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Jean-François Giffon-Scapula veut "défendre la Corse au Parlement Européen" avec la Liste 'L'Europe, ça suffit'


MV le Dimanche 2 Juin 2024 à 19:13

Enseignant d'Histoire-Géographie originaire de Bastelica, Jean-François Giffon-Scapula a été choisi pour représenter la Corse sur la liste "L’Europe ça suffit" conduite par Florian Philippot lors des prochaines élections européennes. Ancien Conseiller à l'Assemblea di Giuventù de 2016 à 2019 et actuel Délégué territorial de Corse pour VIA la voie du peuple (ex Parti Chrétien Démocrate), il explique à CNI comment il souhaite défendre les intérêts des Corses au Parlement européen. En prônant la sortie de la France de l'UE, il ambitionne de faire entendre la voix de la Corse dans les instances européennes.



Jean-François Giffon-Scapula
Jean-François Giffon-Scapula
- Pouvez-vous nous expliquer comment votre liste, « L'Europe, ça suffit », compte défendre les intérêts des Corses au Parlement européen, malgré votre position en faveur de la sortie de l'UE ?
- Dans un premier temps, il s’agit de remettre l’église au centre du village, je suis le 1er à 
vouloir localiser les sujets nationaux et européens en Corse. Mais il s’agit d’une campagne européenne avec des sujets qui dépassent le seul cadre de la Corse. C’est celui de la souveraineté d’être et d’agir, si la France ne dispose pas de cette souveraineté, la Corse ne le pourra pas non plus. Notre position consistant à faire sortir la France de l’UE ne renforcera pas davantage le poids que la Corse puisse miser en son destin.
L’usage de la préposition « malgré » montre que le débat public pense à tort que l’UE est libératrice pour les régions, c’est le discours avancé par certains régionalistes dont je ne me sens nullement proche, depuis plusieurs années. Le cas récent catalan résonne encore dans nos esprits.
Ce discours consiste à opposer l’État à l’Europe, sauf qu’il faut tirer le bilan de ces tentatives, l’Europe n’est ni allée dans le sens des États-nations, ni des Régions-Nations. L’UE est un ensemble complexe, un Empire du droit qui décompose la substance des localités larges ou petites.
Je vous prends l’exemple d’une Corse autonome, voire indépendante, nous n’aurions pas la maîtrise de notre souveraineté, car c’est la Constitution de l’UE qui fixe les règles du jeu. Nous serions donc indépendants de Paris et dépendants de Bruxelles. Pourquoi pas, après tout, tout peut se discuter, mais encore faut-il avoir la franchise de poser ces questions préalablement sur la table. Or on nous fait miroiter une Union européenne libératrice des nations sans État, mais il n’en est rien. 
La sortie de l’UE ne pourrait aller que dans le sens de la Corse, car la France comme l'Île seraient maîtresses de leurs choix. Bons ou mauvais, la démocratie peut s’exprimer.


- Qu'est-ce qui vous a motivé à vous présenter aux élections européennes, alors que votre programme prône la sortie de l'Union européenne ?
 - Je suis engagé depuis 2022 chez VIA la Voie du Peuple, attiré par la philosophie de la Démocratie chrétienne et du Souverainisme, mais aussi de sa conception de la subsidiarité (le possible pour des régions de pouvoir s’autoadministrer). VIA est d’essence girondine et fédéraliste, le jacobinisme est littéralement absent de l’ADN du parti. 
Par ailleurs, la candidature de Jean Frédéric Poisson à la primaire de la droite de 2016 a marqué mon esprit dans sa sincérité quant à la reconnaissance du peuple corse devant des adversaires outrés par de tels propos, propos qu’il n’a cessé de réitérer. Et que l’on ne vienne pas nous dire que c’est électoraliste ou hypocrite, ce n’est malheureusement pas sur cette base qu’il peut en tirer un grand bénéfice politique, mais la sincérité est indéniable. Depuis déjà une dizaine d’années, je suis farouchement sceptique sur la gestion de l’Union européenne, et je dois dire que la dernière mandature au parlement n’a que davantage accéléré ce scepticisme. Aimant l’identité et la liberté des peuples, lorsqu’on se penche sur les votes qui ont lieu, y compris de la part de l’Eurodéputé (Régions et peuples solidaires), on se rend compte de la pression qui est engagée sur les États. L’UE est une machine à désolidariser les peuples et les régions. VIA souhaitait que la Corse puisse compter dans la liste, et m’a donc proposé de l’intégrer à la 17e place de la liste et à la 6e du contingent Via dans le cadre de la liste de coalition avec Les Patriotes. Ce qui est un honneur pour une première expérience de campagne.
 
