« La République est plus forte que la violence… »
Les Ajacciens n’ont pas oublié. Personne n’a oublié cette soirée particulièrement dramatique solidement ancrée dans les mémoires. Il y a 16 ans. C’était hier soir. Le bas de la rue est noire de monde, d’autorités civiles et militaires, de politiques et d’anonymes, ceux qui n’ont pas oublié. Les gerbes sont alignées au pied du mur, celui-là même où s’est effondré le Préfet Erignac.
La sonnerie aux morts déchire le silence. Le préfet de Corse, Christophe Mirmand s’approche du pupitre : « Le lieu où nous trouvons ce matin n’est pas propice au recueillement. Pourtant, les passants qui empruntent l’a rue Colonel Colonna d’Ornano savent bien qui s’est déroulé ici un événement d’une gravité exceptionnelle qui a marqué l’histoire de la Corse et dont l’ombre hante encore nos mémoires. Depuis seize années nous nous réunissons pour honorer le souvenir d’un homme droit, d’une grande figure, mort parce que dans cette région de Corse, il accomplissait son devoir.
Un homme simple, affable, dynamique qui donnait l’image souriante d’un Etat attentif à tous. A Paris, il défendait la Corse avec passion auprès des administrations centrales, une Corse qu’il connaissait bien pour l’avoir longuement parcourue y compris à vélo, car il était un grand sportif. Il était habité par sa mission qu’il incarnait avec rigueur, disponibilité et une grande hauteur de vue. Dans le Gers, comme en Meurthe-et-Moselle ou dans les Yvelines, avant la Corse, Claude Erignac faisait vivre une conception exigeante du service public, fondée sur le dévouement, l’intégrité, la rigueur morale, la disponibilité et l’ouverture d’esprit. S’en prendre à un représentant de l’Etat, à un préfet, c’est vouloir frapper la République en son cœur. Comme l’a rappelé le Ministre de l’Intérieur, nulle part on efface la République. C’est à Dominique Erignac et à ses deux enfants, meurtris à jamais, que nous adressons nos pensées attentionnées.
L’hommage dû à Claude Erignac, à ses convictions, à son action au service de l’Etat, c’est d’abord de réaffirmer avec fermeté, avec constance, que la République est la plus forte, que la violence est une impasse et que les auteurs de celle-ci, leurs complices, ceux qui lasoutiennent et qui la cautionnent, ne promettent à la Corse que le malheur et le déclin. »
Le contexte insulaire a évolué
Le préfet de Corse a poursuivi son allocution en mettant l’accent sur la détermination de l’Etat et de la majorité des insulaires : « La violence brise les individus, ses victimes comme ses auteurs ; elle menace le pacte social ; elle déchire le tissu des solidarités qui nous permet de vitre en société. La prise de conscience collective a été à la hauteur de la gravité de ce geste.
Depuis, la justice a rendu son verdict. Et le contexte insulaire a évolué. Un nouvel agenda s’esquisse, dans le cadre d’un dialogue républicain, noué à la demande des élus de Corse avec le Gouvernement. Notre présence aujourd’hui doit faire taire les doutes ; elle donne toute sa force symbolique à notre désir d’unité et à notre volonté de rappeler le lien qui unit la Corse à la République, indissolublement. C’est donc vers l’action au service de la Corse et des Corses que nous devons nous tourner. C’est ma conviction profonde en tant que préfet. C’est l’engagement de l’ensemble des administrations de l’Etat. »
Le dépôt de gerbes a suivi. J. F.