Antonio Guario, responsable phytosanitaire de la région des Pouilles.
- Quand l’infection a-t-elle débuté, on parle de 2008 ?
- Nous pensons que les premières infections ont eu lieu début 2013. Avant, je n’y crois pas parce que le temps de latence n’est pas long, on aurait du, alors, voir les premiers signes de la maladie bien avant.
- Comment expliquez-vous que les chiffres annoncés de l’épidémie soient brutalement passés de 6000 arbres touchés à plus de 30 000 ?
- La présence de la xylella dans l’arbre ne se manifeste pas instantanément. Il y a un temps de latence de plusieurs mois. Les contrôles, que nous avons faits l’an dernier, ont concerné les arbres qui présentaient déjà des signes de la maladie. Depuis, un très grand nombre d’arbres ont révélé les symptômes. La xylella s’attaque d’abord à la cime du feuillage, puis descend progressivement vers le tronc. Nous n’avons pas compris tout de suite que le problème était la xylella qui a pu, donc, continuer à infecter l’arbre en entier et tous les arbres autour. La cicadelle ayant continué à transmettre l’épidémie, nous devrions, cette année, constater d’autres dégâts. Tant que nous n’arriverons pas à bloquer le processus de l’infection, l’épidémie continuera à se développer.
- Comment comptez-vous le bloquer ?
- Nous avons concentré les contrôles sur les lieux où il y avait des signes de la présence de la xylella. Nous avons rapidement constaté que sa propagation est très importante sur la province de Lecce où l’infection est, pour l’instant, contenue. Les zones de Brindisi, Bari et Tarento ne sont pas, aujourd’hui, touchées. Nous avons, donc, décidé de tracer une ligne de démarcation de 2 kilomètres de large et de 50 kilomètres de long qui va de l’Adriatique à la mer Ionienne, puis de la doubler au Nord par une autre ligne de démarcation également de deux kilomètres pour isoler la zone infectée du reste des Pouilles. Nous avons regroupé les zones de confinement éparses et constituer un bloc confiné. Ce bloc sera sous contrôle total pour empêcher les cicadelles infectées de passer les lignes. Sur chaque ligne, nous ferons une série d’interventions liées au traitement de l’infection et à l’éradication des cicadelles qui sont les vecteurs de l’infection.
- Quand allez-vous mettre en œuvre ce nouveau plan d’action ?
- Tout de suite ! Il s’agit vraiment de contenir l’épidémie et de l’empêcher de s’étendre au-delà de la province de Lecce. Nous allons sur les lignes contrôler les insectes-vecteurs et procéder à l’abattage des arbres contaminés afin que la maladie soit éradiquée dans ces zones tampons.
- Allez-vous traiter les vecteurs avec des insecticides ?
- Non ! Nous allons, d’abord, traiter l’herbe des exploitations de manière mécanique, la ratisser et la retourner parce que la cicadelle vit et se reproduit dans l’herbe. Les jeunes insectes ne volent pas et ne vont pas se poser sur les plantes. Quand le mois de juin approche, l’herbe commence à sécher, les cicadelles, devenues adultes, vont se poser sur la cime des arbres. A ce moment-là, nous pouvons intervenir avec des insecticides, ceux utilisés pour combattre les parasites de l’olivier, comme la mouche par exemple. Nous pensons qu’ils seront efficaces.
- Certaines associations craignent que l’utilisation d’insecticides n’ait des effets néfastes sur la santé publique. Que leur répondez-vous ?
- Elles craignent une utilisation massive avec un épandage par avion. Mais, ce n’est pas ce que nous voulons faire ! Nous essaierons d’être le moins invasif et le moins impactant possible de ce point de vue-là. Pour ma part, je suis partisan d’utiliser des produits nouveaux, biologiques, que nous sommes en train d’expérimenter. S’ils s’avèrent efficaces, nous les utiliserons.
- Malgré les zones de confinement et les interdictions d’importations, les pépiniéristes de Lecce continuent de vendre des plants d’oliviers. Comment allez-vous y remédier ?
