Les élus et militants de Femu a Corsica autour de leur leader, Gilles Simeoni.
La fronde, qui grondait depuis quelques temps autour de la dernière mouture du PADDUC, s’amplifie à mesure que le débat final, prévu pour la session de fin de semaine, approche. Après Marie-Antoinette Santoni-Brunelli du groupe libéral « Rassembler pour la Corse », qui, indignée d’avoir reçu le document final de 3000 pages, à peine 10 jours avant la session, demande le report du débat, et l’opposition du groupe « La Gauche républicaine », c’est au tour de Femu a Corsica de monter durement au créneau. Les Nationalistes modérés, qui se sont pleinement investis dans l’élaboration du PADDUC, louant initialement sans réserve la méthode de co-construction choisie par Maria Guidicelli, conseillère exécutif en charge du Plan, sont, aujourd’hui, furieux. Il se sentent floués ! S’ils ont voté, après force amendements, les Orientations stratégiques en juillet 2012 et le PADD en janvier 2014, ils annoncent tout de go qu’ils ne voteront pas le document en l’état. « Nous avons tenu, aujourd’hui, à marquer, à la fois, notre inquiétude, notre colère et notre détermination devant la dérive de l’Exécutif par rapport à l’esprit du texte initial du PADDUC, les objectifs et les acquis déjà votés », explique Gilles Simeoni, leader de Femu a Corsica. Il dénonce « une régression sur la méthode et des modifications substantielles sur des éléments déterminants ».
Des inquiétudes de forme
L’inquiétude porte, d’abord, sur la méthode que Femu a Corsica estime en contradiction avec ce qui a été fait depuis le début des travaux sur le PADDUC, c’est-à-dire une large concertation, de nombreuses réunions, beaucoup de travail en commissions, des assises, des séminaires, des ateliers, des questionnaires d’opinion… « Autant d’épisodes auxquels nous avons participé de façon très active. Mais, depuis plusieurs semaines, on note une détérioration de la méthode », précise Gilles Simeoni. Il pointe clairement trois éléments : « D’abord, on communique un document de 3000 pages dix jours avant la session, ce qui rend impossible sa diffusion, impossible un travail sérieux sur le document, impossible un travail collectif et donc impossible un véritable travail d’amendements ! ». Le second point, qui fait litige, est le choix surprenant de l’Exécutif de concentrer, en un temps très court, en deux petits jours de session, trois débats sur trois gros dossiers qui mériteraient, chacun, une session à lui tout seul, à savoir le PADDUC, la réforme institutionnelle et la fiscalité territoriale, auxquels s’ajoutent la zone franche Montagne et la politique économique de la CTC. L’inquiétude de voir ces débats bâclés et expédiés est partagée par la droite. Le troisième point est la non-consultation du Conseil économique, social et culturel (CESC). « Il était, à notre sens, indispensable, sur un document aussi important, de consulter le CESC, même si la loi ne l’impose pas à ce stade. Alors que tout le monde est d’accord pour renforcer ses prérogatives, il est quand même impensable qu’on ne l’ait pas associé à la réflexion ! ».
Des inquiétudes de fond
Pour Femu a Corsica, ces éléments de méthodes ne sont pas seulement formels, mais cachent des inquiétudes de fond. Il parle clairement de « dérives » de l’Exécutif sur des points qu’il juge essentiels. Il critique la réécriture du PADD, voté en janvier dernier, qui amoindrit sa dimension politique, notamment concernant la notion de « Peuple corse ». Les Nationalistes modérés ont mené, lors des deux votes précédents, deux âpres combats dans l’hémicycle pour faire inclure dans le corps du document en réponse à la question : « un PADDUC pour qui, pour quoi ? » : « Un PADDUC pour le peuple corse et au service du développement collectif du peuple corse ». Aujourd’hui, cette notion de peuple corse, qui était centrale dans le document et « qui est, pour nous, centrale au plan politique » est, simplement, évoquée dans le préambule, « autrement dit avec une valeur uniquement déclarative et symbolique. Elle est renvoyée aux oubliettes ! ». D’où la colère de Femu a Corsica qui assène : « la réintégration, dans le livret PADD, de la notion de peuple corse, qui doit être la pierre angulaire du PADDUC, n’est pas négociable pour notre groupe ».
