Saveriu Luciani, conseiller exécutif en charge de la langue et de la culture corses.
- Après un an d’exercice et diverses actions à Paris, comment se porte l’enseignement de la langue et de la culture corses ? A-t-il évolué comme vous le souhaitiez ?
- C’est une situation en trompe l’œil. L’état des lieux n’est guère reluisant et nous commande, à l’orée d’élections importantes, de tenir un discours de vérité vis-à-vis du Peuple Corse. Au cours de nos rencontres, le Recteur a souvent parlé de « changement de paradigme éducatif » jetant les bases d’une véritable cogestion. Ce sont ses propres mots, je n’invente rien ! Nous adhérons volontiers à l’idée qui avait été approuvée par une majorité d’élus de l’Assemblée de Corse en 2015, à travers le plan Lingua 2020. Cependant, cela supposerait une concertation et une négociation permanentes entre la CTC et les autorités académiques, c'est-à-dire un vrai partage des responsabilités dans un Conseil académique territorial, dont la création avait été demandée dans le plan Lingua 2020.
- Cette cogestion est-elle effective?
- Pour l’instant, en matière de langue, la fameuse cogestion se traduit par une forte augmentation de la contribution financière de la CTC : plus de 400 000 €. En face, que peut-on mettre ? Du positif, avec la mise en œuvre d’un grand plan de formation du 1er degré qui semble bien fonctionner, dans le cadre du CPER. La CTC engage sur 5 ans près d’un million et demi d’euros. Du négatif, avec une perte sèche d’effectifs en classe de 5ème, due à la réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem, malgré les dénégations de la ministre. Lors de notre entrevue à Paris en mai dernier, nous avons formulé des craintes qui étaient malheureusement fondées. Si nous restons ouverts à la discussion, nous n’admettrons plus des discours « mensonges de santé » qui ne règlent rien et se résument à culpabiliser les seuls professeurs de corse !
- C’est-à-dire ?
- Dans le secondaire, la politique de l’enseignement du corse est soumise à une sorte de dérégulation structurelle. En raison de l’autonomie des établissements, elle dépend entièrement du bon vouloir des principaux et des proviseurs qui subissent les injonctions du ministère, des rapports de force avec les enseignants et entre les enseignants eux-mêmes. Ceci, dans tous les établissements. L’autonomie actuelle, c’est le corse financé de plus en plus par la CTC ! L’Etat ne concède rien sur les grandes orientations. La variation parfois considérable des effectifs d’un établissement à l’autre traduit cet état de fait.
- Est-ce une façon de défendre les professeurs de langue corse ?
- Ils ne peuvent pas porter, seuls, le poids de la politique linguistique hasardeuse de l’Education, et encore moins la responsabilité de ce recul historique des effectifs. S’il faut véritablement chercher la cause de ce quasi échec, point n’est besoin d’aller chercher très loin … ! Chacun sait pertinemment que les enseignants de corse sont parfois en situation de précarité pédagogique au sein de leurs établissements. On reproche à quelques-uns d’être en sous-service, or ces sous-services sont générés structurellement par la situation de la discipline, son statut optionnel, et sa mise en double concurrence avec des matières plus porteuses sur le marché des disciplines scolaires, et avec des emplois du temps dissuasifs pour les élèves. Dont acte.
- Le 21 juin, avec Gilles Simeoni, vous dénonciez, dans une lettre, les effets pervers de la réforme du collège. Est-ce aussi inquiétant que vous le disiez ?
- La réponse est contenue dans cette fameuse lettre dans laquelle nous avions anticipé les difficultés. Je me permets de citer un passage éloquent concernant le collège : « Si la réforme que vous mettez en œuvre apporte des pistes susceptibles d’améliorer l’équité et l’efficacité du système éducatif, elle ne manquera pas d’occasionner hic et nunc un certain nombre d’effets pervers imparables. La mise en concurrence du corse avec des langues étrangères mieux estimées sur une sorte de marché des disciplines qui ne dit pas son nom mais dont tous les spécialistes de sciences de l’éducation savent qu’il existe impactera doublement l’offre du corse au collège… Mais le risque d’effondrement brutal de la demande par mise en concurrence dès la cinquième portera inévitablement tort à la consolidation des acquis du primaire, en filière bilingue comme en filière standard ; il provoquera une déstabilisation des emplois du temps des professeurs concernés. Ceux-ci perdront de fait un nombre d’heures conséquent et pourront y puiser des raisons non infondées au découragement et à la démobilisation. ». Sans autre commentaire !
