L’affaire débute le 16 septembre 2013 quand le CSRPN en charge, notamment, de définir les ZNIEFF et les zones Natura 2000, doit, à la demande du maire de Coti-Chiavari, se prononcer sur la réduction du périmètre de la ZNIEFF de Chjavari. Cette ZNIEFF empêche la construction d’un projet immobilier de grande envergure, qui comprend un projet communal de port artificiel et de marina, des commerces et des immeubles d’habitation, sur le domaine du pénitencier. Ce domaine, propriété des sociétés du Levant et Liberta, présidées par Antoine Lantieri, s'étend, sur 137 hectares, entre les communes de Coti Chjavari et de Pietrusella et sur les plages de Verghja. Le CSRPN rejette, à une grande majorité, la demande de déclassement des parcelles de la ZNIEFF. Le maire revient à la charge, mais un second vote, effectué exceptionnellement à bulletin secret, est tout aussi négatif. Roger Miniconi participe aux deux votes. Et c’est là que le bât blesse pour l’association U Levante qui, dénonçant des liens entre Roger Miniconi et Antoine Lantieri, porte plainte pour prise illégale d’intérêts.
Des études bien payées
L'enquête, instruite par le pôle financier de Bastia et menée par les services de gendarmerie, révèle que l'association A Barcella, présidée par Roger Miniconi, a été rémunérée par Antoine Lantieri pour six études d'un total de 75 pages, portant notamment sur le projet de golf inclus dans le complexe immobilier. Ces études biologiques et environnementales s’avèrent toutes favorables au projet. A Barcella, dont la mission est la sauvegarde du patrimoine maritime de la Corse, aurait touché près de 67500 €, notamment 11 chèques de 5000 € et un chèque de 2500 €. Roger Miniconi a, pour sa part, directement encaissé 10 000 €. L’enquête montre, également, qu’il a été, en diverses occasions, le représentant d’Antoine Lantieri et de ses deux sociétés du Levant et de Liberta. Une « double casquette » qui interpelle Michèle Saurel, la présidente du tribunal correctionnel de Bastia. Pressé, le prévenu nie le rôle qu’on lui prête et récuse toute infraction. « Mr Lantieri m'a demandé de réaliser des études pour sauvegarder le patrimoine », se justifie-t-il.
Un comportement curieux
Quand la présidente lui demande comment le président d’un Conseil chargé de sauvegarder le patrimoine naturel peut défendre un projet le déclassement d’une ZNIEFF, il rétorque : « Les parcelles ZNIEFF ne sont pas classées, elles font partie d'un inventaire. Il n'y a pas d'interdiction de construction ». S’en suit un chjami è rispondi avec la présidente qui réplique :
- « Il y a un classement de fait des ZNIEFF. La jurisprudence corse, depuis de nombreuses années, rejette les constructions sur ce type de zones. Le fait, que vous faisiez partie du Comité, ne vous a pas paru incompatible avec votre participation à ces études ».
- « Mes liens avec Mr Lantieri sont seulement amicaux. J'ai représenté, parfois, Mr Lantieri qui était malade, mais je n'avais pas d'intérêt direct ».
- « C'est vous qui le dites ! Vous avez encaissé deux chèques ! ».
- « J'ai encaissé les chèques liés à des factures, à mes frais de déplacement dans le cadre des études effectuées. Je n'ai rien perçu pour moi-même ».
Un mode de fonctionnement que la présidente, sceptique, juge « curieux » et « anormal ».
Une affaire symbolique
L’avocat d'U Levante, Me Benoit Busson, estime cette affaire « malheureusement assez banale, mais assez symbolique et représentative de ce qui peut se passer ». Il souligne « l’ambiguïté des relations entre Roger Miniconi et Antoine Lantieri dans le cadre d’enjeux urbanistiques et d’enjeux financiers très importants » et un mélange des genres. « Il y a un problème d’être, en même temps, président du CSRPN et rémunéré par les propriétaires du projet immobilier ». Il rappelle qu’U Levante « qui est là pour faire respecter la loi » a tiré, en vain la sonnette d’alarme. « Depuis 2011, nous avons parlé dans le vide. Pourquoi la DREAL n'a-t-elle pas alerté sa hiérarchie ? Silence total. C'est pour cela que nous avons porté plainte ». Le scandale pour U Levante est que l'Etat savait et n'a rien fait : « Il a fermé les yeux ! ». Pour l'avocat de la partie civile : « Il n'y a pas photo sur la prise illégale d'intérêts. 11 versements de 5 000 € pour 75 pages d'études, soit 900 € la page, c'est cher l'étude ! Cela va au-delà de la prise illégale d'intérêts ». Me Busson demande au Tribunal un euro symbolique et une peine pour l’exemple, dissuasive et symbolique : «Votre décision sera très importante. Le problème n'est pas Roger Miniconi en tant que tel, mais ces affaires qui reviennent trop souvent ».
