Entre 2019 et 2022, la station d’Ese n’a pas vu l’ombre d’un skieur dévaler ses pistes. Quatre années consécutives de fermeture imputables au Covid, mais aussi à un déficit d’enneigement. Un constat qui interpelle forcément la communauté de communes du Celavu-Prunelli, qui a repris en août la gérance de la station de ski dont la municipalité de Bastelica ne parvenait plus à assumer les coûts de maintenance.
A trois heures de route, sur le plateau du Stagnu, la station du Haut-Asco revit après vingt-cinq ans de fermeture. Le ski alpin avec vue sur le Monte Cinto, c’était fini depuis 1992 après que de fortes pluies eurent dévalé les pentes et entraîné des dégradations importantes sur les remontées mécaniques de la station. Quelques années plus tard, le nouveau maire Bernard Franceschetti s’est dit que le ski à Asco, ce n’était peut-être pas complètement terminé. Il est parti d’un constat simple : « On a toujours eu de la neige. Alors en 2010, on a relancé le dossier. » En 2016, la station a rouvert et la neige n’a jamais fait défaut… « jusqu’à cette année ! »
Dérèglement climatique
Située à 1450 mètres d’altitude, la station du Haut-Asco est la plus basse des trois stations corses. Avec ses 1620 mètres, Ese est la plus haute et pourtant, elle a dû fermer plusieurs fois par manque d’enneigement. Comment expliquer ce paradoxe ? Derek Leonetti, le responsable du développement territorial au Celavu-Prunelli, avance un début de réponse :« A Ese, il faut qu’il neige beaucoup pour avoir la sous-couche suffisante qui permettra de skier. » Le président de l’Agence d’aménagement durable de la Corse, Julien Paolini, pose les deux mots qui assombrissent généralement les mines des professionnels du ski (et des amateurs aussi) : « Dérèglement climatique. » Selon le conseiller exécutif de la Collectivité de Corse, ces deux mots « ne signifient pas qu’il y aura moins de neige demain. Aura-t-on des épisodes neigeux différents, moins marqués dans le temps ou plus violents ? On ne sait pas trop l’impact du dérèglement climatique sur l’enneigement de nos massifs. »
Toujours est-il qu’à Ese, on en a intégré la problématique. La communauté de communes du Celavu-Prunelli va investir dans l’installation de nouvelles barrières à neige, sur 300 mètres. La station d’Ese en dispose déjà, de ces barrières en bois de châtaigner. Elles ont la capacité de stocker la neige qui pourra ensuite être redistribuée sur les pistes au cas où l’enneigement viendrait à faire défaut les jours suivants. Mais consciente que la situation pourrait ne pas aller en s’améliorant, l’intercommunalité amorce un projet qui permettrait d’exploiter les installations d’Ese toute l’année. « C’est le projet des quatre saisons, présente Derek Leonetti. On n’a rien de concret à présenter aujourd’hui, mais on a fait des ateliers auprès de la population et avec le CEREMA (le centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, NDLR). On a des pistes de réflexion, comme améliorer les parcours de randonnée, transformer les pistes en hiver pour y faire du VTT, préserver le plateau où montent les bêtes, valoriser le ski rando, le ski raquettes... »
"C'est un miracle d'avoir une station de ski en Corse"
Un projet qui peine à convaincre du côté des deux autres stations corses. « Il y a des choses à inventer, des activités pour l’hiver ou pour l’été, mais faire tout un mélange sur les quatre saisons, je ne suis pas convaincu », lâche Bernard Franceschetti. Le scepticisme est le même à Ghisoni : « Hors hiver, je ne vais pas faire des payer des remontées mécaniques aux gens pour qu’ils puissent faire du vélo, ou bien les occuper avec des toboggans comme dans les Alpes... », rejette le maire Don Marc Albertini, qui gère en régie communale sa station de ski, laquelle a un certain coût de fonctionnement, fait-il remarquer : « Quatre années sur six, on perd de l’argent. C’est un gain d’image mais quand on fait la balance entre les risques et bénéfices, c’est lourd parfois », confie l’élu. Don Marc Albertini comprend tout à fait la décision de son homologue de Bastelica, qui a transféré la gestion de la station d’Ese à la communauté de communes : « C’est un miracle d’avoir une station de ski en Corse. La rentabilité, on ne la trouve jamais. » Un tel transfert à sa communauté de communes du Fium’orbu Castellu, Don Marc Albertini avoue y avoir pensé, mais il a abandonné l’idée : « Notre communauté de communes a tellement de soucis par ailleurs, que je me voyais mal lui faire ce cadeau empoisonné... » Alors à Ghisoni, la station de ski est vue « comme une plus-value » qui est appréhendée « prudemment » par la municipalité, « pour ne pas mettre en péril nos finances ».