- C’est une situation en trompe l’œil. L’état des lieux n’est guère reluisant et nous commande, à l’orée d’élections importantes, de tenir un discours de vérité vis-à-vis du Peuple Corse. Au cours de nos rencontres, le Recteur a souvent parlé de « changement de paradigme éducatif » jetant les bases d’une véritable cogestion. Ce sont ses propres mots, je n’invente rien ! Nous adhérons volontiers à l’idée qui avait été approuvée par une majorité d’élus de l’Assemblée de Corse en 2015, à travers le plan Lingua 2020. Cependant, cela supposerait une concertation et une négociation permanentes entre la CTC et les autorités académiques, c'est-à-dire un vrai partage des responsabilités dans un Conseil académique territorial, dont la création avait été demandée dans le plan Lingua 2020.
- Cette cogestion est-elle effective?
- Pour l’instant, en matière de langue, la fameuse cogestion se traduit par une forte augmentation de la contribution financière de la CTC : plus de 400 000 €. En face, que peut-on mettre ? Du positif, avec la mise en œuvre d’un grand plan de formation du 1er degré qui semble bien fonctionner, dans le cadre du CPER. La CTC engage sur 5 ans près d’un million et demi d’euros. Du négatif, avec une perte sèche d’effectifs en classe de 5ème, due à la réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem, malgré les dénégations de la ministre. Lors de notre entrevue à Paris en mai dernier, nous avons formulé des craintes qui étaient malheureusement fondées. Si nous restons ouverts à la discussion, nous n’admettrons plus des discours « mensonges de santé » qui ne règlent rien et se résument à culpabiliser les seuls professeurs de corse !
- C’est-à-dire ?
- Dans le secondaire, la politique de l’enseignement du corse est soumise à une sorte de dérégulation structurelle. En raison de l’autonomie des établissements, elle dépend entièrement du bon vouloir des principaux et des proviseurs qui subissent les injonctions du ministère, des rapports de force avec les enseignants et entre les enseignants eux-mêmes. Ceci, dans tous les établissements. L’autonomie actuelle, c’est le corse financé de plus en plus par la CTC ! L’Etat ne concède rien sur les grandes orientations. La variation parfois considérable des effectifs d’un établissement à l’autre traduit cet état de fait.
- Est-ce une façon de défendre les professeurs de langue corse ?
- Ils ne peuvent pas porter, seuls, le poids de la politique linguistique hasardeuse de l’Education, et encore moins la responsabilité de ce recul historique des effectifs. S’il faut véritablement chercher la cause de ce quasi échec, point n’est besoin d’aller chercher très loin … ! Chacun sait pertinemment que les enseignants de corse sont parfois en situation de précarité pédagogique au sein de leurs établissements. On reproche à quelques-uns d’être en sous-service, or ces sous-services sont générés structurellement par la situation de la discipline, son statut optionnel, et sa mise en double concurrence avec des matières plus porteuses sur le marché des disciplines scolaires, et avec des emplois du temps dissuasifs pour les élèves. Dont acte.
- Le 21 juin, avec Gilles Simeoni, vous dénonciez, dans une lettre, les effets pervers de la réforme du collège. Est-ce aussi inquiétant que vous le disiez ?
- La réponse est contenue dans cette fameuse lettre dans laquelle nous avions anticipé les difficultés. Je me permets de citer un passage éloquent concernant le collège : « Si la réforme que vous mettez en œuvre apporte des pistes susceptibles d’améliorer l’équité et l’efficacité du système éducatif, elle ne manquera pas d’occasionner hic et nunc un certain nombre d’effets pervers imparables. La mise en concurrence du corse avec des langues étrangères mieux estimées sur une sorte de marché des disciplines qui ne dit pas son nom mais dont tous les spécialistes de sciences de l’éducation savent qu’il existe impactera doublement l’offre du corse au collège… Mais le risque d’effondrement brutal de la demande par mise en concurrence dès la cinquième portera inévitablement tort à la consolidation des acquis du primaire, en filière bilingue comme en filière standard ; il provoquera une déstabilisation des emplois du temps des professeurs concernés. Ceux-ci perdront de fait un nombre d’heures conséquent et pourront y puiser des raisons non infondées au découragement et à la démobilisation. ». Sans autre commentaire !