 
- Avec la forte concurrence et les nombreuses listes en lice, pensez-vous avoir une chance d'être élu ?
- Il existe une véritable vague de fond en faveur de la souveraineté des États et des Nations. De nombreux sondages pointent que 40% des Français sont en faveur de la sortie de l’Union européenne, il ne faut pas oublier également le référendum de 2005.
Et comme je vous disais précédemment, toutes les grandes valeurs de l’UE ont été battues en brèche par des impositions arbitraires et/ou des votes de pression.
Nous espérons atteindre les 5% malgré la dépossession démocratique du débat public. 


- Quelle est votre vision de l'européanisme, et comment se distingue-t-elle de celle des autres candidats ?
- Déjà, je ne suis pas européaniste ou européiste, mais européen. Je crois en des valeurs communes et partagées, héritières de la philosophie grecque, du droit romain et de l’humanisme chrétien. 
Mais tout cela ne crée pas pour autant un peuple européen. Les peuples européens ont des histoires politiques différentes, des différences qui nous forgent dans un univers commun, comme disait le Général De Gaulle à Strasbourg en 1959, je crois en une Europe “de l’Atlantique à l’Oural”, mais force est de constater que l’Union européenne est une machine administrative et politique en roue libre déconnectée des peuples et des territoires. 
Notre vision diffère, car elle n’est pas hypocrite, elle défend la vraie démocratie et la souveraineté des États et des Nations. 
Certains partagent des visions eurosceptiques, mais n’hésiteraient pas à imposer à leurs tours une vision identitariste, racialiste, tiers-mondiste, néo-libérale, altermondialiste, que sais-je encore. Le problème n’est pas les idées, mais bien l’outil. 


- Si vous étiez élu, qu’elle serait votre priorité en tant que député européen pour la Corse ?
- Défendre ardemment ce qui nous constitue comme peuple, la langue et la culture corses, qui malgré les efforts faits par la CdC et les pouvoirs publics et avec l’aide considérable du tissu associatif, ne cesse d'être de plus en plus en danger. Et toujours en danger malgré les conventions UNESCO sur le patrimoine immatériel qui incitent les nations à tout mettre en œuvre pour sauvegarder toutes les richesses culturelles de l’humanité. 
L’Union européenne joue également un jeu trouble à ce sujet, car si elle vient en aide à énormément d’actions culturelles partout en Europe, y compris en Corse, elle incite paradoxalement à une uniformisation des cultures et des modes de vie, le tout dans une langue anglaise, issue du seul pays ayant réussi sa sortie de l’Union européenne avec son Brexit. Assez cocasse! 
Et, le tout saupoudré par la culture de la déconstruction, déconstruction des genres, des identités, déconstruction historique. Par ailleurs, nous mettrons toute notre énergie à défendre l’honneur bafoué des victimes de la désastreuse gestion de la crise sanitaire, à commencer par le personnel soignant suspendu. 
 
- Selon vous, quel est le dossier le plus urgent concernant la Corse que vous aimeriez défendre à Bruxelles ?
- Je ne suis pas une poule monocéphale, il n’existe pas d’”urgent”, mais DES URGENCES. La politique est l’art des questions de la Cité, et pour la Corse elles sont multiples. Par ailleurs, ça ne concerne pas seulement la Corse, mais l’ensemble du pays, à savoir sortir de l’Union européenne. 
Car, l’échéance à venir pose un certain nombre de questions, au niveau social, la Corse souffre d’une précarité galopante sur fond d’urbanisation anarchique, fragilisant davantage le tissu social et sociologique de notre île. L’UE a déjà fait saborder par son agent Bruno le Maire les retraites, les rapports de la commission préconisaient (voir le livre blanc sur les retraites de 2012 et les recommandations de 2019) un allongement des durées de cotisation pour lutter au vieillissement de la population. Mais, le gouvernement soutenu par l’UE ne compte pas s’arrêter là, car désormais ce sont le remboursement des maladies longue durée qui sont dans leur collimateur, mais aussi la fonction publique. La Corse déjà fragile n’en souffrirait que davantage. 
Les chiffres sont alarmants pour notre île, 1ere région en ce qui concerne le seuil de pauvreté, 18,3% contre 14% comme moyenne nationale, 1re région en termes de pauvreté pour les ménages ainsi que pour les plus âgés. C’est d’autant plus d’actualité que la part des prestations sociales (pensions et retraites) dans le revenu des ménages pauvres insulaires est inférieure à la moyenne métropolitaine.
Toutes nos urgences seront de défendre la Corse contre les atteintes de l’Union européenne, et elles étaient, sont et seront nombreuses : logement, énergie, santé, nombre de domaines où l’UE tente de mettre son grain de sel afin de pousser le gouvernement à libéraliser davantage. Car c’est le législateur européen qui fixe les règles, y compris pour le temps de travail, où de nombreuses directives poussent à faire sauter les 35h. 
Quitte à utiliser cet Empire du mal, je ne vois que deux thématiques où d’éventuels financements issus de la poche du contribuable insulaire et français seraient pertinents : un vrai plan pour une révolution ferroviaire, la Corse doit rattraper la marche loupée de la Révolution industrielle. Ce qui pourrait être une force au niveau du transport comme de l’écologie, quand on voit que le train corse ne relie ni Porto-Vecchio et encore moins Folleli, c’est une honte sans nom. 
Ou encore de régionaliser davantage la PAC, l’unicité du marché et le productivisme fait encore du mal à nos agricultures endémiques (ovines et caprines). Et il faut pouvoir davantage les soutenir pour pousser les gens à revenir à nos cultures ancestrales. Produire peut être moins, mais mieux. La surtransposition de la PAC
 
