Paul Giacobbi, président du Conseil exécutif de l'Assemblée de Corse.
- Quelle est votre réaction après le vote du statut de résident ?
- D’abord, ce n’est pas le vote du statut de résident ! Les gens vont vite en besogne ! L’Assemblée de Corse a adopté le principe de proposer une réglementation de l’accès au foncier pour les résidents. Ce qui est très important politiquement à tous égards.
- Le vote s’est effectué à une courte majorité. Vous n’avez pas réussi à convaincre une partie de vos alliés. Les remparts idéologiques ont-ils été trop puissants ?
- Je ne sais pas ! Sur 51 élus, 29 ont voté pour et 18, contre. Nous avons obtenu une majorité très large, très nette et très claire. En démocratie, une ville ou un pays peut basculer à quelques voix. Finalement, l’Assemblée de Corse se prononce aux 2/3 des voix, ce qui représente environ 60% des suffrages. Il n’y a rien d’extraordinaire à ce qu’une résolution soit votée avec une telle majorité, on ne peut pas toujours obtenir l’unanimité. Chacun se prononce en fonction de sa conscience. Je ne force personne à voter. Je relève que dans le groupe de l’opposition, il y a eu des abstentions fort bien expliquées, notamment, par Antoine Sindali.
- Certains élus dénoncent ce statut comme discriminatoire. Pourquoi dites-vous que c’est faux ?
- Les débats ont clairement démontré qu’il n’y avait aucune portée discriminatoire dans cette affaire-là puisqu’il s’agit de fonder une distinction sur la résidence principale. Dans le code électoral, dans celui de la circulation, dans celui général des impôts et dans bien d’autres dispositions du droit, des distinctions sont faites entre les résidences principales et celles qui ne le sont pas. Un contribuable paye plus d’impôt pour une résidence secondaire. Celui, qui veut habiter un HLM, ne peut le faire qu’à titre principal et pas à titre secondaire… Je pourrai multiplier les exemples. Il n’y a, donc, pas de discrimination !
- Autre reproche : celui de l’atteinte au droit de propriété. Vous ne le niez pas ?
- L’atteinte au droit de propriété est incontestable, mais elle est fonction d’un intérêt public qui me parait largement démontré. Il s’agit de lutter contre la spéculation, de faciliter, en priorité aux résidents de la Corse, l’accès au logement et d’atténuer le déséquilibre économique terrible qui livre une partie de l’île à la spéculation sur les résidences secondaires. Ce phénomène, malheureusement, ne touche pas que la Corse.
- N’y-a-t-il, donc, pas, selon vous, d’impossibilité en droit ?
- Il n’y a, jusqu’à preuve du contraire, jamais d’impossibilité en droit ! Il s’agit d’une matière qui, probablement, touche à la Constitution. Tout le monde sait, aujourd’hui, qu’il y aura une révision constitutionnelle pour la Charte européenne des langues minoritaires, pour le statut des régions françaises et la disparition des départements. Par conséquent, dans ce cadre incontournable, nous proposerons une révision pour la Corse. Nous poursuivons des études sur ce sujet.
- Ne craignez-vous pas la sanction de l’Union européenne ?
- On fait tout un plat du statut de résident ! On lui oppose des tas de choses ! Les gens, qui n’ont jamais lu les règles européennes, disent qu’il est rendu impossible par l’Union européenne. Or, une jurisprudence européenne dit que, lorsque l’intérêt public s’y attache, des dérogations au droit peuvent être admises à condition qu’elles ne soient pas discriminatoires. Ce qui est, effectivement, le cas. Maintenant, si on nous dit que la résidence est discriminatoire, il faut changer le code général des impôts et interdire qu’un résident secondaire paye plus d’impôts qu’un résident principal !
- Pourquoi ce rapport adopté repasse-t-il en Commission Chaubon ?
- Nous avons délibéré sur un principe. S’agissant de ces règlements particuliers, toutes sortes de questions se posent encore. Nous renvoyons, donc, le rapport à la Commission des compétences législatives et règlementaires qui va travailler à l’intégrer dans des propositions que nous ferons au gouvernement et au Parlement. Je rappelle que ce rapport ne contient pas seulement la réglementation d’accès du foncier aux résidents, mais aussi toutes sortes d’actions qui sont déjà en cours.
- Lesquelles ?