- Le groupe de travail, censé évaluer l’impact de la réforme, a-t-il été mis en place comme convenu ?
- Malheureusement, non ! La réponse de Madame Vallaud-Belkacem, intervenue le 31 août, annonçait la mise en place « d’un groupe de travail dans le courant du premier trimestre, conformément à l’engagement pris par le recteur lors du dernier Conseil Académique de la Langue Corse (CALC), chargé de mesurer les effets de la réforme du collège sur l’enseignement LCC et sur le fonctionnement des filières bilingues ». À ce jour, il semble bien que ce groupe de travail ait disparu des écrans radars… S’agit-il d’une omission d’Etat ?
- Vous dénonciez, aussi, la concurrence avec d’autres langues qui ferait chuter l’apprentissage du corse dès la 5ème. La rentrée 2016/2017 a-t-elle justifié votre crainte ?
- Oui ! Les chiffres parlent d’eux-mêmes : alors que 98% des élèves suivent le corse en CM2, ils ne sont plus que 91,47% en sixième, soit une désaffection de 6,53%. De la même manière, en deux ans, les effectifs de langue corse de 5ème ont baissé de 35%... Alors que le Peuple Corse plébiscite à plus de 90% l’avènement d’une société bilingue, que la charte de la langue corse gagne tous les jours des collectivités, des associations et des entreprises, que la langue se développe largement dans l’enseignement primaire, le secondaire connaît un blocage préoccupant, malgré les efforts de la CTC.
- Le corse est-t-il systématiquement proposé dans toutes les classes de 6ème, comme annoncé par la ministre ?
- Oui, mais cette mesure était déjà en vigueur depuis 22 ans, pour être précis depuis 1995…
- Le refus ministériel de rendre l’enseignement de LCC obligatoire en 6ème a-t-il eu un réel impact sur le nombre d’élèves ?
- L’Etat n’a pas l’air de se soucier des contradictions qu’il génère ! La réforme du collège impose une obligation de cohérence disciplinaire entre premier et second degré dans le cycle 3. Or, le principe de libre choix des familles pose une aporie. Entre la logique pédagogique et la posture idéologique : le ministère a choisi ! Résultat : dans l’Académie, une perte de près de 7% des effectifs à l’entrée en sixième, dont plus de 10% en Haute-Corse.
- Najat Vallaud-Belkacem avait confirmé trois mesures, notamment la mise en avant de la langue corse à partir de la classe de 5ème dans le cadre des EPI. A-t-elle été tenue ?
- Ce qui a été tenu, c’est la mise en place des EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires), avec une perte sèche de 10% des effectifs à l’entrée en 5ème ! A partir de cette classe, l’enseignement des langues vivantes 2 prend une place prioritaire dans les emplois du temps. Les heures d’option viennent souvent compléter les grilles horaires, en début de matinée ou en fin d’après-midi. Je passe sur l’effet parfois dissuasif d’un tel dispositif ! Par ailleurs, dans les collèges, l’option corse représente près de 95% des inscrits pour seulement 5% en LV2. Malgré la difficulté, ce chiffre de 95% n’est-il pas la marque encourageante d’une volonté collective d’apprendre le corse ?
- Qu’en est-il dans les autres classes du collège ?
- En septembre 2017, entrera en vigueur le nouveau cycle 4 (5ème- 3ème), dans lequel l’élève, poursuivant le corse dès la 5ème, est tenu de le conserver jusqu’à la fin de la 3ème. Les propositions de dotation horaire globale sont actuellement en discussion et feront l’objet d’avis au sein des Conseils d’administration des établissements secondaires. Nous serons très attentifs aux modalités d’élaboration de ces dotations. Va-t-on demander aux principaux d’établissement de calculer la fameuse dotation, à l’instar des années passées ? En clair, auront-ils consigne de calquer cette dotation sur des données antérieures qui réduisaient mécaniquement le quota horaire de la langue, habituée à une baisse progressive et régulière de ses effectifs de la sixième à la troisième ? Nous y voyons un danger supplémentaire qui, sous couvert d’économies budgétaires, menace le principe même de continuité de l’apprentissage de la langue corse au cycle 4. Cette situation contribuerait à aggraver un peu plus l’actuel constat. D’où le besoin de réponse rapide du recteur sur le sujet.
- Et la situation au lycée ?
