Palais de justice de Bastia.
C’est un jeune homme frêle, d’apparence fragile et réservée, presqu’un adolescent, qui comparaissait à la barre, lundi après-midi, au Tribunal de Grande instance de Bastia pour répondre d’une douzaine d’incendies volontaires déclenchés entre le 23 et le 25 août dans le Cortenais. Accusé de « destructions de biens d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes », il lui est reproché une douzaine de mises à feu à Corte, Poghju di Venaco, Tralonca, Castirla, Favalellu, dans la Restonica... avec des dégâts d’importance diverse allant de 2 mètres carrés brûlés à 20 hectares. C’est sa présence systématique sur les lieux des incendies qui attire l’attention des gendarmes. Le jeune homme, qui se promène avec son chien, met le feu avec un briquet à proximité d’un endroit où sont stationnés les pompiers et les prévient aussitôt par téléphone. Pris en quasi-flagrant délit le 3ème jour, confondu par la géolocalisation de son téléphone mobile qui le situe sur les lieux des sinistres et trois briquets trouvés dans sa voiture – une dizaine dans son logement -, Rémy Massei reconnaît cinq des faits qui lui sont reprochés, mais récuse les autres.
La fascination du feu
« Quelle est votre motivation ? », interroge le président Thierry Desplantes qui tente de comprendre. « C’est un moyen pour voir les pompiers arriver aussitôt sur les lieux et éteindre le feu », explique, d’une voix monocorde, le jeune homme qui avoue sa fascination pour les flammes et pour les pompiers. « C’est, donc, pour le plaisir. Ça veut dire que ça ne devait pas s’arrêter ? » enchaîne le président. « Le deuxième jour, je me suis rendu compte de la gravité des incendies », répond-il. Le président insiste : « Etes-vous conscient qu’il y aurait pu y avoir des morts, que votre plaisir n’est pas anodin en cette période sèche où il y a du monde dans les massifs ? ». Réponse : « J’en avais conscience, mais je n’arrivais pas à m’arrêter ». Quand il est interpellé, il lâche aux gendarmes : « Je suis soulagé que vous m’ayez interpellé. J’aurais pu faire mal à quelqu’un ».
Un syndrome de pyromanie
Une enquête psychiatrique, mandatée par le tribunal, révèle que le jeune homme est toujours sous le coup de deux traumatismes vécus dans son enfance, notamment un attentat qui a déclenché un incendie et brûlé l’entreprise de ses parents quand il avait 6 ans. L’expert parle, dans son rapport, de « syndrome de pyromanie », d’un « mélange de peur et de fascination », d’une « angoisse de fond surdimensionnée » qui occasionne « une montée d’adrénaline » pour un passage à l’acte. « Le feu le calme. L’intervention des pompiers fait tomber l’angoisse. Il ressent, après les faits, une forte culpabilité, mais la pulsion est plus forte que le remords ». L’expert conclut à des « troubles psycho-pathologiques avec altération du discernement », une certaine « dangerosité » et préconise des soins et un suivi médico-judiciaire.
Une réponse exemplaire
Le ministère public, représenté par un magistrat en formation, Loic Michaud, commence son réquisitoire par un rappel pédagogique de la loi et du quantum de la peine. « La peine encourue est de 10 ans d’emprisonnement quand on met le feu volontairement, parce qu’on crée un danger qu’on ne maîtrise pas. En allumant une brindille, des centaines d’hectares peuvent prendre feu, c’est un préjudice écologique, mais il y a un risque pour les personnes et les pompiers, ce qui est encore plus intolérable. C’est cette mise en danger qui explique la lourdeur de la peine ». Reprenant les 12 faits un par un, il déclare qu’il y a « des éléments probants : même créneau horaire, même lieu et même mode opératoire » et des « coïncidences » qui montrent que le prévenu est l’auteur de tous les feux. « C’est un pyromane qui agit par pulsion avec un mécanisme de défense psychique d’oubli de certains faits ». S’appuyant sur l’expertise médicale, il assène : « C’est quelqu’un de dangereux ! Devant tant d’inconscience, de dégâts, de mise en danger, la réponse doit être exemplaire et à la hauteur des faits ». Il requiert 2 ans de prison ferme dont un an avec sursis et mise à l’épreuve pendant trois ans avec maintien en détention, assortis d’une obligation de soins et de travail, ainsi que de l’habituelle obligation de détenir ou de porter une arme pendant cinq ans.
