Jean-Félix Acquaviva, maire de Lozzi.
- Pourquoi organisez-vous un festival « Pampasgiolu » ?
- Lozzi veut mettre à l’honneur son patrimoine immatériel en langue corse porté par ses poètes, Don Ghjaseppu Giansily, dit Pampasgiolu, et Peppu Flori. Pampasgiolu était un berger qui vivait entre Lozzi et Mansu, il transhumait l’hiver au Falasorma et, du printemps à l’automne, au Niolu. Peppu Flori est connu pour sa poésie écrite, notamment au début du Riacquistu. Lozzi est une terre traditionnelle de bergers qui avaient cette capacité à improviser. Cette pratique populaire était si importante qu’il y avait 3 ou 4 improvisateurs par maison. Les frères Vincenti sont aussi originaires de Lozzi. Pendant le festival, Olivier Ancey, professeur de corse et vieux militant de la langue et de la culture qui pratique U Chjam’é Rispondi, reviendra sur ce passé. Il a recueilli, dans les maisons, des centaines de poésies écrites et prépare une anthologie de la poésie de Lozzi et de l’Acquale.
- L’an dernier, vous aviez invité des délégations sardes et toscanes. Qui sera présent, cette année ?
- Au delà du patrimoine local, le festival s’ouvre, effectivement, à d’autres territoires qui pratiquent l’enseignement de la poésie à l’école comme vecteur d’apprentissage de la langue et la joute oratoire poétique improvisée. Cette année, il propose un focus sur le Pays Basque, à la fois, sous l’angle méthodologique puisque les Basques enseignent la poésie depuis 30 ans dans les écoles, mais aussi en soirée avec le Bertsulari, quatre poètes improviseront en basque. Egalement, un focus sur la Roumanie : les instituts culturels italien et français de Roumanie feront un exposé sur le parallélisme des formes, un comparatif entre le monde pastoral corse et celui roumain des Carpates. Ils donneront des exemples de poésie improvisée par les bergers des Carpates et de chants traditionnels roumains.
- Que reste-il, aujourd’hui, de cette tradition en Corse ?
- L’idée est, justement, d’inscrire ce patrimoine dans une dynamique de la Corse d’aujourd’hui et réfléchir comment enseigner aux scolaires la poésie en langue corse. Cette année, nous avons invité Joana Itzaina, présidente de l’association Bertsularien Lagunak qui enseigne la poésie au Pays Basque. Une initiative existe, déjà, à Piedicroce, portée par le professeur des écoles, Christophe Limongi, qui initie les enfants à la poésie et à l’improvisation en langue corse. Dès cette année, à partir de la comparaison Pays-Basque-Piedicroce, nous transférerons un plan pédagogique d’apprentissage de la poésie improvisée à l’école de Calacuccia. L’objectif de ce projet pilote est de mieux maîtriser la langue corse et de permettre la création poétique, donc l’épanouissement des enfants, tout en restant dans le fil de la transmission orale et écrite d’un patrimoine très populaire et très enraciné.
- N’est-ce pas aussi le seul moyen de le sauver ?
- Bien sûr. Les poètes basques, les Bertsulari, sont jeunes, ils sont âgés de 20 à 30 ans, car ils sont issus des écoles qui pratiquent la poésie. En Corse, la plupart de ceux, qui pratiquent U Chjam’é Rispondi, ont plus de 60 ans, même s’il existe une dizaine de poètes âgés de 20 à 50 ans. L’idée est de former des générations à la pratique de cet art. Nous envisageons de proposer à Lozzi des stages d’initiation et de perfectionnement à la poésie en langue corse pour les adultes. L’Office de tourisme, dont je suis le président, va créer un circuit de la poésie et du chant corse en Centre Corse. Le but est de faire venir les gens sur ce lieu de mémoire dans une logique de développement local en prenant la langue, l’identité et la poésie comme vecteurs. Enfin, le festival sera bientôt adossé à un équipement, dont les financements sont actés par le Corepa (CTC/Etat/Europe) et par un mécénat EDF.
- Quel équipement ?