- Quelle est votre position sur l'autonomie de la Corse, et comment pensez-vous que cette question devrait être abordée dans le contexte européen ?
- Entre 2016 et 2019, j’étais conseiller à l’Assemblea di Giuventù au sein d’un groupe nationaliste, je n’ai aucun problème avec ça. La question est toujours de savoir ce qu’on met derrière les mots. Je crois qu’il existe une nation corse historique, un peuple corse, historique, et je crois aussi en la nécessité de s’autogérer.
Je suis et ai toujours été favorable à une autonomie pour la Corse. À titre personnel, déjà, par ailleurs le parti pour lequel je suis le délégué territorial en Corse, est fédéraliste, il reconnaît les spécificités des peuples et leurs droits à disposer d’eux-mêmes. Oui à une autonomie élargie, telle que nous la voyons en Polynésie française. En ce sens, nous soutenons les efforts de l'exécutif de Corse. De surcroît, outre l’idée à laquelle nous adhérons, nous sommes foncièrement démocrates et il nous apparaît ubuesque que malgré les suffrages successifs depuis 2015, nous en soyons encore à pleurer ce qui nous revient de plein droit.  La France reste un pays extrêmement rétrograde sur ces questions, et il serait temps pour elle et pour les peuples qui la composent qu’elle évolue. 


- Comment répondez-vous aux critiques qui placent votre liste à l'extrême droite de l'échiquier politique ?
Il ne faut jamais répondre à la bêtise par la colère, mais plutôt par la pédagogie. Je ne leur en veux pas d’être ignorants, tant le niveau global baisse, y compris des adultes. On vit une époque où tout devient extrême droite, à tel point que la vraie extrême droite bénéficie de ces définitions à l’emporte-pièce pour mieux agir ouvertement et encore plus dangereusement. Car ne nous y trompons pas, l'extrême droite revient en force, et ce n’est pas avec nous qu’elle aura des soldats. Regardez plutôt ailleurs, y compris en Corse. 
En revanche, il existe des choses tangibles, l’extrême droite comme l’extrême gauche appartiennent à l’histoire des idées, et le gaullisme ainsi que la démocratie chrétienne n’appartiennent pas à ce champ idéologique, or c’est bien à ce courant d’idées que nous appartenons.  Il suffit de lire les analyses de politologues pour comprendre les mouvances.
C’est bien pour ça, que VIA la voie du peuple est classée en Divers Droite et Les Patriotes en souverainiste. 
Ce classement est fréquemment effectué par le Conseil constitutionnel et le ministère de l’Intérieur, relativement aux idées, à l’actualité, etc. Nous n’appartenons donc pas à ce champ politique et n’y appartiendrons jamais. 
 
- Que diriez-vous aux électeurs corses qui sont encore indécis quant à votre programme et votre candidature ?
Que je les comprends, car nous souffrons d’un déficit médiatique et c’est bien naturel d'être indécis face à l’inconnu. Cela étant dit, nous relayons énormément dans les médias alternatifs et les réseaux sociaux, il est facile de se renseigner sur nos convictions et de voir les vidéos et les conférences de nos différents chefs de partis de la coalition de la liste L’Europe ça suffit. Quant à nos compatriotes corses, ils peuvent me joindre directement sur les réseaux sociaux et venir à notre rencontre pour nous poser toutes sortes de questions. Leur indécision deviendra, je l'espère : conviction!
En Corse, nous aimons ce que nous sommes, nous chérissons notre liberté, l’Union européenne ne vit qu’en sacrifiant des nations pour construire sa civilisation technocratique, tel Romulus tuant Rémus, Abel tuant Caïn. Ne soyons pas les prochains !
Pour autant nous ne sommes pas en phase avec les idées sociétales de la mouvance actuellement au pouvoir en Corse, mais nous convergeons vers le désir d’autonomie.
À ce titre nous observons de plus en plus de nationalistes, sympathisants ou engagés dans des partis, qui sont fatigués et usés des éléments de langage parisiano-bruxellois des mouvements et de leur absence de courage de convictions en ce qui concerne les choix de société notamment en termes de bioéthique. Cf en ce moment même le débat au Palais Bourbon sur la loi de fin de vie. 
Nous avons vocation à fédérer cette frange « chrétien social » nationaliste abandonnée par leurs structures et différents leaders.