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"Mouvement Corse Démocrate sera présent aux cantonales et territoriales"


Nicole Mari le Samedi 22 Novembre 2014 à 18:08

Dimanche, à 17 heures, à la salle polyvalente de Lupino à Bastia, lors d’une assemblée générale constitutive, François Tatti lancera, officiellement, son mouvement, le MCD, Mouvement Corse Démocrate. Une initiative, née du dernier scrutin municipal bastiais qui a éclaté la gauche locale, depuis lors en pleine recomposition. Exclu du PRG et du groupe « La Gauche républicaine », conseiller territorial, conseiller municipal et président de la Communauté d’agglomération de Bastia (CAB), le leader du MCD entend donner la parole aux citoyens. Il explique, à Corse Net Infos, que son mouvement présentera des candidats aux prochaines élections cantonales et territoriales.



François Tatti, conseiller territorial, conseiller municipal de Bastia, président de la Communauté d’agglomération de Bastia (CAB) et président du Mouvement Corse Démocrate (MCD).
François Tatti, conseiller territorial, conseiller municipal de Bastia, président de la Communauté d’agglomération de Bastia (CAB) et président du Mouvement Corse Démocrate (MCD).
- Pourquoi avez-vous décidé de créer votre propre mouvement politique ?
- C’était un engagement de campagne électorale. Je me suis rendu compte, lors de l’élection municipale, combien était grande l’attente de renouvellement démocratique, notamment à gauche, combien les gens avaient besoin de participer à la vie politique et comment la plupart des partis traditionnels locaux ne répondaient pas à cette demande. La plupart des partis fonctionnent dans des cercles très restreints où les militants sont laissés pour compte. Devant ce risque de perdre le contact avec la population, de la laisser dériver vers le populisme ou vers des réactions un peu primaires que l’on peut avoir quand on ne donne pas le filtre politique, j’ai décidé, pendant la campagne, de créer un mouvement.
 
- Dans ce cas, pourquoi votre démarche a-t-elle été si mal perçue ?
- Ma démarche a été mal interprétée quand j’ai critiqué les partis en place. Je ne critiquais pas le parti politique en général, mais la manière dont ces partis fonctionnent.
 
- Pourquoi créer un mouvement plutôt qu’un parti ? Quelle est la différence ?
- La différence n’est pas que dans la sémantique. Nous ne voulons pas d’un parti politique fermé. L’idée est de travailler en contact avec la population, avec des personnes qui sont des sympathisants et pas forcément des adhérents, qui sont intéressées par la politique, mais ne veulent pas pour autant s’investir directement dans un parti à cause des expériences qu’elles ont, peut-être, vécues ailleurs. Créer un mouvement répond à cette exigence-là. Le MCD fonctionnera comme un mouvement politique à part entière dans le sens où il donnera des investitures aux élections. Mais nous le voulons ouvert à des débats citoyens pour appréhender d’autres réalités qui, aujourd’hui, ne transparaissent pas dans les débats actuels.
 
- Avant même son lancement, le MCD alimente déjà des polémiques. Avec qui le constituez-vous ?
- Avant de parler des personnes, je voudrais parler du mouvement. On ne crée pas un mouvement politique en vue d’une élection ou avec des noms de personnes. On le crée sur des idées et sur des principes. J’ai voulu commencer à créer ce mouvement dans le prolongement de l’élection municipale, c’est-à-dire avec son socle bastiais, en le faisant travailler, en portant le débat, en l’élargissant, ensuite, à l’ensemble des territoires qui souhaitent rejoindre cette dynamique. Des noms d’élus ont été cités n’importe comment. Par exemple, celui d’Emmanuelle De Gentili. Ce qui est assez invraisemblable ! Comment voulez-vous que la secrétaire d’un parti national vienne à la création d’un autre parti de gauche à laquelle elle n’a, d’ailleurs, jamais été conviée ! Cela ne me serait jamais venu à l’esprit !
 
