Le territoire de Corte a été particulièrement impacté par cette semaine par les précipitations pluvieuses. Si, à Corte même, seuls 10 mm de pluie sont tombés ces dernières 24 heures, soit 10 litres au mètre carré, les hautes vallées de la Restonica et du Tavignani ont été abondamment arrosées, sans toutefois atteindre les quantités de novembre 2023. « En effet, nous avons enregistré 110 mm de pluie, soit 110 litres au mètre carré, sur les hauteurs de Corte. Cette importante quantité a entraîné une forte augmentation des débits du Tavignani et de la Restonica », explique Antoine Orsini, hydrobiologiste à l’Université de Corse.
Un débit du Tavignani dix fois plus élevé à Baliri
« Les hauteurs d'eau dans la Restonica sont passées de 90 cm à 1,5 m. Son débit a été multiplié par cinq, passant de 5 mètres cubes par seconde à 27 mètres cubes par seconde.
Quant au Tavignani, il a atteint 3,6 mètres ce samedi 15 mars, contre 1,5 m la semaine précédente. Le débit du fleuve à Baliri est passé de 4,5 à 50 mètres cubes par seconde, soit une multiplication par dix ! », précise Antoine Orsini. "La crue a même dépassé celle de janvier 2017 au niveau du Ponte Vecchju. À la confluence du Tavignani, de la Restonica et de l’Orta, au niveau de la piscine municipale, le débit a atteint 84 mètres cubes par seconde pour une hauteur d’eau de 3,70 m.»
Pluies bénéfiques pour les cours d’eau, mais impact sur l’écosystème
Bien que ces pluies aient été bénéfiques pour nos cours d’eau, qui en avaient grandement besoin, elles ont également des effets sur l’écosystème. La semaine dernière, lors de l’ouverture de la pêche à la truite, les pêcheurs déploraient le faible débit des rivières en raison du manque d’eau. Cependant, ces variations brutales de débit peuvent perturber les écosystèmes. Si les truites sont habituées à ces crues et peuvent se cacher sous les rochers, des crues catastrophiques, comme celles de 2023, peuvent avoir des conséquences dramatiques. « La faune a été détruite en 2023, et il faudra du temps avant que le Tavignani et la Restonica retrouvent une population de truites au niveau d’avant 2023. Toutefois, les derniers comptages réalisés par la Fédération Interdépartementale montrent des signes positifs, avec une reconstitution progressive des populations », note Antoine Orsini.
En revanche, les crues récentes ont détruit une grande partie des invertébrés endémiques à la Corse, qui, incapables de se maintenir sous les rochers, ont été emportés en aval, servant de nourriture aux truites
Un enneigement insuffisant
Bien que Corte et ses environs aient bien été arrosés par ces intempéries, la façade ouest de l'île a également subi de fortes précipitations, avec des cumuls de 120 litres au mètre carré en 24 heures. En revanche, la façade est, notamment la Castagniccia, a été très peu touchée, avec seulement 10 mm de pluie. Certaines sources sont même déjà sèches, un phénomène particulièrement rare pour la saison. Ces précipitations ont cependant été bénéfiques pour les nappes phréatiques, qui sont actuellement en bonne santé, bien qu'elles ne soient pas encore complètement remplies. « Les nappes auraient dû commencer à se remplir entre novembre et janvier, mais cette année, cela ne se fait que maintenant. EDF a d'ailleurs décidé de suspendre la production d’hydroélectricité au lac de Calacuccia en prévision de l'été, car il faut aussi prendre en compte la neige », souligne le scientifique.
Malheureusement, l’enneigement a été très faible cet hiver, et les chutes récentes ne suffiront pas à garantir un approvisionnement en eau suffisant durant l’été. Bien que de la neige soit visible sur les sommets autour de Corte, comme le Monte Ritondu et la Latiniccia, côté Niolu, il n’a pas neigé. « C’est un véritable problème pour la saison estivale », prévient Antoine Orsini. Les hauteurs de neige ne sont plus comparables à celles des dernières décennies. « En 40 ans, la température à 2 000 mètres d’altitude a augmenté de 5 degrés ! C’est un changement majeur, et nous travaillons à des solutions pour économiser l'eau et mieux la retenir dans les années à venir », conclut-il.