- En ce moment, les pépiniéristes traversent une crise totale ! Selon le décret que nous avons pris, ils n’ont absolument pas le droit de vendre des arbres contaminés, ils doivent impérativement les brûler. Nous leur portons une attention particulière et nous effectuons de contrôles fréquents. Nous constatons que, pour l’instant, les arbres des pépinières sont plutôt sains. Nous n’avons encore jamais trouvé un arbre infecté dans une pépinière !
- Comment pouvez-vous être sûr des contrôles effectués ?
- Nous vérifions que la plante est accréditée, c’est-à-dire qu’elle a été enregistrée et traitée. Mais la zone infectée n’est pas une zone de production de plants d’oliviers, la plupart de ceux vendus dans les pépinières viennent d’autres zones. Les plants ne font que transiter. Ils sont produits à Tarento, à Bari ou à Focce, qui ne sont pas des zones touchées par la xylella.
- Quel budget allez-vous consacrer à la lutte contre la propagation de l’épidémie ?
- La région des Pouilles a déjà mis 6 millions € à disposition, en 2015, pour faire face à l’épidémie et aider les oléiculteurs. Cette somme sera consacrée à une action de contrôle et de recherche de l’infection. Des universitaires locaux seront mandatés par la région, notamment le professeur Dominico Bosco, devenu le spécialiste mondial de l’infection des Pouilles, pour travailler à la résolution du problème. L’Etat italien a promis de dégager 2,5 millions €.
- L’Etat ou la région ont-ils mis en place des mesures ?
- Oui ! Un certain nombre de décrets ont déjà été pris. Le premier établit les mesures obligatoires à appliquer dans la zone infectée du Salento, comme par exemple la taille des branches et leur brûlage. Le dernier date du 26 septembre.
- Ce décret rencontre une résistance chez les agriculteurs qui refusent de couper les arbres et de les brûler. Comment jugez-vous cette attitude ?
- Plus qu’une résistance, les oléiculteurs, en ce moment, demandent une aide économique pour traverser cette mauvaise passe. Nous l’avons prévu dans notre budget régional ainsi qu’une aide à la reconversion pour ceux, qui acceptent de couper les oliviers, et replanter d’autres cultures. Nous leur proposons aussi une aide pour le contrôle et la prévention de l’épidémie.
- Pouvez-vous estimer la perte de production d’huile d’olive ?
- Oui. Cette année, il y a, d’abord, une chute globale de la production due au fait que la récolte de l’olive est biennale et que c’est une année creuse avec peu d’olives. En plus, dans les régions infectées s’ajoute le problème de la xylella. La perte est estimée à 40%.
- L’infection a-t-elle un effet négatif sur la qualité de l’huile ?
- Non ! Absolument pas ! Il n’y a aucun effet négatif. L’olive, qui devient grosse, est saine et reste saine. L’huile d’olive ne présente aucune trace de la xylella, c’est scientifiquement prouvé ! Il n’y a aucune altération de la qualité ou du goût. Beaucoup d’huiles viennent des autres régions des Pouilles qui ne sont pas contaminées. Nous avons prévu, dans notre programme, de communiquer pour dire aux consommateurs qu’ils peuvent utiliser, en toute tranquillité, notre huile d’olive. Elle n’est pas touchée par l’épidémie.
Propos recueillis par Nicole MARI
- Nous pensons que les premières infections ont eu lieu début 2013. Avant, je n’y crois pas parce que le temps de latence n’est pas long, on aurait du, alors, voir les premiers signes de la maladie bien avant.
- Comment expliquez-vous que les chiffres annoncés de l’épidémie soient brutalement passés de 6000 arbres touchés à plus de 30 000 ?
- La présence de la xylella dans l’arbre ne se manifeste pas instantanément. Il y a un temps de latence de plusieurs mois. Les contrôles, que nous avons faits l’an dernier, ont concerné les arbres qui présentaient déjà des signes de la maladie. Depuis, un très grand nombre d’arbres ont révélé les symptômes. La xylella s’attaque d’abord à la cime du feuillage, puis descend progressivement vers le tronc. Nous n’avons pas compris tout de suite que le problème était la xylella qui a pu, donc, continuer à infecter l’arbre en entier et tous les arbres autour. La cicadelle ayant continué à transmettre l’épidémie, nous devrions, cette année, constater d’autres dégâts. Tant que nous n’arriverons pas à bloquer le processus de l’infection, l’épidémie continuera à se développer.