- Depuis des années, on y gère la faiblesse du statut, et on ne parvient guère à dépasser 20% des élèves. Malgré l’urgence de prendre en compte le corse à tous les examens, celui-ci reste soumis à une concurrence muette entre disciplines, systématiquement à son détriment.
- Malheureusement, non ! La réponse de Madame Vallaud-Belkacem, intervenue le 31 août, annonçait la mise en place « d’un groupe de travail dans le courant du premier trimestre, conformément à l’engagement pris par le recteur lors du dernier Conseil Académique de la Langue Corse (CALC), chargé de mesurer les effets de la réforme du collège sur l’enseignement LCC et sur le fonctionnement des filières bilingues ». À ce jour, il semble bien que ce groupe de travail ait disparu des écrans radars… S’agit-il d’une omission d’Etat ?
- Vous dénonciez, aussi, la concurrence avec d’autres langues qui ferait chuter l’apprentissage du corse dès la 5ème. La rentrée 2016/2017 a-t-elle justifié votre crainte ?
- Oui ! Les chiffres parlent d’eux-mêmes : alors que 98% des élèves suivent le corse en CM2, ils ne sont plus que 91,47% en sixième, soit une désaffection de 6,53%. De la même manière, en deux ans, les effectifs de langue corse de 5ème ont baissé de 35%... Alors que le Peuple Corse plébiscite à plus de 90% l’avènement d’une société bilingue, que la charte de la langue corse gagne tous les jours des collectivités, des associations et des entreprises, que la langue se développe largement dans l’enseignement primaire, le secondaire connaît un blocage préoccupant, malgré les efforts de la CTC.
- Le corse est-t-il systématiquement proposé dans toutes les classes de 6ème, comme annoncé par la ministre ?
- Oui, mais cette mesure était déjà en vigueur depuis 22 ans, pour être précis depuis 1995…
- Le refus ministériel de rendre l’enseignement de LCC obligatoire en 6ème a-t-il eu un réel impact sur le nombre d’élèves ?
- L’Etat n’a pas l’air de se soucier des contradictions qu’il génère ! La réforme du collège impose une obligation de cohérence disciplinaire entre premier et second degré dans le cycle 3. Or, le principe de libre choix des familles pose une aporie. Entre la logique pédagogique et la posture idéologique : le ministère a choisi ! Résultat : dans l’Académie, une perte de près de 7% des effectifs à l’entrée en sixième, dont plus de 10% en Haute-Corse.
- Najat Vallaud-Belkacem avait confirmé trois mesures, notamment la mise en avant de la langue corse à partir de la classe de 5ème dans le cadre des EPI. A-t-elle été tenue ?
- Ce qui a été tenu, c’est la mise en place des EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires), avec une perte sèche de 10% des effectifs à l’entrée en 5ème ! A partir de cette classe, l’enseignement des langues vivantes 2 prend une place prioritaire dans les emplois du temps. Les heures d’option viennent souvent compléter les grilles horaires, en début de matinée ou en fin d’après-midi. Je passe sur l’effet parfois dissuasif d’un tel dispositif ! Par ailleurs, dans les collèges, l’option corse représente près de 95% des inscrits pour seulement 5% en LV2. Malgré la difficulté, ce chiffre de 95% n’est-il pas la marque encourageante d’une volonté collective d’apprendre le corse ?
- Qu’en est-il dans les autres classes du collège ?
- En septembre 2017, entrera en vigueur le nouveau cycle 4 (5ème- 3ème), dans lequel l’élève, poursuivant le corse dès la 5ème, est tenu de le conserver jusqu’à la fin de la 3ème. Les propositions de dotation horaire globale sont actuellement en discussion et feront l’objet d’avis au sein des Conseils d’administration des établissements secondaires. Nous serons très attentifs aux modalités d’élaboration de ces dotations. Va-t-on demander aux principaux d’établissement de calculer la fameuse dotation, à l’instar des années passées ? En clair, auront-ils consigne de calquer cette dotation sur des données antérieures qui réduisaient mécaniquement le quota horaire de la langue, habituée à une baisse progressive et régulière de ses effectifs de la sixième à la troisième ? Nous y voyons un danger supplémentaire qui, sous couvert d’économies budgétaires, menace le principe même de continuité de l’apprentissage de la langue corse au cycle 4. Cette situation contribuerait à aggraver un peu plus l’actuel constat. D’où le besoin de réponse rapide du recteur sur le sujet.