- N’avez-vous pas renoué des liens avec le PRG (Parti radical de gauche), qu’il soit légal ou réel ?
- Le PRG m’a exclu pendant la campagne électorale. Je n’ai plus de lien avec le PRG. Il m’arrive, heureusement, d’avoir des liens avec les hommes qui constituent le PRG. J’y ai quelques amitiés et quelques relations. Mais, au plan politique, ce n’est pas un mode de fonctionnement dans lequel je me retrouve ou je me retrouverai.
 
- Comment se positionne le MCD ?
- Il est, bien entendu, centré à gauche, mais reste ouvert à d’autres sensibilités politiques. Nous ne fermons la porte à personne. Nous voulons rassembler sur des valeurs d’humanisme, de solidarité, de progrès social et de responsabilité. Mais, quand nous parlons de solidarité, nous ne parlons pas d’assistanat. Quand nous parlons de progrès, nous y impliquons l’économie, l’activité privée et l’entreprise. Nous voulons faire en sorte que la société corse se mette en mouvement avec l’ensemble des acteurs. Il faut lui permettre de travailler et de s’exprimer autrement.
 
- Jusqu’à présent, vos positions étaient très marquées « Gauche républicaine ». Les conservez-vous ?
- Mes convictions républicaines sont profondément ancrées. Elles ne tiennent pas à des positions que j’ai pu prendre, mais à ce que je pense du fonctionnement de la société sur des principes comme l’égalité des chances et la solidarité. C’est cela la République ! Je suis un Républicain, mais je ne suis pas un Jacobin ! Je suis profondément un décentralisateur. Au MCD, nous n’avons pas peur que la Corse prenne plus de responsabilités et aille vers plus d’autonomie. C’est, pour nous, une évidence qui s’inscrit dans l’histoire des régions de France et d’Europe, il n’y a pas lieu de s’en offusquer. A partir de ces approches, nous construirons notre doctrine.
 
- Avez-vous, donc, évolué sur ces sujets ?
- Personnellement, j’ai montré que je suis un décentralisateur et que je suis capable de travailler avec d’autres sensibilités politiques qui ne sont pas républicaines, avec des gens de droite, de gauche et des Nationalistes modérés. Quand la Corse y trouve avantage, là en l’occurrence il s’agissait de Bastia, il est légitime, tout en conservant ses convictions, de se rassembler pour travailler ensemble.
 
- Votre position a-t-elle également évolué sur les grands dossiers de la mandature territoriale ? Par exemple sur le statut de coofficialité de la langue ?
- Les débats, que nous avons eus à l’Assemblée, ont été intéressants et ont permis à tous de modifier et d’enrichir les approches. Sur la langue corse, je n’ai pas voté pour la coofficialité, mais j’ai proposé un statut d’officialité de la langue corse. Il n’a pas été adopté. J’ai considéré qu’il était trop tôt pour aller vers la coofficialité, compte tenu de la situation linguistique de la Corse. Il faut continuer à travailler sur cette question. Dans le travail que nous ferons, notamment avec le gouvernement, nous retomberons, vraisemblablement, sur ce que j’avais proposé. La coofficialité, aujourd’hui, n’est pas applicable. En revanche, il faut travailler sur la coofficialisation de la langue.
 
- Et sur le statut de résident ?
- Je suis, bien entendu, conscient des problèmes du foncier, mais je ne crois pas que le statut de résident résoudra les problèmes. Je crois beaucoup plus au PADDUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse) sur cet aspect-là et à d’autres solutions. Quand nous rentrerons dans le fond du problème, le statut de résident nous amènera dans des contradictions qui montreront, probablement, que ce n’est pas une solution qui peut prospérer.