- Un Centre d’interprétation ethnologique François Flori, à Lozzi, doté d’un fond agropastoral de 520 pièces de savoir-faire du 19ème et du 2ème siècles, qui appartenaient au couvent de Calacuccia et qui recherchaient un lieu d’exposition depuis 20 ans. Le musée comptera un fond bibliographique important puisque que François Flori collectionnait, aussi, des livres. Il a, dans la bibliographie de la Corse, publiée aux Editions Piazzola, recensé 2000 sources bibliographiques qui existent aux Archives départementales de Bastia, à l’Université… Le musée présentera, également, l’histoire du Niolu au 18ème siècle puisque François Flori a beaucoup travaillé sur l’épisode des pendus du Niolu. Il a réussi à retrouver les minutes du procès des Niolains au couvent de Calacuccia. A partir de là, d’autres ont pu dénouer le fil du procès et des pendaisons. Ce fonds sera accessible en copie.
- Le Musée recèlera-t-il du patrimoine poétique ?
- Oui, un fond sonore de poésie lié à l’histoire de la transhumance. Ce patrimoine chanté et écrit de vivification de la langue corse par la poésie et par la création poétique sera représenté par les enregistrements de Pampasgiolu, de Peppu Flori en train de lire ses poésies et d’autres poètes, effectués lors de la foire du Niolu ou lors de Tribiera… D’ailleurs, si Lozzi est la terre du Chjam’é Rispondi, le musée n’oublie pas non plus les autres formes de poésie : la poésie écrite, la polyphonie et le madrigal, qui peuvent être chantées.
- Que pourra-t-on y voir d’autres ?
- Un collectionneur du Niolu nous a cédé 200 pièces historiques de l’histoire de la Corse du 18ème siècle, de Giafferi jusqu’à la Restauration. Notamment sept lettres originales de Pascal Paoli, dont une écrite le jour-même de son élection au couvent de Casabianca en 1755, une autre au lendemain de la bataille de Ponte-Novu. Plus, trois lettres de Joseph Bonaparte, dont une qui parle de Paoli. Ainsi qu’une édition de l’ouvrage de Paoli : « A Justificazione di a revoluzione di Corsa ». Ces ouvrages originaux de portée historique, qui seront consultables, donneront une dimension supplémentaire à ce centre.
Propos recueillis par Nicole MARI
- Lozzi veut mettre à l’honneur son patrimoine immatériel en langue corse porté par ses poètes, Don Ghjaseppu Giansily, dit Pampasgiolu, et Peppu Flori. Pampasgiolu était un berger qui vivait entre Lozzi et Mansu, il transhumait l’hiver au Falasorma et, du printemps à l’automne, au Niolu. Peppu Flori est connu pour sa poésie écrite, notamment au début du Riacquistu. Lozzi est une terre traditionnelle de bergers qui avaient cette capacité à improviser. Cette pratique populaire était si importante qu’il y avait 3 ou 4 improvisateurs par maison. Les frères Vincenti sont aussi originaires de Lozzi. Pendant le festival, Olivier Ancey, professeur de corse et vieux militant de la langue et de la culture qui pratique U Chjam’é Rispondi, reviendra sur ce passé. Il a recueilli, dans les maisons, des centaines de poésies écrites et prépare une anthologie de la poésie de Lozzi et de l’Acquale.
- L’an dernier, vous aviez invité des délégations sardes et toscanes. Qui sera présent, cette année ?
- Au delà du patrimoine local, le festival s’ouvre, effectivement, à d’autres territoires qui pratiquent l’enseignement de la poésie à l’école comme vecteur d’apprentissage de la langue et la joute oratoire poétique improvisée. Cette année, il propose un focus sur le Pays Basque, à la fois, sous l’angle méthodologique puisque les Basques enseignent la poésie depuis 30 ans dans les écoles, mais aussi en soirée avec le Bertsulari, quatre poètes improviseront en basque. Egalement, un focus sur la Roumanie : les instituts culturels italien et français de Roumanie feront un exposé sur le parallélisme des formes, un comparatif entre le monde pastoral corse et celui roumain des Carpates. Ils donneront des exemples de poésie improvisée par les bergers des Carpates et de chants traditionnels roumains.
- Que reste-il, aujourd’hui, de cette tradition en Corse ?