Du Disneyland version Corse
Pour le ministère public, représenté par la procureur adjointe, Frédérique Olivaux, en charge des dossiers financiers, le conflit d'intérêt entre un intérêt public et un intérêt privé « est constitué à partir du moment où une personne a pu prendre part à un vote, quelque soit le motif et le résultat de ce vote ». Elle affirme que « Roger Miniconi a bien participé à un vote dont le but était de rendre constructibles des zones pour un projet pharaonique, du Disneyland à la Corse, qui était contraire aux intérêts de caution scientifique qu’il représentait ». Elle parle « de préjudice moral, suffisant pour caractériser la prise illégale d'intérêts. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait un bénéfice direct. Tous les éléments constitutifs de l'infraction sont confirmés ». Elle requiert une condamnation avec une peine de prison d’un an avec sursis, 1500 € d'amende, une interdiction pendant 5 ans d'exercer toute fonction publique et la privation des droits civils et civiques.
Un projet économique
La tâche n’est guère aisée pour l’avocate de la défense. Me Anne-Marie Leandri commence par faire la genèse du projet immobilier, histoire de justifier le déclassement des parcelles ZNIEFF. « Il n'y a pas que l'intérêt écologique et urbanistique qui compte, il y a aussi, pour le maire, l’intérêt économique de sa commune. Il demande le déclassement de 300 hectares en zone littorale sur une ZNIEFF de 2600 hectares ». Elle ne comprend pas « pourquoi met-on en parallèle le statut de président de Roger Miniconi, qui est une fonction bénévole, et ses activités d'études ? Il n'y a pas eu fraude sur le paiement de ces études ». Elle tente de faire tomber l’accusation de prise illégale d’intérêts en récusant la mission de service public et la collusion avec des intérêts dans les sociétés concernées. « J'attends que l'on démontre que mon client était chargé d'une mission de service public parce qu’il était président d’un Comité qui ne donne que des avis consultatifs. J'attends que l'on me démontre où était son intérêt ». Puis, elle s’en prend au Levante : « Roger Miniconi a des conflits avec des associations comme U Levante parce qu'il est trop intransigeant d'un point de vue scientifique. Il gêne, on veut l'écarter ! ». Déclarant l'infraction non constituée, elle demande la relaxe.
Le Tribunal ne la suit pas. Il reconnaît Roger Miniconi « coupable de prise illégale d’intérêts ». Il prononce une peine de 8 mois d’emprisonnement avec sursis, 5000 € d’amende, l’interdiction d’exercer, pendant deux ans, les fonctions en rapport avec l’infraction.
Roger Miniconi a dix jours pour faire appel.
N.M.
Des études bien payées
L'enquête, instruite par le pôle financier de Bastia et menée par les services de gendarmerie, révèle que l'association A Barcella, présidée par Roger Miniconi, a été rémunérée par Antoine Lantieri pour six études d'un total de 75 pages, portant notamment sur le projet de golf inclus dans le complexe immobilier. Ces études biologiques et environnementales s’avèrent toutes favorables au projet. A Barcella, dont la mission est la sauvegarde du patrimoine maritime de la Corse, aurait touché près de 67500 €, notamment 11 chèques de 5000 € et un chèque de 2500 €. Roger Miniconi a, pour sa part, directement encaissé 10 000 €. L’enquête montre, également, qu’il a été, en diverses occasions, le représentant d’Antoine Lantieri et de ses deux sociétés du Levant et de Liberta. Une « double casquette » qui interpelle Michèle Saurel, la présidente du tribunal correctionnel de Bastia. Pressé, le prévenu nie le rôle qu’on lui prête et récuse toute infraction. « Mr Lantieri m'a demandé de réaliser des études pour sauvegarder le patrimoine », se justifie-t-il.
Un comportement curieux
Quand la présidente lui demande comment le président d’un Conseil chargé de sauvegarder le patrimoine naturel peut défendre un projet le déclassement d’une ZNIEFF, il rétorque : « Les parcelles ZNIEFF ne sont pas classées, elles font partie d'un inventaire. Il n'y a pas d'interdiction de construction ». S’en suit un chjami è rispondi avec la présidente qui réplique :
- « Il y a un classement de fait des ZNIEFF. La jurisprudence corse, depuis de nombreuses années, rejette les constructions sur ce type de zones. Le fait, que vous faisiez partie du Comité, ne vous a pas paru incompatible avec votre participation à ces études ».