- Et la situation au lycée ?
- Depuis des années, on y gère la faiblesse du statut, et on ne parvient guère à dépasser 20% des élèves. Malgré l’urgence de prendre en compte le corse à tous les examens, celui-ci reste soumis à une concurrence muette entre disciplines, systématiquement à son détriment.
- Trois heures de corse par semaine, est-ce suffisant ?
- Certains y verront un début de polémique, mais 3 heures correspondent à l’enseignement d’une langue étrangère. Doit-on espérer en finir bientôt avec cette curieuse manière de considérer le rôle de la langue corse au sein du système éducatif insulaire ? Une décision politique s’impose pour améliorer l’offre et stabiliser son espace pédagogique dans tous les établissements, avec une feuille de route précisant, aux principaux et aux proviseurs, les modalités de cette nouvelle organisation.
- Quel bilan tirez-vous des classes bilingues ?
- Plutôt satisfaisant dans le primaire, où 35% des classes sont bilingues, en stagnation en collège (15%) et au point mort en lycée (moins de 1%)… La satisfaction, en espérant un retour sur investissement, c’est l’adhésion forte des enseignants au Grand plan de formation du primaire. Cela devrait produire des effets positifs sur le court et moyen termes, quant au développement des filières bilingues. Pour autant, il ne s’agit là que de données quantitatives. Nous devons désormais passer, si la cogestion devient réellement effective, à la systématisation des évaluations de cette politique linguistique. En attendant un développement déterminant dans le secondaire…
- Elles devaient être maintenues et développées. Est-ce le cas ?
- Oui ! Dans le primaire, le développement se poursuit, bon gré mal gré, depuis 1996, et ce, nonobstant certaines pesanteurs et contraintes. Par contre, dans le secondaire, si la situation est intéressante dans les collèges du rural, elle reste délicate dans tous les grands établissements. L’actuelle mandature nationaliste se préoccupe de récolter des chiffres précis et détaillés sur l’état de l’enseignement de la langue. À l’évidence, il semble bien que tous nos prédécesseurs se soient toujours montrés plus discrets sur la récupération de données statistiques pourtant essentielles. Pour notre part, nous estimons légitime, au regard des sommes engagées, en constante augmentation, de demander des comptes…
- Une autre mesure ministérielle était la création d’une brigade de formation de vingt contractuels pour assurer sur six ans un plan de formation des professeurs des écoles. A-t-elle été tenue ?
- Oui ! Nous finançons toute la partie logistique. Le plan, au regard des éléments d’information à disposition, semble bien se dérouler. La coordination avec les instances académiques a été probante, car c’est une opération complexe dans laquelle la CTC engage 255 000 € par an. Cet effort, inédit dans l’histoire de la formation des personnels enseignants, est considérable !
- Les cinq postes de professeurs dans les Disciplines non linguistiques (DNL) ont-ils été affectés dans les filières bilingues du secondaire, comme promis ?
- Oui ! Mais au regard du défi à relever, c’est proprement dérisoire … À ce rythme, calculez le temps qu’il nous faudra pour répondre aux besoins et aux objectifs ! Se posent fondamentalement les questions des principes de formation et de recrutement énoncés dans le plan « Lingua 2020 ».
- Certains y verront un début de polémique, mais 3 heures correspondent à l’enseignement d’une langue étrangère. Doit-on espérer en finir bientôt avec cette curieuse manière de considérer le rôle de la langue corse au sein du système éducatif insulaire ? Une décision politique s’impose pour améliorer l’offre et stabiliser son espace pédagogique dans tous les établissements, avec une feuille de route précisant, aux principaux et aux proviseurs, les modalités de cette nouvelle organisation.
- Quel bilan tirez-vous des classes bilingues ?
- Plutôt satisfaisant dans le primaire, où 35% des classes sont bilingues, en stagnation en collège (15%) et au point mort en lycée (moins de 1%)… La satisfaction, en espérant un retour sur investissement, c’est l’adhésion forte des enseignants au Grand plan de formation du primaire. Cela devrait produire des effets positifs sur le court et moyen termes, quant au développement des filières bilingues. Pour autant, il ne s’agit là que de données quantitatives. Nous devons désormais passer, si la cogestion devient réellement effective, à la systématisation des évaluations de cette politique linguistique. En attendant un développement déterminant dans le secondaire…
- Elles devaient être maintenues et développées. Est-ce le cas ?