- L’idée est, justement, d’inscrire ce patrimoine dans une dynamique de la Corse d’aujourd’hui et réfléchir comment enseigner aux scolaires la poésie en langue corse. Cette année, nous avons invité Joana Itzaina, présidente de l’association Bertsularien Lagunak qui enseigne la poésie au Pays Basque. Une initiative existe, déjà, à Piedicroce, portée par le professeur des écoles, Christophe Limongi, qui initie les enfants à la poésie et à l’improvisation en langue corse. Dès cette année, à partir de la comparaison Pays-Basque-Piedicroce, nous transférerons un plan pédagogique d’apprentissage de la poésie improvisée à l’école de Calacuccia. L’objectif de ce projet pilote est de mieux maîtriser la langue corse et de permettre la création poétique, donc l’épanouissement des enfants, tout en restant dans le fil de la transmission orale et écrite d’un patrimoine très populaire et très enraciné.
- N’est-ce pas aussi le seul moyen de le sauver ?
- Bien sûr. Les poètes basques, les Bertsulari, sont jeunes, ils sont âgés de 20 à 30 ans, car ils sont issus des écoles qui pratiquent la poésie. En Corse, la plupart de ceux, qui pratiquent U Chjam’é Rispondi, ont plus de 60 ans, même s’il existe une dizaine de poètes âgés de 20 à 50 ans. L’idée est de former des générations à la pratique de cet art. Nous envisageons de proposer à Lozzi des stages d’initiation et de perfectionnement à la poésie en langue corse pour les adultes. L’Office de tourisme, dont je suis le président, va créer un circuit de la poésie et du chant corse en Centre Corse. Le but est de faire venir les gens sur ce lieu de mémoire dans une logique de développement local en prenant la langue, l’identité et la poésie comme vecteurs. Enfin, le festival sera bientôt adossé à un équipement, dont les financements sont actés par le Corepa (CTC/Etat/Europe) et par un mécénat EDF.
- Quel équipement ?
- Un Centre d’interprétation ethnologique François Flori, à Lozzi, doté d’un fond agropastoral de 520 pièces de savoir-faire du 19ème et du 2ème siècles, qui appartenaient au couvent de Calacuccia et qui recherchaient un lieu d’exposition depuis 20 ans. Le musée comptera un fond bibliographique important puisque que François Flori collectionnait, aussi, des livres. Il a, dans la bibliographie de la Corse, publiée aux Editions Piazzola, recensé 2000 sources bibliographiques qui existent aux Archives départementales de Bastia, à l’Université… Le musée présentera, également, l’histoire du Niolu au 18ème siècle puisque François Flori a beaucoup travaillé sur l’épisode des pendus du Niolu. Il a réussi à retrouver les minutes du procès des Niolains au couvent de Calacuccia. A partir de là, d’autres ont pu dénouer le fil du procès et des pendaisons. Ce fonds sera accessible en copie.
- Le Musée recèlera-t-il du patrimoine poétique ?
- Oui, un fond sonore de poésie lié à l’histoire de la transhumance. Ce patrimoine chanté et écrit de vivification de la langue corse par la poésie et par la création poétique sera représenté par les enregistrements de Pampasgiolu, de Peppu Flori en train de lire ses poésies et d’autres poètes, effectués lors de la foire du Niolu ou lors de Tribiera… D’ailleurs, si Lozzi est la terre du Chjam’é Rispondi, le musée n’oublie pas non plus les autres formes de poésie : la poésie écrite, la polyphonie et le madrigal, qui peuvent être chantées.
- Que pourra-t-on y voir d’autres ?
- Un collectionneur du Niolu nous a cédé 200 pièces historiques de l’histoire de la Corse du 18ème siècle, de Giafferi jusqu’à la Restauration. Notamment sept lettres originales de Pascal Paoli, dont une écrite le jour-même de son élection au couvent de Casabianca en 1755, une autre au lendemain de la bataille de Ponte-Novu. Plus, trois lettres de Joseph Bonaparte, dont une qui parle de Paoli. Ainsi qu’une édition de l’ouvrage de Paoli : « A Justificazione di a revoluzione di Corsa ». Ces ouvrages originaux de portée historique, qui seront consultables, donneront une dimension supplémentaire à ce centre.