- Comment comptez-vous le bloquer ?
- Nous avons concentré les contrôles sur les lieux où il y avait des signes de la présence de la xylella. Nous avons rapidement constaté que sa propagation est très importante sur la province de Lecce où l’infection est, pour l’instant, contenue. Les zones de Brindisi, Bari et Tarento ne sont pas, aujourd’hui, touchées. Nous avons, donc, décidé de tracer une ligne de démarcation de 2 kilomètres de large et de 50 kilomètres de long qui va de l’Adriatique à la mer Ionienne, puis de la doubler au Nord par une autre ligne de démarcation également de deux kilomètres pour isoler la zone infectée du reste des Pouilles. Nous avons regroupé les zones de confinement éparses et constituer un bloc confiné. Ce bloc sera sous contrôle total pour empêcher les cicadelles infectées de passer les lignes. Sur chaque ligne, nous ferons une série d’interventions liées au traitement de l’infection et à l’éradication des cicadelles qui sont les vecteurs de l’infection.
- Quand allez-vous mettre en œuvre ce nouveau plan d’action ?
- Tout de suite ! Il s’agit vraiment de contenir l’épidémie et de l’empêcher de s’étendre au-delà de la province de Lecce. Nous allons sur les lignes contrôler les insectes-vecteurs et procéder à l’abattage des arbres contaminés afin que la maladie soit éradiquée dans ces zones tampons.
- Allez-vous traiter les vecteurs avec des insecticides ?
- Non ! Nous allons, d’abord, traiter l’herbe des exploitations de manière mécanique, la ratisser et la retourner parce que la cicadelle vit et se reproduit dans l’herbe. Les jeunes insectes ne volent pas et ne vont pas se poser sur les plantes. Quand le mois de juin approche, l’herbe commence à sécher, les cicadelles, devenues adultes, vont se poser sur la cime des arbres. A ce moment-là, nous pouvons intervenir avec des insecticides, ceux utilisés pour combattre les parasites de l’olivier, comme la mouche par exemple. Nous pensons qu’ils seront efficaces.
- Certaines associations craignent que l’utilisation d’insecticides n’ait des effets néfastes sur la santé publique. Que leur répondez-vous ?
- Elles craignent une utilisation massive avec un épandage par avion. Mais, ce n’est pas ce que nous voulons faire ! Nous essaierons d’être le moins invasif et le moins impactant possible de ce point de vue-là. Pour ma part, je suis partisan d’utiliser des produits nouveaux, biologiques, que nous sommes en train d’expérimenter. S’ils s’avèrent efficaces, nous les utiliserons.
- Malgré les zones de confinement et les interdictions d’importations, les pépiniéristes de Lecce continuent de vendre des plants d’oliviers. Comment allez-vous y remédier ?
- En ce moment, les pépiniéristes traversent une crise totale ! Selon le décret que nous avons pris, ils n’ont absolument pas le droit de vendre des arbres contaminés, ils doivent impérativement les brûler. Nous leur portons une attention particulière et nous effectuons de contrôles fréquents. Nous constatons que, pour l’instant, les arbres des pépinières sont plutôt sains. Nous n’avons encore jamais trouvé un arbre infecté dans une pépinière !
- Comment pouvez-vous être sûr des contrôles effectués ?
- Nous vérifions que la plante est accréditée, c’est-à-dire qu’elle a été enregistrée et traitée. Mais la zone infectée n’est pas une zone de production de plants d’oliviers, la plupart de ceux vendus dans les pépinières viennent d’autres zones. Les plants ne font que transiter. Ils sont produits à Tarento, à Bari ou à Focce, qui ne sont pas des zones touchées par la xylella.
- Quel budget allez-vous consacrer à la lutte contre la propagation de l’épidémie ?
- La région des Pouilles a déjà mis 6 millions € à disposition, en 2015, pour faire face à l’épidémie et aider les oléiculteurs. Cette somme sera consacrée à une action de contrôle et de recherche de l’infection. Des universitaires locaux seront mandatés par la région, notamment le professeur Dominico Bosco, devenu le spécialiste mondial de l’infection des Pouilles, pour travailler à la résolution du problème. L’Etat italien a promis de dégager 2,5 millions €.