- Oui ! Dans le primaire, le développement se poursuit, bon gré mal gré, depuis 1996, et ce, nonobstant certaines pesanteurs et contraintes. Par contre, dans le secondaire, si la situation est intéressante dans les collèges du rural, elle reste délicate dans tous les grands établissements. L’actuelle mandature nationaliste se préoccupe de récolter des chiffres précis et détaillés sur l’état de l’enseignement de la langue. À l’évidence, il semble bien que tous nos prédécesseurs se soient toujours montrés plus discrets sur la récupération de données statistiques pourtant essentielles. Pour notre part, nous estimons légitime, au regard des sommes engagées, en constante augmentation, de demander des comptes…
- Une autre mesure ministérielle était la création d’une brigade de formation de vingt contractuels pour assurer sur six ans un plan de formation des professeurs des écoles. A-t-elle été tenue ?
- Oui ! Nous finançons toute la partie logistique. Le plan, au regard des éléments d’information à disposition, semble bien se dérouler. La coordination avec les instances académiques a été probante, car c’est une opération complexe dans laquelle la CTC engage 255 000 € par an. Cet effort, inédit dans l’histoire de la formation des personnels enseignants, est considérable !
- Les cinq postes de professeurs dans les Disciplines non linguistiques (DNL) ont-ils été affectés dans les filières bilingues du secondaire, comme promis ?
- Oui ! Mais au regard du défi à relever, c’est proprement dérisoire … À ce rythme, calculez le temps qu’il nous faudra pour répondre aux besoins et aux objectifs ! Se posent fondamentalement les questions des principes de formation et de recrutement énoncés dans le plan « Lingua 2020 ».
- La langue est un combat fondamental pour les Nationalistes. Depuis votre arrivée au pouvoir, qu’avez-vous fait pour la promouvoir et la développer ? Avec quels moyens ? Avec quels résultats ?
- Dans l’enseignement, le CPER prévoit près de 18 millions € pour la langue, dont 9 à charge de la CTC. Nos budgets sont en constante augmentation. Si nous enregistrons un bon début du grand plan de formation dans le primaire, nous attendons toujours la mise en place d’un grand plan similaire dans le secondaire. Il est indispensable ! Dernièrement, nous avons signifié clairement à l’Etat notre volonté de nous y engager très fortement, au nom de la cogestion à construire. Il est grand temps pour l’Exécutif territorial de poser politiquement la question au plus haut niveau de l’Etat français, d’autant que l’Assemblée de Corse, sous l’impulsion de l’Exécutif, a adopté le principe d’un cadre normatif pour notre île. Dans la société, « l’effet 13 décembre 2015 » semble jouer à plein. Il y a une grande mobilisation autour de la Charte de la Langue Corse. Désormais, il faut dépasser les incantations et les symboles. C’est pourquoi nous nous attachons à proposer une ingénierie aux organismes publics et privés, que la Collectivité accompagnera dans la prise en compte des engagements.
- La langue corse est-elle toujours en danger ou avez-vous réussi à inverser la tendance ?
- Il faut plusieurs années pour évaluer l’efficacité des politiques. Alors que l’UNESCO nous place toujours sur la liste des langues menacées, Il serait proprement irresponsable, voire démagogique, de prétendre avoir inversé, en l’espace d’une seule année, une situation compromise. D’autant que le processus requiert bien plus que l’investissement et l’action du pouvoir politique, et ce dans tous les pays du monde. Se posent de manière urgente la question du statut de la langue, au moment où volonté politique et populaire sont au rendez-vous de la construction d’une société bilingue. Cela valide notre credo : « u Corsu, lingua di tutti, una lingua per tutti ! ».
- Quel est, pour vous, le danger le plus aigu et la réponse la plus urgente à apporter ?
- Le danger majeur serait la perte de locuteurs. Nous avons un problème sérieux avec les générations de 15 à 50 ans. C’est dans ces tranches d’âge que la perte linguistique est la plus significative. Concernant la transmission familiale, seuls 2 % des parents parleraient seulement en corse à leurs enfants, et 15% parleraient les deux langues à parité. Face à ce constat, la solution reste une action forte et résolue sur le long terme. Notre feuille de route exige un effort financier considérable. Nous devons relever le défi et continuer à nous inspirer des modèles glottopolitiques catalans et basques.