Une thérapie pénale
Une obligation de soins que la Défense, par la voix de Me Marc-Antoine Luca, place au cœur de sa plaidoirie. D’emblée, il affirme : « C’est un jeune homme fragile qui attend que justice soit rendue. Dans son cas, les robes noires s’effacent devant les blouses blanches ! L’obligation de soin est la thérapie pénale que le jeune homme attend de votre intervention ». Me Luca conteste sept des infractions imputées à Rémy Massei et dénonce un ministère public qui « essaye de raccrocher les faits par contorsion. Il devait nous apporter des réponses, il n’apporte que des certitudes ! ». Soulignant « l’insignifiance » de la plupart des superficies brûlées, il estime que « il n’y a pas un pyromane, mais des incendiaires », opérant un distinguo entre le prévenu atteint de troubles psychiques et de vrais incendiaires qui agissent pour des motifs personnels ou matériels. « Il ne faut pas rajouter du malheur au malheur et lui imputer l’ensemble des faits ». Revenant sur le traumatisme de l’enfance, il le relie aux actes récents qu’il qualifie « d’expérience douloureuse pour expurger un mal-être, exorciser cette crainte du feu ». Il demande à la justice de prononcer « une peine de pur bon sens qui lui permette de se reconstruire ».
Une peine aménageable
Après près de 45 minutes de délibéré, le tribunal reconnaît Rémy Massei coupable de tous les faits qui lui sont reprochés, et le condamne « compte tenu de la gravité des faits, mais en considérant l’altération du discernement » à 3 ans de prison dont 2 avec sursis sous réserve d’une mise à l’épreuve pendant trois ans, et à une interdiction de porter une arme pendant 5 ans. Il ordonne son maintien en détention « pour éviter la réitération des infractions » avec obligations de se soigner dès son entrée en maison d’arrêt et de travailler. Cette peine d’un an étant aménageable, le jeune homme pourrait l’exécuter, sur décision du médecin de la prison, dans un milieu hospitalier fermé et être transféré à la clinique San Ornello.
N.M.
La fascination du feu
« Quelle est votre motivation ? », interroge le président Thierry Desplantes qui tente de comprendre. « C’est un moyen pour voir les pompiers arriver aussitôt sur les lieux et éteindre le feu », explique, d’une voix monocorde, le jeune homme qui avoue sa fascination pour les flammes et pour les pompiers. « C’est, donc, pour le plaisir. Ça veut dire que ça ne devait pas s’arrêter ? » enchaîne le président. « Le deuxième jour, je me suis rendu compte de la gravité des incendies », répond-il. Le président insiste : « Etes-vous conscient qu’il y aurait pu y avoir des morts, que votre plaisir n’est pas anodin en cette période sèche où il y a du monde dans les massifs ? ». Réponse : « J’en avais conscience, mais je n’arrivais pas à m’arrêter ». Quand il est interpellé, il lâche aux gendarmes : « Je suis soulagé que vous m’ayez interpellé. J’aurais pu faire mal à quelqu’un ».
