François Alfonsi, président de l'ALE, et Jordi Solé, membre du gouvernement catalan, reçu à l'Hôtel de région par le président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, et le président de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni.
- Est-ce la première fois que l’assemblée générale de l’ALE se tient en Corse ?
- Non ! L’ALE a été créée en 1981. Sa première réunion de préfiguration s’est tenue à Bastia en 1979. A l’époque, l’UPC (Unione di u populu corsu) en était membre fondateur. Puis comme elle s’est fondue en 2002 dans le PNC, aujourd’hui, c’est le PNC (Partitu di a nazione corsa) qui est le parti membre et donc le parti hôte. Les assemblées générales tournent dans les 44 pays membres. C’est la première fois que nous revenons en Corse.
- Est-ce symbolique de revenir en Corse après la victoire aux élections territoriales ?
- Oui, mais la décision avait été prise avant. Je suis président de l’ALE depuis juillet 2014. Lorsque je n’ai plus été député européen, l’ALE m’a demandé de prendre la présidence du parti politique, ce que j’ai fait. La proposition de la Corse est venue dans la foulée de ma désignation comme président. L’actualité corse était déjà forte. Depuis l’élection de décembre, le succès, que nous avons remporté, a renforcé l’intérêt des partis politiques, membres de l’ALE.
- Comment ces partis ont-ils réagi à votre victoire ?
- Le président du groupe des élus de l’ALE a tout de suite fait une intervention assez remarquée au Parlement européen. Tous les partis membres, comme la presse internationale d’ailleurs, ont accordé beaucoup d’importance à cette victoire en Corse. Ils considèrent que c’est l’aboutissement d’une démarche dont la puissance apparaissait à tous comme une réalité politique forte. Que l’on arrive un jour à prendre la majorité à la région leur semblait inévitable. Le jour est venu. Il est, pour eux, la preuve que les processus d’autodétermination sont en évolution. Les partis nationalistes progressent dans d’autres régions d’Europe.
- Comment mesurez-vous cette progression ?
- Quand j’étais député européen, nous étions 7 membres de l’ALE, désormais ils sont 12. L’élection européenne de 2014 a permis une nette progression. Une quinzaine de mouvements, membres de l’ALE, sont parties prenantes de structures gouvernementales, soit locales comme en Corse, soit nationales comme en Belgique. Nos idées sont en forte progression. Dans des nations emblématiques comme l’Ecosse ou la Catalogne, les choses avancent à grand pas.
- Cette marche en avant entérine-t-elle un basculement politique ?
- Oui ! C’est l’affirmation d’une grande revendication démocratique européenne qui est le droit des peuples à l’autodétermination. C’est un des piliers de la démocratie ! Les Catalans et les Ecossais sont allés, tout récemment, jusqu’à des processus référendaires qui ont été de grands succès. Même si le « Non » l’a emporté en Ecosse, la participation a été très grande. Donc, l’aspiration des peuples à définir, par eux-mêmes, leur destin en Europe, a beaucoup gagné ces dix dernières années. L’ALE, dont c’est le créneau, s’en trouve, évidemment, renforcée. Elle a été créée pour cela, pour que l’Europe ne soit pas un espace confisqué par les Etats tels qu’ils existaient après-guerre, mais un espace ouvert à tous les citoyens et à tous les peuples européens.
- Que ce soit en Catalogne, en Ecosse ou en Corse, les Etats centraux bloquent toute avancée. N’est-ce pas inquiétant ?
- Il y a une régression des capitales qui veulent préserver des positions dominantes qu’elles ont acquises au cours du siècle dernier, mais qui sont démocratiquement remises en cause. En Europe, c’est la démocratie qui a le dernier mot ! Que les chemins, qui vont de Barcelone à Bruxelles, passent ou non par Madrid, pour l’Europe, c’est pareil. Il n’y a que pour l’Espagne que ça change quelque chose ! L’Europe a un credo : elle regarde son intérêt. Son intérêt est que la Catalogne soit prospère et en paix, pas qu’elle soit constamment agitée par une revendication nationale qui génère de la frustration et des crises politiques et économiques. L’Europe veut que les choses aillent dans le bon sens.
- Irait-elle contre les capitales ?