- Nous aidons à réaliser 800 logements par an qui, sans la CTC, ne se réaliseraient peut-être pas, avec des primes aux accédants, des aides aux lotissements et aux logements communaux, ainsi qu’au logement social. Toutes ces choses n’existaient pas ou peu auparavant : seulement 200 logements par an étaient subventionnés. Parallèlement, nous essayons de travailler ces questions avec le PADDUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse) et de mettre en place l’Office foncier de la Corse pour lequel nous avons obtenu le vote d’un article spécifique de la loi Alur. Le débat aura lieu début juin.
- Y aura-t-il un autre vote à l’issue de ce passage en Commission ?
- Oui. Le rapport reviendra plus détaillé. Ensuite, nous rentrerons dans la phase juridique avec une décision du Parlement national. Il faut que le gouvernement l’accepte, qu’on en discute. Nous verrons, alors, qui sera d’accord ou pas. La résidence n’est pas un sujet théologique, ni une affaire de religion. La question est de savoir si nous avons ou non besoin de cet outil. Au départ, je n’en étais pas convaincu du tout ! Ce n’est pas venu comme une illumination ou un flash ! Après 4 ans d’études, d’analyses et de regard attentif, j’ai dit, il y a 9 mois, qu’effectivement cela me paraissait indispensable.
- Le gouvernement est, aujourd’hui, complètement fermé à cette notion de résidence. Pensez-vous qu’existe la possibilité de le convaincre ?
- Il y a 3 ans, on nous expliquait qu’il n’y aurait jamais de possibilité d’inscrire la Corse dans la Constitution de la République française. C’était bon pour l’îlot de Clipperton ou pour les îles éparses du Canal de Mozambique, des zones qui ne contiennent pas d’habitants, juste des oiseaux qui, eux, étaient assez dignes pour être inscrits dans la Constitution ! Nous, non ! Nous n’existons pas ! Nous n’avons pas à être inscrits dans la Constitution de la République ! Nous sommes la seule île éloignée de la métropole à ne pas l’être ! Aujourd’hui, on voit bien que ce sera possible et que cela se fera nécessairement ! On nous dit la même chose pour la résidence : que c’est totalement impossible, que les Dieux du droit sont contre nous !
- Etes-vous confiant ?
- On verra ! Ce principe a une utilité et une nécessité. Ce n’est pas facile sur le plan juridique, mais un travail a été fait. La réalité doit-elle se plier au droit ou le droit doit-il venir au secours des réalités, de la nécessité ? Je suis plutôt de ce dernier avis.
Propos recueillis par Nicole MARI
- D’abord, ce n’est pas le vote du statut de résident ! Les gens vont vite en besogne ! L’Assemblée de Corse a adopté le principe de proposer une réglementation de l’accès au foncier pour les résidents. Ce qui est très important politiquement à tous égards.
- Le vote s’est effectué à une courte majorité. Vous n’avez pas réussi à convaincre une partie de vos alliés. Les remparts idéologiques ont-ils été trop puissants ?
- Je ne sais pas ! Sur 51 élus, 29 ont voté pour et 18, contre. Nous avons obtenu une majorité très large, très nette et très claire. En démocratie, une ville ou un pays peut basculer à quelques voix. Finalement, l’Assemblée de Corse se prononce aux 2/3 des voix, ce qui représente environ 60% des suffrages. Il n’y a rien d’extraordinaire à ce qu’une résolution soit votée avec une telle majorité, on ne peut pas toujours obtenir l’unanimité. Chacun se prononce en fonction de sa conscience. Je ne force personne à voter. Je relève que dans le groupe de l’opposition, il y a eu des abstentions fort bien expliquées, notamment, par Antoine Sindali.
- Certains élus dénoncent ce statut comme discriminatoire. Pourquoi dites-vous que c’est faux ?
- Les débats ont clairement démontré qu’il n’y avait aucune portée discriminatoire dans cette affaire-là puisqu’il s’agit de fonder une distinction sur la résidence principale. Dans le code électoral, dans celui de la circulation, dans celui général des impôts et dans bien d’autres dispositions du droit, des distinctions sont faites entre les résidences principales et celles qui ne le sont pas. Un contribuable paye plus d’impôt pour une résidence secondaire. Celui, qui veut habiter un HLM, ne peut le faire qu’à titre principal et pas à titre secondaire… Je pourrai multiplier les exemples. Il n’y a, donc, pas de discrimination !
- Autre reproche : celui de l’atteinte au droit de propriété. Vous ne le niez pas ?
- L’atteinte au droit de propriété est incontestable, mais elle est fonction d’un intérêt public qui me parait largement démontré. Il s’agit de lutter contre la spéculation, de faciliter, en priorité aux résidents de la Corse, l’accès au logement et d’atténuer le déséquilibre économique terrible qui livre une partie de l’île à la spéculation sur les résidences secondaires. Ce phénomène, malheureusement, ne touche pas que la Corse.