- « Mes liens avec Mr Lantieri sont seulement amicaux. J'ai représenté, parfois, Mr Lantieri qui était malade, mais je n'avais pas d'intérêt direct ».
- « C'est vous qui le dites ! Vous avez encaissé deux chèques ! ».
- « J'ai encaissé les chèques liés à des factures, à mes frais de déplacement dans le cadre des études effectuées. Je n'ai rien perçu pour moi-même ».
Un mode de fonctionnement que la présidente, sceptique, juge « curieux » et « anormal ».
Une affaire symbolique
L’avocat d'U Levante, Me Benoit Busson, estime cette affaire « malheureusement assez banale, mais assez symbolique et représentative de ce qui peut se passer ». Il souligne « l’ambiguïté des relations entre Roger Miniconi et Antoine Lantieri dans le cadre d’enjeux urbanistiques et d’enjeux financiers très importants » et un mélange des genres. « Il y a un problème d’être, en même temps, président du CSRPN et rémunéré par les propriétaires du projet immobilier ». Il rappelle qu’U Levante « qui est là pour faire respecter la loi » a tiré, en vain la sonnette d’alarme. « Depuis 2011, nous avons parlé dans le vide. Pourquoi la DREAL n'a-t-elle pas alerté sa hiérarchie ? Silence total. C'est pour cela que nous avons porté plainte ». Le scandale pour U Levante est que l'Etat savait et n'a rien fait : « Il a fermé les yeux ! ». Pour l'avocat de la partie civile : « Il n'y a pas photo sur la prise illégale d'intérêts. 11 versements de 5 000 € pour 75 pages d'études, soit 900 € la page, c'est cher l'étude ! Cela va au-delà de la prise illégale d'intérêts ». Me Busson demande au Tribunal un euro symbolique et une peine pour l’exemple, dissuasive et symbolique : «Votre décision sera très importante. Le problème n'est pas Roger Miniconi en tant que tel, mais ces affaires qui reviennent trop souvent ».
Du Disneyland version Corse
Pour le ministère public, représenté par la procureur adjointe, Frédérique Olivaux, en charge des dossiers financiers, le conflit d'intérêt entre un intérêt public et un intérêt privé « est constitué à partir du moment où une personne a pu prendre part à un vote, quelque soit le motif et le résultat de ce vote ». Elle affirme que « Roger Miniconi a bien participé à un vote dont le but était de rendre constructibles des zones pour un projet pharaonique, du Disneyland à la Corse, qui était contraire aux intérêts de caution scientifique qu’il représentait ». Elle parle « de préjudice moral, suffisant pour caractériser la prise illégale d'intérêts. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait un bénéfice direct. Tous les éléments constitutifs de l'infraction sont confirmés ». Elle requiert une condamnation avec une peine de prison d’un an avec sursis, 1500 € d'amende, une interdiction pendant 5 ans d'exercer toute fonction publique et la privation des droits civils et civiques.
Un projet économique
La tâche n’est guère aisée pour l’avocate de la défense. Me Anne-Marie Leandri commence par faire la genèse du projet immobilier, histoire de justifier le déclassement des parcelles ZNIEFF. « Il n'y a pas que l'intérêt écologique et urbanistique qui compte, il y a aussi, pour le maire, l’intérêt économique de sa commune. Il demande le déclassement de 300 hectares en zone littorale sur une ZNIEFF de 2600 hectares ». Elle ne comprend pas « pourquoi met-on en parallèle le statut de président de Roger Miniconi, qui est une fonction bénévole, et ses activités d'études ? Il n'y a pas eu fraude sur le paiement de ces études ». Elle tente de faire tomber l’accusation de prise illégale d’intérêts en récusant la mission de service public et la collusion avec des intérêts dans les sociétés concernées. « J'attends que l'on démontre que mon client était chargé d'une mission de service public parce qu’il était président d’un Comité qui ne donne que des avis consultatifs. J'attends que l'on me démontre où était son intérêt ». Puis, elle s’en prend au Levante : « Roger Miniconi a des conflits avec des associations comme U Levante parce qu'il est trop intransigeant d'un point de vue scientifique. Il gêne, on veut l'écarter ! ». Déclarant l'infraction non constituée, elle demande la relaxe.
Le Tribunal ne la suit pas. Il reconnaît Roger Miniconi « coupable de prise illégale d’intérêts ». Il prononce une peine de 8 mois d’emprisonnement avec sursis, 5000 € d’amende, l’interdiction d’exercer, pendant deux ans, les fonctions en rapport avec l’infraction.
Roger Miniconi a dix jours pour faire appel.
N.M.