C’est dans une salle comble, dans une ambiance calme, mais sous haute surveillance policière que s’est ouvert, au Palais de justice de Reims, le procès des sept supporters du Sporting. Agés de 21 à 28 ans, sans casier judiciaire, tous nient les faits qui leur sont reprochés et ont, le 19 février, porté plainte contre X auprès du parquet de Reims pour « violences aggravées ». Bien qu’il ne soit pas poursuivi, Maxime Beux était présent, avec une trentaine d’autres supporters du club, pour soutenir ses amis. Dans son cas, une information judiciaire contre X a été ouverte le 17 février pour « violences volontaires ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à huit jours » et l'IGPN, la police des polices, a été saisie. La veille de l’audience, l’un des avocats de la défense, Me Jean-André Albertini, après avoir visionné une partie des vidéos de surveillance des évènements, a porté plainte pour « faux et usage de faux » contre les témoignages sur procès-verbal de plusieurs policiers de la brigade anti-criminalité (BAC) de Reims, qui, selon lui, ne correspondent pas à la réalité des faits.
Une exigence de vérité
L’audience, qui s’est ouverte à 15 heures, aura duré près de 8 heures. Elle a débuté par une demande de renvoi et de saisie d'un juge d'instruction formulée par les trois avocats de la défense pour étoffer une enquête qu’ils jugent « partiale et incomplète ». Me Jean-Yves Lienard fait état, de « zones d’ombres, d'éléments manquants », notamment des bandes de vidéosurveillance des commerçants qui n'ont pas encore été visionnées, donc exploitées. « Nous devons tout voir ! Peut-être ces vidéos vont-elles sauver ces jeunes gens ! Dans une affaire aussi sensible, il est indispensable que la justice se donne les moyens. Nous demandons une instruction complémentaire afin de retrouver toutes les images des faits et d’exploiter tous les éléments. Nous demandons un procès loyal, équitable, que la vérité soit faite ! Si la justice est rendue aujourd'hui, elle serait rendue de manière très critiquable », argue-t-il. Me Mathieu Fabiani, pour sa part, objecte l’absence à l’audience des deux officiers de police qui ont accusé les supporters, dont l'utilisateur suspecté du flashball qui aurait blessé à l’œil Maxime Beux, et l’absence des témoins annoncés. Seuls, trois membres des forces de l'ordre sont présents à l'audience en tant que parties civiles. Me Albertini s’étonne : « Il y avait des gens près du tram qui observaient la scène et aucun témoin n'apparaît dans le dossier... Ca ne gêne personne que les chefs de la police se fassent couvrir par les témoignages des subordonnés, qui, eux-mêmes, se font couvrir par les témoignages des chefs ! ».
Le droit au silence
La présidente du tribunal, Charlène Rat, souhaitant, d’abord, mettre en débat les pièces du dossier déjà disponibles, choisit de surseoir à statuer. Une façon de botter en touche, puisqu’au final, l'affaire est bien jugée sur le fond. La présidente rappelle les faits tels qu’ils sont décrits par le Parquet de Reims. Ils se seraient déroulés en trois séquences : La première avant-match, où une vingtaine de supporteurs auraient lancé des engins incendiaires dans les rues de la ville et entonné des chants anti-français dans un bar. La seconde dans l'enceinte du stade Delaune où des insultes auraient été proférées envers les forces de l'ordre qui auraient découvert, dans les toilettes, un tag signé « Bastia 1905 » et rappelant l'assassinat du préfet Érignac. Une troisième post-match, en centre-ville, où une dizaine de supporters auraient lancé des fumigènes contre les policiers et où Maxime Beux a perdu l'usage d'un œil. Estimant qu’il manquait un certain nombre d'éléments pour assurer leur défense, les supporters décident de garder le silence. La présidente égrène en détail les rapports des 20 policiers et les procès-verbaux des interrogatoires des supporters qui nient avoir insulté et menacé les policiers. Ils expliquent, au contraire, avoir été coursés, insultés par ces derniers et victimes de violences policières. L’un déclare avoir été percuté à plusieurs reprises par un véhicule de police. Un seul reconnait des insultes « qui ne volaient pas haut » entre policiers et supporters avant le match.
