Paul-Félix Benedetti, conseiller territorial et leader d’U Rinnovu Naziunali.
- Que pensez-vous de la position du gouvernement vis-à-vis de la Corse ?
- Pour le moment, le gouvernement n’a pas de position clairement définie. Il faudrait hiérarchiser les positions de ses membres. Le 1er ministre et le ministre de l’Intérieur ont une position de fermeture. Une sous-ministre déléguée à la réforme territoriale a une position légèrement différenciée, tout en ayant le même point de vue sur les dossiers fondamentaux, comme la coofficialité. Il semblerait, si on est réaliste, que la position de l’Etat opposable est celle qui vient du plus haut niveau. C’est un refus ferme et total qui a été répété par deux fois par le ministre de l’Intérieur, une 1ère fois lors de sa visite en Corse, une 2ème fois lors d’un débat au Sénat qui est une chambre d’enregistrement à haute valeur politique. L’Etat cherche-t-il à faire de fausses promesses et à nous abuser ? S’il y a un début de changement de politique, il faudrait l’officialiser par un positionnement clair et surtout par des notes écrites.
- Marylise Lebranchu propose d’avancer sur la réforme des institutions. Que vous inspire cette proposition ?
- On reste sur un projet à-minima qui est un doublon du projet alsacien avec la suppression des conseils généraux, leur substitution par une Chambre des territoires, et une contingence élue à la proportionnelle intégrale qui serait la continuité de l’Assemblée de Corse (CTC). Ces deux chambres régionales seraient réunies dans une nouvelle et unique collectivité territoriale. On est loin du compte ! On parle de l’outil, mais pas de ses compétences ! Si on reste au même niveau avec un simple préfet disposant de plus de pouvoirs légitimes que l’ensemble des collectivités corses, conseils généraux, CTC, communes et établissements publics inclus, on est sur un système très ambigu, très loin des attendus d’une Europe fédérale, d’un pouvoir simple, mais efficient, à l’égal de celui que possède la Sardaigne depuis quasiment 50 ans.
- La ministre affirme qu’elle ne s’opposerait pas à l’inscription de la Corse dans l’article 72-5 de la Constitution. Comment réagissez-vous à ce propos ?
- Cette inscription au titre 72-5, qui nécessite les 2/3 du Congrès, commence à faire l’objet d’un chantage de la part d’une majorité de partis politiques nationaux, que ce soit les partis de gauche à tendance jacobine ou la droite. Dans ces conditions, je crains qu’elle ne soit qu’une écriture de pure forme ! Nous ne recherchons pas une inscription dans la Constitution, mais les modalités techniques permettant à la Corse d’avoir les moyens politiques de se développer et de se préserver. Aujourd’hui, nous sommes à la fin d’un cycle, celui du PEI (Programme exceptionnel d’investissements) qui a été présenté comme l’outil technique devant régler tous les problèmes. Cette mise à flot économique devait, aussi, atténuer toutes les revendications à connotation politique. Au final, nous sommes au bord du gouffre avec une saison catastrophique, une spéculation à tous niveaux, une gangrène mafieuse, l'échec de toutes les politiques…
- Que comprenez-vous quand la ministre parle de régimes différenciés pour l’acquisition de résidences secondaires ?
- C’est très difficile à comprendre ! Quand elle parle un français clair, elle se dit favorable à des mesures fiscales. Aujourd’hui, l’attrait de la Corse est tel que les flux financiers dépassent 2 milliards €. Aucune mesure fiscale ne permettra d’enrayer les ventes immobilières ! La ministre vante les mérites du futur office foncier. Même si celui-ci est capitalisé à 50 millions €, il ne pourra jamais acheter au mieux que 100 à 200 hectares par an, à condition que les prix soient régulés. Or, la spéculation porte sur près de 1000 hectares de terres urbaines avec 6000 logements construits. Aucun flux financier ne peut enrayer de manière normative, par rapport à des règles économiques, ces agressions-là ! L’interdiction est une règle politique, pas une règle économique !
- Quels sont les véritables enjeux ?
- L’enjeu est à 2 niveaux. Il faut, d’abord, positionner l’échelle de réforme que nous souhaitons avoir. La Corse doit faire un saut qualitatif dans la réforme institutionnelle pour être à l’abri pendant quelques années. Le but est d’expérimenter des mesures propres, une politique centrée sur les besoins de la Corse et de ses habitants, indépendamment des contingences françaises. Ensuite, il faut une méthodologie afin de mettre en place les personnes qui devront gérer ce nouvel outil. Ces personnes doivent être compatibles avec la volonté de créer cet outil. Des opposants à la réforme institutionnelle ne peuvent pas gérer la réforme institutionnelle ! Or, c’est le cas de la majorité actuelle, adossée autour de Paul Giacobbi, qui est pleine d’archaïsme et de contradiction !
