- Quel est l’enjeu de ce rapport sur les grandes surfaces commerciales ?
- Ce rapport est présenté en deux parties. L’une contient des éléments de constats qui concernent à la fois la Corse et le parallèle qu’on peut faire avec d’autres zones. On se rend compte qu’en fait, pendant 10 ans, ici, on a construit à peu près l’équivalent de 30 stades de football. C’est énorme ! Connaissant l’exiguïté du territoire, la Corse n’est pas un bout du continent ! C’est encore une île ! Connaissant la faiblesse de la population et les difficultés économiques. Ce n’est pas tenable ! Le risque, tous les élus l’ont évalué. La Corse doit sortir de cette dimension de consommation.
- Il existe pourtant des critères et des Commissions d’aménagement. Comment expliquer un tel taux de grandes surfaces ?
- Les Commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC), censées réguler, sont inopérantes. En Corse, elles ont donné leur accord pour la réalisation d’une majorité écrasante des projets présentés : 90% contre 70% sur le continent. L’absence de planification locale, de Plan locaux d’urbanisme (PLU), est préjudiciable parce qu’un projet de zone commerciale doit être compatible avec. Nous avons un outil formidable qui est le PADDUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse). C’est notre fil rouge qui doit nous aider à construire notre avenir, à la fois, pour les années qui viennent, et, en perspective, pour les années 2030-2040.
- Comment sortir de cette multiplication de grandes surfaces ?
- Des décisions peuvent être déclinées. Il ne s’agit pas de faire machine arrière, mais machine avant. Il faut, pour l’avenir, se prémunir contre un certain nombre de dérives. Nous avons été, tous ensemble, toutes sensibilités politiques confondues, à Lucciana. C’était, d’ailleurs, une préfiguration du vote à l’unanimité que nous avons eu jeudi soir. C’est une bonne chose ! Cela veut dire que lorsqu’on se met raisonnablement autour d’un problème, que l’on évalue les conséquences, que l’on pratique la même analyse au niveau du constat, on peut arriver à des conclusions collectives parce qu’il s’agit de l’intérêt de la Corse, de ses équilibres territoriaux et sociétaux, et d’une dimension culturelle. Nous ne voulons pas devenir uniquement un peuple de consommateurs. Nous sommes des Corses debout ! Certaines solutions, qui ont été mises en œuvre jusqu’à présent, sont devenues inacceptables. Cela suffit ! L’Assemblée a choisi de le dire par un vote à l’unanimité.
- Que dites-vous exactement : non à tout nouveau projet ?
- Nous ne disons pas : Non à tout ! Nous disons que nous devons commencer à travailler ensemble. Il y a des demandes fortes, comme la création d’une seule Commission d’urbanisme commercial à l’échelle de la Corse. Cela existe déjà au niveau agricole pour la consommation des espaces agricoles stratégiques, les fameux ESA. Il faut un parallélisme des formes. Cette commission doit être co-présidée par le président de l’Exécutif et le préfet, ce qui n’est pas le cas actuellement, seul le préfet la préside. Cela permettrait d’avancer. Cette demande a été présentée en septembre 2017 dans le cadre des décrets et rejetée. Le vote d’aujourd’hui à l’unanimité de l’Assemblée de Corse lui donnera plus de force.
- De toute façon, on ne peut pas interdire de nouvelles implantations ?
- Non ! Nous n’avons ni la capacité, ni la volonté d’interdire. Il s’agit de faire œuvre de pédagogie, d’accompagnement et de concertation la plus large possible pour pouvoir intervenir de manière positive et efficace sur le développement économique et social.
- Que demandez-vous alors : un développement régulé ?
- Tout à fait ! Nous n’avons pas à dire ce que va être le commerce, mais nous avons à dire à quelle échelle doivent se faire les choses. On sait très bien qu’ailleurs, les implantations de grandes surfaces sont en recul. Aux Etats-Unis, en Europe, on essaye, au contraire, de revenir à des surfaces plus basiques, notamment les cœurs de ville. Pour preuve : le dispositif cœur de ville qui va être mis en œuvre à Ajaccio et Bastia à travers des mesures fortes. On ne peut pas avoir uniquement des mesures de rattrapage. Il faut considérer le problème dans son entier et faire en sorte que, pour les années qui viennent, cesse ce qui est considéré comme des errements économiques, financiers et même sociétaux.
- Concrètement, que va-t-il se passer maintenant ?
- Pour que les choses avancent, l’agence de l’urbanisme, en collaboration avec l’ADEC (Agence de développement économique de la Corse) va élaborer un document cadre qui contiendra un certain nombre de recommandations que nous avons déjà listées et qui peuvent être enrichies. Il fera un état des lieux des surfaces commerciales, et permettra d’anticiper les besoins, de coordonner les actions entre les différents acteurs et d’avoir une concertation la plus large possible. Ce travail se fera en relation avec les intercommunalités et sera présenté devant la Chambre des territoires. Le but est de valider, dans un avenir que j’espère assez proche, un document qui aura une dimension opérationnelle. Cela ne peut se faire que si on prend en compte, à la fois, la nécessité d’intervenir sur le terrain et la nécessité de sécuriser tout le dispositif à travers le PADDUC.