Des vidéos choquantes
L’audience se tend avec la projection d’extraits de caméras de surveillance de la ville où l’on voit, notamment, un policier frapper un supporter au sol. Une autre vidéo montre un fumigène atterrissant sous une voiture, puis les policiers charger les supporters. Après cette projection, un policier, qui s’est constitué partie civile, reconnaît, à la barre, avoir « frappé un jeune supporter », après, précise-t-il, « avoir reçu des insultes ». Le procureur Belargent reconnait que ces images de violences sur un supporter peuvent choquer et demande plus d'explications au policier. « Les mains d'un individu étaient dissimulées sous son corps, elle pouvaient cacher quelque chose, j'ai donc fait usage de la force », réplique celui-ci. A Me Albertini qui lui demande : « Pourquoi interpeller un individu qui marchait tranquillement ? », il répond : « Ils nous avaient insultés. J’ai été abasourdi par les propos anti-français. Pour moi, ce sont mes compatriotes ! ». Il accuse les supporters d’avoir « récupéré des fumigènes après le match dans la volonté de nuire ». La défense réplique que l’on ne peut pas savoir qui lance des fumigènes, « Il n’y a personne qui puisse être identifié ».
Une violence légitimée !
Après l’examen des personnalités des prévenus, les plaidoiries débutent.
Déplorant que les prévenus se soient exprimés dans la presse, mais soient restés muets au tribunal, l'avocat des parties civiles s'oppose à la demande de renvoi et au recours à un juge d’instruction : « Il y a suffisamment d'éléments pour statuer ».
Même tonalité du procureur de la République : « Je suis opposé à un renvoi ! ». Il prévient d’emblée : « Ma parole est libre, je ne suis pas l'avocat des policiers ». S’il reconnaît qu’« Il y a eu des violences policières », il estime que « ce point ne nous concerne pas aujourd'hui » et qu’il « faut déterminer si elles ont été légitimées et proportionnelles ». Il les excuse insidieusement par un contexte global : « Deux détonations ont été entendues aux abords du stade...vous vous imaginez la panique dans le contexte actuel. C'est pour cette raison que les engins explosifs étaient interdits… La police était en infériorité numérique ». Citant le sociologue Max Weber, il assène que « l'Etat, seul, peut user de la violence légitimement ».
Une décision contestable
Pour lui, « les policiers ont été pris à partie verbalement et physiquement de manière inacceptable, avec la volonté de nuire et de les humilier ». Certain, pour sa part, que « Nous n'avons pas affaire à des gamins apeurés, mais à des individus structurés, déterminés à en découdre avec la police », il requiert des peines allant de 1 à 5 mois de prison avec sursis et jusqu'à 2 ans d'interdictions de stade. Il réclame la peine la plus lourde - cinq mois avec sursis et deux ans d'interdiction de stade - contre un supporter de 22 ans, soupçonné de détenir les fumigènes qui auraient été lancées contre des policiers. Egalement quatre mois avec sursis et deux ans d'interdiction de stade contre un autre supporter qui aurait aidé au transport de ces fumigènes, et d'un à trois mois de prison avec sursis et un an d'interdiction de stade contre les cinq autres. Il conclut que, quelque soit la décision qui sera rendue, « elle sera contestée ! ».
Des supporters victimes
Ce qui semble contestable à la défense, c’est la version policière des faits à multiples rebondissements et celle du Parquet. Elle le fait savoir sans ménagement en éreintant la démonstration du ministère public et en fustigeant les violences policières. « Je sais qu’il est difficile de désapprouver des gens avec lesquels on travaille tous les jours. Vous parlez de ce que l'on ne voit pas, mais vous ne parlez pas de ce que l'on voit ! », lance Me Lienard au procureur. La défense pointe les contradictions du dossier et cite un supporter : « Un responsable de la sécurité de Reims dit nous avoir vu sortir du bus, mais on est arrivé au stade à pieds ! ». En l’absence totale de preuves, « On ne peut pas savoir ce qu'il s'est passé ! », souligne Me Liénard. « Moi, ça me gène qu'il n'y ait que la version des policiers…qui est contradictoire. Un policier dit n'avoir rien vu, puis un jour après, il décrit des lancés de fumigènes ! », poursuit Me Albertini. « L'interpellation des supporters est illégitime... Elle n'est basée que sur des supposées insultes prononcées à l'encontre des policiers. Or, une plainte pour faux et usage de faux a été déposée car les fonctionnaires ont fait des faux », rappelle Me Albertini. Estimant que les supporters sont « des victimes », la défense demande la relaxe. Le jugement est mis en délibéré au 13 mai à 9h.
