qu’aucun archéologue n’ait été associé à l’authentification de cet objet. Cela interroge sur l’importance d’associer plus les scientifiques dans ces ventes. De plus, pn a perdu la traçabilité de cet objet, on ne sait plus d’où il vient et de facto on ne sait plus déceler le vrai du faux. Cela est vraiment problématique pour les archéologues et la communauté scientifique », souffle-t-elle tandis que Kewin Pêche-Quilichini dévoile : « Je travaille actuellement avec un confrère anglais qui est en train d’identifier l’acquéreur de cet objet. Nous allons essayer d’entrer en contact avec lui pour proposer une expertise réelle ».
Mais loin de s’arrêter là, l’affaire mobilise aussi le service des douanes et l’Office Central de lutte contre le trafic des Biens Culturels (OCBC) qui devraient ouvrir une information judiciaire qui pourra conduire à une annulation de la vente. « Dans de pareils cas, l’OCBC, les douanes mais également Interpol diligentent des enquêtes sur les faussaires qui mettent sur le marché de l’art de faux objets archéologiques. Car outre être une forme d’arnaque, cela encourage en même temps la marchandisation du patrimoine culturel et rentre dans la problématique du trafic de biens culturels », explique la conservatrice régionale de l’archéologie.
La DRAC a d’ailleurs profité des journées régionales de l’archéologie organisées début mars à Ajaccio pour sensibiliser les autorités à cette problématique, ainsi qu’à celle des pillages. « Sur de vrais sites archéologiques, notamment sur le territoire corse, il y a une recrudescence des pillages depuis quelques années, notamment à cause de l’effet des réseaux sociaux », dévoile Laetitia Deudon en développant : « Il y a des chaines Youtube, comptes TikTok et groupes Facebook se prévalant de la détection de loisir. Leurs membres partent à la chasse aux trésors, alors que le Code du patrimoine précise bien que toute recherche à l’effet de trouver des objets intéressant l’art, l’Histoire et l’archéologie doit faire l’objet d’une autorisation préfectorale de la DRAC ». Plusieurs affaires récentes, comme la mise au jour de fouilles illégales du site archéologique d’Aleria par des légionnaires en 2023, illustrent d’ailleurs cette tendance à la hausse des pillages.
Une convention avec la gendarmerie pour mieux lutter contre les pillages
« Tout cela nous encourage à renforcer le travail d’enquête, de sensibilisation et de répression envers ceux qui porteraient atteinte aux biens culturels de la Corse », appuie la conservatrice régionale de l’archéologie. Dans cette optique, la semaine dernière plusieurs opérations de sensibilisation ont été organisées auprès des brigades de gendarmerie en Corse avec qui la DRAC vient de signer une convention. « Nous avons notamment été à Sartène pour sensibiliser les gendarmes à la protection des sites mégalithiques et des statues menhirs », indique-t-elle en rappelant que l’un de ces trésors du mégalithiques avait été dérobé à Portigliolo. « Il faut valoriser le patrimoine comme bien commun inaliénable et cette marchandisation amène une perte de qualité scientifique », appuie-t-elle encore en avertissant : « La détection de loisir est un jeu de dupe. Il y a une vigilance accrue des services de cyber criminalité qui scrutent notamment les réseaux sociaux afin de faire un travail d’enquête sur la traçabilité des objets ».
Difficile donc de passer à travers les filets pour les Indiana Jones en herbe qui rêveraient de revendre leurs trouvailles. Au contraire, la conservatrice régionale de l’archéologie encourage les amateurs de fouilles qui ramasseraient par hasard des artefacts, « à déclarer leurs découvertes avec un outil qui s’appelle la déclaration de découverte fortuite ». « Cela nous permet de pouvoir enrichir la carte archéologique et ne pas perde d’informations essentiels sur notre patrimoine insulaire », glisse-t-elle. À bon entendeur.