- L’Etat ou la région ont-ils mis en place des mesures ?
- Oui ! Un certain nombre de décrets ont déjà été pris. Le premier établit les mesures obligatoires à appliquer dans la zone infectée du Salento, comme par exemple la taille des branches et leur brûlage. Le dernier date du 26 septembre.
- Ce décret rencontre une résistance chez les agriculteurs qui refusent de couper les arbres et de les brûler. Comment jugez-vous cette attitude ?
- Plus qu’une résistance, les oléiculteurs, en ce moment, demandent une aide économique pour traverser cette mauvaise passe. Nous l’avons prévu dans notre budget régional ainsi qu’une aide à la reconversion pour ceux, qui acceptent de couper les oliviers, et replanter d’autres cultures. Nous leur proposons aussi une aide pour le contrôle et la prévention de l’épidémie.
- Pouvez-vous estimer la perte de production d’huile d’olive ?
- Oui. Cette année, il y a, d’abord, une chute globale de la production due au fait que la récolte de l’olive est biennale et que c’est une année creuse avec peu d’olives. En plus, dans les régions infectées s’ajoute le problème de la xylella. La perte est estimée à 40%.
- L’infection a-t-elle un effet négatif sur la qualité de l’huile ?
- Non ! Absolument pas ! Il n’y a aucun effet négatif. L’olive, qui devient grosse, est saine et reste saine. L’huile d’olive ne présente aucune trace de la xylella, c’est scientifiquement prouvé ! Il n’y a aucune altération de la qualité ou du goût. Beaucoup d’huiles viennent des autres régions des Pouilles qui ne sont pas contaminées. Nous avons prévu, dans notre programme, de communiquer pour dire aux consommateurs qu’ils peuvent utiliser, en toute tranquillité, notre huile d’olive. Elle n’est pas touchée par l’épidémie.
Propos recueillis par Nicole MARI
La délégation corse : Saveriu Luciani, Barbara Carayol et Daniel Sainte Beuve.
Seul, un blocus pourrait sauver la Corse !
Le parlement régional des Pouilles vient de voter une motion de défiance contre Fabrizio Nardoni, l’assesseur régional pour l’agriculture, accusé d’avoir peu et mal géré l’épidémie de xylella fastidiosa qui dévaste les oliveraies du Salento depuis plus d’un an ! Une motion qui met cruellement en lumière l’indigence de la réactivité et des moyens mis en œuvre pour pallier l’épidémie. Depuis le 15 octobre 2013, la région des Pouilles n’y a consacré que 300 000 € pour du monitoring, c’est-à-dire pour payer une équipe de 16 techniciens qui, encadrés par des inspecteurs phytosanitaires de la région, ont, pendant près de 5 mois, effectué des tests. Encore plus étonnant, la région va attendre, 2015, pour investir 6 millions € dans le traitement de la xylella. Des fonds et une intervention dérisoires par rapport à l’ampleur de la catastrophe potentielle. D’où la colère des oléiculteurs qui n’ont toujours pas touché un centime d’aides et se disent abandonnés par la classe politique. De leur côté, les autorités locales n’évoquent qu’avec gêne la difficulté d’obtenir des oléiculteurs le sacrifice de leurs oliveraies, exigé par l’Europe, d’autant que cette mesure est en contradiction avec une loi qui empêche de transplanter les vieux oliviers.
