Petru-Anto Tomasi, candidat du parti indépendantiste Corsica Libera dans la 1ère circonscription de Haute-Corse pour l’élection législative des 12 et 19 juin.
- Pourquoi avez-vous décidé d’être candidat ?
- A Corsica Libera, nous avons estimé que la Corse se situait à un moment politique crucial avec cinq années d’un premier quinquennat Macron qui a été le plus rétrograde qu’a connu l’île depuis des décennies et qui s’est malheureusement conclu par l’assassinat d’Yvan Colonna. Nous nous situons aussi à quelques jours, voire semaines, de nouvelles discussions avec Paris, ce qui a été possible grâce au sursaut de mobilisation du peuple corse et de sa jeunesse dans ces derniers mois. Dans ce contexte, il nous a paru important d’avoir une voix nationaliste claire avec un cap qui rejette des solutions à minima, qui ne sont pas des vraies avancées pour la Corse. Cette candidature consiste à porter vis-à-vis de Paris un discours offensif et ferme. En observant l’offre politique, nous avons considéré que nos idées n’étaient pas représentées jusqu’alors.
- On aurait pu vous attendre sur la 2ème circonscription où vous avez déjà été candidat. Pourquoi ce parachutage dans la 1ère ? Parce que Lionel Mortini se présente dans la 2nde ?
- Je rejette le terme de parachutage car c’est une région où je suis né, où j’ai grandi, où j’ai fait mes études. Mes grands-parents dans les années 40 se sont installés à Bastia. En revanche, nous n’étions pas dans le calcul électoral ces dernières semaines. Nous étions dans la mobilisation autour des droits du peuple corse et nous avons estimé que dans cette circonscription, il y avait une voix nationaliste alternative à porter qui ne figurait pas sur la ligne de départ. Dans la 2nde circonscription de Haute-Corse, il y a effectivement un candidat avec lequel nous avons des convergences politiques fortes qui est Lionel Mortini.
- Vous ne présentez pas plus de candidat dans la 2nde de Corse du Sud. Votre candidature est une guerre déclarée à Femu a Corsica ?
- Nous ne sommes pas dans un contexte de guerre avec Femu ! En revanche, il est évident que depuis que Femu a Corsica a décidé de rompre le pacte Pè a Corsica – ce contrat de mandature entre les nationalistes qui nous avait permis de gagner l’élection territoriale de 2015 et 2017 - il est de notoriété publique qu’il y a des démarches et des positionnements qui sont différents avec Femu a Corsica. Dans le contexte que nous connaissons, Corsica Libera a fait le choix de participer aux législatives à Bastia et à la candidature de Jean-Paul Carrolaggi à Ajaccio. Sur les deux autres circonscriptions, il est vrai qu’il y a des candidats avec lesquels nous avons des convergences : Lionel Mortini sur Corte-Balagne et Paul-André Colombani sur la circonscription de Porto-Vecchio. Donc, nous n’avons pas jugé bon de présenter un candidat. Ce n’est pas dans une logique de revanche ou d’aigreur.
- Face au député sortant qui est grand favori, qu’est-ce qui vous différencie vraiment ?
- Ce qui nous différencie, c’est déjà ce qui nous a différencié aux élections territoriales avec Femu a Corsica. Nous estimons qu’il s’agit d’exposer à Paris un rapport de force politique qui peut prendre différentes formes. Nous voulons arriver dans ces discussions, non pas avec un genou à terre, mais avec un discours offensif qui est au bon niveau par rapport à ce qu’attendent les Corses. Ce qu’on attend d’un député nationaliste, c’est d’avoir un mandat clair à Paris, pas de se comporter comme n’importe quel autre député !
- Quel est, pour vous, l’enjeu premier de ce scrutin ?
- Qu’il y ait un signal fort envoyé à Paris et en Corse autour de ce que nous considérons comme le bon niveau d’une solution politique du problème corse. L’enjeu, pour nous, n’est pas simplement une discussion autour d’une énième réformette du statut de la Corse qui ne règlera rien à la question de la survie de son peuple et qui ne règlera pas plus les problèmes de leur quotidien. Nous ne sommes pas pour une autonomie sans pouvoir législatif, pour une pseudo avancée historique sans peuple corse, finalement une Corse sans les Corses !
- Comment considérez-vous les négociations ouvertes par Emmanuel Macron ?
- Nous considérons que ces négociations désignées par le gouvernement comme « à vocation historique » ne peuvent pas se faire sans la question du peuple corse, sans la question de la libération des prisonniers politiques et sans ce qui a constitué la base de toutes les délibérations votées par les élus du peuple corse depuis des années. Sans ça, nous ne sommes pas intéressés, car nous considérons que cela emmènera la Corse dans une impasse.
- Sur quels thèmes ferez-vous campagne ?
- Nous avons un certain nombre de propositions à porter qui se situent autour de la reconnaissance du peuple corse et de ses droits. En découlent le droit à parler sa langue grâce à un statut de coofficialité pour enrayer le déclin du Corse, et la revendication de la citoyenneté corse, c’est-à-dire de conditionner le fait d’accéder à la propriété foncière et de favoriser la corsisation des emplois à travers une notion de résidence. Une autre mesure politique forte, qui doit, selon nous, donner le tempo de la discussion avec Paris, est la libération des prisonniers politiques. Cela signifierait que nous sommes vraiment dans la logique de mettre un terme à un conflit de plusieurs décennies. Nous déclinerons notre projet sur la question sociale avec le territoire zéro chômeur de longue durée. Nous souhaitons enfin nous battre pour un statut social et fiscal afin de promouvoir une économie à taille humaine, qui nous ressemble. Ce sont des thèmes que nous n’avons pas encore entendus dans cette campagne et qui seront au cœur de la nôtre.
- Quelles sont les mesures locales que vous défendriez, si vous étiez élu ?
- Nous nous attaquerons au problème de la souveraineté énergétique, en lien avec des problèmes qui concernent la circonscription comme la centrale de Lucciana. Nous sommes pour une transition énergétique et écologique ambitieuse et pour les énergies renouvelables. Sur la question de la santé, nous revendiquons, depuis plusieurs années, la création d’un centre hospitalier universitaire pour la Corse. Un dossier bloqué qui pourtant permettrait d’améliorer l’accès à la santé. Ce serait un levier pour développer la recherche en lien avec l’Université et un levier économique qui profitera au territoire.
- Quelle serait votre priorité en tant que député de la Corse ?
- Faire reconnaître la dimension nationale du problème corse. La première mesure, qui peut être prise très rapidement et qui peut être un signal pour situer dans quel état d’esprit se passent les négociations, c’est la question de la libération des prisonniers.
- Comment pensez-vous réussir à franchir la barre du 1er tour ?
- En explicitant et en déroulant notre discours. Nous restons fidèles à des idées, à une ligne, aux engagements pris devant les Corses. Et surtout, nous voulons dire que ce ne sont pas des lubies de nationalistes, ce sont des propositions qui peuvent changer radicalement et concrètement la vie des Corses. Cette élection peut être un sursaut.