Des notions dangereuses
Plus fondamentalement, les Nationalistes modérés s’inquiètent du : « retour sur des votes antérieurs et des modifications en fin de parcours de points qui semblaient acquis ». L’Exécutif a utilisé l’amendement Chaubon, voté sur le fil en janvier dernier, qui permet des modifications à la marge, mais, « pour y inclure des notions nouvelles et réécrire des chapitres entiers qui pourraient bouleverser la philosophie du texte initial », notamment au niveau de la vocation des sols et de leur affectation : agricole ou constructible. « On a conscience qu’il faut trouver un équilibre entre la protection des espaces naturels et les nécessités du développement, qui passe par des concessions à l’urbanisation. Mais, l’Exécutif fait des évolutions dangereuses et introduit, dans le document, des notions dont on n’a jamais débattu pendant les deux ans et demi qu’ont duré des travaux. Par exemple : les espaces mutables, les espaces urbanisés à la définition modifiée, les tâches urbaines… qui, en fait, vont ouvrir la voie à une urbanisation non maîtrisée et à un flou juridique qui seront sources de contentieux », s’insurge Gilles Simeoni. Certains espaces mutables débordent largement les abords des zones urbaines et ne concernent plus les seuls espaces agricoles, mais aussi des espaces remarquables et des sites inscrits : ce qui est impossible au regard de la loi Littoral ! Pour Femu a Corsica, ces espaces sont souvent « taillés sur mesure, au cas par cas, pour satisfaire des demandes locales ».
Trop dérogatoire !
Les Nationalistes modérés fustigent : « la régression sur la protection d’un certain nombre d’espaces qui, hier, étaient protégés et, aujourd’hui, ne le seront plus. L’exemple le plus connu est celui des ZNIEFF. 10 % d’entre elles ne sont plus protégées ! Et, comme par hasard, ces 10% sont des zones où existe une forte pression pour des projets immobiliers ! ». Ils s’en prennent à la modification du statut des espaces stratégiques environnementaux et agricoles, votés comme inconstructibles en janvier 2014, et qui ne le sont plus, aujourd’hui. Ils craignent le double risque de la disparition des terres agricoles à fort potentiel et d’une spéculation d’anticipation qui ferait peser une pression supplémentaire sur les élus locaux. « Dès que les cartes seront validées, les prix des terrains de ces zones agricoles vont inévitablement flamber. Même là où il y a des PLU (Plan local d’urbanisme), toutes les transactions agricoles seront gelées, les terres devenant à terme constructibles ! Exactement l’inverse des objectifs du PADD ». Ils accusent la cartographie de ne pas être fidèle aux orientations stratégiques et au PADD. « La grosseur du trait qui est retenue, 100 mètres, va, là encore, entrainer des incertitudes et des insécurités juridiques et laisser des marges de manœuvre très considérables sur le terrain entre les terres protégées et celles qui ne le seront pas. Cela sera source d’injustice et de risque pour les personnes qui devront trancher ».
Un désaccord total
Pour eux, l’Exécutif, « à vouloir conjuguer tous les intérêts », finit par produire un document « trop complexe, trop dérogatoire et trop confus » pour permettre à la Corse de sortir des contentieux, qui ont généré l’annulation multiple de PLU, des menées spéculatives et des tensions graves que subit notre société. « Cette rédaction conduit à rendre le PADDUC compatible avec les PLU et autres documents d’urbanisme, alors que c’est le PADDUC qui a valeur de Directive territoriale d’aménagement : ce sont les documents d’urbanisme qui doivent s’y conformer et non l’inverse ! ».