Propos recueillis par Nicole MARI
Les points forts d’un programme riche
- Vendredi 7 juin : Journée consacrée aux scolaires avec le concours de poésie Peppu Flori. Ecoles, collèges, lycées et université ont travaillé pendant deux mois sur des poésies qui seront lues. Auparavant, 130 scolaires feront un parcours patrimonial qui expliquera où ont vécu les poètes, les lieux-dits, la toponymie, les sommets, les lacs, les forêts. Suivis à 18h30 par les concerts de Battista Aquaviva et de Patrizia Gattaceca et d’une veillée corse.
- Samedi 8 juin : A 11h, Débat sur la mise en œuvre du plan d’apprentissage de la poésie en langue corse. A 15 h, interventions de Andrea Gergely et Ramona Mariela Volvoreanu de l’Institut culturel italien de Roumanie, qui feront un comparatif d’un point de vue linguistique, agro-pastoral et poétique des mondes corse et roumain. Il y aura aussi des jeux pour les enfants et des stands d'artisans. A 16h30, Guy Firroloni, des Editions Albiana, animera un débat sur le rôle de l’édition dans la promotion et la diffusion de la langue. A 18h30, les Bertsulari, poètes basques, improviseront et chanteront en basque. A 20h30, soirée Chjam’é Rispondi avec des poètes venus de toute la Corse.
- Dimanche 9 juin : A 8h, randonnée de 3 heures, guidée en langue corse, autour du Massif du Monte Cintu. A partir de 10 heures, stands d’artisans, de producteurs et jeux pour les enfants. A 11 heures, intervention poétique de Danielle Maoudj sur Cucuruzzu. A 14h, Olivier Ancey présentera l’histoire de la poésie populaire à Lozzi, l’Acquale et au Niolu. A 15 h, lecture et explications de poésies en langue corse par leurs auteurs : Ristori, Ancey, Acquaviva, Di Meglio, Thiers… A 16h30, présentation de la stratégie d’apprentissage de la poésie par Joana Itzaina, présidente de l’association Bertsularien Lagunak. A 17h30, conférence « Labyrinthes : les voies du voyage » par Teric Boucebci, poète et écrivain amazigh très connu, collaborateur de nombreuses revues françaises, belges et américaines, qui fera le lien poétique entre les deux rives de la Méditerranée. A 19h, projection du film « Tutti in casa cumuna » de Michele d’Onofrio, une satire de 17 mn sur les élections en Corse. A 21h, concert de clôture d’I Chjami Aghjalesi.
- Samedi 8 juin : A 11h, Débat sur la mise en œuvre du plan d’apprentissage de la poésie en langue corse. A 15 h, interventions de Andrea Gergely et Ramona Mariela Volvoreanu de l’Institut culturel italien de Roumanie, qui feront un comparatif d’un point de vue linguistique, agro-pastoral et poétique des mondes corse et roumain. Il y aura aussi des jeux pour les enfants et des stands d'artisans. A 16h30, Guy Firroloni, des Editions Albiana, animera un débat sur le rôle de l’édition dans la promotion et la diffusion de la langue. A 18h30, les Bertsulari, poètes basques, improviseront et chanteront en basque. A 20h30, soirée Chjam’é Rispondi avec des poètes venus de toute la Corse.
- Dimanche 9 juin : A 8h, randonnée de 3 heures, guidée en langue corse, autour du Massif du Monte Cintu. A partir de 10 heures, stands d’artisans, de producteurs et jeux pour les enfants. A 11 heures, intervention poétique de Danielle Maoudj sur Cucuruzzu. A 14h, Olivier Ancey présentera l’histoire de la poésie populaire à Lozzi, l’Acquale et au Niolu. A 15 h, lecture et explications de poésies en langue corse par leurs auteurs : Ristori, Ancey, Acquaviva, Di Meglio, Thiers… A 16h30, présentation de la stratégie d’apprentissage de la poésie par Joana Itzaina, présidente de l’association Bertsularien Lagunak. A 17h30, conférence « Labyrinthes : les voies du voyage » par Teric Boucebci, poète et écrivain amazigh très connu, collaborateur de nombreuses revues françaises, belges et américaines, qui fera le lien poétique entre les deux rives de la Méditerranée. A 19h, projection du film « Tutti in casa cumuna » de Michele d’Onofrio, une satire de 17 mn sur les élections en Corse. A 21h, concert de clôture d’I Chjami Aghjalesi.