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Henri Malosse : "Ce qui manque à la Corse ? La confiance !"


Nicole Mari le Samedi 5 Octobre 2013 à 22:36

Le président du Comité économique et social européen (CESE), Henri Malosse, a rencontré, jeudi dernier, les responsables de la Chambre de commerce et d’industrie de Haute-Corse (CCI2B) pour discuter de questions économiques et de formation en relation avec le monde des entreprises. Des rencontres habituelles et incontournables pour cet insulaire qui a passé son enfance dans la région bastiaise et se présente comme un homme du réseau consulaire. Il explique, à Corse Net Infos, que la Corse doit utiliser tous les atouts européens et se dit très optimiste sur son développement économique.



Paul Trojani, président de la CCI2B, et Henri Malosse, président du CESE.
Paul Trojani, président de la CCI2B, et Henri Malosse, président du CESE.
- Quel est l’objet de l’entretien que vous avez eu avec les responsables de la CCI 2B?
- J’ai toujours été et je reste un homme des Chambres de commerce et du réseau consulaire que je visite partout où je passe. Dans toute l’Europe, les Chambres consulaires ont une grande responsabilité. Elles sont un réseau d’entrepreneurs très ancrés dans le terrain et très au fait des réalités, des problèmes et des solutions. En tant que président du CESE, c’est un devoir, quand je passe à Bastia, de venir échanger avec les responsables de la CCI2B. Nous nous connaissons depuis longtemps et nous travaillons ensemble sur des projets de développement économique. Comme dit le directeur général : je suis, ici, chez moi !
 
- Que représente l’Union européenne (UE) pour une CCI ?
- Elle représente des opportunités et des financements. Avec la CCI 2B, nous avons travaillé sur tous les financements du port et de l’aéroport quand je représentais les CCI à Bruxelles. Aujourd’hui, dans mes fonctions plus politiques de président d’une institution européenne, je continue à dialoguer, à écouter les projets, les idées, les ambitions des CCI de Corse et leur appréciation de la situation économique. J’essaye de voir, comment, par ses politiques, l’UE peut soutenir le développement économique d’une île à laquelle nous sommes tous attachés. Je suis venu, cette fois-ci, avec un collègue roumain, professeur d’économie, qui représente les intérêts de son pays et s’intéresse aux problèmes économiques et éducatifs.
 
- Pourquoi avez-vous rencontré les jeunes ?
- Les élections européennes ont lieu dans quelques mois. L’adhésion à l’Europe faiblit dans beaucoup de pays, y compris en France. En Corse aussi, j’en suis sûr ! Je me suis engagé à ce que l’Europe réponde mieux aux aspirations des gens et aux questionnements des populations, notamment des jeunes. Qu’est-ce que l’UE peut apporter aux jeunes aujourd’hui ? Ils se posent beaucoup de questions. C’est la raison pour laquelle, mercredi, j’ai rencontré les lycéens de Terminale du lycée d’Ile Rousse que j’ai reçus, il y a un an, au Parlement à Bruxelles, à l’initiative du maire de Calvi. Vendredi matin, à l’université de Corse, nous avons eu un dialogue avec les étudiants.
 
- Comment redonner confiance dans l’Europe ?
- Par le dialogue. C’est pour cela que, partout où je vais, je rencontre, en 1er lieu, les chefs d’entreprises et les jeunes, qui sont les parties les plus dynamiques de la société. Les entrepreneurs parce qu’ils prennent des risques, tous les matins, pour faire vivre leur entreprise et payer leurs salariés. Les jeunes parce qu’ils découvrent le monde et veulent trouver une place dans la société. J’essaye de faire comprendre aux autres institutions européennes, celles qui ont une capacité de décisions, d’être plus près des gens et d’être là pour faciliter la vie des entreprises, pas pour l’entraver avec des petits détails. Et, donc, de faire attention à toute nouvelle réglementation.
 
- En tant qu’organe consultatif, que préconisez-vous concrètement ?
- Il faut faciliter l’accès au crédit des PME-PMI, avoir des règles sur les marchés publics qui soient les plus transparentes, mais aussi les plus simples possibles. Il faut, au niveau des subsides européens, arrêter de demander les mêmes informations, dix fois aux promoteurs. Il faut simplifier et accélérer les procédures qui sont très longues pour que les programmes fonctionnent.
 