Après avoir listé les points dirimants qui conditionnent leur adhésion au texte proposé, Gilles Simeoni prévient : « Nous sommes en désaccord total ! Il faut revenir, lors d’un véritable débat, à des points fondamentaux. Ces évolutions négatives, qui peuvent apparaître techniques, cachent des enjeux essentiels. Nous ne demandons pas purement et simplement le report car un report, sans garantie supplémentaire d’obtenir le débat de fond que nous voulons, ne servirait à rien. Nous voulons clairement attirer l’attention sur les risques. On ne nous forcera pas à voter au forceps un document, quelque soit son importance ! Justement parce qu’il est important ! Il est, pour nous, hors de question de bâcler le travail et d’accepter un vote tronqué ».
L’Exécutif a 48 heures pour répondre. Vu les refus qui grondent jusque dans son propre camp, il devra, de toute façon, revoir sa copie sous peine d’être recalé, faute de majorité suffisante !
N.M.
Des inquiétudes de forme
L’inquiétude porte, d’abord, sur la méthode que Femu a Corsica estime en contradiction avec ce qui a été fait depuis le début des travaux sur le PADDUC, c’est-à-dire une large concertation, de nombreuses réunions, beaucoup de travail en commissions, des assises, des séminaires, des ateliers, des questionnaires d’opinion… « Autant d’épisodes auxquels nous avons participé de façon très active. Mais, depuis plusieurs semaines, on note une détérioration de la méthode », précise Gilles Simeoni. Il pointe clairement trois éléments : « D’abord, on communique un document de 3000 pages dix jours avant la session, ce qui rend impossible sa diffusion, impossible un travail sérieux sur le document, impossible un travail collectif et donc impossible un véritable travail d’amendements ! ». Le second point, qui fait litige, est le choix surprenant de l’Exécutif de concentrer, en un temps très court, en deux petits jours de session, trois débats sur trois gros dossiers qui mériteraient, chacun, une session à lui tout seul, à savoir le PADDUC, la réforme institutionnelle et la fiscalité territoriale, auxquels s’ajoutent la zone franche Montagne et la politique économique de la CTC. L’inquiétude de voir ces débats bâclés et expédiés est partagée par la droite. Le troisième point est la non-consultation du Conseil économique, social et culturel (CESC). « Il était, à notre sens, indispensable, sur un document aussi important, de consulter le CESC, même si la loi ne l’impose pas à ce stade. Alors que tout le monde est d’accord pour renforcer ses prérogatives, il est quand même impensable qu’on ne l’ait pas associé à la réflexion ! ».
Des inquiétudes de fond
Pour Femu a Corsica, ces éléments de méthodes ne sont pas seulement formels, mais cachent des inquiétudes de fond. Il parle clairement de « dérives » de l’Exécutif sur des points qu’il juge essentiels. Il critique la réécriture du PADD, voté en janvier dernier, qui amoindrit sa dimension politique, notamment concernant la notion de « Peuple corse ». Les Nationalistes modérés ont mené, lors des deux votes précédents, deux âpres combats dans l’hémicycle pour faire inclure dans le corps du document en réponse à la question : « un PADDUC pour qui, pour quoi ? » : « Un PADDUC pour le peuple corse et au service du développement collectif du peuple corse ». Aujourd’hui, cette notion de peuple corse, qui était centrale dans le document et « qui est, pour nous, centrale au plan politique » est, simplement, évoquée dans le préambule, « autrement dit avec une valeur uniquement déclarative et symbolique. Elle est renvoyée aux oubliettes ! ». D’où la colère de Femu a Corsica qui assène : « la réintégration, dans le livret PADD, de la notion de peuple corse, qui doit être la pierre angulaire du PADDUC, n’est pas négociable pour notre groupe ».