- L’idée est-elle aussi de défendre le petit commerce en grande difficulté ?
- Oui ! C’est une idée très largement partagée. Aujourd’hui, le petit commerce, c’est une partie de la société corse. Il faut favoriser la proximité et promouvoir le commerce de centre-ville, mais aussi le commerce des villages. On oublie souvent que ces grandes surfaces empêchent une petite épicerie de fonctionner dans un village, un projet de s’installer en milieu rural et rendent très difficile aussi la consommation. Sans compter que les producteurs n’ont plus d’autre ressources que d’aller vers ces grandes surfaces qui font la loi d’un point de vue financier et commercial. On le voit, par exemple, au niveau de la vente de cabris, d’agneaux, des veaux… de tout ce qui est boucherie locale. On sait très bien aussi ce qui se passe au niveau de la charcuterie…
- Ce document cadre fera-t-il référence ?
- Oui ! Il a pour objectif de prévoir l’implantation et le développement des zones commerciales, de maîtriser leur développement et d’organiser des logiques d’évolution entre les différentes zones. Il permettra à la Collectivité de poser le cadre du développement commercial sur les territoires, de faciliter le dialogue entre puissance publique et porteur de projet et de doter la Corse de critères clairs et partagés. Ce sera une aide à la décision en Commission, mais aussi, je l’espère, une aide pour toutes les décisions qui peuvent être prises à l’Assemblée de Corse en matière, à la fois, financière, d’infrastructures territoriales et d’accompagnement des politiques des collectivités. Cette décision, qui a été prise, est très importante et nous permettra d’infléchir les politiques publiques et de les accompagner avec beaucoup de discernement.
- En attendant, que faire ?
- Dans l’attente, nous envisageons des mesures transitoires. Par exemple, conditionner les aides économiques au commerce de centre-ville et remettre en cause des investissements dans le péri-urbain. Egalement, prendre, par principe, une position négative sur tous les projets de création de nouvelles zones commerciales et demander au préfet de refuser les autorisations notamment de permis de construire lorsque les projets sont clairement en opposition avec le PADDUC.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Ce rapport est présenté en deux parties. L’une contient des éléments de constats qui concernent à la fois la Corse et le parallèle qu’on peut faire avec d’autres zones. On se rend compte qu’en fait, pendant 10 ans, ici, on a construit à peu près l’équivalent de 30 stades de football. C’est énorme ! Connaissant l’exiguïté du territoire, la Corse n’est pas un bout du continent ! C’est encore une île ! Connaissant la faiblesse de la population et les difficultés économiques. Ce n’est pas tenable ! Le risque, tous les élus l’ont évalué. La Corse doit sortir de cette dimension de consommation.
- Il existe pourtant des critères et des Commissions d’aménagement. Comment expliquer un tel taux de grandes surfaces ?
- Les Commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC), censées réguler, sont inopérantes. En Corse, elles ont donné leur accord pour la réalisation d’une majorité écrasante des projets présentés : 90% contre 70% sur le continent. L’absence de planification locale, de Plan locaux d’urbanisme (PLU), est préjudiciable parce qu’un projet de zone commerciale doit être compatible avec. Nous avons un outil formidable qui est le PADDUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse). C’est notre fil rouge qui doit nous aider à construire notre avenir, à la fois, pour les années qui viennent, et, en perspective, pour les années 2030-2040.
- Comment sortir de cette multiplication de grandes surfaces ?
- Des décisions peuvent être déclinées. Il ne s’agit pas de faire machine arrière, mais machine avant. Il faut, pour l’avenir, se prémunir contre un certain nombre de dérives. Nous avons été, tous ensemble, toutes sensibilités politiques confondues, à Lucciana. C’était, d’ailleurs, une préfiguration du vote à l’unanimité que nous avons eu jeudi soir. C’est une bonne chose ! Cela veut dire que lorsqu’on se met raisonnablement autour d’un problème, que l’on évalue les conséquences, que l’on pratique la même analyse au niveau du constat, on peut arriver à des conclusions collectives parce qu’il s’agit de l’intérêt de la Corse, de ses équilibres territoriaux et sociétaux, et d’une dimension culturelle. Nous ne voulons pas devenir uniquement un peuple de consommateurs. Nous sommes des Corses debout ! Certaines solutions, qui ont été mises en œuvre jusqu’à présent, sont devenues inacceptables. Cela suffit ! L’Assemblée a choisi de le dire par un vote à l’unanimité.
- Que dites-vous exactement : non à tout nouveau projet ?
