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Présidentielle - Fabien Roussel en Corse : "Autonomie ? Je veux savoir ce qu’il y a derrière ce mot"


Julia Sereni le Mercredi 9 Février 2022 à 17:35

Fabien Roussel, candidat du Parti Communiste Français à l’élection présidentielle, est en déplacement en Corse pour deux jours. Entre visite du quartier des Salines à Ajaccio et entretien avec les représentants syndicaux, le député du Nord veut aller à la rencontre de la « France du travail », pour lui promettre des « jours heureux ». Sur le statut de l’autonomie de l’île, en revanche, le candidat demande à voir.



Fabien Roussel à Ajaccio - Photos Michel Luccioni
Fabien Roussel à Ajaccio - Photos Michel Luccioni

Première étape de votre visite à Ajaccio, une halte aux Salines, un quartier populaire de la ville, qui a voté majoritairement pour Marine Le Pen à la dernière présidentielle. C’est un symbole pour vous de vous y rendre ?

C’est important pour moi d’aller à la rencontre des gens qui en travaillant ou en ayant travaillé toute leur vie se retrouvent aujourd’hui dans des conditions de vie difficiles. Ce n’est pas normal que lorsqu’on bosse, on n’arrive pas à vivre dignement de son travail ! Et donc ce que je veux, c’est pouvoir dire à ces salariés, à ces retraités, qu’il est possible, rapidement, dès demain, avec une nouvelle majorité à l’Assemblée nationale, avec un nouveau président de la République, d’augmenter les salaires, d’augmenter les retraites, de mieux répartir les richesses de notre pays. L’argent, il est là, il existe, il est concentré dans les mains de quelques uns. Ce que l’on veut, c’est juste qu’il redescende, qu’il participe à mieux rémunérer, à augmenter les pensions, c’est ce que j’appelle le « roussellement », contre le « ruissellement » de Macron qui, lui, a enrichi les riches. Moi je veux enrichir ceux qui travaillent !

Derrière la boutade, qu’est-ce-que ce fameux « roussellement » ?

Le « roussellement », cela veut dire irriguer l’économie à la base, à la racine, faire de la France une France du travail et de la bonne fiche de paie. Quand on travaille, comme un soignant, un ouvrier ou un chauffeur de bus, que l’on puisse vivre dignement de son travail, ce n’est quand même pas la mer à boire ! Quand je dis vivre dignement, cela veut dire payer son loyer, ses factures, pouvoir aller au resto, faire des expos, avoir droit aux vacances et d’élever ses enfants en leur offrant une éducation normale, correcte. Les Français ne demandent pas la lune, ils demandent de pouvoir vivre avec dignité, et c’est cela que je veux dire en allant dans ces quartiers, comme dans les villages. La France du travail et de la bonne paie, j’y crois et c’est ce que je défends avec les « jours heureux ». C’est-à-dire, des réformes heureuses, de l’espoir. J’en ai marre de la déprime, moi je dis que c’est possible : on peut répondre aux urgences sociales et climatiques sans demander à ceux qui n’ont rien d’avoir moins que rien.
A la rencontre des Ajacciens aux Salines
A la rencontre des Ajacciens aux Salines

Vous avez rencontré certains représentants syndicaux insulaires de différents secteurs, que vous ont-ils dit ?

J’ai rencontré les salariés de plusieurs services publics, ceux de la poste et des télécommunications, ceux de l’énergie, ceux de la santé. Ils expriment tous une grande préoccupation sur la manière dont ils exercent leur métier et leurs missions qui sont importantes, notamment le soin et la santé. Il y a une grande souffrance de la part des soignants, il y a un besoin de former, de rendre attractifs ces métiers. J’ai aussi entendu la préoccupation des énergéticiens concernant l’alimentation de l’île en électricité suffisante pour répondre aux besoins de la population, aux besoins des entreprises, pour pouvoir faire en sorte qu’ici il n’y ait pas de coupures d’électricité, tout simplement, comme cela a déjà été le cas en 2005. Donc il y a des investissements à faire, ces salariés sont inquiets, il faut leur faire confiance, il faut les écouter et c’est pour cela qu’en tant que candidat à l’élection présidentielle, j’ai souhaité me mettre à leur disposition et à leur écoute.

