Alors que la Haute-Corse fait face à une sécheresse d'une gravité sans précédent, les services de l'État et les municipalités du département se tournent plus que jamais vers un pilier essentiel du service public : la sécurité civile. Les sapeurs-pompiers, au cœur de cette branche, ont démontré une nouvelle fois leur adaptabilité en réponse aux besoins croissants de la société, notamment lors d'une réunion cruciale organisée le 7 août à Toga par Ange-Pierre Vivoni, maire de Sisco et président de l'association des maires de Haute-Corse. Cette réunion visait à élaborer des solutions pour soutenir les administrés et les agriculteurs confrontés à une pénurie d'eau sévissant dans le Cap Corse et la Plaine orientale.
Devant une cinquantaine de maires directement concernés par l'arrêté préfectoral "alerte sécheresse" en vigueur depuis le 10 juin, ainsi qu'en présence de la Collectivité de Corse, du préfet Michel Prosic, de Patrick Rébillout, directeur du Centre Météo-France d’Ajaccio, et des dirigeants de l'Office hydraulique, les responsables de la sécurité civile ont présenté le plan ORSEC. Ce plan décrit les moyens d'urgence déployés pour venir en aide à une population de plus en plus affectée, avec 137 communes – sur les 236 du département – touchées par l'arrêté, dont treize subissent déjà des rationnements drastiques. "Nous ne laisserons aucune commune ni aucun agriculteur dans la détresse. Nous devons ce service à nos administrés qui comptent sur nous, l'un des derniers services publics en milieu rural", a affirmé Hyacinthe Vanni, président du Service d'Incendie et de Secours (SIS) de Haute-Corse, devant une assemblée préoccupée par cette sécheresse qui persiste depuis septembre 2023 et pourrait durer jusqu'à décembre prochain.
Malgré une mobilisation déjà intense pour combattre les feux de forêt, récurrents chaque été en Corse, les pompiers se réorganisent pour répondre aux appels d'urgence des éleveurs et des citoyens en détresse. En cas de besoin, le SIS de Haute-Corse peut compter sur des renforts de Corse-du-Sud ou des services de l'État.
"Donner un accès à l'eau fait partie de nos nouvelles missions"
Ce plan ORSEC est d'ores et déjà opérationnel pour faire face à une année exceptionnellement sèche. Et qui va malheureusement devenir la norme, selon le directeur du Centre Météo-France d’Ajaccio. Concrètement, en cas de besoin, les sapeurs-pompiers sont habilités à acheminer de l'eau brute (non-potable) jusqu'aux villages présentant des ressources épuisées, à l'aide de leurs camions-citernes. Une organisation mise en place au regard de la longévité de la sécheresse.
Mais où s'approvisionnent-ils ? "L'eau est mise à disposition par l'Office hydraulique, avec qui nous avons une convention. Ils mettent des points d'eau à disposition, auprès desquels nous pouvons nous ravitailler, précise le président du SIS de Haute-Corse. Cela permet de ne pas puiser dans la commune d'à côté. On se doit d’être au secours des biens et des personnes, et donner un accès à l’eau fait partie de nos nouvelles missions."
En revanche, la question de la distribution d'eau potable ne leur incombe pas. "Nous ne sommes pas autorisés à transporter de l'eau potable et nous ne sommes pas équipés pour. Mais il vaut mieux avoir de l'eau brute pour se laver et opérer des tâches de la vie courante, qu'aucune eau", pointe de son côté Pierre Pieri. En cas d'épuisement des ressources en eau potable, sa distribution à la population reste à la charge de la commune (à condition qu'il y ait un arrêté de non potabilité qui doit être approuvé par l'ARS et la préfecture).
Une charge apparaissant parfois difficile à assumer pour les Maires. À commencer par celui de Piazzole, Paul-Jean Emmanuelli : "Pour faire venir de l'eau potable jusqu'à ma commune par des services privés, il faut compter environ 1 300 € pour 10 m3. Nous avons besoin de 7 à 8 m3 par jour, mais nous ne disposons que d'un budget annuel de 60 000 €. Alors, on peut tourner le calcul dans tous les sens, nous ne pourrons pas assumer cette dépense en faisant affréter de l'eau."
Les agriculteurs, en première ligne face à la sécheresse
Si les maires sont inquiets pour leurs administrés, ils le sont d'autant plus pour les agriculteurs exerçant dans leur secteur, qui font déjà régulièrement appel aux pompiers à cause du manque d'eau. "En moyenne, chaque semaine, nous recevons entre 5 et 7 demandes d'agriculteurs, parfois récurrentes, pour acheminer de l'eau jusqu'à leurs exploitations, à sec. Ils ne sont plus en capacité d'abreuver leur bétail, on ne peut pas les laisser mourir de soif", soupire Hyacinthe Vanni.
Au cours d'une semaine, les sapeurs-pompiers "arrivent à alimenter les cuves des exploitants agricoles à hauteur de 30 à 40 m3, lorsqu'il s'agit de grosses exploitations bovines ou porcines". Une cadence effrénée pour ces soldats du feu plus que jamais mobilisés à cause de l'emballement du dérèglement climatique. Et pour cause, d'après les prévisions énoncées par Patrick Rébillout, la Corse devrait voir une hausse de 2,5 degrés d'ici à 2025, soit une température équivalente à celle actuellement observée en Crête.
Pour faire face à cette détresse du monde agricole, le SIS a notamment établi un accord avec la Chambre d'agriculture, qui a mis en place un numéro vert (04.95.32.84.45). Les lignes du 18 ou du 112 étant bien entendu disponibles pour ce type d'intervention.