N.M.
Une exigence de vérité
L’audience, qui s’est ouverte à 15 heures, aura duré près de 8 heures. Elle a débuté par une demande de renvoi et de saisie d'un juge d'instruction formulée par les trois avocats de la défense pour étoffer une enquête qu’ils jugent « partiale et incomplète ». Me Jean-Yves Lienard fait état, de « zones d’ombres, d'éléments manquants », notamment des bandes de vidéosurveillance des commerçants qui n'ont pas encore été visionnées, donc exploitées. « Nous devons tout voir ! Peut-être ces vidéos vont-elles sauver ces jeunes gens ! Dans une affaire aussi sensible, il est indispensable que la justice se donne les moyens. Nous demandons une instruction complémentaire afin de retrouver toutes les images des faits et d’exploiter tous les éléments. Nous demandons un procès loyal, équitable, que la vérité soit faite ! Si la justice est rendue aujourd'hui, elle serait rendue de manière très critiquable », argue-t-il. Me Mathieu Fabiani, pour sa part, objecte l’absence à l’audience des deux officiers de police qui ont accusé les supporters, dont l'utilisateur suspecté du flashball qui aurait blessé à l’œil Maxime Beux, et l’absence des témoins annoncés. Seuls, trois membres des forces de l'ordre sont présents à l'audience en tant que parties civiles. Me Albertini s’étonne : « Il y avait des gens près du tram qui observaient la scène et aucun témoin n'apparaît dans le dossier... Ca ne gêne personne que les chefs de la police se fassent couvrir par les témoignages des subordonnés, qui, eux-mêmes, se font couvrir par les témoignages des chefs ! ».
Le droit au silence
La présidente du tribunal, Charlène Rat, souhaitant, d’abord, mettre en débat les pièces du dossier déjà disponibles, choisit de surseoir à statuer. Une façon de botter en touche, puisqu’au final, l'affaire est bien jugée sur le fond. La présidente rappelle les faits tels qu’ils sont décrits par le Parquet de Reims. Ils se seraient déroulés en trois séquences : La première avant-match, où une vingtaine de supporteurs auraient lancé des engins incendiaires dans les rues de la ville et entonné des chants anti-français dans un bar. La seconde dans l'enceinte du stade Delaune où des insultes auraient été proférées envers les forces de l'ordre qui auraient découvert, dans les toilettes, un tag signé « Bastia 1905 » et rappelant l'assassinat du préfet Érignac. Une troisième post-match, en centre-ville, où une dizaine de supporters auraient lancé des fumigènes contre les policiers et où Maxime Beux a perdu l'usage d'un œil. Estimant qu’il manquait un certain nombre d'éléments pour assurer leur défense, les supporters décident de garder le silence. La présidente égrène en détail les rapports des 20 policiers et les procès-verbaux des interrogatoires des supporters qui nient avoir insulté et menacé les policiers. Ils expliquent, au contraire, avoir été coursés, insultés par ces derniers et victimes de violences policières. L’un déclare avoir été percuté à plusieurs reprises par un véhicule de police. Un seul reconnait des insultes « qui ne volaient pas haut » entre policiers et supporters avant le match.