François Tatti et ses partenaires fêtent la victoire de l'union droite-gauche-nationaliste aux Municipales de Bastia.
François Tatti et ses partenaires fêtent la victoire de l'union droite-gauche-nationaliste aux Municipales de Bastia.
- Vous dites que le MCD n’a pas été créé pour une élection, mais n’avez-vous pas en ligne de mire les prochaines Territoriales ? 
- Les prochaines élections sont les élections cantonales qui, selon toute vraisemblance, se dérouleront en mars prochain. Notre mouvement va commencer à travailler dans des territoires dans lesquels nous aurons une implantation ou des personnes qui voudront nous faire confiance. Ce sera la première confrontation électorale et ce sera aussi la première épreuve du feu pour nous.
 
- Vous serez, donc, présents aux Cantonales ?
- Oui ! Bien entendu ! Nous serons présents aux élections cantonales. Notre mouvement investira des candidats ou en soutiendra d’autres dans des contextes d’accords politiques.
 
- Serez-vous présents aux Territoriales ?
- Nous y participerons. Quand on crée un mouvement qui a une vocation régionale, c’est forcément l’élection majeure. La prochaine élection territoriale est d’autant plus importante qu’elle conclut une mandature très particulière qui a connu de nombreux bouleversements au niveau de la Corse et dans laquelle il y aura des enjeux très importants. Notre but est d’être présent avec nos idées, nos convictions, nos valeurs et en ayant porté les débats que nous voulons porter afin que ce que nous représentons soit réellement incarné dans la future majorité qui gouvernera la Corse. Si, bien sûr, nous remportons l’élection et ce, quelque soient la forme de notre présence et la stratégie que nous adopterons.
 
- Irez-vous avec votre propre liste ou associé à d’autres forces dès le 1er tour ?
- Cela reste à construire ! Je ne vais pas répondre aujourd’hui ! Nous sommes un mouvement démocratique, je ne peux dire par avance ce que nous allons décider. Nous avons plus d’un an pour y travailler. Je vous rappelle que, pour les dernières élections territoriales, les listes n’ont été connues que quelques semaines avant le scrutin et après, notamment pour la Gauche, de longues discussions dans le Centre Corse et à l’université ! Pour l’instant, bien malin qui pourra dire la stratégie !
 
- Cela sous-entend-il que vous n’excluez aucune alliance ?
- Nous rechercherons, bien entendu, des alliances. Je n’en exclus pas, à partir du moment où nous partageons des valeurs communes.
 
- Les dernières élections ont fracturé la gauche insulaire. Assiste-t-on, aujourd’hui, à son renouvellement ?
- Le terme « renouvellement » peut s’appliquer. Il est clair que, pendant des décennies, la gauche corse a été phagocytée, pour ne pas dire anesthésiée, par un seul parti qui était le parti radical. Aujourd’hui, on assiste à la fin de ce mouvement, à sa perte d’influence. Il y a aura, clairement, à terme, une recomposition de la gauche. Les années, qui arrivent, seront politiquement très intéressantes et très riches.
 
- Peut-on parler, avec la prise d’influence grandissante des Nationalistes modérés, d’une reconfiguration globale de la donne politique en Corse ?
- Totalement ! Il faut, néanmoins, constater que les mouvements de fonds sont beaucoup moins rapides que les affichages et les effets de personnes. On verra, peut-être, des répartitions différentes à l’intérieur des familles politiques, mais on ne verra pas forcément des changements majeurs en termes de poids électoral de ces familles dans les prochaines élections alors qu’on peut avoir le sentiment de perte de vitesse très importante d’une famille ou de très forts gains d’une autre ! Nous sommes, effectivement, dans une période de bouleversement profond.
 
- Est-ce du à un changement de générations ?
- Il y a un changement générationnel, mais il y a surtout l’obligation nouvelle des élus de faire de la politique différemment. Les gens ne veulent plus de diktats venant d’en haut. Ils n’acceptent pas d’avoir des situations établies qui ne sont jamais remises en question sous prétexte que c’est comme ça depuis des générations et des générations ! Tout le monde veut que les choses soient reposées à plat et construites à partir du réel.
 

