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Patrizia Gattaceca : « J’ouvre ma porte à quelqu’un que je présume innocent »


Nicole Mari le Mercredi 10 Avril 2013 à 14:11

Si elle a toujours reconnu avoir hébergé son ami Yvan Colonna durant sa cavale, Patrizia Gattaceca revendique un geste naturel et spontané au nom de l’amitié et de la justice envers un homme condamné avant d’avoir été jugé. La chanteuse et enseignante a écopé, en 1ère instance, de deux ans de prison avec sursis, mais a été relaxée de l’accusation « d’association de malfaiteurs ». Elle confie, à Corse Net Infos, que, malgré le risque encouru par ce procès en appel, elle veut aborder cette épreuve avec sérénité.



Patrizia Gattaceca : « J’ouvre ma porte à quelqu’un que je présume innocent »
- Comment abordez-vous ce second procès ?
- J’essaye, aujourd’hui, d’aborder cette nouvelle épreuve avec sérénité car il ne sert à rien de prévoir ou d’entrevoir quoi que ce soit avant l’audience, avant les débats, avant le réquisitoire et avant les conclusions. C’est ma philosophie. Pour l’instant, je suis sereine. C’est la meilleure façon d’affronter ce genre d’épreuves. Je ne préjuge de rien, comme ça, au moins, je n’aurai pas de surprise !
 
- Pourquoi avoir interjeté appel après celui du Parquet ?
- C’est une étape logique. Nos avocats ont fait un appel supplétif. Il y a donc appel des deux parties, le premier appel a entraîné l’autre appel.
 
- Ne redoutez-vous pas de retourner vous expliquer devant les juges ?
- C’est toujours éprouvant. J’ai l’impression de perdre beaucoup de temps et d’énergie avec cette vieille histoire qui dure depuis des années. Je ne sais pas comment elle va se terminer. Peut-être y aura-t-il encore un peu de chemin à faire par rapport à ce qui sera décidé pour nous ! Je ne sais pas. C’est fatigant parce qu’on se dit qu’avec tout ce qui se passe, ce qu’on me reproche, à côté, ce n’est rien, vraiment rien !
 
- Vous reconnaissez avoir hébergé Yvan Colonna. Pourquoi l’avez-vous fait ?
- C’était, pour moi, tout à fait normal et naturel. Comme je l’ai déjà expliqué, je l’ai fait en conscience. Mon geste correspond à ce que je suis, à ce que nous sommes, à ce que cette communauté est, avec certaines valeurs qui respectent les liens d’amitié. Ensuite, a joué ce contexte difficile et vraiment injuste pour Yvan Colonna qui n’a jamais été présumé innocent. Moi, je lui accorde, tout simplement, la présomption d’innocence en tant que simple citoyen. Je ne suis ni juge, ni avocat. J’ouvre ma porte à quelqu’un que je présume innocent. Ce que personne n’a fait ! Les instances les plus hautes, le gouvernement l’ont condamné avant de le juger. Et ça, ce n’est pas dans la loi des hommes ! Ça ne devrait pas exister !
 
- De quel contexte parlez-vous ?
- Le contexte de la traque. Yvan Colonna prend du recul parce qu’il y a, déjà, eu, dans cette affaire, des centaines d’interpellations dont certaines se sont soldées par des années de prison sans aucune preuve de culpabilité. Des gens, dont mon ex-mari, ont été incarcérés et relâchés ensuite sans qu’aucun non-lieu, ni aucune excuse n’ait été prononcé. Ces gens ont fait des mois ou des années de prison pour rien. Ils ont été ruinés moralement et financièrement, sans que personne ne s’en excuse ! Dans ce contexte-là, il n’y a aucune raison que je n’ouvre pas la porte à mon ami !
 
- Comment prenez-vous le fait que votre geste d’amitié et d’hospitalité soit un délit ?
- Il est certain que j’ai enfreint certaines lois, mais j’ai obéi à d’autres lois, aux lois et aux valeurs de ma communauté et à certaines grandes valeurs humaines, universelles, d’entraide et de solidarité pour un être humain dans l’adversité. D’autant plus, je le répète, que cet homme a été condamné avant d’être jugé. Personne n’a respecté la présomption d’innocence. C’était, pour moi, presqu’un devoir de le faire parce que c’était tellement injuste !
 
- Gardez-vous toujours la même ligne de défense ?
- Je reste sur mes positions. Il n’y a aucune raison que j’en change. Je n’ai jamais fait allégeance à un quelconque réseau. J’ai entrepris mon acte isolément, sans avoir aucun contact avec les autres co-inculpés que je ne connaissais, d’ailleurs pas, pour la plupart. Je reconnais mon geste et je l’ai expliqué. Je ne rajouterai rien à ce que j’ai déjà dit.
 
- L’accusation « d’association de malfaiteurs » n’a pas été retenue contre vous en 1ère instance. N’y-a-t-il pas un risque à faire appel ?
- Oui. Je mesure et je pèse tous les risques. Le Parquet est dans son rôle, mais, lors du 1er procès, il a été assez violent. Le réquisitoire a été très dur. Requérir des peines lourdes, même avec sursis, et la privation des droits civiques, signifie toujours des privations de liberté, un poids pour des gens qui travaillent. Le Tribunal a décidé de nous relaxer de l’accusation d’« association de malfaiteurs ». C’est pour cela qu’aujourd’hui, je suis incapable de vous dire si j’espère ou si je suis pessimiste. Je ne sais pas. Je ne veux pas y penser.
 
- Ne craignez-vous pas que la condamnation définitive d’Yvan Colonna n’ait un impact négatif ?
- Je ne sais pas. Je ne suis pas juge. Mais, elle ne devrait pas en avoir. Ce sont des dossiers disjoints et très différents. Ce que j’ai fait a eu lieu dans un contexte, à une certaine époque où il n’y avait pas de condamnation.
 
- Qu’attendez-vous de ce procès ?
- J’espère la relaxe sur l’accusation d’« association de malfaiteurs ». Ce serait bien d’être relaxé sur tout, mais ça m’étonnerait ! De toute façon, j’ai reconnu le recel. On verra bien. J’espère que tout se passera pour le mieux pour tous.
 
Propos recueillis par Nicole MARI