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Le 14 juillet, une date importante de l'histoire de la Corse


JC le Dimanche 14 Juillet 2024 à 09:03

Le 14 juillet, fête nationale française célébrant la prise de la Bastille en 1789, marque également un événement historique majeur pour la Corse. En effet, c'est un 14 juillet, en 1755, que la Cunsulta proclama Pasquale Paoli général de la Nation Corse. La coïncidence de cette date est notable. Didier Rey, professeur d'histoire, nous plonge dans cette période mouvementée du territoire insulaire.



Pascal Paoli
Pascal Paoli
Le 14 juillet 1755, au Cunventu Sant'Antone di A Casabianca, un lieu hautement symbolique dans l'histoire de l'île, Pasquale Paoli est élu à la tête du gouvernement corse. Cette élection "à l'usu anticu" réunit les représentants de cinq pieve de la Castagniccia, le cœur de la famille et du pouvoir paoliste. "La Corse est alors un état embryonnaire. La popularité de Paoli est rapidement contestée par les Matra, qui voient en lui un jeune arriviste." explique Didier Rey, professeur d'histoire. Quelques jours après l'élection de Paoli, Mario Emanuele Matra est également proclamé général de la Nation Corse. Cette situation, avec deux hommes aux profils et aux projets différents, déclenche une guerre civile de deux ans. Finalement, des accords sont trouvés, malgré quelques résistances matristes persistantes, et Pasquale Paoli devient le leader de la future République Corse, un état autoproclamé quelques mois plus tard. En 1789, 34 ans après, Paoli, exilé à Londres, donne une nouvelle inflexion à la monarchie constitutionnelle. En Corse, le désir de son retour est fort. Le nouveau pouvoir français comprend qu'il ne pourra s'imposer sur l'île qu'avec le soutien des patriotes de 1755. Des négociations avec Paoli et le gouvernement français aboutissent à son retour. Accueilli avec enthousiasme, Pasquale Paoli devient alors le président du premier conseil général de la Corse.

"Le 14 juillet corse, une date précurseuse de la Révolution française"

Aujourd'hui, le Cunventu Sant'Antone di A Casabianca est en cours de réhabilitation. "Ce lieu de mémoire conserve l'ossature principale où Pasquale Paoli a été proclamé Capugenerale di a Nazione Corsa." explique Didier Rey  "Le 14 juillet 1790, le troisième après ceux de 1755 et 1789, marque l'adhésion de Paoli au projet révolutionnaire. Nous sommes désormais attachés à cette vaste monarchie, et l'idée que la Corse y soit associée signale une forme d'autonomie. Ce 14 juillet corse serait une date précurseuse de la Révolution française."

L'historien insiste sur l'importance de ne pas fossiliser les événements historiques. "Il n'existe pas de petite et grande histoire. Je déplore le fait de prendre un événement historique pour simplement le commémorer, cela est inutile. L'histoire permet de réfléchir sur le présent et l'avenir. Réfléchir avec une ouverture d'esprit, sans réduire les dates importantes à de simples bornes mémorielles sans sens, ne sert à rien. Il n'y a rien de pire que de fossiliser un événement. Le devoir de mémoire est nécessaire, mais il ne doit pas être vidé de son sens. Je préférerais parler de travail de mémoire avec un sens partagé, c'est là l'essentiel. Le 14 juillet 1755, qu'a-t-il apporté à la Corse d'aujourd'hui ? On ne peut mépriser l'histoire. Réfléchir sur le XVIIIe siècle, comment une société évolue et construit des projets inclusifs, est une base pour comprendre son cheminement. Et cela vaut pour toutes les nations. Utiliser l'histoire comme une inspiration, car les dates ne sont pas canoniques, elles sont des repères qui amènent la réflexion pour un avenir commun."

Pour lui: "Il faut intégrer toute la complexité de l'histoire de la Corse, la connaître, se souvenir, comprendre et aller de l'avant sans avoir peur du passé. Ne pas embellir les choses est primordial aussi. Paoli n'était pas apprécié de tout le monde. Les dates historiques sont des prêt-à-penser. Les 14 juillet 1755 et 1790 ont changé le destin de la Corse. Sortir des discours manichéens, c'est se redécouvrir à travers notre histoire. Éviter les vulgates et les simplifications, c'est vers cela qu'il faut tendre."