François Tatti devient président de la CAB grâce à la nouvelle majorité plurielle.
François Tatti devient président de la CAB grâce à la nouvelle majorité plurielle.
- Le réel à Bastia, c’est une union qui marche. Cette union peut-elle être reproductible à la région ?
- Nous avons scellé notre accord à Bastia sur des bases claires. Ce qui nous a rapproché fortement, c’est le souhait commun de démocratie, de transparence, d’équité et de renforcement de ces valeurs. Chacun conservant ses convictions, nous avons rallié très largement, pratiquement l’ensemble du spectre politique, sur un contrat de mandature qui repose sur ces valeurs et sur des principes que nous avons actés. Cela peut-il être reconduit au plan régional ? Je n’en sais rien ! Nous sommes dans un contexte très différent où les idées politiques ont beaucoup plus de poids. Peut-être que les alliances ne se feront pas de la même manière, en tous cas, pas sur un contrat de gestion ! L’accord doit porter bien au-delà, sur des perspectives communes et partagées.
 
- Comment, à partir du socle bastiais, comptez-vous rayonner sur l’ensemble du territoire ?
- Il faut des décennies pour implanter un mouvement. Je ne vais pas prétendre que le lendemain de son assemblée générale constitutive, le MCD aura des implantations sur tout le territoire. Mais, nous allons y travailler. Il n’est pas question de cantonner le travail politique à Bastia et à sa région. L’idée est de porter le débat dans chaque territoire, d’échanger avec les personnes, notamment, de gauche, qui sont parfois orphelins et de rassembler pour construire, s’étendre et devenir un mouvement avec une assise régionale. Nous n’excluons pas de nous retrouver avec des élus, des responsables locaux qui ne sont pas affiliés à un parti politique ou qui ne se retrouvent pas dans les partis auxquels ils appartiennent, et de rassembler quelques personnalités.
 
- Lesquelles ?
- Vous le verrez quand nous ferons ce travail ! Pour l’instant, il est hors de question de citer des noms, compte tenu de la démarche que nous accomplissons. Nous ne voulons pas que ce mouvement soit incarné par une seule personne, mais que chacun puisse conserver sa personnalité pour venir l’enrichir.

- Après l’assemblée générale constitutive de dimanche, quel sera votre calendrier d’action ?
- Un bureau provisoire va finaliser cette constitution. Dans les semaines suivantes, nous élirons un Conseil politique et citoyen qui portera les actions du mouvement. Mon souhait, comme celui de l’ensemble des militants, est de tout faire pour que les débats, que nous engagerons, soient vraiment ceux qui intéressent la population et dans lesquels elle se retrouvera avec l’idée que sa parole pèsera dans les élections à-venir. Le but n’est pas d’organiser des débats sans les traduire dans les actes politiques, ni d’imposer des solutions dès le départ.
 
- Quels sont les débats qui, selon vous, ne sont pas traités aujourd’hui ?
- Parmi les débats de fond qui n’ont pas été suffisamment portés, plusieurs sujets me tiennent à cœur, notamment la crise des finances publiques dont personne ne perçoit l’ampleur. La Corse sera impactée de manière frontale et très violente ! Compte tenu qu’une grande partie de notre économie est liée aux fonds publics, la raréfaction de ces fonds sera dramatique, à la fois sur l’emploi et sur les activités. Compte tenu, aussi, de la montée du chômage en Corse, notamment à Bastia, s’y ajoute la question de la formation avec une grande partie des jeunes qui quittent le système scolaire sans aucune formation. Tout cela construit une société qui, si on n’y prend pas garde, va se retrouver en difficulté majeure et très loin des objectifs que nous nous sommes fixés.
 
- Que faut-il faire ?
- L’enjeu majeur est de substituer, au système existant, une autre forme d’organisation et d’économie en ayant les ressources humaines adaptées, prêtes à faire cette transformation sociale. Comment y travailler et parvenir à imposer des choix nouveaux sont les défis de demain. Si les élus et les leaders politiques ne prennent pas en compte ces éléments et n’agissent pas dans cette direction, je crains, je le répète, que nous n’allions au-devant de difficultés majeures pour notre île.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.