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Nicolas Bessone : « On ne peut traiter les faits de violences conjugales que si on les connaît »


Michela Vanti le Mercredi 25 Novembre 2015 à 23:22

Mercredi c’était le jour du ruban blanc, symbole de la lutte contre la violence à l'égard des femmes. A Bastia le CIDFF de Haute-Corse et la Délégation départementale aux Droits des Femmes et à l’Egalité ont demandé à Nicolas Bessone, procureur de la République de Bastia de faire le point sur les procédures pénales dans les violences conjugales.



Nicolas Bessone et Dominique Nadaud
Nicolas Bessone et Dominique Nadaud
« Même si c’est psychologiquement très difficile, je voudrais que la parole soit portée et que les victimes de violences conjugales révèlent les faits pour qu’on puisse les traiter. On ne veut pas punir de manière ultra répressive les auteurs mais au moins mettre un terme à une situation dénoncée. J’invite les femmes à déposer plainte. »
Explicite, vivace et très clair le procurer de la République du TGI de Bastia Nicolas Bessone a enchanté pendant près de deux heures mercredi après-midi à l'IRA de Bastia, un auditoire, majoritairement composé de professionnels du secteur social et juridique, devant lequel il a développé le rôle du Parquet face aux violences conjugales.
Il a mis au cœur de son discours la problématique des femmes victimes de violences, leur souffrance, leurs tourments. Il a encouragé le travail des forces de l’ordre et loué les efforts des associations et des services sociaux qui écoutent, soutiennent et épaulent ces femmes pour qu’elles sortent de l’emprise d’un amour méchant.

- Pourquoi les femmes victimes de violences  veulent très rarement porter plainte ?
- Ces femmes-là sont dans un phénomène d’emprise psychologique et c’est très dur pour elles d’aller déposer plainte c’est pour ça que moi je ne leur demande pas nécessairement d’aller déposer plainte pour celui qui est leur mari, leur compagnon, le père de leurs enfants mais d’aller signaler les faits. La violence est une infraction qui relève de la compétence  du procureur de la République. Alors quelles viennent nous révéler les faits pour que nous puissions les faire cesser. Ce qui se passe après  ce n’est pas leur responsabilité. Il faut qu’elles se déculpabilisent. Mon travail ce n’est pas de sanctionner brutalement l’auteur, bien sûr de le sanctionner s’il est coupable, mais de trouver une solution qui permette à la victime le redémarrage d’une nouvelle vie dans un cadre familial diffèrent, ou bien une reprise d’une vie familiale normale. 

- Pendant le colloque vous avez évoqué une différence entre la société Corse et celle qu’on peut retrouver ailleurs….
- Oui, la société corse est différente de ce qu’on peut retrouver sur le continent avec quelques avantages et quelques inconvénients. Les Corses n’ont pas une tendance naturelle à se retourner vers les policiers ou les gendarmes et pourtant on a ici, comme ailleurs, des affaires de maltraitance et de violence. L’avantage de la Corse, en revanche, c’est qu’elle est encore structurée et si bien que le phénomène violent existe, et on l’a si bien vu  hier sur Bastia, il n’a pas l’ampleur qu’on peut retrouver dans certains secteurs du territoire national où la population est déstructuré.

- Est-ce qu’on a les mêmes délits ?
- Les violences conjugales existent ici comme ailleurs mais l’avantage d’une société plus structurée est de pouvoir développer plus facilement certaines mesures que je voudrais adopter à partir de l’année prochaine. Je pense à l’éviction du conjoint violent. Je voudrais que ce ne soit pas la victime, qui est déjà martyrisée, à devoir quitter son domicile mais l’auteur du délit et la structure de la société corse permettrait plus facilement qu’ailleurs de mettre en place cette mesure. Un de mes objectifs pour l’année à venir c’est effectivement de trouver des structures pour que celui qui tape, celui qui cogne, celui qui martyrise et qui traumatise les enfants en battant leur mère, soit puni immédiatement par sa sortie du domicile conjugale.

- On a des chiffres ?
- Oui on a à peu près 200 procédures par an sur la Haute-Corse mais comme on l'a évoqué durant de colloque d’aujourd’hui, on a un chiffre noir qui est beaucoup plus important puisque il semblerait que seulement le 15/20% de victimes déposent plainte.


"La journée d’aujourd’hui démontre bien qu’on est en train de donner un certain nombre des réponses concrètes à des problématiques locales mais on a encore du travail à faire" commente, pour sa part, Dominique Nadaud, déléguée départementale aux Droits des Femmes et à l’Egalité. Un service de l’Etat qui a en charge la lutte et la prévention des violences sur les femmes «  Avec le Procureur on voudrait aussi avancer sur la détection des violences par un réseau médical. Il y a la volonté du procureur de s’associer à l’hôpital de Bastia et aussi de sensibiliser les médecins libéraux car notamment en milieu rural, les généralistes sont parmi les rares interlocuteurs de proximité que les victimes de violence ont. »