- N’y-a-t-il, donc, pas, selon vous, d’impossibilité en droit ?
- Il n’y a, jusqu’à preuve du contraire, jamais d’impossibilité en droit ! Il s’agit d’une matière qui, probablement, touche à la Constitution. Tout le monde sait, aujourd’hui, qu’il y aura une révision constitutionnelle pour la Charte européenne des langues minoritaires, pour le statut des régions françaises et la disparition des départements. Par conséquent, dans ce cadre incontournable, nous proposerons une révision pour la Corse. Nous poursuivons des études sur ce sujet.
- Ne craignez-vous pas la sanction de l’Union européenne ?
- On fait tout un plat du statut de résident ! On lui oppose des tas de choses ! Les gens, qui n’ont jamais lu les règles européennes, disent qu’il est rendu impossible par l’Union européenne. Or, une jurisprudence européenne dit que, lorsque l’intérêt public s’y attache, des dérogations au droit peuvent être admises à condition qu’elles ne soient pas discriminatoires. Ce qui est, effectivement, le cas. Maintenant, si on nous dit que la résidence est discriminatoire, il faut changer le code général des impôts et interdire qu’un résident secondaire paye plus d’impôts qu’un résident principal !
- Pourquoi ce rapport adopté repasse-t-il en Commission Chaubon ?
- Nous avons délibéré sur un principe. S’agissant de ces règlements particuliers, toutes sortes de questions se posent encore. Nous renvoyons, donc, le rapport à la Commission des compétences législatives et règlementaires qui va travailler à l’intégrer dans des propositions que nous ferons au gouvernement et au Parlement. Je rappelle que ce rapport ne contient pas seulement la réglementation d’accès du foncier aux résidents, mais aussi toutes sortes d’actions qui sont déjà en cours.
- Lesquelles ?
- Nous aidons à réaliser 800 logements par an qui, sans la CTC, ne se réaliseraient peut-être pas, avec des primes aux accédants, des aides aux lotissements et aux logements communaux, ainsi qu’au logement social. Toutes ces choses n’existaient pas ou peu auparavant : seulement 200 logements par an étaient subventionnés. Parallèlement, nous essayons de travailler ces questions avec le PADDUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse) et de mettre en place l’Office foncier de la Corse pour lequel nous avons obtenu le vote d’un article spécifique de la loi Alur. Le débat aura lieu début juin.
- Y aura-t-il un autre vote à l’issue de ce passage en Commission ?
- Oui. Le rapport reviendra plus détaillé. Ensuite, nous rentrerons dans la phase juridique avec une décision du Parlement national. Il faut que le gouvernement l’accepte, qu’on en discute. Nous verrons, alors, qui sera d’accord ou pas. La résidence n’est pas un sujet théologique, ni une affaire de religion. La question est de savoir si nous avons ou non besoin de cet outil. Au départ, je n’en étais pas convaincu du tout ! Ce n’est pas venu comme une illumination ou un flash ! Après 4 ans d’études, d’analyses et de regard attentif, j’ai dit, il y a 9 mois, qu’effectivement cela me paraissait indispensable.
- Le gouvernement est, aujourd’hui, complètement fermé à cette notion de résidence. Pensez-vous qu’existe la possibilité de le convaincre ?
- Il y a 3 ans, on nous expliquait qu’il n’y aurait jamais de possibilité d’inscrire la Corse dans la Constitution de la République française. C’était bon pour l’îlot de Clipperton ou pour les îles éparses du Canal de Mozambique, des zones qui ne contiennent pas d’habitants, juste des oiseaux qui, eux, étaient assez dignes pour être inscrits dans la Constitution ! Nous, non ! Nous n’existons pas ! Nous n’avons pas à être inscrits dans la Constitution de la République ! Nous sommes la seule île éloignée de la métropole à ne pas l’être ! Aujourd’hui, on voit bien que ce sera possible et que cela se fera nécessairement ! On nous dit la même chose pour la résidence : que c’est totalement impossible, que les Dieux du droit sont contre nous !
- Etes-vous confiant ?
- On verra ! Ce principe a une utilité et une nécessité. Ce n’est pas facile sur le plan juridique, mais un travail a été fait. La réalité doit-elle se plier au droit ou le droit doit-il venir au secours des réalités, de la nécessité ? Je suis plutôt de ce dernier avis.
Propos recueillis par Nicole MARI