- Que demandez-vous ?
- Nous demandons à reprendre la main, à avoir la capacité de gérer nous-mêmes notre île, d’impulser des politiques, de discuter directement de programmes européens en opportunités propres qui ne sont pas forcément celles d’un territoire comme la France. Nous demandons une évolution institutionnelle de plein droit avec la possibilité de mettre en œuvre la citoyenneté corse, seul moyen de préservation de toutes les dérives sociétales, des comportements crapuleux généralisés et de la spoliation économique par des transferts financiers de très haut niveau qui dépassent les capacités propres de la Corse à contingenter cette agression multiforme.
- Ne faudrait-il pas réussir une union sacrée des groupes politiques pour l’obtenir ?
- La mythique union sacrée ne sera pas la solution miracle ! Nous demandons que se dessine en Corse une majorité de progrès dont l’ossature principale doit être centrée autour des courants nationalistes et patriotiques qui ont la légitimité politique et l’envergure électorale pour imposer cette démarche. Ce n’est qu’une fois que ce courant aura retrouvé les voies et moyens d’imposer une politique cohérente sur cette première étape d’une feuille de route de souveraineté qu’il pourra s’ouvrir à des courants nouvellement progressistes qui ont droit de cité.
- Appelez-vous à une union des forces nationalistes ?
- J’appelle les Nationalistes à adopter un discours cohérent, à ne pas jeter d’anathèmes, à admettre qu’il y a des erreurs tactiques, des visions politiques divergentes, des stratégies du moment contingentées par des chemins initialement différents… Mais, notre objectif historique commun reste la protection du peuple corse, de la terre corse, la défense globale de nos intérêts patrimoniaux, culturels et collectifs. Notre rapport à l’histoire nous donne un destin commun. Dans ces conditions, nous devons, d’abord, reformer cette ossature politique qui agrégera, en complément, la nouvelle force progressiste qui semble se dessiner, mais n’est pas encore clairement définie.
- Que vaut cet appel quand ni U Rinnovu, ni Femu a Corsica ne sont invités aux Ghjurnate di Corti, ce weekend ?
- Il ne faut pas s’arrêter à des problèmes de préséance ou de carton d’invitation ! Il faut essayer de fixer l’horizon et de chercher son cap. La Corse doit faire émerger une classe politique nouvelle, adossée à ceux qui ont le plus contribué à porter ces évolutions. Issue du courant patriotique, elle doit faire attention à ne pas chercher à faire émerger un clan régénéré pour essayer de promouvoir sa propre famille.
- Qu’est-ce qu’un clan régénéré ?
- Des nouveaux élus, des classes émergeantes qui sont sur des dynamiques victorieuses, que ce soit sur l’UMP ou sur certains partis de gauche, au détriment d’une classe politique nationaliste. Celle-ci, au lieu de chercher en permanence des alliances de circonstance, aurait pu se reformater autour de son programme dans des alliances naturelles.
- La décision du FLNC de déposer les armes annonce-t-elle d’autres décisions de ce genre ?
- Les armes, que je verrais volontiers déposer, sont celles des dizaines d’assassins qui sont en liberté en Corse !
- Serez-vous présents aux élections territoriales de décembre 2015 et de quelle manière ?
- Bien entendu, nous serons présents ! L’important est que se dessine, dans l’opinion publique, une volonté de bousculement, une majorité de renversement sur des bases gouvernementales programmatiques qui soient en opposition avec tout ce qui a été fait jusqu’à présent. Nous avons les moyens de l’impulser collectivement. Nous pouvons, aussi, avoir la faiblesse et la tentation du nombrilisme et du recentrage sur des petits considérants.
- Croyez-vous vraiment qu’un changement soit possible, même de la part de Paris ?
- Les choses sont faites pour évoluer ! Tout est question de rapport de forces et de sincérité ! Aujourd’hui, il semble que la Corse a les moyens d’imposer à Paris une vision globale sur un socle cohérent. Il reste des gens à convaincre, des méfiances et des défiances à surmonter. 300000 habitants ne doivent logiquement pas effrayer une nation de 70 millions d’habitants ! Hormis un archaïsme jacobin fait de principes, que ce soit au niveau sociétal ou économique, la France n’en sortirait que grandie si elle accordait à la Corse des mesures qui sont largement accordées en Europe à des régions similaires et bien plus peuplées.