- Il y a, certes, des capitales puissantes : Madrid, Paris, Londres… qui ont une place importante dans les équilibres politiques au sommet de l’Europe. Personne ne viendra donner l’indépendance à la Catalogne à la place des Catalans ! Personne non plus ne cautionnerait une démarche de violence ou de colonisation si, contre la volonté clairement et démocratiquement exprimée des Catalans, des forces répressives venaient envahir la Catalogne. Aujourd’hui, le projet européen ouvre un espace politique qui permet d’avancer.
- Dans ce contexte s’ouvre l’assemblée générale de l’ALE. Sur quels thèmes ?
- Il y aura deux focus importants. Le premier sur la question corse. C’est une tradition d’avoir un focus sur la situation du pays dans lequel se déroule l’assemblée générale. Ce focus est particulièrement attendu par tous les congressistes parce que de nombreuses personnes s’interrogent beaucoup, à la fois, sur la Corse et sur la France. Le système jacobin français est une grande énigme. Savez-vous que le mot « jacobin » est le seul mot français qui existe dans toutes les langues d’Europe ! Même en estonien, on dit « jacobin » ! La Corse a montré qu’elle avait la capacité de dégager des majorités nouvelles sur la base du projet d’autodétermination et sur le droit du peuple corse a disposé de son destin. Nous mettons en lumière des choses toutes à fait extravagantes !
- Lesquelles ?
- Que la question de l’officialité de la langue corse puisse être contestée par un Etat, c’est complètement antidémocratique ! La question de la langue corse appartient au peuple corse. Dire que le peuple corse n’existe pas, c’est nier une réalité humaine et c’est un acte profondément antidémocratique. Si le peuple corse existe, c’est au peuple corse de décider de l’avenir de la Corse. Si le peuple corse veut que la langue corse soit officielle, personne n’a, en droit, la possibilité de s’y opposer.
- Quel est le second focus ?
- C’est la Catalogne ou le processus d’autodétermination a connu un rapide et profond développement ces dix dernières années. Est présent Jordi Solé qui est secrétaire d’Etat aux affaires extérieures du nouveau gouvernement catalan. Il animera, vendredi, une discussion en début de matinée sur la Corse où la nouvelle majorité insulaire, composée des trois mouvements nationalistes Inseme, PNC et Corsica Libera, sera invitée à répondre aux questions des délégués qui sont, tous, des responsables politiques et souhaitent s’imprégner de l’ensemble de la situation corse. Suivra, en début d’après-midi un débat sur la Catalogne. Ces réunions sont ouvertes au public. Samedi matin, deux débats se succéderont, l’un sur la langue, l’autre sur les prisonniers politiques.
- Qu’y-a-t-il d’autre ?
- Un autre élément important est le diner-débat organisé par la Fondation Maurits Coppieters. Les partis politiques européens ont, chacun, une Fondation qui leur est liée et qui gère des débats de fond. Le président de la Fondation, qui est un Catalan, a invité une experte slovène des processus d’autodétermination et d’indépendance. Elle faisait, notamment, partie du Comité d’experts sur les institutions qui ont été mises en place à la fin de l’ex-Yougoslavie. Le reste des espaces est consacré aux questions statutaires et relatives à l’Assemblée générale comme cela existe dans tous les partis politiques. Interviendront, comme tous les trois ans, l’élection du président et du bureau. Je serai candidat.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Non ! L’ALE a été créée en 1981. Sa première réunion de préfiguration s’est tenue à Bastia en 1979. A l’époque, l’UPC (Unione di u populu corsu) en était membre fondateur. Puis comme elle s’est fondue en 2002 dans le PNC, aujourd’hui, c’est le PNC (Partitu di a nazione corsa) qui est le parti membre et donc le parti hôte. Les assemblées générales tournent dans les 44 pays membres. C’est la première fois que nous revenons en Corse.
- Est-ce symbolique de revenir en Corse après la victoire aux élections territoriales ?
- Oui, mais la décision avait été prise avant. Je suis président de l’ALE depuis juillet 2014. Lorsque je n’ai plus été député européen, l’ALE m’a demandé de prendre la présidence du parti politique, ce que j’ai fait. La proposition de la Corse est venue dans la foulée de ma désignation comme président. L’actualité corse était déjà forte. Depuis l’élection de décembre, le succès, que nous avons remporté, a renforcé l’intérêt des partis politiques, membres de l’ALE.
- Comment ces partis ont-ils réagi à votre victoire ?