« Quand on a deux mois de neige, la régie autonome est viable, mais si on n’a pas de neige, comment on fait pour supporter les dépenses fixes ? Comment on paie le personnel ? », s’inquiète de son côté Bernard Franceschetti. Le maire d’Asco aimerait bien faire de sa station une société publique locale, qui lui semble mieux armée « administrativement et financièrement parlant » pour faire face aux aléas climatiques, mais il souhaite avoir l’appui de la Collectivité de Corse. Si tel est le cas, il envisage même de porter un projet… d’extension de la station « pour monter pratiquement jusqu’à 2000 mètres d’altitude ». Au nom de la Collectivité de Corse, Julien Paolini se montre prudent sur le mode de gestion qu’il conviendrait d’adopter : « Toutes les pistes méritent d’être étudiées, je ne vais pas retenir un modèle plutôt qu’un autre. Il faut s’adapter aux différentes problématiques et ainsi voir au cas par cas quelle peut être la meilleure gouvernance. » La Collectivité de Corse peut-elle en reprendre les gestions ? Pas dans l’immédiat en tout cas, estime Julien Paolini : « Il y a un modèle à réinventer et je pense que c’est aux élus locaux de dire lequel. La Collectivité de Corse a vocation à les accompagner, ce qui est déjà fait en investissements et sur l’achat du petit matériel. »
Des routes à déneiger
Insuffisant, selon Don Marc Albertini :« Quand on voit l’argent public qui est dépensé en Corse pour aider d’autres sports, ce serait peut-être bien aussi de nous aider, a minima avec une subvention de fonctionnement... » Le maire de Ghisoni attend aussi de la CdC qu’elle soit réactive sur le déneigement de la route qui mène à la station : « L’an dernier, on a loupé deux week-ends parce que la route n’avait pas pu être déneigée à temps, regrette-t-il. Nous avons fait une réunion au printemps. Ils (la CdC) se sont engagés à être meilleurs cette année. On attend de voir... » Julien Paolini confirme que le déneigement des routes par ses services « fait partie des pistes d’amélioration », tout en rappelant « les efforts considérables que nous faisons pour développer un certain nombre d’infrastructures routières et numériques en montagne ». Il n’est du reste pas opposé au projet des « quatre saisons », à Ese : « On ferait d’une pierre deux coups en liant les activités hivernales et estivales avec des équipements dédiés. »
A trois heures de route, sur le plateau du Stagnu, la station du Haut-Asco revit après vingt-cinq ans de fermeture. Le ski alpin avec vue sur le Monte Cinto, c’était fini depuis 1992 après que de fortes pluies eurent dévalé les pentes et entraîné des dégradations importantes sur les remontées mécaniques de la station. Quelques années plus tard, le nouveau maire Bernard Franceschetti s’est dit que le ski à Asco, ce n’était peut-être pas complètement terminé. Il est parti d’un constat simple : « On a toujours eu de la neige. Alors en 2010, on a relancé le dossier. » En 2016, la station a rouvert et la neige n’a jamais fait défaut… « jusqu’à cette année ! »
Dérèglement climatique
Située à 1450 mètres d’altitude, la station du Haut-Asco est la plus basse des trois stations corses. Avec ses 1620 mètres, Ese est la plus haute et pourtant, elle a dû fermer plusieurs fois par manque d’enneigement. Comment expliquer ce paradoxe ? Derek Leonetti, le responsable du développement territorial au Celavu-Prunelli, avance un début de réponse :« A Ese, il faut qu’il neige beaucoup pour avoir la sous-couche suffisante qui permettra de skier. » Le président de l’Agence d’aménagement durable de la Corse, Julien Paolini, pose les deux mots qui assombrissent généralement les mines des professionnels du ski (et des amateurs aussi) : « Dérèglement climatique. » Selon le conseiller exécutif de la Collectivité de Corse, ces deux mots « ne signifient pas qu’il y aura moins de neige demain. Aura-t-on des épisodes neigeux différents, moins marqués dans le temps ou plus violents ? On ne sait pas trop l’impact du dérèglement climatique sur l’enneigement de nos massifs. »
