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Moussa Ag Assarid (Free Azawad) : "Les Corses nous écoutent et nous aident à faire passer notre message"


le Jeudi 11 Août 2016 à 22:54

Moussa Ag Assarid est un habitué des Ghjurnate internzionale di Corti. La semaine dernière il en était, déjà, à sa troisième participation. Mais si lors de ses premières apparitions aux Ghjurnate il était le représentant du Mouvement national de la libération de l'Azawad (MNLA); aujourd'hui après un profond désaccord avec certains dirigeants du mouvement, il est devenu celui de Free Azawad qui milite, plus que jamais, pour l'indépendance de son pays.



Moussa Ag Assarid (Free Azawad) : "Les Corses nous écoutent et nous aident à faire passer notre message"
- La situation de l'Azawad aujourd'hui ?
- Il y a un fond permanent d'injustice envers le peuple de l'Azawad par rapport non seulement à la période coloniale française mais aussi par rapport à la période "d'indépendance" du Mali, parce que le Mali n'a jamais été indépendant : c'est une fabrication de toutes pièces de la France. Aujourd'hui nous les Azawadiens, (Touaregs, Peulhs, Songhoys et Arabes) nous sommes une population composée de quatre communauté ethniques qui ont toujours vécu ensemble. Avant l'arrivée de la France, nous étions une confédération vivant en parfaite harmonie. Mais quand la France est arrivée, elle s'est évertuée à diviser la population. Elle a divisé les communautés ethniques, puis les tribus qui ont été fractionnées pour donner le pouvoir à des petits chefs. C'est de la sorte que le colonisateur a divisé les Azawadiens. Quand en 1960 le Mali devait accéder à l'indépendance et que d'autres régions pouvaient bénéficier de ce même statut ces chefs ont écrit à la France pour le réclamer : ils n'ont jamais eu de réponse. Sauf celle signifiant que l'Azawad faisait partie du Mali qui venait d'être déclaré indépendant. Il basculait donc d'une colonisation à l'autre. 

- Comment ont-ils réagi ?
- La contestation ne s'est pas faite attendre. En 1962-1964 a eu lieu une première révolte, la première rébellion dans la région de Kidal. L'armée et l'administration maliennes ont alors militarisé la zone et ont procédé à des massacres des populations essentiellement civiles parmi lesquelles les révoltés n'avaient que des armes blanches ou des fusils de chasse. Les chefs révoltés ont alors traversé la frontière pour se rendre en Algérie qui venait d'obtenir son indépendance. Mais au lieu du soutien escompté, en retour de leur implication en Algérie, les Azawadiens ont été livrés aux autorités maliennes. Les populations ont alors fuit, essentiellement, vers l'Algérie et la Lybie. Mais point de statut de réfugié pour eux. En Lybie les hommes se sont engagés aux côtés de Kadhafi qui avait besoin de combattants. En 1990 ils sont revenus en Azawad mieux armés et mieux entraînés. Et ont lancé la deuxième révolte. L'armée malienne a été chassée de plusieurs casernes. A l'époque Alger est venu soutenir Bamako mais comme médiateur. 
En Janvier 1991 peu après cette deuxième rébellion il y a eu un premier "accord" que le Mali n'a jamais respecté. Il a mis sur pied une milice ethnique qui a massacré les populations civiles.

- Que s'est-il passé ensuite ?
- Bamako n'a jamais tenu compte de cet accord. Et pas davantage dans la constitution établie sans l'Azawad qui n'avait aucun statut. Les troisième  (2006) et quatrième (2012) rébellions n'ont pas tardé. Les Azawadiens rentrés au pays ont proposé de négocier avec le Mali. Mais ils ont été complètement ignorés. La réponse à l'armée malienne, est venue en 2012 du MNLA qui, en état de légitime défense, à chassé l'armée d'Azawad... Dans le même temps les narco-terroristes ont investi des villes abandonnées par l'administration et l'armée qui se repliaient au fur et à mesure que le MNLA avançait. C'est à cette époque qu'un journaliste de l'AFP en poste à Bamako a laissé entendre que le MLNA et les narco-terroristes rentrés simultanément à Gao étaient ensemble. C'est faux. A l'époque j'étais membre du gouvernement que nous avions mis en place après la déclaration d'indépendance de l'Azawad le 6 Avril 2012. Et les grandes puissances luttaient contre Al Quaida. Nous leur avons demandé de combattre les mêmes ennemis. Mais le temps que nous fassions cette demande les combats avaient déjà commencé entre le MNLA et les narco-terroristes. C'est quand ceux-ci se sont dirigés vers le Sud (Janvier 2013), que l'armée française, avec laquelle nous avons propose de travailler, est intervenue. La réponse française a été très timide. Elle s'est servie de nos guides et de notre service de renseignements. Avant de les abandonner. Plusieurs d'entre eux ont été tués par les narco-terroristes. 

- Puis il y a eu des promesses non tenues ?
- Finalement en Juin 2013 un cessez le feu est intervenu entre le MNLA et l'armée du Mali. Des élections présidentielles et législatives ont suivi. Le nouveau président devait négocier avec nous 60 jours après son élection. Mais il n'a jamais voulu le faire... Un an après il a envoyé l'armée. Mais les Azawadiens, regroupés autour de la coordination des mouvements de l'Azawad, ont chassé l'armée. Un cessez le feu a suivi, précédant de quelques jours des négociations en Algérie. En Février 2015 ils nous ont présenté un document qu'il fallait signer sans rien  modifier. Le président du MNLA, coordonnateur des mouvements azawadiens, a signé contre la volonté de la majorité de la direction du mouvement et de sa base - 90% n'était pas d'accord. Pourquoi ? Parce que dans le document il n'était question que de décentralisation. Pas question donc d'autonomie et à plus forte raison d'un fédéralisme et encore moins d'indépendance.