Des lignes de front
Le symposium de Gallipoli a prouvé l’urgence d’agir. De la région des Pouilles à l’Union européenne, en passant par l’Etat italien, tous semblent avoir, enfin, pris la mesure de la gravité du problème. La région a mis sur pied un nouveau plan d’action qui semble être une mise en quarantaine totale du talon de la botte italienne. La zone infestée est séparée de la zone saine par une ligne de front à trois paliers. Le premier est la ligne d’éradication de la zone infestée, où, sur deux kilomètres, tous les arbres et plantes seront détruits pour éviter qu’ils ne propagent l’infection. Le 2nd est une ligne de démarcation de deux kilomètres, sorte de zone tampon très surveillée où une action de riposte immédiate sera mise en place en prévision d’éventuels signes d’infection. Le 3ème est un cordon sanitaire de deux kilomètres qui est censé être totalement sain. Une barrière à trois niveaux supposée contenir le fléau. Dans la zone totalement confinée, qui correspond à la province de Leccia, des mesures phytosanitaires sont, déjà, appliquées : la taille des plants, la destruction et le brûlage des branches et des feuilles infectées. S’y rajoutera des traitements sur du long terme. Mais avec quelle efficacité ? « Les mesures prises le sont presque trop tard étant donné le temps de latence et, donc, l’avance qu’aurait la xylella sur une action qui se déclencherait aujourd’hui », indique le professeur Savino de l’université de Bari. « Comme l’ont fait les Etats-Unis, les Pouilles devront procéder par essai, corrigeant au fur et à mesure les erreurs », ajoute le professeur Purcell, spécialiste mondial de la xylella fastidiosa.
Une voix unique
Côté européen, Bruxelles se dit prête à indemniser les agriculteurs sinistrés et à modifier en fonction des nécessités le cadre général de la directive 2000/29/EC qui liste les mesures à prendre en cas d’épidémie. Celles-ci vont de l’interdiction d’exporter aux délimitations de zones. Le cadre peut évoluer en fonction de la situation, des modifications ou de la spécificité des zonages. Dans ce dispositif, l’urgence est à la prévention. Mais l’apparition de nouveaux foyers montre les limites de l’exercice et la nécessité de l’adapter en permanence. Aussi l’EFSA, organisme de sécurité alimentaire européenne, fera-t-elle un audit et établira-t-elle un nouveau plan de mesures en fonction des données recueillies. Devant la complexité de la situation et le manque de moyens, l’Observatoire des Pouilles insiste sur la nécessité de parler d’une voix unique, de coordonner toutes les actions et de privilégier des réponses pratiques pour des applications efficaces. Il en appelle à la responsabilité collective.
Des Corses inquiets
La délégation corse, qui assiste au symposium, écoute avec effarement la description d’une situation qui s’avère encore pire que prévue. Mandatée par l’ODARC pour prendre le pouls du malade et évaluer la situation locale et le risque potentiel pour la Corse, elle s’émeut, quelque peu, de la faiblesse du plan d’action décidé et s’interroge sur son efficacité. « Je suis venue avec une mission d’observation pour rapporter l’état d’avancement des recherches, la situation sur le terrain et les actions mises en place. De nombreux travaux ont été effectués sur la souche de la bactérie trouvée dans les Pouilles, ainsi que sur les vecteurs et les plantes hôtes possibles. Malgré tout, pour l’instant, aucune solution de traitement ou d’éradication n’a fonctionné. C’est plutôt pessimiste ! Des plans de contrôle de la maladie sont en cours d’évolution. La maladie n’est plus uniquement concentrée sur certains foyers, mais s’est étendue à toute la région des Pouilles. Les oléiculteurs corses étaient déjà inquiets. Cette extension de la maladie ne peut que les inquiéter davantage. Les informations, dont nous disposions, n’étaient pas fausses. C’est vraiment une catastrophe qui s’annonce pour les Pouilles, mais aussi pour la Corse si la maladie arrive ! », commente Barbara Carayol, animatrice du syndicat interprofessionnel des oléiculteurs de Corse et du syndicat Oliu di Corsica.
Comme Tchernobyl !