- Que comptez-vous faire ? Pensez-vous réussir, à court terme, à négocier un statut ?
- Au-delà du programme déjà engagé, nous proposerons rapidement un nouveau Cunsigliu di a Lingua, une convention avec l’Università, des actions fortes et d’ampleur dans le domaine sociétal. Cependant, les marges de manœuvre de ces quelques mois de 2017 sont réduites, et pour cause ! Il faut, néanmoins, accentuer l’action de la CTC, y compris dans un contexte électoral dense et la préparation de la collectivité unique. La véritable négociation sur le statut de coofficialité sera vraisemblablement confortée par une confirmation de la victoire du courant nationaliste aux prochaines Territoriales. Aujourd’hui, qui est capable de porter une stratégie de coofficialisation et engager une lutte quotidienne de tous les instants sur tous les fronts contre tous les obstacles juridiques déjà identifiés, si ce ne sont pas les Nationalistes ?
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Dans l’enseignement, le CPER prévoit près de 18 millions € pour la langue, dont 9 à charge de la CTC. Nos budgets sont en constante augmentation. Si nous enregistrons un bon début du grand plan de formation dans le primaire, nous attendons toujours la mise en place d’un grand plan similaire dans le secondaire. Il est indispensable ! Dernièrement, nous avons signifié clairement à l’Etat notre volonté de nous y engager très fortement, au nom de la cogestion à construire. Il est grand temps pour l’Exécutif territorial de poser politiquement la question au plus haut niveau de l’Etat français, d’autant que l’Assemblée de Corse, sous l’impulsion de l’Exécutif, a adopté le principe d’un cadre normatif pour notre île. Dans la société, « l’effet 13 décembre 2015 » semble jouer à plein. Il y a une grande mobilisation autour de la Charte de la Langue Corse. Désormais, il faut dépasser les incantations et les symboles. C’est pourquoi nous nous attachons à proposer une ingénierie aux organismes publics et privés, que la Collectivité accompagnera dans la prise en compte des engagements.
- La langue corse est-elle toujours en danger ou avez-vous réussi à inverser la tendance ?
- Il faut plusieurs années pour évaluer l’efficacité des politiques. Alors que l’UNESCO nous place toujours sur la liste des langues menacées, Il serait proprement irresponsable, voire démagogique, de prétendre avoir inversé, en l’espace d’une seule année, une situation compromise. D’autant que le processus requiert bien plus que l’investissement et l’action du pouvoir politique, et ce dans tous les pays du monde. Se posent de manière urgente la question du statut de la langue, au moment où volonté politique et populaire sont au rendez-vous de la construction d’une société bilingue. Cela valide notre credo : « u Corsu, lingua di tutti, una lingua per tutti ! ».
- Quel est, pour vous, le danger le plus aigu et la réponse la plus urgente à apporter ?
- Le danger majeur serait la perte de locuteurs. Nous avons un problème sérieux avec les générations de 15 à 50 ans. C’est dans ces tranches d’âge que la perte linguistique est la plus significative. Concernant la transmission familiale, seuls 2 % des parents parleraient seulement en corse à leurs enfants, et 15% parleraient les deux langues à parité. Face à ce constat, la solution reste une action forte et résolue sur le long terme. Notre feuille de route exige un effort financier considérable. Nous devons relever le défi et continuer à nous inspirer des modèles glottopolitiques catalans et basques.
- Que comptez-vous faire ? Pensez-vous réussir, à court terme, à négocier un statut ?
- Au-delà du programme déjà engagé, nous proposerons rapidement un nouveau Cunsigliu di a Lingua, une convention avec l’Università, des actions fortes et d’ampleur dans le domaine sociétal. Cependant, les marges de manœuvre de ces quelques mois de 2017 sont réduites, et pour cause ! Il faut, néanmoins, accentuer l’action de la CTC, y compris dans un contexte électoral dense et la préparation de la collectivité unique. La véritable négociation sur le statut de coofficialité sera vraisemblablement confortée par une confirmation de la victoire du courant nationaliste aux prochaines Territoriales. Aujourd’hui, qui est capable de porter une stratégie de coofficialisation et engager une lutte quotidienne de tous les instants sur tous les fronts contre tous les obstacles juridiques déjà identifiés, si ce ne sont pas les Nationalistes ?
Propos recueillis par Nicole MARI.