- Le président du groupe des élus de l’ALE a tout de suite fait une intervention assez remarquée au Parlement européen. Tous les partis membres, comme la presse internationale d’ailleurs, ont accordé beaucoup d’importance à cette victoire en Corse. Ils considèrent que c’est l’aboutissement d’une démarche dont la puissance apparaissait à tous comme une réalité politique forte. Que l’on arrive un jour à prendre la majorité à la région leur semblait inévitable. Le jour est venu. Il est, pour eux, la preuve que les processus d’autodétermination sont en évolution. Les partis nationalistes progressent dans d’autres régions d’Europe.
- Comment mesurez-vous cette progression ?
- Quand j’étais député européen, nous étions 7 membres de l’ALE, désormais ils sont 12. L’élection européenne de 2014 a permis une nette progression. Une quinzaine de mouvements, membres de l’ALE, sont parties prenantes de structures gouvernementales, soit locales comme en Corse, soit nationales comme en Belgique. Nos idées sont en forte progression. Dans des nations emblématiques comme l’Ecosse ou la Catalogne, les choses avancent à grand pas.
- Cette marche en avant entérine-t-elle un basculement politique ?
- Oui ! C’est l’affirmation d’une grande revendication démocratique européenne qui est le droit des peuples à l’autodétermination. C’est un des piliers de la démocratie ! Les Catalans et les Ecossais sont allés, tout récemment, jusqu’à des processus référendaires qui ont été de grands succès. Même si le « Non » l’a emporté en Ecosse, la participation a été très grande. Donc, l’aspiration des peuples à définir, par eux-mêmes, leur destin en Europe, a beaucoup gagné ces dix dernières années. L’ALE, dont c’est le créneau, s’en trouve, évidemment, renforcée. Elle a été créée pour cela, pour que l’Europe ne soit pas un espace confisqué par les Etats tels qu’ils existaient après-guerre, mais un espace ouvert à tous les citoyens et à tous les peuples européens.
- Que ce soit en Catalogne, en Ecosse ou en Corse, les Etats centraux bloquent toute avancée. N’est-ce pas inquiétant ?
- Il y a une régression des capitales qui veulent préserver des positions dominantes qu’elles ont acquises au cours du siècle dernier, mais qui sont démocratiquement remises en cause. En Europe, c’est la démocratie qui a le dernier mot ! Que les chemins, qui vont de Barcelone à Bruxelles, passent ou non par Madrid, pour l’Europe, c’est pareil. Il n’y a que pour l’Espagne que ça change quelque chose ! L’Europe a un credo : elle regarde son intérêt. Son intérêt est que la Catalogne soit prospère et en paix, pas qu’elle soit constamment agitée par une revendication nationale qui génère de la frustration et des crises politiques et économiques. L’Europe veut que les choses aillent dans le bon sens.
- Irait-elle contre les capitales ?
- Il y a, certes, des capitales puissantes : Madrid, Paris, Londres… qui ont une place importante dans les équilibres politiques au sommet de l’Europe. Personne ne viendra donner l’indépendance à la Catalogne à la place des Catalans ! Personne non plus ne cautionnerait une démarche de violence ou de colonisation si, contre la volonté clairement et démocratiquement exprimée des Catalans, des forces répressives venaient envahir la Catalogne. Aujourd’hui, le projet européen ouvre un espace politique qui permet d’avancer.
- Dans ce contexte s’ouvre l’assemblée générale de l’ALE. Sur quels thèmes ?
- Il y aura deux focus importants. Le premier sur la question corse. C’est une tradition d’avoir un focus sur la situation du pays dans lequel se déroule l’assemblée générale. Ce focus est particulièrement attendu par tous les congressistes parce que de nombreuses personnes s’interrogent beaucoup, à la fois, sur la Corse et sur la France. Le système jacobin français est une grande énigme. Savez-vous que le mot « jacobin » est le seul mot français qui existe dans toutes les langues d’Europe ! Même en estonien, on dit « jacobin » ! La Corse a montré qu’elle avait la capacité de dégager des majorités nouvelles sur la base du projet d’autodétermination et sur le droit du peuple corse a disposé de son destin. Nous mettons en lumière des choses toutes à fait extravagantes !
- Lesquelles ?