Propos recueillis pas Nicole MARI
- Pour le moment, le gouvernement n’a pas de position clairement définie. Il faudrait hiérarchiser les positions de ses membres. Le 1er ministre et le ministre de l’Intérieur ont une position de fermeture. Une sous-ministre déléguée à la réforme territoriale a une position légèrement différenciée, tout en ayant le même point de vue sur les dossiers fondamentaux, comme la coofficialité. Il semblerait, si on est réaliste, que la position de l’Etat opposable est celle qui vient du plus haut niveau. C’est un refus ferme et total qui a été répété par deux fois par le ministre de l’Intérieur, une 1ère fois lors de sa visite en Corse, une 2ème fois lors d’un débat au Sénat qui est une chambre d’enregistrement à haute valeur politique. L’Etat cherche-t-il à faire de fausses promesses et à nous abuser ? S’il y a un début de changement de politique, il faudrait l’officialiser par un positionnement clair et surtout par des notes écrites.
- Marylise Lebranchu propose d’avancer sur la réforme des institutions. Que vous inspire cette proposition ?
- On reste sur un projet à-minima qui est un doublon du projet alsacien avec la suppression des conseils généraux, leur substitution par une Chambre des territoires, et une contingence élue à la proportionnelle intégrale qui serait la continuité de l’Assemblée de Corse (CTC). Ces deux chambres régionales seraient réunies dans une nouvelle et unique collectivité territoriale. On est loin du compte ! On parle de l’outil, mais pas de ses compétences ! Si on reste au même niveau avec un simple préfet disposant de plus de pouvoirs légitimes que l’ensemble des collectivités corses, conseils généraux, CTC, communes et établissements publics inclus, on est sur un système très ambigu, très loin des attendus d’une Europe fédérale, d’un pouvoir simple, mais efficient, à l’égal de celui que possède la Sardaigne depuis quasiment 50 ans.
- La ministre affirme qu’elle ne s’opposerait pas à l’inscription de la Corse dans l’article 72-5 de la Constitution. Comment réagissez-vous à ce propos ?
- Cette inscription au titre 72-5, qui nécessite les 2/3 du Congrès, commence à faire l’objet d’un chantage de la part d’une majorité de partis politiques nationaux, que ce soit les partis de gauche à tendance jacobine ou la droite. Dans ces conditions, je crains qu’elle ne soit qu’une écriture de pure forme ! Nous ne recherchons pas une inscription dans la Constitution, mais les modalités techniques permettant à la Corse d’avoir les moyens politiques de se développer et de se préserver. Aujourd’hui, nous sommes à la fin d’un cycle, celui du PEI (Programme exceptionnel d’investissements) qui a été présenté comme l’outil technique devant régler tous les problèmes. Cette mise à flot économique devait, aussi, atténuer toutes les revendications à connotation politique. Au final, nous sommes au bord du gouffre avec une saison catastrophique, une spéculation à tous niveaux, une gangrène mafieuse, l'échec de toutes les politiques…
- Que comprenez-vous quand la ministre parle de régimes différenciés pour l’acquisition de résidences secondaires ?
- C’est très difficile à comprendre ! Quand elle parle un français clair, elle se dit favorable à des mesures fiscales. Aujourd’hui, l’attrait de la Corse est tel que les flux financiers dépassent 2 milliards €. Aucune mesure fiscale ne permettra d’enrayer les ventes immobilières ! La ministre vante les mérites du futur office foncier. Même si celui-ci est capitalisé à 50 millions €, il ne pourra jamais acheter au mieux que 100 à 200 hectares par an, à condition que les prix soient régulés. Or, la spéculation porte sur près de 1000 hectares de terres urbaines avec 6000 logements construits. Aucun flux financier ne peut enrayer de manière normative, par rapport à des règles économiques, ces agressions-là ! L’interdiction est une règle politique, pas une règle économique !
- Quels sont les véritables enjeux ?
- L’enjeu est à 2 niveaux. Il faut, d’abord, positionner l’échelle de réforme que nous souhaitons avoir. La Corse doit faire un saut qualitatif dans la réforme institutionnelle pour être à l’abri pendant quelques années. Le but est d’expérimenter des mesures propres, une politique centrée sur les besoins de la Corse et de ses habitants, indépendamment des contingences françaises. Ensuite, il faut une méthodologie afin de mettre en place les personnes qui devront gérer ce nouvel outil. Ces personnes doivent être compatibles avec la volonté de créer cet outil. Des opposants à la réforme institutionnelle ne peuvent pas gérer la réforme institutionnelle ! Or, c’est le cas de la majorité actuelle, adossée autour de Paul Giacobbi, qui est pleine d’archaïsme et de contradiction !