- C’est-à-dire ?
- Par exemple, en partie sous notre instigation, l’UE lance : la garantie jeunesse. C’est un programme de financement de 6 milliards € sur 5 ans pour soutenir l’apprentissage, le 1er emploi des jeunes et des formations adaptées donnant accès à un emploi. Dans tous les pays européens, de nombreuses offres d’emploi ne sont pas satisfaites. Les formations consulaires n’ont généralement pas ce genre de problèmes parce qu’elles collent bien aux besoins du marché. Nous faisons passer le message que ce programme pourrait obtenir plus d’argent car l’UE a des crédits disponibles non utilisés. A cause de restrictions bureaucratiques, il ne s’applique qu’à des jeunes âgés de 18 à 25 ans, alors qu’après 25 ans, de nombreux jeunes ont besoin de formation. Il est limité aux régions où le taux de chômage des jeunes dépasse 25%. Ce n’est pas le cas de la Corse qui en est exclue. Il faut, donc, élargir la tranche d’âge et les régions bénéficiaires.
 
- La Corse utilise-t-elle toutes les possibilités offertes par l’UE ?
- Je suis l’utilisation des programmes européens depuis un certain nombre d’années. Il est important de bien se concentrer. Les fonds européens ne sont pas inépuisables, ils sont même en voie de réduction. La pire chose serait le saupoudrage. Je comprends que chaque commune corse désire sa piscine, son rond-point, son pont… Mais tout ce saupoudrage ne fait pas une politique. Les acteurs politiques et économiques doivent bien identifier les vraies priorités pour le décollage économique et se concentrer sur une ou deux choses essentielles. Ensuite, faire consensus autour d’un projet économique, d’un modèle de développement et utiliser les crédits, qui se font rare, sur certains points spécifiques. Ainsi, les effets se feront voir parce que le projet a du sens.
 
- Croyez-vous au développement économique de la Corse ?
- Je suis très optimiste sur le développement économique de la Corse. L’île, qui a une situation privilégiée en Méditerranée, recèle d’opportunités. Elle doit, encore, développer les transports et renforcer les infrastructures de bord à bord ou de contact : ports, aéroports et autres… En même temps, avec les nouvelles technologies, nous sommes aussi bien en Corse qu’à Paris ou n’importe où ailleurs. La Corse n’a, heureusement, pas été trop bétonnée. Elle offre l’image d’un environnement préservé avec une université, des entreprises dynamiques, un milieu économique solide et bien organisé. Elle a, vraiment, des atouts pour percer.
 
- Que lui manque-t-il pour réussir ?
- Peut-être la confiance en elle ! Elle se perd, parfois, un peu dans de nombreuses petites querelles qui masquent toutes les grandes opportunités qu’elle possède. Je suis sûr qu’à l’horizon 2050, la Corse sera plus développée et plus ouverte sur le monde avec une population en croissance et de nombreuses nouvelles activités économiques qui attireront des investisseurs et des jeunes. Aujourd’hui, déjà, elle bouge beaucoup. Un certain nombre d’expériences se mettent en place, comme celle de mon ami Antoine Aïello à Stella Mare avec les pêcheurs. Dans l’agroalimentaire, les cosmétiques, les nouvelles technologies, des entreprises, petites ou moyennes, se montent et mettent en œuvre des savoirs, des savoir-faire et des produits innovants.
 
- Que pensez-vous de la réforme institutionnelle votée par l’Assemblée de Corse ?
- Je ne fais pas de politique et ne prendrai pas position. Le vote clair de la CTC montre une volonté d’évolution. C’est surement positif. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il y a beaucoup d’exemples d’évolution de différents types sur différentes questions dans divers pays en Europe. L’UE est faite pour toutes ces revendications, pour les mettre dans un cadre apaisé, pour aider par l’exemple. La France vit toujours sur les idéaux de 1789 et sur une vision centralisatrice. En 2013, elle ne peut pas se couper d’une part de son identité. Elle doit évoluer, mais dans le consensus. Il faut sortir des préjugés et des idéologies. Je me sens autant français que corse ou européen. Je vois cela comme trois enrichissements qui ne sont pas antagonistes. L’important est que s’ouvre un dialogue. Il ne faut pas qu’il y ait de violence parce que la violence apporte beaucoup de misère, de malheur et freine le développement économique et social à tous points de vue.
 
- Quelle est, selon vous, la priorité ?
- Le développement économique et social est fondamental. Il doit, dans toutes ces évolutions, qu’elles soient institutionnelles ou pas, être la priorité essentielle. Ma responsabilité, en tant que président du CESE, est de favoriser l’économie parce que, sans économie, il n’y a pas de social. Le social est aussi fondamental car il assure une meilleure cohésion de la société, une meilleure redistribution des richesses, de nouvelles initiatives, des perspectives d’emplois pour les jeunes… La Corse ne doit pas devenir une terre seulement de résidences secondaires et de retraités, mais une terre de développement économique et social. Que les gens, qui veulent rester en Corse, puissent le faire et créer des emplois. C’est comme cela que les Corses pourront se sentir bien chez eux et fiers d’être chez eux dans l’ensemble institutionnel qu’ils choisiront.
 
Propos recueillis par Nicole MARI