- Ensuite ?
- Un an après cette signature il ne s'était toujours rien passé. Il est vrai que cet accord était un peu particulier. Il concernait trois parties. Deux en belligérance : le gouvernement et les indépendantistes. La troisième était constituée des narco-terroristes et de milices formées par l'Etat malien acceptés dans la négociation par la communauté internationale. C'était la plate-forme d'Alger. Mais là encore cela n'a pas duré longtemps. Les troisièmes signataires sont venus nous attaquer. Aujourd'hui encore ils continuent de nous harceler. 

- Le président du MNLA est toujours en place ?
- Oui le 11 Avril 2016 à Kidal nous avons décidé de former un autre mouvement parce que ce qui est acté dans cet accord est irréalisable. Il est composé pour l'essentiel de la base populaire du MNLA et de la majorité de ses responsables. Nous l'avons appelé Free Azawad. C'est un mouvement politique indépendantiste représentant toutes les communautés ethniques du pays. Mais le seul souci de Bamako est de parvenir a à un désarmement des Azawadiens. L'autre consiste à soutirer de l'argent à l'Union européenne qui paye la formation des militaires et les dividendes de la paix, sensés financer les projets de développement qui sont détournés. 

- Qu'est ce qui fait la richesse de l'Azawad ?
- Il y a des ressources minières. Le phosphate et le manganèse sont, déjà, exploités. Mais il y aussi du pétrole, du gaz, de l'uranium, du nickel, etc. 

- L'armée française dans tout ça ?
- Elle s'est retrouvée dans un bourbier. Elle s'est engouffrée dedans et ne peut plus en sortir. Vous ne pouvez pas mettre un militaire français dans chaque famille azawadienne pour l'empêcher de demander ses droits. Elles veulent vivre librement dignement sur le territoire de leurs ancêtres. Aujourd'hui Français et Casques bleus de l'ONU sont obligés de se réfugier dans leurs casernes pour éviter de s'exposer aux mines des narco-terroristes au lieu d'intervenir entre belligérants. Ils se contentent la plupart du temps d'observer par satellite ce qui se passe sur le terrain… 

Vos rapports avec la Corse ?

Nous connaissons la Corse depuis 2011 quand nous avons rencontré à Bruxelles François Alfonsi qui était à l'époque député européen. Après ça nous sommes venus à plusieurs reprises et nous avons échangé avec les nationalistes avant qu'ils n'arrivent aux affaires. Nous avons de la sorte appris à connaître la Corse où nous avons eu, d'emblée, une écoute attentive. Pas seulement des nationalistes ou des hommes politiques. Surtout du peuple corse. Quand vous rencontrez ici un corse lambda et que vous dites que vous êtes nationaliste azawadien, il vous comprend. Il reconnaît votre combat et votre existence. Ainsi, nationalistes et autonomistes peuvent mieux nous écouter, nous pouvons mieux les écouter. Même s'ils ne nous aident pas directement le fait de contribuer à faire passer notre message depuis la Corse n'est pas négligeable. L'autre jour j'étais assis à côté de Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, des journalistes nous ont filmés, ils m'ont laissé la parole. J'ai pu, ainsi, m'exprimer pendant quelques minutes sur l'Azawad.


- Pourrait-il y avoir des échanges ?
- Mon rôle est de voir, par exemple, si un éleveur de chèvres de chez nous - j'ai vu ce que l'on fait en Corse avec François Sargentini - va avoir un petit moyen de fabriquer lui-même son aliment bétail. Avec la Corse on pourrait avoir une possibilité de fabrication de ce type. Un étudiant de chez nous peut venir également faire du droit pour devenir avocat et ainsi être capable de défendre son peuple. Quelqu'un qui vient ici pour étudier la médecine et rentrer en Azawad servir comme médecin; c'est un plus incontestable pour notre pays. 
En Azawad, nous sommes maintenus dans l'ignorance. Les études des Azawadiens s'arrêtent au lycée. Nous ne sommes pas soignés. Les puits sont empoisonnés. Les cultures sont brûlées. Les fonds d'aide sont détournés. Il n'y a pas d'électricité. Les voies routières sont abandonnées.

- Vous vous sentez-vous menacé ?
- Oui. J'ai déjà reçu des menaces de mort. Il faut qu'il y ait des gens qui se sacrifient, qui font passer le message au péril de leur vie. Ceux qui sont en train de se battre sur le terrain avec des Kalachnikov pour protéger nos mères, nos sœurs et nos vieilles personnes, meurent aussi. Ma vie n'est pas plus importante que la leur. J'ai écrit des livres, fait des films, j'ai vu de nombreux pays en Europe et en Amérique : c'est ma contribution à la lutte. J'apporte comme les autres ma pierre à notre édifice. Je crois que nous serons indépendants un jour ou l'autre. Je crois aux peuples. A la volonté et à la force des peuples. Et moins aux Etats-Nations.

- Comment assurez-vous votre sécurité ?
- Je ne sais pas si c'est ma double nationalité - je suis aussi Français -  qui me protège, mais quand je vois les représentants kurdes qui se sont faits assassiner à Paris  je me dis que je ne suis pas aussi en sécurité que cela. Mais je ne vais pas quand même me mettre moi-même en prison !  J'ai déposé plainte après les menaces de mort que j'ai reçues, mais il n'y a jamais eu de suites alors que je connais ceux qui m'ont menacé. Ici, je suis protégé par les Corses mais sur le Continent, je ne sais pas... Quand je vais en Azawad j'ai ma propre sécurité. A la frontière d'un pays voisin, je ne passe pas par Bamako, ma sécurité vient à ma rencontre pour m'escorter pendant tout mon séjour.