- Que la question de l’officialité de la langue corse puisse être contestée par un Etat, c’est complètement antidémocratique ! La question de la langue corse appartient au peuple corse. Dire que le peuple corse n’existe pas, c’est nier une réalité humaine et c’est un acte profondément antidémocratique. Si le peuple corse existe, c’est au peuple corse de décider de l’avenir de la Corse. Si le peuple corse veut que la langue corse soit officielle, personne n’a, en droit, la possibilité de s’y opposer.
- Quel est le second focus ?
- C’est la Catalogne ou le processus d’autodétermination a connu un rapide et profond développement ces dix dernières années. Est présent Jordi Solé qui est secrétaire d’Etat aux affaires extérieures du nouveau gouvernement catalan. Il animera, vendredi, une discussion en début de matinée sur la Corse où la nouvelle majorité insulaire, composée des trois mouvements nationalistes Inseme, PNC et Corsica Libera, sera invitée à répondre aux questions des délégués qui sont, tous, des responsables politiques et souhaitent s’imprégner de l’ensemble de la situation corse. Suivra, en début d’après-midi un débat sur la Catalogne. Ces réunions sont ouvertes au public. Samedi matin, deux débats se succéderont, l’un sur la langue, l’autre sur les prisonniers politiques.
- Qu’y-a-t-il d’autre ?
- Un autre élément important est le diner-débat organisé par la Fondation Maurits Coppieters. Les partis politiques européens ont, chacun, une Fondation qui leur est liée et qui gère des débats de fond. Le président de la Fondation, qui est un Catalan, a invité une experte slovène des processus d’autodétermination et d’indépendance. Elle faisait, notamment, partie du Comité d’experts sur les institutions qui ont été mises en place à la fin de l’ex-Yougoslavie. Le reste des espaces est consacré aux questions statutaires et relatives à l’Assemblée générale comme cela existe dans tous les partis politiques. Interviendront, comme tous les trois ans, l’élection du président et du bureau. Je serai candidat.
Propos recueillis par Nicole MARI.
Les congressistes de l'ALE reçus à l'Assemblée de Corse.
L’Assemblée Générale de l’ALE regroupera 139 délégués venus de toute l’Europe.
Parmi eux sept députés européens : Josep Maria Terricabras, catalan, président du groupe ALE au Parlement Européen, Ian Hughton, écossais, Président du Scottish Nationale Party, Jill Evans, du Pays de Galles, Tatiana Zdanoka, de Lettonie, Jordi Sebastià, du Pays Valencien, Josu Juaristi, du Pays Basque, et Mark Demaesmaker de Flandres.
A souligner aussi la présence de Jordi Solé, membre du gouvernement catalan, et de Ashot Ghulian, Président de l’Assemblée Nationale du Nagorno-Karabakh.
Quatre réunions débats sont organisées à l’hôtel Campo dell’Oro et ouvertes au public :
Parmi eux sept députés européens : Josep Maria Terricabras, catalan, président du groupe ALE au Parlement Européen, Ian Hughton, écossais, Président du Scottish Nationale Party, Jill Evans, du Pays de Galles, Tatiana Zdanoka, de Lettonie, Jordi Sebastià, du Pays Valencien, Josu Juaristi, du Pays Basque, et Mark Demaesmaker de Flandres.
A souligner aussi la présence de Jordi Solé, membre du gouvernement catalan, et de Ashot Ghulian, Président de l’Assemblée Nationale du Nagorno-Karabakh.
Quatre réunions débats sont organisées à l’hôtel Campo dell’Oro et ouvertes au public :
- vendredi 1er avril, de 9h à 10h30 : rencontre avec la nouvelle majorité de l’Assemblée de Corse. Les responsables du PNC, d’Inseme et de Corsica Lìbera répondront aux questions des délégués venus de toute l’Europe.
- Vendredi 1er avril, de 14 h à 15h30 : présentation de la situation en Catalogne et débat avec Jordi Solé, membre du gouvernement catalan.
- Samedi 2 avril, de 9 heures à 10h30 : débat organisé par EFA-youth avec PNC Ghjuventù sur les politiques linguistiques menées dans différents territoires en Europe, en présence du Président de l’Office de la langue basque.
- Samedi 2 avril, de 11 heures à 12h30, débat sur la question des prisonniers politiques, avec Gabi Mouesca pour le Pays Basque, Jean Marie Poli et Rosa Prosperi pour la Corse, avec la participation d’André Paccou pour la Ligue des Droits de l’Homme.