- Que demandez-vous ?
- Nous demandons à reprendre la main, à avoir la capacité de gérer nous-mêmes notre île, d’impulser des politiques, de discuter directement de programmes européens en opportunités propres qui ne sont pas forcément celles d’un territoire comme la France. Nous demandons une évolution institutionnelle de plein droit avec la possibilité de mettre en œuvre la citoyenneté corse, seul moyen de préservation de toutes les dérives sociétales, des comportements crapuleux généralisés et de la spoliation économique par des transferts financiers de très haut niveau qui dépassent les capacités propres de la Corse à contingenter cette agression multiforme.
- Ne faudrait-il pas réussir une union sacrée des groupes politiques pour l’obtenir ?
- La mythique union sacrée ne sera pas la solution miracle ! Nous demandons que se dessine en Corse une majorité de progrès dont l’ossature principale doit être centrée autour des courants nationalistes et patriotiques qui ont la légitimité politique et l’envergure électorale pour imposer cette démarche. Ce n’est qu’une fois que ce courant aura retrouvé les voies et moyens d’imposer une politique cohérente sur cette première étape d’une feuille de route de souveraineté qu’il pourra s’ouvrir à des courants nouvellement progressistes qui ont droit de cité.
- Appelez-vous à une union des forces nationalistes ?
- J’appelle les Nationalistes à adopter un discours cohérent, à ne pas jeter d’anathèmes, à admettre qu’il y a des erreurs tactiques, des visions politiques divergentes, des stratégies du moment contingentées par des chemins initialement différents… Mais, notre objectif historique commun reste la protection du peuple corse, de la terre corse, la défense globale de nos intérêts patrimoniaux, culturels et collectifs. Notre rapport à l’histoire nous donne un destin commun. Dans ces conditions, nous devons, d’abord, reformer cette ossature politique qui agrégera, en complément, la nouvelle force progressiste qui semble se dessiner, mais n’est pas encore clairement définie.
- Que vaut cet appel quand ni U Rinnovu, ni Femu a Corsica ne sont invités aux Ghjurnate di Corti, ce weekend ?
- Il ne faut pas s’arrêter à des problèmes de préséance ou de carton d’invitation ! Il faut essayer de fixer l’horizon et de chercher son cap. La Corse doit faire émerger une classe politique nouvelle, adossée à ceux qui ont le plus contribué à porter ces évolutions. Issue du courant patriotique, elle doit faire attention à ne pas chercher à faire émerger un clan régénéré pour essayer de promouvoir sa propre famille.
- Qu’est-ce qu’un clan régénéré ?
- Des nouveaux élus, des classes émergeantes qui sont sur des dynamiques victorieuses, que ce soit sur l’UMP ou sur certains partis de gauche, au détriment d’une classe politique nationaliste. Celle-ci, au lieu de chercher en permanence des alliances de circonstance, aurait pu se reformater autour de son programme dans des alliances naturelles.
- La décision du FLNC de déposer les armes annonce-t-elle d’autres décisions de ce genre ?
- Les armes, que je verrais volontiers déposer, sont celles des dizaines d’assassins qui sont en liberté en Corse !
- Serez-vous présents aux élections territoriales de décembre 2015 et de quelle manière ?
- Bien entendu, nous serons présents ! L’important est que se dessine, dans l’opinion publique, une volonté de bousculement, une majorité de renversement sur des bases gouvernementales programmatiques qui soient en opposition avec tout ce qui a été fait jusqu’à présent. Nous avons les moyens de l’impulser collectivement. Nous pouvons, aussi, avoir la faiblesse et la tentation du nombrilisme et du recentrage sur des petits considérants.
- Croyez-vous vraiment qu’un changement soit possible, même de la part de Paris ?
- Les choses sont faites pour évoluer ! Tout est question de rapport de forces et de sincérité ! Aujourd’hui, il semble que la Corse a les moyens d’imposer à Paris une vision globale sur un socle cohérent. Il reste des gens à convaincre, des méfiances et des défiances à surmonter. 300000 habitants ne doivent logiquement pas effrayer une nation de 70 millions d’habitants ! Hormis un archaïsme jacobin fait de principes, que ce soit au niveau sociétal ou économique, la France n’en sortirait que grandie si elle accordait à la Corse des mesures qui sont largement accordées en Europe à des régions similaires et bien plus peuplées.
Propos recueillis pas Nicole MARI