Des vidéos choquantes
L’audience se tend avec la projection d’extraits de caméras de surveillance de la ville où l’on voit, notamment, un policier frapper un supporter au sol. Une autre vidéo montre un fumigène atterrissant sous une voiture, puis les policiers charger les supporters. Après cette projection, un policier, qui s’est constitué partie civile, reconnaît, à la barre, avoir « frappé un jeune supporter », après, précise-t-il, « avoir reçu des insultes ». Le procureur Belargent reconnait que ces images de violences sur un supporter peuvent choquer et demande plus d'explications au policier. « Les mains d'un individu étaient dissimulées sous son corps, elle pouvaient cacher quelque chose, j'ai donc fait usage de la force », réplique celui-ci. A Me Albertini qui lui demande : « Pourquoi interpeller un individu qui marchait tranquillement ? », il répond : « Ils nous avaient insultés. J’ai été abasourdi par les propos anti-français. Pour moi, ce sont mes compatriotes ! ». Il accuse les supporters d’avoir « récupéré des fumigènes après le match dans la volonté de nuire ». La défense réplique que l’on ne peut pas savoir qui lance des fumigènes, « Il n’y a personne qui puisse être identifié ».
Une violence légitimée !
Après l’examen des personnalités des prévenus, les plaidoiries débutent.
Déplorant que les prévenus se soient exprimés dans la presse, mais soient restés muets au tribunal, l'avocat des parties civiles s'oppose à la demande de renvoi et au recours à un juge d’instruction : « Il y a suffisamment d'éléments pour statuer ».
Même tonalité du procureur de la République : « Je suis opposé à un renvoi ! ». Il prévient d’emblée : « Ma parole est libre, je ne suis pas l'avocat des policiers ». S’il reconnaît qu’« Il y a eu des violences policières », il estime que « ce point ne nous concerne pas aujourd'hui » et qu’il « faut déterminer si elles ont été légitimées et proportionnelles ». Il les excuse insidieusement par un contexte global : « Deux détonations ont été entendues aux abords du stade...vous vous imaginez la panique dans le contexte actuel. C'est pour cette raison que les engins explosifs étaient interdits… La police était en infériorité numérique ». Citant le sociologue Max Weber, il assène que « l'Etat, seul, peut user de la violence légitimement ».
Une décision contestable
Pour lui, « les policiers ont été pris à partie verbalement et physiquement de manière inacceptable, avec la volonté de nuire et de les humilier ». Certain, pour sa part, que « Nous n'avons pas affaire à des gamins apeurés, mais à des individus structurés, déterminés à en découdre avec la police », il requiert des peines allant de 1 à 5 mois de prison avec sursis et jusqu'à 2 ans d'interdictions de stade. Il réclame la peine la plus lourde - cinq mois avec sursis et deux ans d'interdiction de stade - contre un supporter de 22 ans, soupçonné de détenir les fumigènes qui auraient été lancées contre des policiers. Egalement quatre mois avec sursis et deux ans d'interdiction de stade contre un autre supporter qui aurait aidé au transport de ces fumigènes, et d'un à trois mois de prison avec sursis et un an d'interdiction de stade contre les cinq autres. Il conclut que, quelque soit la décision qui sera rendue, « elle sera contestée ! ».
Des supporters victimes
Ce qui semble contestable à la défense, c’est la version policière des faits à multiples rebondissements et celle du Parquet. Elle le fait savoir sans ménagement en éreintant la démonstration du ministère public et en fustigeant les violences policières. « Je sais qu’il est difficile de désapprouver des gens avec lesquels on travaille tous les jours. Vous parlez de ce que l'on ne voit pas, mais vous ne parlez pas de ce que l'on voit ! », lance Me Lienard au procureur. La défense pointe les contradictions du dossier et cite un supporter : « Un responsable de la sécurité de Reims dit nous avoir vu sortir du bus, mais on est arrivé au stade à pieds ! ». En l’absence totale de preuves, « On ne peut pas savoir ce qu'il s'est passé ! », souligne Me Liénard. « Moi, ça me gène qu'il n'y ait que la version des policiers…qui est contradictoire. Un policier dit n'avoir rien vu, puis un jour après, il décrit des lancés de fumigènes ! », poursuit Me Albertini. « L'interpellation des supporters est illégitime... Elle n'est basée que sur des supposées insultes prononcées à l'encontre des policiers. Or, une plainte pour faux et usage de faux a été déposée car les fonctionnaires ont fait des faux », rappelle Me Albertini. Estimant que les supporters sont « des victimes », la défense demande la relaxe. Le jugement est mis en délibéré au 13 mai à 9h.
N.M.