- Nous ne disons pas : Non à tout ! Nous disons que nous devons commencer à travailler ensemble. Il y a des demandes fortes, comme la création d’une seule Commission d’urbanisme commercial à l’échelle de la Corse. Cela existe déjà au niveau agricole pour la consommation des espaces agricoles stratégiques, les fameux ESA. Il faut un parallélisme des formes. Cette commission doit être co-présidée par le président de l’Exécutif et le préfet, ce qui n’est pas le cas actuellement, seul le préfet la préside. Cela permettrait d’avancer. Cette demande a été présentée en septembre 2017 dans le cadre des décrets et rejetée. Le vote d’aujourd’hui à l’unanimité de l’Assemblée de Corse lui donnera plus de force.
- De toute façon, on ne peut pas interdire de nouvelles implantations ?
- Non ! Nous n’avons ni la capacité, ni la volonté d’interdire. Il s’agit de faire œuvre de pédagogie, d’accompagnement et de concertation la plus large possible pour pouvoir intervenir de manière positive et efficace sur le développement économique et social.
- Que demandez-vous alors : un développement régulé ?
- Tout à fait ! Nous n’avons pas à dire ce que va être le commerce, mais nous avons à dire à quelle échelle doivent se faire les choses. On sait très bien qu’ailleurs, les implantations de grandes surfaces sont en recul. Aux Etats-Unis, en Europe, on essaye, au contraire, de revenir à des surfaces plus basiques, notamment les cœurs de ville. Pour preuve : le dispositif cœur de ville qui va être mis en œuvre à Ajaccio et Bastia à travers des mesures fortes. On ne peut pas avoir uniquement des mesures de rattrapage. Il faut considérer le problème dans son entier et faire en sorte que, pour les années qui viennent, cesse ce qui est considéré comme des errements économiques, financiers et même sociétaux.
- Concrètement, que va-t-il se passer maintenant ?
- Pour que les choses avancent, l’agence de l’urbanisme, en collaboration avec l’ADEC (Agence de développement économique de la Corse) va élaborer un document cadre qui contiendra un certain nombre de recommandations que nous avons déjà listées et qui peuvent être enrichies. Il fera un état des lieux des surfaces commerciales, et permettra d’anticiper les besoins, de coordonner les actions entre les différents acteurs et d’avoir une concertation la plus large possible. Ce travail se fera en relation avec les intercommunalités et sera présenté devant la Chambre des territoires. Le but est de valider, dans un avenir que j’espère assez proche, un document qui aura une dimension opérationnelle. Cela ne peut se faire que si on prend en compte, à la fois, la nécessité d’intervenir sur le terrain et la nécessité de sécuriser tout le dispositif à travers le PADDUC.
- L’idée est-elle aussi de défendre le petit commerce en grande difficulté ?
- Oui ! C’est une idée très largement partagée. Aujourd’hui, le petit commerce, c’est une partie de la société corse. Il faut favoriser la proximité et promouvoir le commerce de centre-ville, mais aussi le commerce des villages. On oublie souvent que ces grandes surfaces empêchent une petite épicerie de fonctionner dans un village, un projet de s’installer en milieu rural et rendent très difficile aussi la consommation. Sans compter que les producteurs n’ont plus d’autre ressources que d’aller vers ces grandes surfaces qui font la loi d’un point de vue financier et commercial. On le voit, par exemple, au niveau de la vente de cabris, d’agneaux, des veaux… de tout ce qui est boucherie locale. On sait très bien aussi ce qui se passe au niveau de la charcuterie…
- Ce document cadre fera-t-il référence ?
- Oui ! Il a pour objectif de prévoir l’implantation et le développement des zones commerciales, de maîtriser leur développement et d’organiser des logiques d’évolution entre les différentes zones. Il permettra à la Collectivité de poser le cadre du développement commercial sur les territoires, de faciliter le dialogue entre puissance publique et porteur de projet et de doter la Corse de critères clairs et partagés. Ce sera une aide à la décision en Commission, mais aussi, je l’espère, une aide pour toutes les décisions qui peuvent être prises à l’Assemblée de Corse en matière, à la fois, financière, d’infrastructures territoriales et d’accompagnement des politiques des collectivités. Cette décision, qui a été prise, est très importante et nous permettra d’infléchir les politiques publiques et de les accompagner avec beaucoup de discernement.
- En attendant, que faire ?
- Dans l’attente, nous envisageons des mesures transitoires. Par exemple, conditionner les aides économiques au commerce de centre-ville et remettre en cause des investissements dans le péri-urbain. Egalement, prendre, par principe, une position négative sur tous les projets de création de nouvelles zones commerciales et demander au préfet de refuser les autorisations notamment de permis de construire lorsque les projets sont clairement en opposition avec le PADDUC.
Propos recueillis par Nicole MARI.
Jean Biancucci, conseiller exécutif en charge du PADDUC et président de l’Agence de l’urbanisme de la Corse.