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La statue-menhir attribuée à Filitosa et vendue à Londres était en réalité un faux


le Mardi 18 Mars 2025 à 10:29

Alors qu'une statuette de 67 cm présentée comme « une stèle mégalithique de l’âge du bronze corse », datant de la « fin du IIIème millénaire avant J.-C. » a été vendue aux enchères pour la somme de 18 900 livres, la semaine dernière à Londres, des doutes avaient rapidement été émis sur son authenticité. Selon les observations de Franck Leandri, spécialiste des statues-menhir de Filitosa et ancien DRAC de Corse, cet objet est bien une reproduction.



(Photo : Lyon & Turnbull)
(Photo : Lyon & Turnbull)
Comme nous en parlions hier dans nos colonnes, en fin de semaine dernière, une statue-menhir présentée comme « une stèle mégalithique de l’âge du bronze corse », datant de la « fin du IIIème millénaire avant J.-C. » a été achetée pour la somme de 18 900 livres, lors d’une vente aux enchères à Londres. 
 
La maison de ventes Lyon & Turnbull, qui organisait cette mise aux enchères relayée en France par l’Hôtel Drouot, avait alors présenté cette statuette dans son catalogue comme rappelant « particulièrement la stèle mégalithique trouvée sur le site de Filitosa dans le Sud de l’île ». Comme garanties, Lyon & Turnbull précisait que selon le registre Art Loss Register – base de données internationale qui vérifie la provenance des œuvres – cette statuette-menhir dispose d’un certificat IADAA, l’association internationale des antiquaires, et a fait l’objet de vérifications dans la base d’Interpol. Enfin, la maison de ventes ajoutait encore que ce bien est en circulation sur le marché de l’art européen depuis les années 1970.
 
Mais dès le départ, de sérieux doutes avaient été émis concernant son authenticité, sa petite taille de 67 cm posant en effet notamment question. Alertés de cette mise aux enchères, la Collectivité de Corse et la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Corse avaient toutefois entrepris des vérifications afin de s’assurer du caractère remarquable ou non de cette œuvre.
 
Des doutes qui ont aujourd’hui été levés par Franck Leandri, archéologue et éminent spécialiste des statues menhirs de Filitosa. « Je peux affirmer sans équivoque qu’il ne s’agit en aucun cas d’un authentique monument mégalithique, mais d’une pâle copie, d’une facture extrêmement grossière », indique celui qui est l’ancien directeur de la DRAC de Corse et désormais chef de la mission aux affaires culturelles en Nouvelle-Calédonie en précisant : « Ma connaissance approfondie de ces statues me permet d’affirmer que cette pièce est d’une exécution extrêmement maladroite. Les différents attributs iconographiques y sont sculptés d’une manière qui ne correspond en rien aux méthodes utilisées historiquement ». Il détaille ainsi que « le traitement du visage avec des yeux en amande est très grossier et trop frais, confirmant l’hypothèse d’une fabrication récente », note également « l’absence des appendices proéminents à l’emplacement des oreilles » et relève que la « nuque, généralement sculptée, semble brute sur la photo » de la maison de vente. En outre, il souligne que « la taille de cette pièce ne correspond pas du tout aux proportions des véritables statues-menhirs que ce soir en Corse ou ailleurs ». « Tous ces éléments réunis confirment qu’il ne s’agit pas d’un monument authentique », résume Franck Leandri.
 
Si cette statuette ne s’avère donc être qu’une reproduction, une procédure devrait être lancée par à l’instar des douanes, de l’Office Central de lutte contre le trafic des Biens Culturels (OCBC), et d’Interpol et mener à une annulation de la vente. « Si ce vestige est un faux, cela veut dire qu’un faussaire a créé un faux bien culturel. Or, la création de faux objets archéologiques rentre dans le trafic de biens culturels et est aussi punie par la loi », indique Laetitia Deudon, conservatrice régionale de l’archéologie à la DRAC de Corse.