Un syndrome de pyromanie
Une enquête psychiatrique, mandatée par le tribunal, révèle que le jeune homme est toujours sous le coup de deux traumatismes vécus dans son enfance, notamment un attentat qui a déclenché un incendie et brûlé l’entreprise de ses parents quand il avait 6 ans. L’expert parle, dans son rapport, de « syndrome de pyromanie », d’un « mélange de peur et de fascination », d’une « angoisse de fond surdimensionnée » qui occasionne « une montée d’adrénaline » pour un passage à l’acte. « Le feu le calme. L’intervention des pompiers fait tomber l’angoisse. Il ressent, après les faits, une forte culpabilité, mais la pulsion est plus forte que le remords ». L’expert conclut à des « troubles psycho-pathologiques avec altération du discernement », une certaine « dangerosité » et préconise des soins et un suivi médico-judiciaire.
Une réponse exemplaire
Le ministère public, représenté par un magistrat en formation, Loic Michaud, commence son réquisitoire par un rappel pédagogique de la loi et du quantum de la peine. « La peine encourue est de 10 ans d’emprisonnement quand on met le feu volontairement, parce qu’on crée un danger qu’on ne maîtrise pas. En allumant une brindille, des centaines d’hectares peuvent prendre feu, c’est un préjudice écologique, mais il y a un risque pour les personnes et les pompiers, ce qui est encore plus intolérable. C’est cette mise en danger qui explique la lourdeur de la peine ». Reprenant les 12 faits un par un, il déclare qu’il y a « des éléments probants : même créneau horaire, même lieu et même mode opératoire » et des « coïncidences » qui montrent que le prévenu est l’auteur de tous les feux. « C’est un pyromane qui agit par pulsion avec un mécanisme de défense psychique d’oubli de certains faits ». S’appuyant sur l’expertise médicale, il assène : « C’est quelqu’un de dangereux ! Devant tant d’inconscience, de dégâts, de mise en danger, la réponse doit être exemplaire et à la hauteur des faits ». Il requiert 2 ans de prison ferme dont un an avec sursis et mise à l’épreuve pendant trois ans avec maintien en détention, assortis d’une obligation de soins et de travail, ainsi que de l’habituelle obligation de détenir ou de porter une arme pendant cinq ans.
Une thérapie pénale
Une obligation de soins que la Défense, par la voix de Me Marc-Antoine Luca, place au cœur de sa plaidoirie. D’emblée, il affirme : « C’est un jeune homme fragile qui attend que justice soit rendue. Dans son cas, les robes noires s’effacent devant les blouses blanches ! L’obligation de soin est la thérapie pénale que le jeune homme attend de votre intervention ». Me Luca conteste sept des infractions imputées à Rémy Massei et dénonce un ministère public qui « essaye de raccrocher les faits par contorsion. Il devait nous apporter des réponses, il n’apporte que des certitudes ! ». Soulignant « l’insignifiance » de la plupart des superficies brûlées, il estime que « il n’y a pas un pyromane, mais des incendiaires », opérant un distinguo entre le prévenu atteint de troubles psychiques et de vrais incendiaires qui agissent pour des motifs personnels ou matériels. « Il ne faut pas rajouter du malheur au malheur et lui imputer l’ensemble des faits ». Revenant sur le traumatisme de l’enfance, il le relie aux actes récents qu’il qualifie « d’expérience douloureuse pour expurger un mal-être, exorciser cette crainte du feu ». Il demande à la justice de prononcer « une peine de pur bon sens qui lui permette de se reconstruire ».
Une peine aménageable
Après près de 45 minutes de délibéré, le tribunal reconnaît Rémy Massei coupable de tous les faits qui lui sont reprochés, et le condamne « compte tenu de la gravité des faits, mais en considérant l’altération du discernement » à 3 ans de prison dont 2 avec sursis sous réserve d’une mise à l’épreuve pendant trois ans, et à une interdiction de porter une arme pendant 5 ans. Il ordonne son maintien en détention « pour éviter la réitération des infractions » avec obligations de se soigner dès son entrée en maison d’arrêt et de travailler. Cette peine d’un an étant aménageable, le jeune homme pourrait l’exécuter, sur décision du médecin de la prison, dans un milieu hospitalier fermé et être transféré à la clinique San Ornello.
N.M.