Des notions dangereuses
Plus fondamentalement, les Nationalistes modérés s’inquiètent du : « retour sur des votes antérieurs et des modifications en fin de parcours de points qui semblaient acquis ». L’Exécutif a utilisé l’amendement Chaubon, voté sur le fil en janvier dernier, qui permet des modifications à la marge, mais, « pour y inclure des notions nouvelles et réécrire des chapitres entiers qui pourraient bouleverser la philosophie du texte initial », notamment au niveau de la vocation des sols et de leur affectation : agricole ou constructible. « On a conscience qu’il faut trouver un équilibre entre la protection des espaces naturels et les nécessités du développement, qui passe par des concessions à l’urbanisation. Mais, l’Exécutif fait des évolutions dangereuses et introduit, dans le document, des notions dont on n’a jamais débattu pendant les deux ans et demi qu’ont duré des travaux. Par exemple : les espaces mutables, les espaces urbanisés à la définition modifiée, les tâches urbaines… qui, en fait, vont ouvrir la voie à une urbanisation non maîtrisée et à un flou juridique qui seront sources de contentieux », s’insurge Gilles Simeoni. Certains espaces mutables débordent largement les abords des zones urbaines et ne concernent plus les seuls espaces agricoles, mais aussi des espaces remarquables et des sites inscrits : ce qui est impossible au regard de la loi Littoral ! Pour Femu a Corsica, ces espaces sont souvent « taillés sur mesure, au cas par cas, pour satisfaire des demandes locales ».
Trop dérogatoire !
Les Nationalistes modérés fustigent : « la régression sur la protection d’un certain nombre d’espaces qui, hier, étaient protégés et, aujourd’hui, ne le seront plus. L’exemple le plus connu est celui des ZNIEFF. 10 % d’entre elles ne sont plus protégées ! Et, comme par hasard, ces 10% sont des zones où existe une forte pression pour des projets immobiliers ! ». Ils s’en prennent à la modification du statut des espaces stratégiques environnementaux et agricoles, votés comme inconstructibles en janvier 2014, et qui ne le sont plus, aujourd’hui. Ils craignent le double risque de la disparition des terres agricoles à fort potentiel et d’une spéculation d’anticipation qui ferait peser une pression supplémentaire sur les élus locaux. « Dès que les cartes seront validées, les prix des terrains de ces zones agricoles vont inévitablement flamber. Même là où il y a des PLU (Plan local d’urbanisme), toutes les transactions agricoles seront gelées, les terres devenant à terme constructibles ! Exactement l’inverse des objectifs du PADD ». Ils accusent la cartographie de ne pas être fidèle aux orientations stratégiques et au PADD. « La grosseur du trait qui est retenue, 100 mètres, va, là encore, entrainer des incertitudes et des insécurités juridiques et laisser des marges de manœuvre très considérables sur le terrain entre les terres protégées et celles qui ne le seront pas. Cela sera source d’injustice et de risque pour les personnes qui devront trancher ».
Un désaccord total
Pour eux, l’Exécutif, « à vouloir conjuguer tous les intérêts », finit par produire un document « trop complexe, trop dérogatoire et trop confus » pour permettre à la Corse de sortir des contentieux, qui ont généré l’annulation multiple de PLU, des menées spéculatives et des tensions graves que subit notre société. « Cette rédaction conduit à rendre le PADDUC compatible avec les PLU et autres documents d’urbanisme, alors que c’est le PADDUC qui a valeur de Directive territoriale d’aménagement : ce sont les documents d’urbanisme qui doivent s’y conformer et non l’inverse ! ».
Après avoir listé les points dirimants qui conditionnent leur adhésion au texte proposé, Gilles Simeoni prévient : « Nous sommes en désaccord total ! Il faut revenir, lors d’un véritable débat, à des points fondamentaux. Ces évolutions négatives, qui peuvent apparaître techniques, cachent des enjeux essentiels. Nous ne demandons pas purement et simplement le report car un report, sans garantie supplémentaire d’obtenir le débat de fond que nous voulons, ne servirait à rien. Nous voulons clairement attirer l’attention sur les risques. On ne nous forcera pas à voter au forceps un document, quelque soit son importance ! Justement parce qu’il est important ! Il est, pour nous, hors de question de bâcler le travail et d’accepter un vote tronqué ».
L’Exécutif a 48 heures pour répondre. Vu les refus qui grondent jusque dans son propre camp, il devra, de toute façon, revoir sa copie sous peine d’être recalé, faute de majorité suffisante !
N.M.