Un pessimisme que partage Daniel Sainte-Beuve, responsable des filières végétales auprès de l’ODARC (Office de développement agricole de la Corse) : « La situation dans les Pouilles est alarmante. Elle n’est plus sous contrôle. La menace est très réelle pour les autres régions italiennes et, très probablement, pour l’ensemble du bassin méditerranéen. Les mesures, qui ont été décidées pour tenter d’éradiquer l’épidémie, sont, sans doute, trop tardives et insuffisantes ! Peut-être sera-t-il possible de limiter la contamination à certaines régions, mais il semble illusoire d’espérer venir à bout de la xylella sur le territoire où elle s’est installée ». Pour l’expert agricole, la situation du Salento est comparable à celle de Tchernobyl. « Une fois que l’irradiation a touché une zone, on ne peut plus l’éliminer. Une fois que la xylella est présente sur un territoire, non seulement on ne peut plus l’éliminer, mais en plus elle se développe. Je le répète : on ne se débarrassera pas de la xylella dans les zones contaminées. Le système ne sera jamais imperméable d’autant que le premier transporteur de la maladie est l’homme par le biais des moyens de transports et des échanges commerciaux ». Pour lui, la Corse ne peut échapper au fléau : « La Corse est très exposée. Ce n’est même plus une question de risque, mais une question de délai. Si nous continuons à laisser entrer impunément les végétaux sans contrôle, si nous continuons à imaginer que nous pourrons éteindre un foyer, la cause est perdue ! Je pense que, puisque nous n’arrivons pas à l’éradiquer, la seule solution est, dans l’immédiat, de geler la circulation des végétaux, le temps de mettre en place un dispositif qui permette de contrôler au maximum, à la mesure de la menace, tout ce qui rentre en Corse ». Un avis partagé par nombre de scientifiques présents au symposium qui, dans une belle unanimité, ont déclaré que, seul, un blocus pourrait sauver la Corse !
N.M.
Le parlement régional des Pouilles vient de voter une motion de défiance contre Fabrizio Nardoni, l’assesseur régional pour l’agriculture, accusé d’avoir peu et mal géré l’épidémie de xylella fastidiosa qui dévaste les oliveraies du Salento depuis plus d’un an ! Une motion qui met cruellement en lumière l’indigence de la réactivité et des moyens mis en œuvre pour pallier l’épidémie. Depuis le 15 octobre 2013, la région des Pouilles n’y a consacré que 300 000 € pour du monitoring, c’est-à-dire pour payer une équipe de 16 techniciens qui, encadrés par des inspecteurs phytosanitaires de la région, ont, pendant près de 5 mois, effectué des tests. Encore plus étonnant, la région va attendre, 2015, pour investir 6 millions € dans le traitement de la xylella. Des fonds et une intervention dérisoires par rapport à l’ampleur de la catastrophe potentielle. D’où la colère des oléiculteurs qui n’ont toujours pas touché un centime d’aides et se disent abandonnés par la classe politique. De leur côté, les autorités locales n’évoquent qu’avec gêne la difficulté d’obtenir des oléiculteurs le sacrifice de leurs oliveraies, exigé par l’Europe, d’autant que cette mesure est en contradiction avec une loi qui empêche de transplanter les vieux oliviers.
Des lignes de front
Le symposium de Gallipoli a prouvé l’urgence d’agir. De la région des Pouilles à l’Union européenne, en passant par l’Etat italien, tous semblent avoir, enfin, pris la mesure de la gravité du problème. La région a mis sur pied un nouveau plan d’action qui semble être une mise en quarantaine totale du talon de la botte italienne. La zone infestée est séparée de la zone saine par une ligne de front à trois paliers. Le premier est la ligne d’éradication de la zone infestée, où, sur deux kilomètres, tous les arbres et plantes seront détruits pour éviter qu’ils ne propagent l’infection. Le 2nd est une ligne de démarcation de deux kilomètres, sorte de zone tampon très surveillée où une action de riposte immédiate sera mise en place en prévision d’éventuels signes d’infection. Le 3ème est un cordon sanitaire de deux kilomètres qui est censé être totalement sain. Une barrière à trois niveaux supposée contenir le fléau. Dans la zone totalement confinée, qui correspond à la province de Leccia, des mesures phytosanitaires sont, déjà, appliquées : la taille des plants, la destruction et le brûlage des branches et des feuilles infectées. S’y rajoutera des traitements sur du long terme. Mais avec quelle efficacité ? « Les mesures prises le sont presque trop tard étant donné le temps de latence et, donc, l’avance qu’aurait la xylella sur une action qui se déclencherait aujourd’hui », indique le professeur Savino de l’université de Bari. « Comme l’ont fait les Etats-Unis, les Pouilles devront procéder par essai, corrigeant au fur et à mesure les erreurs », ajoute le professeur Purcell, spécialiste mondial de la xylella fastidiosa.