Qu’avez-vous à leur proposer ?

Il faut changer de culture, changer de logique. Nous vivons dans une France qui depuis trop d’années maintenant a fait le choix de faire des économies sur ces services publics. Il faut arrêter de faire des économies sur les services publics ! Le service public, c’est le patrimoine de celui qui n’en a pas. Ici, en Corse, je pense à ceux qui habitent dans les villages, dans la ruralité, dans la montagne : ils ont le droit aux mêmes services publics que ceux qui sont à la ville, que ceux qui sont sur le continent. Il faut que le courrier soit distribué partout, que l’électricité arrive partout, qu’elle soit la moins chère possible pour tous. Et pour cela, quand je dis changer de logique, c’est augmenter la dépense publique. L’État, les collectivités doivent mettre la main à la poche pour pouvoir répondre à ces besoins en investissement et en services publics. Ici, il faut tout de suite construire une centrale électrique qui fonctionnera avec des biocarburants, nous en avons besoin et il faut faire cet investissement le plus rapidement possible.

Aujourd’hui, la gauche est quasi absente de l’échiquier politique corse. Comment expliquez-vous que dans la région la plus pauvre de France, selon l'Insee, elle ne séduise pas ?

C’est une question à poser aux Corses ! On a besoin de nourrir le débat, mais c’est valable ici comme sur le continent, ce que vous me dites. La gauche est faible de manière générale. Parce que quand une partie de la gauche a été au pouvoir, elle a déçu, et cela a fait du mal à tout le monde, y compris à ceux qui n’étaient pas aux responsabilités. Donc nous, après, on sort tous les rames pour remonter la pente. De mon côté, je veux parler franc, je veux parler sincère, je veux incarner une gauche populaire qui parle des problèmes des gens, quitte à mettre les pieds dans le plat, quitte à dire des choses qui ne font pas plaisir à d’autres à gauche, j’assume ma gauche populaire, franche, sincère, qui vit dans le réel.

Pour revenir à la Corse et à son statut, Yannick Jadot s’est dit favorable à l’autonomie, Valérie Pécresse, « sans tabou ». Et vous ?

Moi je veux savoir ce qu’il y a derrière ce mot. On parle de quoi exactement ? Que demandent ceux qui proposent cela ?

La demande de la majorité territoriale est celle d’une autonomie de plein droit et de plein exercice, avec un statut fiscal et social pour la Corse.

J’entends. Mais cela veut dire quoi, exactement ? Cela veut dire qu'ici, c'est l’Assemblée de Corse qui va fixer le niveau du SMIC ? C’est l’Assemblée de Corse qui va fixer la durée hebdomadaire du temps de travail ? C’est l’Assemblée de Corse qui va fixer le niveau des impôts sur le revenu ? Sur le patrimoine ? Qui va décider s’il y aura un ISF (Ndlr : Impôt de Solidarité sur la Fortune), ou s’il n’y en a pas ? Est-ce-que l’Assemblée de Corse pourra se dire : « Comme c’est Roussel qui est président de la République, et qu’il veut restaurer l’ISF, nous, en Corse, on ne veut pas faire payer les riches, alors on ne le fait pas » ? Si c’est de cela qu’il s’agit, qu’ils le disent et qu’on en discute véritablement mais qu’on en discute, et qu’on en discute aussi avec les Corses, mais avec tous les éléments sur la table. Je serai à ce moment-là d’accord pour rendre la parole aux Corses et qu’ils aient le dernier mot sur ce projet, mais en connaissance de cause, et avec tous les tenants et les aboutissants.

Avec les représentants syndicaux insulaires
Avec les représentants syndicaux insulaires