Toujours est-il qu’à Ese, on en a intégré la problématique. La communauté de communes du Celavu-Prunelli va investir dans l’installation de nouvelles barrières à neige, sur 300 mètres. La station d’Ese en dispose déjà, de ces barrières en bois de châtaigner. Elles ont la capacité de stocker la neige qui pourra ensuite être redistribuée sur les pistes au cas où l’enneigement viendrait à faire défaut les jours suivants. Mais consciente que la situation pourrait ne pas aller en s’améliorant, l’intercommunalité amorce un projet qui permettrait d’exploiter les installations d’Ese toute l’année. « C’est le projet des quatre saisons, présente Derek Leonetti. On n’a rien de concret à présenter aujourd’hui, mais on a fait des ateliers auprès de la population et avec le CEREMA (le centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, NDLR). On a des pistes de réflexion, comme améliorer les parcours de randonnée, transformer les pistes en hiver pour y faire du VTT, préserver le plateau où montent les bêtes, valoriser le ski rando, le ski raquettes... »
"C'est un miracle d'avoir une station de ski en Corse"
Un projet qui peine à convaincre du côté des deux autres stations corses. « Il y a des choses à inventer, des activités pour l’hiver ou pour l’été, mais faire tout un mélange sur les quatre saisons, je ne suis pas convaincu », lâche Bernard Franceschetti. Le scepticisme est le même à Ghisoni : « Hors hiver, je ne vais pas faire des payer des remontées mécaniques aux gens pour qu’ils puissent faire du vélo, ou bien les occuper avec des toboggans comme dans les Alpes... », rejette le maire Don Marc Albertini, qui gère en régie communale sa station de ski, laquelle a un certain coût de fonctionnement, fait-il remarquer : « Quatre années sur six, on perd de l’argent. C’est un gain d’image mais quand on fait la balance entre les risques et bénéfices, c’est lourd parfois », confie l’élu. Don Marc Albertini comprend tout à fait la décision de son homologue de Bastelica, qui a transféré la gestion de la station d’Ese à la communauté de communes : « C’est un miracle d’avoir une station de ski en Corse. La rentabilité, on ne la trouve jamais. » Un tel transfert à sa communauté de communes du Fium’orbu Castellu, Don Marc Albertini avoue y avoir pensé, mais il a abandonné l’idée : « Notre communauté de communes a tellement de soucis par ailleurs, que je me voyais mal lui faire ce cadeau empoisonné... » Alors à Ghisoni, la station de ski est vue « comme une plus-value » qui est appréhendée « prudemment » par la municipalité, « pour ne pas mettre en péril nos finances ».
« Quand on a deux mois de neige, la régie autonome est viable, mais si on n’a pas de neige, comment on fait pour supporter les dépenses fixes ? Comment on paie le personnel ? », s’inquiète de son côté Bernard Franceschetti. Le maire d’Asco aimerait bien faire de sa station une société publique locale, qui lui semble mieux armée « administrativement et financièrement parlant » pour faire face aux aléas climatiques, mais il souhaite avoir l’appui de la Collectivité de Corse. Si tel est le cas, il envisage même de porter un projet… d’extension de la station « pour monter pratiquement jusqu’à 2000 mètres d’altitude ». Au nom de la Collectivité de Corse, Julien Paolini se montre prudent sur le mode de gestion qu’il conviendrait d’adopter : « Toutes les pistes méritent d’être étudiées, je ne vais pas retenir un modèle plutôt qu’un autre. Il faut s’adapter aux différentes problématiques et ainsi voir au cas par cas quelle peut être la meilleure gouvernance. » La Collectivité de Corse peut-elle en reprendre les gestions ? Pas dans l’immédiat en tout cas, estime Julien Paolini : « Il y a un modèle à réinventer et je pense que c’est aux élus locaux de dire lequel. La Collectivité de Corse a vocation à les accompagner, ce qui est déjà fait en investissements et sur l’achat du petit matériel. »
Des routes à déneiger
Insuffisant, selon Don Marc Albertini :« Quand on voit l’argent public qui est dépensé en Corse pour aider d’autres sports, ce serait peut-être bien aussi de nous aider, a minima avec une subvention de fonctionnement... » Le maire de Ghisoni attend aussi de la CdC qu’elle soit réactive sur le déneigement de la route qui mène à la station : « L’an dernier, on a loupé deux week-ends parce que la route n’avait pas pu être déneigée à temps, regrette-t-il. Nous avons fait une réunion au printemps. Ils (la CdC) se sont engagés à être meilleurs cette année. On attend de voir... » Julien Paolini confirme que le déneigement des routes par ses services « fait partie des pistes d’amélioration », tout en rappelant « les efforts considérables que nous faisons pour développer un certain nombre d’infrastructures routières et numériques en montagne ». Il n’est du reste pas opposé au projet des « quatre saisons », à Ese : « On ferait d’une pierre deux coups en liant les activités hivernales et estivales avec des équipements dédiés. »