Une voix unique
Côté européen, Bruxelles se dit prête à indemniser les agriculteurs sinistrés et à modifier en fonction des nécessités le cadre général de la directive 2000/29/EC qui liste les mesures à prendre en cas d’épidémie. Celles-ci vont de l’interdiction d’exporter aux délimitations de zones. Le cadre peut évoluer en fonction de la situation, des modifications ou de la spécificité des zonages. Dans ce dispositif, l’urgence est à la prévention. Mais l’apparition de nouveaux foyers montre les limites de l’exercice et la nécessité de l’adapter en permanence. Aussi l’EFSA, organisme de sécurité alimentaire européenne, fera-t-elle un audit et établira-t-elle un nouveau plan de mesures en fonction des données recueillies. Devant la complexité de la situation et le manque de moyens, l’Observatoire des Pouilles insiste sur la nécessité de parler d’une voix unique, de coordonner toutes les actions et de privilégier des réponses pratiques pour des applications efficaces. Il en appelle à la responsabilité collective.
Des Corses inquiets
La délégation corse, qui assiste au symposium, écoute avec effarement la description d’une situation qui s’avère encore pire que prévue. Mandatée par l’ODARC pour prendre le pouls du malade et évaluer la situation locale et le risque potentiel pour la Corse, elle s’émeut, quelque peu, de la faiblesse du plan d’action décidé et s’interroge sur son efficacité. « Je suis venue avec une mission d’observation pour rapporter l’état d’avancement des recherches, la situation sur le terrain et les actions mises en place. De nombreux travaux ont été effectués sur la souche de la bactérie trouvée dans les Pouilles, ainsi que sur les vecteurs et les plantes hôtes possibles. Malgré tout, pour l’instant, aucune solution de traitement ou d’éradication n’a fonctionné. C’est plutôt pessimiste ! Des plans de contrôle de la maladie sont en cours d’évolution. La maladie n’est plus uniquement concentrée sur certains foyers, mais s’est étendue à toute la région des Pouilles. Les oléiculteurs corses étaient déjà inquiets. Cette extension de la maladie ne peut que les inquiéter davantage. Les informations, dont nous disposions, n’étaient pas fausses. C’est vraiment une catastrophe qui s’annonce pour les Pouilles, mais aussi pour la Corse si la maladie arrive ! », commente Barbara Carayol, animatrice du syndicat interprofessionnel des oléiculteurs de Corse et du syndicat Oliu di Corsica.
Comme Tchernobyl !
Un pessimisme que partage Daniel Sainte-Beuve, responsable des filières végétales auprès de l’ODARC (Office de développement agricole de la Corse) : « La situation dans les Pouilles est alarmante. Elle n’est plus sous contrôle. La menace est très réelle pour les autres régions italiennes et, très probablement, pour l’ensemble du bassin méditerranéen. Les mesures, qui ont été décidées pour tenter d’éradiquer l’épidémie, sont, sans doute, trop tardives et insuffisantes ! Peut-être sera-t-il possible de limiter la contamination à certaines régions, mais il semble illusoire d’espérer venir à bout de la xylella sur le territoire où elle s’est installée ». Pour l’expert agricole, la situation du Salento est comparable à celle de Tchernobyl. « Une fois que l’irradiation a touché une zone, on ne peut plus l’éliminer. Une fois que la xylella est présente sur un territoire, non seulement on ne peut plus l’éliminer, mais en plus elle se développe. Je le répète : on ne se débarrassera pas de la xylella dans les zones contaminées. Le système ne sera jamais imperméable d’autant que le premier transporteur de la maladie est l’homme par le biais des moyens de transports et des échanges commerciaux ». Pour lui, la Corse ne peut échapper au fléau : « La Corse est très exposée. Ce n’est même plus une question de risque, mais une question de délai. Si nous continuons à laisser entrer impunément les végétaux sans contrôle, si nous continuons à imaginer que nous pourrons éteindre un foyer, la cause est perdue ! Je pense que, puisque nous n’arrivons pas à l’éradiquer, la seule solution est, dans l’immédiat, de geler la circulation des végétaux, le temps de mettre en place un dispositif qui permette de contrôler au maximum, à la mesure de la menace, tout ce qui rentre en Corse ». Un avis partagé par nombre de scientifiques présents au symposium qui, dans une belle unanimité, ont déclaré que, seul, un blocus pourrait sauver la Corse !
N.M.